La lettre de Gargantua à Pantagruel : le texte

La lettre de Gargantua à Pantagruel apparaît au chapitre 8 de Pantagruel de Rabelais. François Rabelais, par l’intermédiaire de Gargantua, y propose sa conception de l’éducation idéale.

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Lettre de Gargantua à Pantagruel, chapitre 8 de Pantagruel

C’est pourquoi, mon fils, je t’admoneste qu’emploies ta jeunesse à bien profiter en études et en vertus. Tu es à Paris, tu as ton précepteur Epistemon, dont l’un par vives et vocales instructions, l’autre par louables exemples, te peuvent endoctriner. J’entends et veux que tu apprennes les langues parfaitement: premièrement la Grecque, comme le veut Quintilien, secondement la Latine, et puis l’Hébraïque pour les Saintes Lettres, et la Chaldaïque et Arabique pareillement ; et que tu formes ton style, quant à la Grecque, à l’imitation de Platon, quant à la Latine, à Cicéron. Qu’il n’y ait histoire que tu ne tiennes en mémoire présente, à quoi t’aidera la Cosmographie de ceux qui en ont écrit. Des arts libéraux : géométrie, arithmétique et musique, je t’en donnai quelque goût quand tu étais encore petit, en l’âge de cinq à six ans ; poursuis le reste, et d’astronomie saches-en tous les canons. Laisse-moi l’astrologie divinatrice et l’art de Lullius, comme abus et vanités. Du droit civil, je veux que tu saches par cœur les beaux textes et me les confères avec philosophie.

Et, quant à la connaissance des faits de nature, je veux que tu t’y adonnes avec soin ; qu’il n’y ait mer, rivière, ni fontaine, dont tu ne connaisse les poissons, tous les oiseaux de l’air, tous les arbres, arbustes et buissons des forêts, toutes les herbes de la terre, tous les métaux cachés au centre des abîmes, les pierreries de tout Orient et Midi : rien ne te soit inconnu.

Puis, soigneusement pratique les livres des médecins grecs, arabes et latins, sans mépriser les Talmudistes et Cabalistes, et par fréquentes anatomies acquiers-toi parfaite connaissance de l’autre monde, qui est l’homme. Et par quelques heures du jour commence à visiter les saintes lettres, premièrement en grec le Nouveau Testament et Épîtres des Apôtres, et puis en Hébreu le Vieux Testament. Somme, que je voie un abîme de science. […] Mais – parce que, selon le sage Salomon, sapience n’entre point en âme méchante et science sans conscience n’est que ruine de l’âme -, il te convient servir, aimer et craindre Dieu, et en lui mettre toutes tes pensées et tout ton espoir, et par foi formée de charité être à lui adjoint, en sorte que jamais n’en sois désemparé par péché. Prends garde aux tromperies du monde, ne t’adonne pas à des choses vaines, car cette vie est passagère, mais la parole de Dieu demeure éternellement. Sois serviable envers ton prochain, et aime-le comme toi-même. Respecte tes précepteurs, fuis la compagnie des gens à qui tu ne veux pas ressembler, et ne gaspille pas les grâces que Dieu t’a données. Et quand tu t’apercevras que tu disposes de tout le savoir que tu peux acquérir là-bas, reviens vers moi, afin que je te voie et te donne ma bénédiction avant de mourir. Mon fils, que la paix et la grâce de notre Seigneur soient avec toi. Amen.

D’Utopie, le dix-sept mars,
ton père, Gargantua.

Rabelais, Pantagruel, 1532

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