Dom Juan, Molière, acte 3 scène 1 : analyse

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dom juan molière acte 3 scène 1Voici le commentaire composé de l’acte III scène 1 de Dom Juan de Molière (1665).

L’extrait commenté va de « Mais laissons là la médecine, où vous ne croyez point » jusqu’à la fin de la scène « un petit mot, s’il vous plait » .

Pour mieux situer cet extrait dans l’œuvre, tu peux lire mon résumé de Dom Juan.

Dom Juan, Molière, acte 3 scène 1,  introduction de lecture analytique

Dans Dom Juan, représenté pour la première fois en 1665, Molière s’inspire de Tirso de Molina pour faire la peinture de Dom Juan, un libertin passant de conquêtes en conquêtes.

Molière donne de la profondeur à ce personnage baroque, symbole de l’inconstance et du changement.

Dans l’acte 3 scène 1, nous constatons ainsi que le libertinage de Dom Juan, loin de n’être qu’un libertinage amoureux, est aussi un libertinage philosophique.

Dans la scène 1 de l’acte 3, Sganarelle interroge Dom Juan sur ce qu’il croit. Représentant de la doctrine chrétienne (I), Sganarelle se perd dans une scène comique (II) qui souligne la victoire du libertin athée (III)

Questions possibles à l’oral de français sur l’acte 3 scène 1 de Dom Juan

♦ En quoi Sganarelle représente-t-il la voix de l’Eglise ?
Qui sort victorieux de cette scène 1 de l’acte III ?
♦ Etudiez le registre comique dans cette scène.
Sganarelle est-il convaincant dans cette scène ?

I – Sganarelle, représentant de la doctrine chrétienne

 A – La démarche inquisitrice de Sganarelle

Sganarelle joue dans cette scène le rôle d’un tribunal d’inquisition.

Il interpelle Dom Juan par une question théologique : « Est-il possible que vous ne croyiez point du tout au Ciel ? ».

Les nombreuses questions de Sganarelle et le champ lexical de la religion croyiez », « Ciel », « Enfer », « diable », « autre vie », « convertir ») montrent qu’il tente de sonder la foi de Dom Juan.

Mais l’anaphore du verbe « croire »croyiez », « Ne croyez-vous point », « qu’en croyez-vous », « qu’est-ce donc que vous croyez») dévoile une insistance proche d’une démarche inquisitrice.

Après un questionnement insistant, Sganarelle désapprouve la croyance de Dom Juan : « La belle croyance et les beaux articles de foi que voilà ! ». Les termes « belle » et « beaux » sont des antiphrases et le terme «article» fait penser au droit canon (= le droit adopté par les autorités catholiques). On a ainsi l’impression que Sganarelle juge la conformité de la croyance de Dom Juan à la doctrine chrétienne comme le ferait l’inquisition.

Le champ lexical de la folieétranges », « folies », « moins sage », « malice ») ainsi que le déterminant possessif « Votre religion » met la croyance de Dom Juan à distance. Comme un tribunal d’Inquisition, Sganarelle  juge la croyance de Dom Juan hérétique.

B – La volonté de prouver l’existence de Dieu

Sganarelle cherche à prouver l’existence de Dieu.

Sa conception de Dieu se situe dans la lignée de Saint Thomas d’Aquin : il voit Dieu comme un premier moteur et pense que la connaissance de la nature permet d’approcher Dieu et conforter la foi.

Sganarelle se fonde ainsi sur sur l’expérience pour prouver l’existence d’un être créateur comme le montre l’incise « par exemple ».

Ce désir de partir du vécu est accentué par les adjectifs démonstratifs « ces arbres-là », « ces rochers », « cette terre », « ce ciel » qui implique un jeu de scène où Sganarelle montre concrètement les éléments dont il parle.

L’anaphore du pronom personnel « vous » (« Vous voilà vous par exemple vous êtes là ») accentue cet ancrage dans l’expérience en impliquant Dom Juan.

Sganarelle utilise aussi le champ lexical de la nature : «arbres », « rochers », « terre », « ciel », « nerfs », « os », «veines », « artères », « poumon », « cœur », « foie ».

En évoquant toutes les sciences (géologie, astronomie, médecine), ile embrasse l’ensemble de la création pour mieux glorifier son auteur. Le champ lexical de l’admiration parsème ainsi sa démonstration : « admirer », « admirable », « ne sauraient expliquer », « merveilleux ».

Transition : Mais la démarche théologique de Sganarelle est invalidée par l’ironie et le comique de Molière qui se moque de cette démonstration.

II – Une scène comique et ironique

A – Une parodie de disputation

Une disputation est un débat polémique sur un sujet théologique. Ces disputations pouvaient autrefois durer des années.

A travers cette scène 1 de l’acte 3, Molière parodie ces disputations.

Sganarelle engage une disputation (« je me sens en humeur de disputer contre vous » ), mais il est incapable de tenir le langage soutenu qu’elle implique. Très rapidement, son langage se parsème de termes incongrus ou populaires qui créent une décalage comique : « champignon », « engrossé votre mère », « l’un dans l’autre ».

L’expression « tous ces autres ingrédients qui sont là » assimile la création de l’Homme à une recette culinaire, comparaison grossière très loin d’une disputation théologique.

Le silence de Dom Juan est aussi un décalage par rapport à la procédure de la disputation. Sganarelle lui rappelle naïvement les règles de l’exercice : « … Oh ! dame, interrompez−moi donc si vous voulez : je ne saurais disputer si l’on ne m’interrompt ».

En exhortant son adversaire à l’interrompre, Sganarelle montre qu’il ne fait que reproduire le caractère formel d’un exercice auquel il a déjà assisté mais qu’il est incapable de mener.

B – Une parodie de sermon

L’ambition de Sganarelle n’est pas seulement de prouver l’existence de Dieu. Il souhaite convertir Dom Juan comme un prêcheur qui fait un sermon pour convertir son auditoire : « Voilà un homme que j’aurai bien de la peine à convertir ».

Pour ce faire, Sganarelle structure son discours en s’inspirant de la rhétorique ecclésiastique (=la rhétorique du sermon) :

♦  La première phrase, exclamative, est un exorde (=début) accrocheur grâce à l’emploi de l’ironie : « La belle croyance et les beaux articles de foi que voilà ! »

♦ La seconde phrase, interrogative, pose le sujet du sermon : « Votre religion, à ce que je vois, est donc l’arithmétique ? ».

♦ La troisième phrase reprend un topos classique de la Bible et de la littérature religieuse : l’antithèse entre la sagesse (« bien moins sage ») et la folie (« étranges folies »).

♦ Sganarelle fait ensuite preuve de modestie pour capter la bienveillance de Dom Juan : « Pour moi, Monsieur, je n’ai point étudié comme vous…mon petit jugement » . La répétition de l’adjectif « petit » et la tournure négative « je n’ai point étudié comme vous » dévoile sa stratégie : se dévaloriser pour attirer la bienveillance de l’adversaire.

♦ Enfin, Sganarelle use de l’apostrophe, de la modalité interrogative et de l’anaphore  du pronom personnel « vous » pour créer une tension dramatique dans son discours.

Mais le christianisme de Sganarelle est mêlé à des croyances populaires et à de la superstition comme le montre la mention du « Moine bourru » et l’expression populaire « Dieu merci ».

Ensuite, sa célébration de la création reste vague : « quelque chose d’admirable », « quelque chose dans la tête », « cent choses différentes », « tout ce qu’elle veut ». L’imprécision de Sganarelle détruit l’efficacité de son discours.

Ces imprécisions conduisent même Sganarelle à défendre le contraire de ce qu’il souhaite : l’énumération des parties du corps (« ces nerfs, ces os, ces veines, ces artères, ces… ce poumon, ce coeur, ce foie ») donne une image plus mécaniste que spirituelle du corps.

Sganarelle transforme le corps humain en une « machine » et se rapproche plus, sans le vouloir, du rationalisme de Descartes que de la foi chrétienne.

C – Une scène de farce

Loin d’assister à un sermon solennel, le spectateur assiste à une scène de farce comme le montre l’énumération finale de verbes de mouvements : « frapper des mains, hausser le bras, lever les yeux au ciel, baisser la tête, remuer les pieds, aller à droit, à gauche, en avant, en arrière, tourner… (Il se laisse tomber en tournant.) ».

Ces mouvements sot accentués par les antithèses « droit/gauche », « avant/arrière » qui suggèrent une pantomime comique.

Les gestes « lever les yeux au ciel et baisser la tête » font songer à des gestes pieux mais le mouvement devient chaotique et incontrôlable: « remuer les pieds », « tourner » faisant de Sganarelle un pantin digne de la Commedia dell Arte.

D’ailleurs, la didascalie indique que Sganarelle « se laisse tomber en tournant » : cette chute farcesque symbolise aussi la chute de son raisonnement.

Les personnages sont en outre habillés en habit de campagne pour Dom Juan et en médecin pour Sganarelle. Cette inversion des rôles est typique de la farce.

Transition : Cette ironie de Molière à l’égard de Sganarelle met en valeur le libertinage philosophique de Dom Juan.

III – Le libertinage philosophique de Dom Juan

A – Le silence de Dom Juan

Le silence est la première arme de Dom Juan.

Dom Juan parle peu dans cette scène. Il répond à Sganarelle par des phrases brèves  (« Laissons cela » ), des onomatopées ou des interjections (« Eh ! », « Oui, oui ! », « Ah ! Ah ! Ah ! ») .

Dom Juan ne cherche même pas à déconstruire intellectuellement le discours de Sganarelle : il ne répond que par le rire, le silence et le mépris, laissant Sganarelle se perdre tout seul dans son discours.

Le valet n’est pas dupe et relève la stratégie de Dom Juan : « vous vous taisez exprès, et me laissez parler par belle malice » .

La réplique de Dom Juan « J’attends que ton raisonnement soit fini » montre la posture libertine du prédateur qui attend la chute de sa proie pour la dévorer.

L’ironie du terme « raisonnement » souligne aussi le calme de Dom Juan qui se moque silencieusement de son valet.

B – Le rationalisme de Dom Juan

Dom Juan oppose une autre conviction à Sganarelle : celle d’un rationalisme athée.

Dom Juan est un rationaliste car il se sert de la raison, et non de la foi, pour accéder à la connaissance.

Sa phrase « Je crois que deux et deux sont quatre, Sganarelle, et que quatre et quatre sont huit » résume toute sa pensée : il exclut la foi au profit d’un raisonnement logique et mathématique.

Dans cette phrase, le présent de vérité générale ainsi que l’emploi du verbe « être » (« sont » ), verbe philosophique par excellence, montre que Dom Juan formule bien à une philosophie.

Il faut néanmoins se garder de caricaturer le personnage de Dom Juan. Dom Juan ne nie pas ouvertement l’existence de Dieu.

Ainsi, on remarque que lorsque Sganarelle l’interroge, il a tendance à fuir la question : « Laissons cela » . Dom Juan apparaît comme un personnage riche qui ne se laisse pas enfermer si facilement dans une doctrine.

Dom Juan, Molière, acte III scène 1, conclusion

Dom Juan est un personnage de Molière qui, notamment par cette scène, accède au rang de mythe.

Molière continue à explorer le libertinage philosophique de Dom Juan dans la scène suivante, la célèbre scène du pauvre (acte III scène 2) dans laquelle Dom Juan tente de faire jurer un mendiant.

Les scènes 5 et 6 de l’acte V mettront toutefois en scène la punition de ce rationalisme athée dans une scène baroque où Dom Juan est foudroyé.

Tu étudies Dom Juan ? Regarde aussi :

Dom Juan, acte 1 scène 1 (analyse)
Dom Juan, acte 1 scène 2 (analyse)
Dom Juan, acte 5 scène 2 (analyse)
Dom Juan : le quiz
Le mouvement baroque (vidéo)

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Amélie Vioux

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15 commentaires

    • C’est expressément dit par Sganarelle à son avant-dernière réplique et est imagé par sa chute après le vers 117. D-J gagne ce duel grâce au silence qui fait abandonner Sganarelle.

  • je veux une explication sur la question de l’honneur entre Dom Carlos et Dom Juan acte III scène 3 merci et c’est quoi l’idée principale de cette scene?

  • bonjour je voudrais savoir pourquoi il et impossible de copier coller ,c’est dommage pour tout ceux qui ont juste besoin de quelques clefs d’analyses supplémentaires

  • Bonjour, je voulais savoir si vous aviez fait un commentaire pour l’acte 3 scène 5 (la scène où Dom Juan invite la statue de commandeur à manger) parce que ne le trouve pas ou pourriez vous en faire un s’il vous plait? Merci d’avance et merci également pour ce site formidable.

    • dans le marques du courant classique il y a le respect de la langue. que veut dire : équilibre et mesure en tout. pouvez vous me donner un exemple.
      peut-il y avoir souci des règles de la versification dans la pièce Don juan
      merci

  • Bonjour Amélie,
    Je me suis inscrit sur votre site il y a six semaines. J’ai reçu les commentaires 4, 5, 6 mais pas les trois premiers. Pourriez-vous me les envoyer ?
    Avec tous mes remerciements.
    Mathis

  • Tout d’abord, bravo pour votre excellent travail et votre site aide beaucoup de personnes dont moi 😉
    Pourriez vous faire un commentaire composé sur Les Mouches de Jean Paul Sartre, celui qui m’intéresserait le plus serait l’acte II scène 7?
    Merci d’avance.

  • Bonjour,
    Premièrement je voulais vous remercier pour ce commentaire très complet. Par la suite je me demandais pourquoi n’analyser vous pas des textes de Jean-Paul Sartre ? Est-ce un choix personnel ? Ses écrits sont-ils moins utiles que d’autres ? Sont-ils plus utilisés en philosophie ?
    merci d’avance pour votre réponse

  • Bonjour, merci déjà pour ce commentaire riche et compréhensible. Mon oral blanc de français est mardi et je me demandais, pendant l’entretien après l’exposé, nous passons sur les lectures complémentaires étudiées précédemment en cours ou sur d’autres lectures analytiques ? Car je ne sais pas si je dois réviser seulement mes lectures analytiques ou les complémentaires également. Merci d’avance pour la réponse.

    • Bonjour Alice,
      Les questions de l’entretien portent sur ton descriptif de lecture. L’examinateur peut donc te poser quelques questions sur les lectures complémentaires mais aussi sur les lectures analytiques. Néanmoins, il ne t’en demandera pas des analyses stylistiques poussées car l’entretien est là pour élargir la discussion et te permettre de mettre en valeur ta culture littéraire. N’hésite pas à regarder ma vidéo sur l’entretien au bac de français pour mieux anticiper les questions !

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