Lettres d’une PĂ©ruvienne, Graffigny, Lettre 38 : analyse linĂ©aire

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Voici une analyse pour l’oral de français de la lettre 38 (la dernière lettre) de Lettres d’une PĂ©ruvienne de Françoise de Graffigny.

L’extrait Ă©tudiĂ© va de « c’est en vain que vous vous flatteriez de le faire … Â» jusqu’Ă  la fin de la lettre.

Introduction

Françoise de Graffigny publie les Lettres d’une Péruvienne en 1747 après avoir tenté une carrière dans l’écriture théâtrale et fréquenté les salons où elle a rencontré Voltaire, Marivaux, Rousseau, d’Alembert et Diderot.

Les Lettres d’une pĂ©ruvienne mettent en scène, dans le cadre d’un roman Ă©pistolaire, la dĂ©couverte de la France et de son peuple Ă  travers le regard de Zilia, une jeune Inca. (Voir la fiche de lecture complète pour le bac de français sur Lettres d’une PĂ©ruvienne)

Le Chevalier Déterville, amoureux de Zilia, a réussi à retrouver Aza, le prétendant péruvien de Zilia. Mais ce dernier a été infidèle et s’apprête à épouser une jeune espagnole, symbole de la colonisation de son esprit et de son âme.

DĂ©terville qui avait quittĂ© la France, annonce Ă  Zilia son retour dans l’espoir de l’épouser. Dans la lettre 38, qui constitue l’excipit du roman, la jeune pĂ©ruvienne dĂ©cide de lui faire part de sa dĂ©cision dĂ©finitive : renoncer Ă  l’amour, sans pour autant cĂ©der au dĂ©sespoir, et proposer une amitiĂ© fondĂ©e sur la sincĂ©ritĂ© et la confiance.

Extrait étudié

C’est en vain que vous vous flatteriez de faire prendre Ă  mon cĹ“ur de nouvelles chaĂ®nes. Ma bonne foi trahie ne dĂ©gage pas mes serments ; plĂ»t au ciel qu’elle me fĂ®t oublier l’ingrat ! mais quand je l’oublierais, fidèle Ă  moi-mĂŞme, je ne serai point parjure. Le cruel Aza abandonne un bien qui lui fut cher ; ses droits sur moi n’en sont pas moins sacrĂ©s : je puis guĂ©rir de ma passion, mais je n’en aurai jamais que pour lui : tout ce que l’amitiĂ© inspire de sentiments sont Ă  vous, vous ne la partagerez avec personne, je vous les dois. Je vous les promets ; j’y serai fidèle ; vous jouirez au mĂŞme degrĂ© de ma confiance et de ma sincĂ©ritĂ© ; l’une et l’autre seront sans bornes. Tout ce que l’amour a dĂ©veloppĂ© dans mon cĹ“ur de sentiments vifs et dĂ©licats tournera au profit de l’amitiĂ©. Je vous laisserai voir avec une Ă©gale franchise le regret de n’être point nĂ©e en France, et mon penchant invincible pour Aza ; le dĂ©sir que j’aurais de vous devoir l’avantage de penser ; et mon Ă©ternelle reconnaissance pour celui qui me l’a procurĂ©. Nous lirons dans nos âmes : la confiance sait aussi-bien que l’amour donner de la rapiditĂ© au temps. Il est mille moyens de rendre l’amitiĂ© intĂ©ressante & d’en chasser ennui.

Vous me donnerez quelque connaissance de vos sciences et de vos arts ; vous goĂ»terez le plaisir de la supĂ©rioritĂ© ; je le reprendrai en dĂ©veloppant dans votre cĹ“ur des vertus que vous n’y connaissez pas. Vous ornerez mon esprit de ce qui peut le rendre amusant, vous jouirez de votre ouvrage ; je tâcherai de vous rendre agrĂ©ables les charmes naĂŻfs de la simple amitiĂ©, et je me trouverai heureuse d’y rĂ©ussir.

CĂ©line en nous partageant sa tendresse rĂ©pandra dans nos entretiens la gaietĂ© qui pourrait y manquer : que nous resterait-il Ă  dĂ©sirer ?

Vous craignez en vain que la solitude n’altère ma santé. Croyez-moi, Déterville, elle ne devient jamais dangereuse que par l’oisiveté. Toujours occupée, je saurai me faire des plaisirs nouveaux de tout ce que l’habitude rend insipide.

Sans approfondir les secrets de la nature, le simple examen de ses merveilles n’est-il pas suffisant pour varier et renouveler sans cesse des occupations toujours agrĂ©ables ? La vie suffit-elle pour acquĂ©rir une connaissance lĂ©gère, mais intĂ©ressante de l’univers, de ce qui m’environne, de ma propre existence ?

Le plaisir d’être ; ce plaisir oubliĂ©, ignorĂ© mĂŞme de tant d’aveugles humains ; cette pensĂ©e si douce, ce bonheur si pur, je suis, je vis, j’existe, pourrait seul rendre heureux, si l’on s’en souvenait, si l’on en jouissait, si l’on en connaissait le prix.

Venez, DĂ©terville, venez apprendre de moi Ă  Ă©conomiser les ressources de notre âme, et les bienfaits de la nature. Renoncez aux sentiments tumultueux destructeurs imperceptibles de notre ĂŞtre ; venez apprendre Ă  connaĂ®tre les plaisirs innocents et durables, venez en jouir avec moi, vous trouverez dans mon cĹ“ur, dans mon amitiĂ©, dans mes sentiments tout ce qui peut vous dĂ©dommager de l’amour.

Problématique

Comment cet excipit propose-t-il une alternative aux illusions de l’amour en accord avec l’esprit des Lumières ?

Plan linéaire

Zilia Ă©voque tout d’abord son amour tragique pour Aza (I), dans lequel elle puise nĂ©anmoins une nouvelle forme d’affection qu’est l’amitiĂ© pour DĂ©terville (II).

Elle projette un futur utopique heureux avec DĂ©terville et sa soeur CĂ©line (III) et pose les bases d’une nouvelle sagesse prĂ©-romantique qui s’exprime dans le « plaisir d’ĂŞtre » .

I – Un amour tragique pour Aza

De « C’est en vain que vous vous flatteriez » Ă  « je n’en aurai jamais que pour lui Â»

La locution adverbiale « en vain » instaure d’emblée un ton de refus catégorique : Zilia oppose une fin de non-recevoir sans équivoque aux espoirs amoureux de Déterville.

Le terme « chaînes » renvoie la passion amoureuse à la captivité et à l’idée d’aliénation : l’amour apparaît comme un lien qui enferme.

L’adjectif « nouvelles » suggère quant à lui le risque d’un cycle sans fin, une souffrance qui se reproduirait inévitablement. Or, malgré la synecdoque « mon cœur » qui appartient au style galant, Zilia refuse d’être enfermée dans la répétition tragique des attachements amoureux.

Zilia demeure fidèle à son engagement initial lorsqu’elle affirme : « Ma bonne foi trahie ne dégage pas mes serments ». Le champ lexical de la fidélité souligne l’importance que Zilia accorde à la parole donnée.

Bien que trompĂ©e, elle refuse de se libĂ©rer de l’engagement pris avec Aza : ce lien prend valeur de contrat moral, presque sacrĂ©, qui ne peut ĂŞtre annulĂ© par la trahison d’Aza. La fidĂ©litĂ© de Zilia n’est pas seulement celle d’une amante Ă©plorĂ©e : elle devient ainsi le signe d’une intĂ©gritĂ© personnelle et d’une cohĂ©rence Ă©thique.

Ainsi, Zilia se retrouve dans une situation tragique : « plĂ»t au ciel qu’elle me fĂ®t oublier l’ingrat ! Â» Le ton exclamatif et le caractère imprĂ©catif donne Ă  cette phrase un caractère racinien (de Jean Racine, auteur tragique du XVIIème siècle).

La dimension tragique est renforcée par le rythme de la phrase, composée de douze syllabes, qui évoque l’alexandrin classique.

L’antonomase « l’ingrat », qui remplace le nom propre d’Aza, rĂ©duit celui-ci Ă  un dĂ©faut, comme si son identitĂ© entière se rĂ©sumait dĂ©sormais Ă  la trahison (l’antonomase est une figure de style par laquelle un personne est dĂ©signĂ© par un nom commun qui le caractĂ©rise).

Zilia dĂ©fend la cohĂ©rence de sa conduite lorsqu’elle affirme : « quand je l’oublierais, fidèle Ă  moi-mĂŞme, je ne serais point parjure ». L’irrĂ©el du prĂ©sent, Ă  valeur concessive, met en avant sa cohĂ©rence morale : mĂŞme en cas d’oubli de sa passion, elle demeurerait fidèle Ă  sa propre parole. La fidĂ©litĂ©, au-delĂ  de l’amour, devient ici un principe intĂ©rieur et sacrĂ©, qui tĂ©moigne de la noblesse de son caractère.

Cette gravité s’accentue encore dans l’expression « le cruel Aza ». Cette épithète, qui rappelle les formules homériques, traduit un basculement symbolique. Celui qui, dans les lettres précédentes, était associé à l’or — métal précieux et pur — est désormais assimilé au sang. Le terme « cruel » établit un lien avec la violence des conquérants espagnols. Par ce mot, Zilia suggère qu’Aza est devenu semblable à ses bourreaux : de figure idéale, il se transforme en reflet de l’oppression.

Zilia fait d’abord rĂ©fĂ©rence Ă  l’indissolubilitĂ© du lien matrimonial, principe dĂ©fendu par l’Église. Graffigny opère ainsi un renversement ironique Ă  l’égard des Français : DĂ©terville apparaĂ®t comme un tentateur qui l’attire vers le pĂ©chĂ©, alors que Zilia, malgrĂ© l’infidĂ©litĂ© d’Aza, reste liĂ©e par son engagement, comme si son union avec Aza Ă©tait sacrĂ©e et indestructible.

Les phrases suivantes prennent une coloration chrétienne, comme lorsqu’elle écrit : « je puis guérir de ma passion ». L’amour est alors présenté comme une maladie dont il faudrait se libérer.

Pourtant, Zilia nuance aussitôt cette perspective en affirmant que ce mal est incurable : « je n’en aurai jamais que pour lui ». Ainsi, l’héroïne se place dans une tension entre désir de guérison et fidélité absolue, ce qui confère à son discours une dimension à la fois tragique et morale.

Mais plutôt que de se laisser enfermer dans la douleur, Zilia opère un déplacement : elle substitue au vocabulaire de l’amour celui de l’amitié.

Le champ lexical de l’amitiĂ© (« amitiĂ© », « sentiments », « fidèle », « confiance », « sincĂ©ritĂ© ») traduit une recomposition affective : les valeurs de l’amour se transforment en vertus relationnelles durables, fondĂ©es sur la loyautĂ© et la transparence.

II – Une promesse d’amitié teintée de galanterie

De « tout ce que l’amitiĂ© inspire » Ă  « d’en chasser l’ennui Â»

L’anaphore de « vous » (« … est à vous, vous ne la partagerez avec personne, je vous les dois. Je vous les promets ») insiste sur la place accordée à Déterville.

Loin d’être rejetĂ© comme une personne importune, le chevalier DĂ©terville devient au contraire le destinataire privilĂ©giĂ© de cette nouvelle forme d’affection qu’est l’amitiĂ©. Zilia dĂ©crit ici une vĂ©ritable conversion intĂ©rieure : le verbe « tournera » marque le passage, presque alchimique, de l’amour vers l’amitiĂ©. DĂ©terville reçoit donc les promesses de cette amitiĂ© sincère et durable, mais sans pouvoir espĂ©rer davantage.

Néanmoins, les promesses de cette amitié conservent des accents galants qui brouillent la frontière entre amour et amitié.

La répétition du pronom personnel « vous » souligne que Déterville reste l’objet de toutes les attentions de Zilia. Cette amitié, loin d’être austère, se manifeste dans un registre lyrique. Les effets sonores de la formule « vous jouirez au même degré de ma confiance et de ma sincérité » créent une douce musicalité, qui contraste avec la rigueur morale annoncée au départ.

L’expression « l’une et l’autre seront sans bornes » introduit même une notion d’infini, davantage associée au discours amoureux qu’à celui de l’amitié. Zilia paraît donc sincère dans sa volonté de conversion intérieure, mais cette amitié trouve bien sa source dans l’amour : « Tout ce que l’amour a développé dans mon cœur de sentiments vifs et délicats tournera au profit de l’amitié ».

Le paradoxe est renforcé par la confession de son « penchant invincible pour Aza », qui souligne la fatalité tragique d’un amour indestructible.

En parallèle, elle manifeste sa gratitude envers Déterville, auquel elle doit son ouverture à une autre culture et à une autre manière de penser. Pour la première fois dans le roman, Zilia reconnaît même une distance avec son identité originelle, lorsqu’elle évoque « le regret de n’être point née en France ».

Le champ lexical de l’amour (« le désir que j’aurais », « éternelle reconnaissance ») et l’expression « Nous lirons dans nos âmes » relève du style galant et crée une atmosphère d’intimité et de partage.

Le style allĂ©gorique apparaĂ®t Ă©galement dans la formule « la confiance sait aussi bien que l’amour donner de la rapiditĂ© au temps », qui rapproche la confiance et l’amour jusqu’à presque les confondre. Enfin, le groupe nominal « mille moyens » et l’adjectif numĂ©ral « mille » s’inscrit dans le registre lyrique.

III – La mise en scène d’une utopie amoureuse

De « Vous me donnerez » Ă  « l’habitude rend insipide Â»

Zilia trace la feuille de route de leur relation Ă  venir. Elle place DĂ©terville dans une position de maĂ®tre : « Vous me donnerez quelques connaissances de vos sciences et de vos arts Â».

Ce maître n’est pas seulement scientifique ou technique, il touche aussi à la sensibilité artistique, ce qui fait de cette relation un véritable échange intellectuel et esthétique.

Cette relation est également marquée par la sensualité, comme le suggère le champ lexical du plaisir : « goûterez », « plaisir », « ornerez », « amusant », « jouirez », « agréables », « charmes ». Elle ne va pas à sens unique : les deux verbes « vous me donnerez » et « je le reprendrai » instaurent un échange intime.

Dans cette projection imaginaire, Déterville devient le Pygmalion de Zilia : « vous jouirez de votre ouvrage ». Le terme « votre ouvrage » renvoie en effet au mythe de Pygmalion raconté par Ovide dans Les Métamorphoses, où le sculpteur tombe amoureux de la statue qu’il a créée.

Puis Zilia fait rĂ©fĂ©rence Ă  « CĂ©line », la soeur de DĂ©terville, recrĂ©ant ainsi une sociĂ©tĂ© harmonieuse oĂą les rapports humains sont dĂ©passionnĂ©s et rĂ©sumĂ©s par le terme « tendresse Â». La question rhĂ©torique : « Que nous resterait-il Ă  dĂ©sirer ? » place cette scène imaginaire sous le signe de l’utopie.

Le terme « solitude » introduit un autre aspect de cette utopie : il ne s’agit pas d’isolement douloureux, mais d’un état d’autarcie choisi, permettant aux personnages de préserver leur bonheur.

Françoise de Graffigny renforce cette idée par une maxime morale : « elle ne devient dangereuse que par l’oisiveté ». La solitude, lorsqu’elle est active et réfléchie, n’est donc pas un défaut mais une condition du bien-être.

Enfin, la projection de leur vie commune est placée sous le signe de l’activité et de l’abondance, comme le montrent l’adverbe « toujours » et l’adjectif « nouveaux ».

IV – Le « plaisir d’ĂŞtre » : les bases d’une sagesse nouvelle

De « Sans approfondir » Ă  « dĂ©dommager de l’amour Â»

Zilia adopte ensuite une rhĂ©torique philosophique. Elle commence par une prĂ©tĂ©rition (la prĂ©tĂ©rition est une figure de style qui consiste Ă  attirer l’attention sur quelque chose en dĂ©clarant de pas en parler) : « Sans approfondir les secrets de la nature ».

Elle pose ainsi les bases d’une sagesse nouvelle, fondée sur une union quasi mystique avec la nature. Le champ lexical du mystère (« approfondir », « secrets », « merveilles », « toujours ») renforce cette dimension.

Cette union avec la nature repose sur le « simple examen » : Zilia se propose d’observer la nature directement, sans passer par le filtre de la raison, pour favoriser une expérience intuitive et immédiate. La locution adverbiale « sans cesse » traduit son désir de s’extraire du temps linéaire et d’entrer dans le cycle naturel de renouvellement.

Zilia crĂ©e un effet de miroir entre elle et la nature par la juxtaposition « de l’univers, de ce qui m’environne, de ma propre existence Â». La rĂ©pĂ©tition de la première personne du singulier souligne que l’observation de l’univers conduit Ă  l’observation de soi.

Cette union avec la nature se concentre dans une expression essentielle chez Françoise de Graffigny : « le plaisir d’être ». L’association d’un terme métaphysique relevant de l’intelligible (« être ») et d’un terme du sensible (« plaisir ») rapproche Graffigny d’une sensibilité préromantique que Rousseau exprimera plus tard dans Les Rêveries du promeneur solitaire.

La figure de l’épanode (reprise des derniers mots pour les prĂ©ciser) mime une forme d’extase mystique devant les beautĂ©s de la nature et illustre le « plaisir d’être Â» : « Le plaisir d’être, ce plaisir oubliĂ©, ignorĂ© mĂŞme » . Les Ă©chos sonores (oubliĂ© / ignorĂ©) donnent Ă  ce passage une musicalitĂ© lyrique qui fait de ce plaisir d’être un moment d’extase poĂ©tique. De mĂŞme, le parallĂ©lisme syntaxique (« cette pensĂ©e si douce, ce bonheur si pur » ) donne une impression d’équilibre et d’harmonie .

Le plĂ©onasme (rĂ©pĂ©ter des mots de mĂŞme sens) « je suis, je vis, j’existe » , soulignĂ© par l’auteur lui-mĂŞme par l’italique, dĂ©tourne le cĂ©lèbre cogito ergo sum du philosophe Descartes. En supprimant le « donc », Zilia substitue Ă  la dĂ©monstration rationnelle une expĂ©rience immĂ©diate et mystique de l’existence.

Enfin, le rythme ternaire (« si l’on s’en souvenait, si l’on en jouissait, si l’on en connaissait le prix Â») crĂ©e un effet de miroir avec celui de « je suis, je vis, j’existe Â» et donne une tonalitĂ© mystique..

Zilia prend un ton supplicatif par l’emploi rĂ©pĂ©tĂ© de l’impĂ©ratif : « Venez Â», « venez apprendre de moi Â», « Renoncez Â», « venez apprendre Â». Ces impĂ©ratifs ressemblent moins Ă  des ordres qu’Ă  des invitations, renforcĂ©es par l’apostrophe Ă  « DĂ©terville Â».

Zilia semble proscrire la passion, source de chaos : « Renoncez aux sentiments tumultueux, destructeurs imperceptibles de notre ĂŞtre Â» . NĂ©anmoins, sa lettre est nuancĂ©e par un ton galant, comme le montre le champ lexical du plaisir : « plaisirs Â», « innocents et durables Â», « jouir Â», « cĹ“ur Â», « sentiments Â».

Ainsi, Zilia dĂ©construit le discours amoureux tout en le reconstruisant, comme le suggère le champ lexical de l’amour : « cĹ“ur Â», « amitiĂ© Â», « sentiments Â», « amour Â».

La gradation cĹ“ur – amitiĂ© – sentiments suggère que le renoncement Ă  l’amour Ă©voquĂ© Ă  la fin de la lettre 38 n’est pas aussi ferme qu’il y paraĂ®t.

Enfin, le terme « amour Â», placĂ© en dernier mot du texte, rĂ©sonne comme un aveu implicite : malgrĂ© sa volontĂ© de s’en dĂ©tacher, Zilia ne semble pas parvenir Ă  clore dĂ©finitivement le registre amoureux.

Lettres d’une PĂ©ruvienne, excipit, conclusion

Cet excipit illustre toute l’ambiguïté du roman de Françoise de Graffigny.

Il propose d’abord une véritable leçon de sagesse en accord avec l’esprit des Lumières : célébration du « plaisir d’être », recherche d’une harmonie fondée sur l’amitié et esquisse d’une utopie débarrassée des illusions de la passion.

Pourtant, cette posture philosophique demeure fragile, car le texte reste imprégné du style galant et précieux : Zilia parle le langage de l’amitié, mais l’amour affleure sans cesse.

C’est là tout l’intérêt romanesque de cette œuvre : montrer comment une âme d’abord pure et naïve, confrontée aux codes de la société française, apprend le double langage, entre idéal moral et tentations sentimentales.

Ouverture possible : On peut rapprocher cette tension entre sagesse et passion d’autres héroïnes du XVIIIe siècle, comme Julie dans La Nouvelle Héloïse de Rousseau, qui tente également de concilier l’élévation morale avec l’irrésistible force du sentiment.

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