L’Horloge, Baudelaire : commentaire

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l'horloge baudelaire commentaireVoici un commentaire du poème « L’Horloge » de Charles  Baudelaire extrait de la seconde édition des Fleurs du Mal parue en 1861.

L’Horloge, Baudelaire : introduction

« L’Horloge », dernier poème de la section « Spleen et Idéal« , appartient au cycle de poèmes sur le temps, parmi lesquels « L’Ennemi », « Chant d’automne » ou « Le Goût du néant ».

« l’Horloge » signe la victoire du spleen sur l’idéal à travers l’image d’un temps tout-puissant et destructeur qui précipite l’homme vers la mort.

Questions possibles à l’oral de français sur  « L’Horloge » de Baudelaire :

♦ Comment le temps est-il représenté par Baudelaire dans « L’Horloge » ?
♦ Commentez les nombreuses images liées au temps. Quels sont leurs effets ?
♦ Que peut-on dire de la composition du poème « L’Horloge » et de sa progression ?

Annonce du plan :

Baudelaire reprend ici le thème traditionnel de la fuite du temps (I), mais innove en présentant une vision du temps particulièrement dramatique et angoissante (II) qui met en relief le tragique de la condition humaine (III).

I – Un poème sur la fuite du temps

A – Un temps omniprésent

Le temps apparaît dans « L’Horloge » comme un motif obsessionnel.

Son omniprésence est marquée tout d’abord à travers un riche champ lexical du temps et de la durée : « Horloge » (v. 1), « bientôt » (v. 4), « instant », « saison » (v. 7-8), « heure », « la Seconde » (v. 9), « Maintenant », « Autrefois » (v. 11), « les minutes » (v. 15), « le Temps » (v. 17), « le jour », « la nuit » (v. 19), « la clepsydre » (v. 20), « l’heure » (v. 21), « trop tard » (v. 24).

Le temps est désigné à travers ses différentes unités : de l’ « instant » (v. 7) à « l’heure » (v. 9, 21) puis des « minutes » (v. 15) à « la Seconde » (v. 9), du « jour » et de « la nuit » (v. 19) à la « saison » (v. 8).

Ensuite, la majorité des temps est employée : présent d’énonciation (v. 2, 10-11, 14, 19), passé composé (v. 12), futur proche (v. 4-5, 21, 24).

En outre, le temps est représenté par le symbole de l’horloge, instrument qui permet de mesurer le temps. C’est d’ailleurs le premier mot du poème, marqué par une apostrophe : « Horloge ! » (v. 1).

La composition même du poème est placée sous le signe de l’horloge. En effet, constitué de six strophes de quatre alexandrins chacune (soit 24 vers), le poème est à l’image d’un cadran d’horloge : chaque vers équivaut à une heure.

De plus, le rythme régulier de la majorité des vers (6/6) imite le tic-tac de l’horloge : « Les vibrantes Douleurs/dans ton cœur plein d’effroi », « Se planteront bientôt/comme dans une cible » (v. 3-4), « Chaque instant te dévore/un morceau du délice », « A chaque homme accordé/pour toute sa saison » (v. 7-8).

B – La mise en relief du passage du temps

De nombreux adverbes de temps mettent en relief l’avancée inexorable du temps : « bientôt » (v. 4), « toujours » (v. 20), « tantôt » (v. 21), « encor » (v. 22). Ils soulignent l’idée de compte à rebours.

Le passage  du temps est également marqué par l’opposition entre passé et présent : « Maintenant dit : Je suis Autrefois » (v. 11).

On retrouve la même opposition dans la confrontation entre l’horloge (instrument moderne) et la clepsydre (ancien instrument servant à mesurer l’écoulement du temps).

D’autre part, les enjambements imitent l’écoulement du temps et ont un effet d’accélération : v. 1 à 2, 3 à 4, 9 à 10, 15 à 16, 17 à 18.

L’accélération du temps est aussi marquée par l’emploi de l’adjectif « Rapide » (v. 10) et la reprise de « Souviens-toi ! », leitmotiv de plus en plus répété à mesure que le poème avance (vers 2, 10, 13, 17, 19).

Cette accélération atteint son paroxysme au dernier vers à travers l’expression : « trop tard » (v. 24) qui vient marquer à la fois la fin du sursis, du poème et de la vie.

Transition : Si la fuite du temps est un thème traditionnel en poésie, Baudelaire innove ici en présentant une vision du temps particulièrement dramatique et angoissante.

II – La dramatisation du temps

A – La personnification du temps

Dans le poème « L’Horloge », le temps est personnifié, ce qui est mis en valeur par la présence des majuscules : « la Seconde » (v. 9), « Maintenant », « Autrefois » (v. 11), « le Temps » (v. 17).

Le temps est à la fois animalisé et humanisé :
« Chaque instant te dévore » (v. 7),
« la Seconde/Chuchote »,
« Rapide, avec sa voix/D’insecte, Maintenant dit » (v. 11);
« le Temps est un joueur avide »
(v. 17).

L’horloge est présentée dès les premiers vers comme un « dieu sinistre, effrayant, impassible,/Dont le doigt nous menace » (v. 1-2).

De plus, Baudelaire lui donne la parole. L’horloge s’exprime ainsi au discours direct dès le deuxième vers : « et nous dit : « souviens-toi !  » (v. 2).

A partir du vers 5 chaque strophe est précédée de guillemets marquant le discours de l’horloge.

La prosopopée (figure qui consiste à faire parler une personne morte ou absente, un animal, une chose personnifiée ou une abstraction) de l’horloge rend le discours plus vivant et interpelle le lecteur.

B – Un temps vampirique

Mais ce qui marque particulièrement, c’est la représentation d’un temps vampirique qui boit l’existence de l’homme à toute vitesse :

« Chaque instant te dévore un morceau du délice » (v. 7);
« Et j’ai pompé ta vie avec ma trompe immonde »
(v. 12) (L’harmonie imitative du vers 12 souligne la violence du temps à travers des sonorités brutales.)
« Le Temps est un joueur avide » (v. 17);
« Le gouffre a toujours soif »
(v. 20).

De plus, le parallélisme des vers 19 et 20 qui oppose le vide et le plein renforce l’image du temps qui, comme un vampire, se remplit de la substance vitale de l’homme et le vide de sa vie, dans un rapport de cause à effet : « Le jour décroît ; la nuit augmente », « Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide ». Le rapport de cause à effet est  marqué visuellement dans ces deux phrases par le point-virgule.

III – Un poème sur le tragique de la condition humaine

A – La dimension tragique du poème

On trouve dans ce poème les caractéristiques d’une tragédie classique : l’horloge est comme l’oracle qui prédit à l’homme sa destinée et l’avertit de la puissance divine du temps qui le menace.

On note d’ailleurs la présence du vocabulaire traditionnel de la tragédie classique : « dieu sinistre » (v. 1), « divin Hasard », « auguste Vertu » (v. 21-22).

Ces épithètes traditionnelles apportent au poème une tonalité solennelle.

La solennité passe également par le style incantatoire du poème, qui transparaît par exemple dans le rythme ternaire des vers 1, 15, 19 et 24 et dans les sonorités comme les allitérations en « s » et en « m » et les assonances en « an »  : « dieu sinistre, effrayant, impassible/Dont le doigt nous menace », « Les vibrantes Douleurs dans ton cœur plein d’effroi/Se planteront bientôt comme dans une cible » (v. 1 à 4), « ainsi qu’une sylphide au fond de la coulisse »

L’incantation opère comme un sortilège et fait du temps une entité ensorcelante.

B – L’impuissance de l’Homme

Face au temps « Qui gagne sans tricher, à tout coup » (v. 18), l’homme demeure impuissant et subit l’écoulement de sa vie.

Ainsi, la progression du poème est marquée par la fatalité : « à tout coup! c’est la loi » (v. 18), « Le gouffre a toujours soif » (v. 20), « il est trop tard ! » (v. 24).

L’Homme est d’autant plus impuissant que, trop tourné vers les plaisirs et l’oisiveté, il ne prend pas la mesure de la préciosité du temps qui lui est accordé.

L’homme est alors présenté comme un « vieux lâche » (v. 24) qui attend le dernier moment pour se repentir de son existence peu vertueuse (puisque la vertu est comparée à une « épouse encor vierge », v. 22).

Le vocabulaire familier et prosaïque de l’apostrophe finale (« Meurs, vieux lâche ! ») rompt avec la solennité du poème et souligne cruellement le caractère dérisoire de l’existence humaine.

C – Une mise en garde universelle

Dans ce poème, L’Horloge ne s’adresse pas seulement au poète mais à tous les hommes. En témoigne le « nous » d’inclusion au vers 2 (« nous menace » ) et la langue universelle parlée par l’Horloge (« Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor ! / Mon gosier de métal parle toutes les langues ! » )

La portée universelle du poème est renforcée par l’emploi d’un vocabulaire abstrait d’ordre moral, psychologique et philosophique, qui est allégorisé : « Les vibrantes Douleurs » (v. 3), « Le Plaisir vaporeux » (v. 5), « le Temps est un joueur avide » (v. 17), « le divin Hasard », « l’auguste Vertu », « le Repentir » (v. 21-23).

L’image de la coulisse au vers 6 (« Ainsi qu’une sylphide au fond de la coulisse ») reprend la thématique baroque du lien entre le théâtre et la vie.

Or sur ce théâtre qu’est la vie, grandeur et dérision se côtoient. C’est ce que souligne l’ironie finale de Baudelaire dans l’apostrophe du dernier vers : « Meurs, vieux lâche ! » . La rupture de rythme (on passe d’un rythme binaire à un rythme ternaire) et le changement de ton (du ton solennel au prosaïsme) souligne le caractère dérisoire de l’existence humaine, mais masque sans doute aussi l’angoisse du Néant du poète.

L’Horloge, conclusion :

Dans « L’Horloge », qui clôt la section Spleen et Idéal, Baudelaire reprend le thème traditionnel de la fuite du temps.

Il en donne toutefois une représentation particulièrement dramatique et angoissante : le temps y est représenté comme l’ennemi tout-puissant de l’homme, ravageur et destructeur, face auquel l’homme impuissant s’engage dans une lutte perdue d’avance.

La dimension dramatique et tragique du poème lui confère une portée  exemplaire qui le distingue d’autres poèmes du recueil : Baudelaire fait prendre conscience au lecteur de la vanité de l’existence et des plaisirs qui le précipitent vers le Néant.

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Amélie Vioux

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22 commentaires

  • Bonjour Amélie,
    J’aimerais savoir si il est possible de faire un rapprochement entre le poème « L’Horloge » et le tableau « La persistante de la mémoire » de Dalí

  • Bonjour, je tiens à préciser qu’il s’agit de l’horloge tiré des Fleurs du mal, et non L’horloge du spleen de Paris, car oui Baudelaire à écrit deux poèmes appelés « l’horloge », dans deux recueils différents. ( pour ceux comme moi qui on lut trop rapidement et qui on pas vu que c’est pas forcément le bon texte)
    Sinon ces commentaires sont géniaux, merci beaucoup 🙂

  • Bonjour, je dois réaliser une anthologie de poèmes, et j’aimerais bien l’illustrer. Pouvez-vous m’indiquer le titre du tableau en haut de la page s’il vous plaît ?
    Merci d’avance

  • Bonjour Amélie cette introduction est elle valide pour l’oral du bac?
    Ma professeur de français m’a donné une méthode qui ne correspond pas à la vôtre

  • Bonjour Amélie, je voudrai vous posez une question, la voici :
    Pourquoi pouvons nous mettre en relation l’Horloge avec Dom Juan
    Merci d’avance

  • Ton site est vraiment pertinent!! Nous pouvons apprendre pleins de choses avec beaucoup de pédagogie et avec simplicité! Un grand merci, tu m’as été d’une grande aide, je reviendrai!

  • Bonjour Amélie!

    Peut-on voir dans les vers 15 et 16 une sorte de Carpe Diem?
    Serait-ce aller trop loin que de dire 24 vers = 24 heures de la journée? Une journée = métaphore d’une vie? D’où le dernier vers (qui représenterait le moment de la mort): « il est trop tard »?
    (Désolée pour l’explication un peu « mathématiques », je n’ai malheureusement pas ton don pour les explications claires!).

  • Bonjour Amélie,

    Dans ton résumé de La Cantatrice Chauve de Ionesco, tu fait mention de l’horloge dont tu parleras de l’importance dans un autre résumé. Malheureusement, je ne trouve pas ce document. Pourrais-tu m’aider à le trouver ou m’expliquer l’importance de l’horloge dans cette pièce s.v.p.?

    Merci

  • Ahah ce poème me rappelle mon oral de français passé l’année dernière !
    Ce n’était pas le texte que j’espérais (pas le plus facile à mon goût) mais finalement je m’en suis très bien sortie ! Par contre, l’examinateur m’avait proposé une question axée sur la notion du Spleen et de l’Idéal de Baudelaire, comme quoi il peut exister une multitude de problématiques pour un seul texte !
    Sinon très bon plan, très bons éléments, qui sont pratiquement identiques au plan est aux éléments que j’avais étudiés l’année dernière, et pour dire j’ai utilisé le même durant mon oral !

  • Je suis un peu resté étudiant. A 62 ans dans quelques jours, je trouve votre travail remarquable,

    pédagogique, fouillé, travaillé…..

    Je vous lis par plaisir, en découverte ou redécouverte !

  • Je suis un peu resté étudiant. A 62 ans dans quelques jours, je trouve votre travail remarquable,
    pédagogique, fouillé, travaillé….Je vous lis par plaisir, en découverte ou en redécouverte. Merci !

  • bonjour Amélie je suis tres chanceux de tomber sur votre site . franchement c est tres important pour nous les etudiants non francais d’avoir un site pareil avec un prof telle que vous. j ai conseiller pas mal d amis qui ont besoin de ce genre de travail que vous effectuez . sincerement on te remercie. bon courage.

    • Bonjour Amina,
      Merci pour ton message. Je suis ravie de savoir que mon site aide également les étudiants étrangers qui étudient la langue française. Bonne continuation dans tes études !

  • Bonjour Amélie, je voulais juste vous dire merci pour tous ce que vous faîtes pour vous. Vos vidéos sont claires et très utiles et vos commentaires très précieux. J’ai recommandé vote site autour de moi. Je vais continuer à venir toute l’année 🙂

Répondre à Claire X