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Voici une analyse linéaire pour l’oral de français de la lettre 34 issue des Lettres d’une Péruvienne de Françoise de Graffigny.
Il s’agit de la lettre 34 ajoutée lors de la réédition de 1752. Deux extraits de la lettre 34 sont analysés ici :
- L’extrait qui va du début de la lettre à «
une espèce de politesse que l’on rend par habitude
» (extrait n°1) - L’extrait qui va de «
En général, il me semble que les femmes naissent ici » à « nous nous apercevons du cas que l’on fait de nous.
» (extrait n°2)
Lettres 34, introduction
Françoise de Graffigny publie les Lettres d’une Péruvienne en 1747 après avoir tenté une carrière dans l’écriture théâtrale et fréquenté les salons où elle a rencontré Voltaire, Marivaux, Rousseau, d’Alembert et Diderot. Son roman rencontre un succès considérable.
En 1752, elle publie une nouvelle édition qui présente des modifications substantielles, notamment des ajouts. (Voir la fiche de lecture complète pour le bac de français sur Lettres d’une Péruvienne)
C’est le cas pour la lettre 34 qui aborde le thème de l’éducation des filles, déjà traité par Fénelon en 1687 dans De l’Education des filles.
Problématique
Comment Françoise de Graffigny utilise-t-elle la lettre 34 pour dénoncer la condition des femmes et ouvrir une voie vers leur émancipation ?
Extrait n°1 – Du début de la lettre à « une espèce de politesse que l’on rend par habitude
«
Extrait étudié :
Il m’a fallu beaucoup de temps, mon cher Aza, pour approfondir la cause du mépris que l’on a presque généralement ici pour les femmes. Enfin je crois l’avoir découverte dans le peu de rapport qu’il y a entre ce qu’elles sont et ce que l’on s’imagine qu’elles devraient être. On voudrait, comme ailleurs, qu’elles eussent du mérite et de la vertu. Mais il faudrait que la nature les fît ainsi ; car l’éducation qu’on leur donne est si opposée à la fin qu’on se propose, qu’elle me paraît être le chef-d’œuvre de l’inconséquence française.
On sait au Pérou, mon cher Aza, que, pour préparer les humains à la pratique des vertus, il faut leur inspirer dès l’enfance un courage et une certaine fermeté d’âme qui leur forment un caractère décidé ; on l’ignore en France. Dans le premier âge, les enfants ne paraissent destinés qu’au divertissement des parents et de ceux qui les gouvernent. Il semble que l’on veuille tirer un honteux avantage de leur incapacité à découvrir la vérité. On les trompe sur ce qu’ils ne voient pas. On leur donne des idées fausses de ce qui se présente à leurs sens, et l’on rit inhumainement de leurs erreurs ; on augmente leur sensibilité et leur faiblesse naturelle par une puérile compassion pour les petits accidents qui leur arrivent : on oublie qu’ils doivent être des hommes.
Je ne sais quelles sont les suites de l’éducation qu’un père donne à son fils : je ne m’en suis pas informée. Mais je sais que du moment que les filles commencent à être capables de recevoir des instructions, on les enferme dans une maison religieuse, pour leur apprendre à vivre dans le monde ; que l’on confie le soin d’éclairer leur esprit à des personnes auxquelles on ferait peut-être un crime d’en avoir, et qui sont incapables de leur former le cœur qu’elles ne connaissent pas.
Les principes de la religion, si propres à servir de germe à toutes les vertus, ne sont appris que superficiellement et par mémoire. Les devoirs à l’égard de la divinité ne sont pas inspirés avec plus de méthode. Ils consistent dans de petites cérémonies d’un culte extérieur, exigées avec tant de sévérité, pratiquées avec tant d’ennui, que c’est le premier joug dont on se défait en entrant dans le monde, et si l’on en conserve encore quelques usages, à la manière dont on s’en acquitte, on croirait volontiers que ce n’est qu’une espèce de politesse que l’on rend par habitude à la divinité. […]
I – Un regard ironique sur l’éducation des filles en France
Françoise de Graffigny aborde le sujet de l’éducation des filles en France par une approche globale signalée par l’adverbe « généralement ».
L’adverbe « ici » ancre le discours dans une réalité sociale : celle des moeurs françaises.
Cet art de l’observation se manifeste dans la structure syntaxique comparative : « peu de rapport qu’il y a entre ce qu’elles font et ce qu’on s’imagine qu’elles devraient être
». Zilia adopte une posture d’enquêtrice comme le suggère le verbe « découvert » qui traduit un regard perçant et acéré sur la société française.
La jeune péruvienne insiste sur le décalage entre l’attente sociale et morale envers les femmes et les moyens dédiés à leur éducation. Les termes « mérite » et « vertu » révèlent ainsi l’attente très forte de la société à l’égard des femmes. Or leur rôle fondamental dans la bonne marche de la société est entravé par une éducation défaillante.
Françoise de Graffigny souligne avec ironie l’absence d’éducation : « Mais il faudrait que la nature les fît ainsi
». L’irréel du présent et l’antithèse « nature » / « éducation » mettent en évidence l’écart entre la réalité – une éducation lacunaire – et les qualités qu’on attend des filles.
L’ironie se poursuit avec l’adverbe intensif « si » et l’expression « chef-d’œuvre de l’inconséquence française »
, qui associe comiquement un terme laudatif (« chef-d’œuvre ») et un terme péjoratif (« inconséquence ») pour souligner à quel point les Français excellent dans leur échec éducatif.
Graffigny dénonce une éducation qui, au lieu de guider les jeunes filles vers le but qu’on leur assigne, les égare dans un chemin sans issue (« si opposée à la fin qu’on leur propose
»).
B – Une éducation médiocre
Zilia reprend la casquette de sociologue et d’ethnologue comparatiste en analysant le système éducatif des Incas. Elle estime que comme au Pérou, l’éducation devrait être le moyen de conduire à la vertu. La préposition « pour » signale que l’éducation inca s’inscrit dans une finalité (« préparer les humains à la vertu
»).
Cette conception morale de l’éducation implique des moyens à la hauteur traduits par les termes relevant du registre épique : « courage », « fermeté d’âme », « caractère décidé ». Pour Zilia, l’éducation est un combat destiné à arracher les hommes à leur nature, tournée vers la mollesse, l’indolence et la propension aux vices.
Or Zilia opère un effet d’inversion : ce ne sont pas les Français mais les Incas qui préparent à la vertu et au courage. La phrase courte « on l’ignore en France » introduit une rupture de rythme et s’inscrit dans le registre satirique. Le pronom indéfini « on » dans cette phrase crée un effet de massification il renvoie à une collectivité entière, présentée comme insensible aux valeurs morales. Ainsi, la France, qui se targue à l’époque des Lumières d’être le phare du monde, se voit réduite au verbe « ignore ».
C – Une éducation qui pervertit les âmes
Zilia analyse ensuite la conception française de l’éducation en adoptant une logique chronologique (« Dans le premier âge ») pour en saisir toutes les étapes.
Le verbe « paraissent » trahit déjà une éducation placée sous le signe de la duplicité et de l’apparence.
Le terme « divertissement » rappelle le philosophe Blaise Pascal (XVIIème siècle) et suggère par son étymologie (divertere en latin = détourner) que l’éducation à la française détourne les enfants des vertus qu’elle devrait enseigner.
Pire, l’éducation n’a même pas pour finalité les enfants eux-mêmes mais leurs parents et ceux qui les gouvernent comme le montre le complément de nom « au divertissement des parents et de ceux qui les gouvernent ». L’éducation des enfants, superficielle et fondée sur les apparences, crée des êtres de spectacles pour divertir les personnes qui entourent les enfants.
Zilia reprend le pronom indéfini « on » qui maintient la verve satirique (« On leur donne des idées fausses…
« ). Le champ lexical de l’illusion (« divertissement », « trompe », « ils ne voient pas », idées fausses », « leurs erreurs »
) souligne l’erreur dans laquelle s’enferme cette vision de l’éducation.
L’enfant dans l’erreur devient un spectacle divertissant et joyeux comme le champ lexical du spectacle : « on rit », « puérile compassion », « petits accidents »
. L’enfant est ainsi transformé en acteur de comédie. Françoise de Graffigny condamne fermement cette attitude, comme le souligne l’adverbe « inhumainement ».
La phrase « On augmente leur sensibilité et leurs faiblesses naturelles
» dénonce la perversion de l’éducation française : au lieu de corriger les défauts, elle les augmente. Or, selon l’esprit des Lumières, l’éducation doit libérer l’enfant des déterminations naturelles pour l’élever vers la culture et l’émancipation.
Graffigny constate que la France trahit cet idéal : « on oublie qu’ils doivent être des hommes
». Pour elle, sortir de la nature est une condition essentielle pour accéder à la liberté et à l’humanité. Au contraire, par négligence, l’éducation française laisse les enfants dans l’ignorance et les prive des moyens de s’émanciper.
D – Une critique des institutions éducatives religieuses
Fidèle à une démarche d’exactitude, Zilia suspend son jugement sur l’éducation des garçons (« Je ne sais… je n’en suis pas informée »
). Ce procédé rhétorique donne plus de crédibilité à ses propos, notamment à ce qui suit sur l’éducation des filles.
Zilia critique alors les institutions religieuses qui constituent au 18ème siècle l’un des seuls cadres éducatifs pour les filles.
Le verbe « enferme » assimile d’emblée le couvent à un lieu carcéral et introduit un premier paradoxe : on y séquestre les jeunes filles pour les préparer… à vivre dans le monde extérieur. ( voir l’antithèse « enferme » / « apprendre à vivre dans le monde »).
Un second paradoxe apparaît avec l’opposition « éclairer leur esprit » / « un crime d’en avoir » et « former le cœur qu’ils ne connaissent pas »
: les religieux prétendent transmettre ce qu’ils n’ont pas eux-mêmes, rendant l’éducation lacunaire, voire absurde.
Françoise de Graffigny dresse le portrait d’un univers religieux inapte à faire grandir les dimensions spirituelles et intérieures de l’être humain, comme le suggère le champ lexical de l’intériorité (« apprendre », « esprit », « cœur »).
Privé d’intériorité, les instances religieuses éducatives ne font fonctionner que la mémoire : « Les principes de la religion, si propres à servir de germe à toutes les vertus, ne sont appris que superficiellement et par mémoire
».
L’adverbe « superficiellement » suggère que l’éducation religieuse reste en surface et ne parvient pas à façonner l’intériorité profonde de l’homme.
La locution prépositionnelle « par mémoire » dévoile une assimilation passive des préceptes religieux qui empêche toute appropriation et développement de la vertu profonde.
Zilia critique ensuite la pratique des offices religieux, qu’elle désigne d’abord par l’expression solennelle « les devoirs à l’égard de la divinité »
, rappelant la gravité et le respect que devrait inspirer cette fonction.
Mais cette solennité est aussitôt tournée en dérision : l’adjectif « petites » dans « petites cérémonies » réduit les offices à des pratiques insignifiantes, tandis que l’adjectif « extérieur » dans « culte extérieur » souligne l’absence de foi intérieure. Les offices apparaissent alors comme une simple mise en scène, un théâtre joué par les prêtres et les fidèles.
Ainsi, les offices religieux ne sont pas présentés comme des rites qui ravivent la foi, mais comme de simples habitudes, comme le suggère le champ lexical de la coutume (« usages », « politesse », « par habitude »).
L’emploi du terme mondain « politesse » détourne le sacré et réduit le rapport à Dieu à une logique d’échange, renforcée par le verbe « on s’en acquitte », qui évoque une dette réglée. Le champ lexical de la prison (« sévérité », « ennui », « joug », « on se défait »
) accentue encore le registre satirique : la religion devient une contrainte subie, sans véritable adhésion.
Extrait n°2 – De « En général, il me semble que les femmes naissent ici » à « nous nous apercevons du cas que l’on fait de nous. »
Extrait étudié
En général, il me semble que les femmes naissent ici, bien plus communément que chez nous, avec toutes les dispositions nécessaires pour égaler les hommes en mérite et en vertus. Mais, comme s’ils en convenaient au fond de leur coeur, et que leur orgueil ne pût supporter cette égalité, ils contribuent en toute manière à les rendre méprisables, soit en manquant de considération pour les leurs, soit en séduisant celles des autres. Quand tu sauras qu’ici l’autorité est entièrement du côté des hommes, tu ne douteras pas, mon cher Aza, qu’ils ne soient responsables de tous les désordres de la société. Ceux qui par une lâche indifférence laissent suivre à leurs femmes le goût qui les perd, sans être les plus coupables, ne sont pas les moins dignes d’être méprisés ; mais on ne fait pas assez d’attention à ceux qui, par l’exemple d’une conduite vicieuse et indécente, entraînent leurs femmes dans le dérèglement, ou par dépit, ou par vengeance.
Et en effet, mon cher Aza, comment ne seraient-elles pas révoltées contre l’injustice des lois qui tolèrent l’impunité des hommes, poussée au même excès que leur autorité? Un mari, sans craindre aucune punition, peut avoir pour sa femme les manières les plus rebutantes ; il peut dissiper en prodigalités aussi criminelles qu’excessives non-seulement son bien, celui de ses enfans, mais même celui de la victime qu’il fait gémir presque dans l’indigence par une avarice pour les dépenses honnêtes, qui s’allie très-communément ici avec la prodigalité. Il est autorisé à punir rigoureusement l’apparence d’une légère infidélité en se livrant sans honte à toutes celles que le libertinage lui suggère. Enfin, mon cher Aza, il semble qu’en France les liens du mariage ne soient réciproques qu’au moment de la célébration, et que dans la suite les femmes seules y doivent être assujetties.
Je pense et je sens que ce serait les honorer beaucoup que de les croire capables de conserver de l’amour pour leur mari malgré l’indifférence et les dégoûts dont la plupart sont accablées : mais qui peut résister au mépris?
Le premier sentiment que la nature a mis en nous est le plaisir d’être, et nous le sentons plus vivement et par degrés à mesure que nous nous apercevons du cas que l’on fait de nous.
Dans cet extrait, Zilia, et à travers elle Françoise de Graffigny, porte un regard critique sur l’inégalité de droit et de fait entre les hommes et les femmes.
I – Une égalité naturelle entre hommes et femmes
Françoise de Graffigny aborde ensuite la question de l’inégalité entre les hommes et les femmes, un thème déjà traité par Marie de Gournay dans Égalité des hommes et des femmes (1622), puis repris par une contemporaine de Graffigny, Madeleine de Puisieux, dans Le Triomphe des Dames (1751).
Zilia commence par affirmer une égalité naturelle : « les femmes naissent ici, avec toutes les dispositions nécessaires pour égaler…
». En employant deux substantifs à connotation épique « mérite » et « vertu », elle refuse de réserver la grandeur morale au seul modèle viriliste et chevaleresque. Les hommes et les femmes sont donc égaux en nature et, ce dont devrait découler une égalité en droit.
« Le terme « dispositions » renvoie à la nature : l’égalité entre hommes et femmes est donc naturelle.
L’inégalité observée en France relève, elle, de la culture, comme le suggère le verbe « ils contribuent », où le pronom « ils » (les hommes) désigne clairement les responsables conscients de cette inégalité.
Zilia propose ensuite une hypothèse explicative, appuyée sur le champ lexical du mépris (« orgueil », « méprisables », « manquant de considération », « séduisant »
). À la manière des moralistes du Grand Siècle, Graffigny va sonder le monde intérieur des hommes pour y traquer l’orgueil, véritable moteur de l’inégalité instituée.
Les hommes apparaissent alors comme des parodies de Pygmalion : loin de sculpter une statue idéale, ils façonnent leurs femmes en êtres superficiels et méprisables, afin de mieux assurer leur domination.
La domination masculine est explicitement affirmée par la formule : « ici l’autorité est entièrement du côté des hommes »
. Le mot « autorité », issu de la philosophie politique (auctoritas), désigne en principe un pouvoir qui, lorsqu’il est partagé, permet l’épanouissement et l’enrichissement. Or, Graffigny en dénonce ici la dérive : l’adverbe « entièrement » souligne une autorité exclusive et répressive, comparable à celle d’un tyran.
L’hyperbole « responsables de tous les désordres du monde »
renverse le sens attendu de l’autorité : au lieu de garantir l’ordre, l’homme devient la source du chaos. Par cette exagération satirique, Graffigny suggère même que ce déséquilibre va à l’encontre des lois de la nature et bouleverse l’harmonie du cosmos.
II – Mais une inégalité de fait et de droit entre hommes et femmes
Graffigny pénètre ensuite dans l’intimité des foyers pour montrer concrètement comment s’exerce cette tyrannie masculine.
Le champ lexical de l’immoralité (« lâche indifférence », « qui les perd », « dignes d’être méprisés », « conduite vicieuse », « indécente », « dérèglement », « dépit », « vengeance »
) révèle que les hommes, loin de guider leurs épouses, les entraînent volontairement vers le vice.
Ce rôle corrupteur est renforcé par le champ lexical de l’influence (« laissent suivre », « par l’exemple », « entraînent »
), qui souligne une responsabilité active. C’est une éducation inversée que les hommes font subir à leurs femmes : ils les pervertissent au lieu de leur servir de modèle de vertu.
Graffigny dénonce ensuite les profondes inégalités, tant de fait que de droit. Le champ lexical du droit (« injustice », « lois », « impunité », « aucune punition », « punir rigoureusement »
) met en évidence que le droit ne protège pas les femmes et entretient la domination masculine.
La question rhétorique « (…) comment ne seraient-elles pas révoltées contre l’injustice des lois qui tolèrent l’impunité des hommes »
, qui interpelle le lecteur, fait de Zilia une véritable avocate de la cause féminine. Enfin, l’antithèse « l’injustice des lois » révèle les contradictions et les dysfonctionnements du système juridique français concernant la place des femmes dans la société.
Plus qu’une avocate, Zilia se fait véritable juge de la loi. Elle sort ainsi de l’espace domestique pour analyser les perversions du droit de son époque et en dénoncer les failles, les insuffisances voire les erreurs.
En effet, Françoise de Graffigny met en lumière l’existence de deux justices : l’une, protectrice, réservée aux hommes ; l’autre, indigente et défaillante, imposée aux femmes.
Le champ lexical de l’immunité (« tolèrent l’impunité », « sans craindre aucune punition », « il est autorisé à punir »
) révèle que l’homme est placé au-dessus des lois : il bénéficie de tous les droits, y compris celui d’agir de manière immorale sans craindre de sanction.
Le champ lexical du crime illustre ainsi le comportement des hommes : « manières les plus rebutantes », « dissiper », « criminelles », « excessives », « il fait gémir », « sans honte », « libertinage »
.
Graffigny invite le lecteur à contempler un tableau pathétique : la périphrase « victime » désigne les femmes, tandis que le verbe « fait gémir » suggère la plainte des épouses méprisées par leurs maris.
L’homme apparaît comme un agent de chaos, comme le montre le champ lexical de la dépense (« dissiper », « prodigalités », « excessives », « dépenses », « prodigalité »
).
Par ses dépenses excessives, l’homme nie la propriété privée et détruit le fondement même de la société : « non seulement son bien, celui de ses enfants, mais aussi celui de la victime qu’il fait gémir »
. Cette phrase prend une dimension tragique, car elle montre que le mari condamne non seulement son épouse mais aussi toute sa descendance à la pauvreté. Son comportement agit comme une véritable malédiction qui pèse sur sa famille entière.
III – Une critique de l’institution du mariage
Le substantif « libertinage » souligne la perversion du lien conjugal tel qu’il est vécu dans la France du 18ᵉ siècle.
Graffigny reprend la périphrase ecclésiastique « les liens du mariage » pour mettre en valeur la dimension sacrée de l’union, mais elle déçoit aussitôt cette attente grâce à la tournure restrictive « ne… que » (« ne soient réciproques qu’au moment de la célébration »
). La critique du mariage se renforce par le recours au vocabulaire carcéral, avec l’attribut « assujetties », qui associe l’union conjugale à une forme d’enfermement.
Zilia met en valeur son discours en affirmant qu’il vient à la fois de la raison et du cœur (« Je pense et je sens »
).
L’antiphrase ironique (« ce serait les honorer beaucoup que de les croire capables de conserver de l’amour pour leur mari malgré l’indifférence et les dégoûts dont la plupart sont accablés »
) révèle en réalité la souffrance des femmes.
L’antithèse « amour / indifférence » met en lumière l’impossibilité de maintenir des sentiments sincères dans un mariage marqué par le mépris et le désintérêt.
Enfin, la question rhétorique « Mais qui peut résister au mépris ? »
donne à Zilia la posture d’une avocate des femmes, contraintes de subir une union vidée d’amour et dominée par l’indifférence, le mépris et le libertinage.
Zilia en revient à l’essentiel en évoquant, dans un vocabulaire presque mystique, le « plaisir d’être », expression que l’on retrouve également dans la dernière lettre du roman. Chez Françoise de Graffigny, ce « plaisir d’être » prend la forme d’une véritable démarche spirituelle : une communion avec la nature qui offre aux femmes une voie d’évasion hors de la prison du mariage, grâce à une évasion intérieure.
Lettre 34, conclusion
La lettre 34 de Lettres d’une Péruvienne est une lettre satirique sur la condition des femmes dans la France du XVIIIᵉ siècle.
À travers la voix de Zilia, Françoise de Graffigny dénonce les mécanismes qui maintiennent les femmes dans une dépendance sociale et morale : une éducation déficiente, des institutions religieuses complices et un mariage qui nie leurs droits.
En soulignant les effets pervers de ces systèmes, l’autrice met en lumière l’injustice des lois et la domination masculine, tout en proposant une réflexion sur les moyens d’émancipation par l’éducation, la raison et le développement spirituel.
Cette réflexion sur la condition féminine s’inscrit dans le mouvement des Lumières et rejoint les débats sur l’éducation des femmes menés par exemple par Condorcet dans son essai Sur l’admission des femmes au droit de cité publié en 1790.
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