Ubu Roi, Alfred Jarry : acte V scène 4 (dénouement)

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ubu roi jarry dénouement acte 5 scene 4Voici une analyse de l’acte V scène 4 d’Ubu Roi d’Alfred Jarry.

Clique ici pour lire l’acte 5 scène 4 d’Ubu Roi (le texte).

Ubu Roi, acte 5 scène 4 : introduction

Ubu Roi est la première pièce du cycle d’Ubu. Elle a d’abord été publiée en 1896 dans une revue, Le Livre d’Art.

Ubu est un personnage grotesque qui possède tous les vices.

La scène 4 de l’acte 5 constitue le dénouement de la pièce. Il s’agit d’un dénouement original (I) où la satire du personnage d’Ubu (II), constamment tourné en ridicule, fait basculer le texte du burlesque à l’absurde (III).

Questions possibles sur l’acte 5 scène 4 d’Ubu Roi (dénouement) :

♦ En quoi le dénouement de la pièce est-il original ? Peut-on véritablement parler de « dénouement » ?
♦ Peut-on trouver dans ce texte les caractéristiques d’une scène de dénouement classique ?
♦ Montrez à partir de cette scène que la pièce d’Alfred Jarry annonce le théâtre de l’absurde.
♦ Analysez le comique de la scène.
♦ Commentez le processus de ridiculisation du personnage d’Ubu.
♦ En quoi l’auteur se moque-t-il ici du théâtre ?

I – Un dénouement original : l’anti-théâtre

A – Un cadre insolite et une situation invraisemblable

A la fin de la pièce, Père et Mère Ubu sont forcés de quitter la Pologne et embarquent pour la France.

La scène de dénouement se déroule ainsi sur un navire pris en pleine tempête, cadre insolite et plutôt inhabituel pour un dénouement, dont l’enjeu traditionnel est la résolution des conflits.

Ainsi, le texte est dominé par un champ lexical de la navigation maritime, avec ses termes techniques et ses expressions propres : « brise », « risée », « blanchit la mer », « navire », « chavirés », « bateau », « misaine », « serrez près et plein », « A Dieu vat », « virez », « Hissez les voiles », « la barre », « foc », « prenez un ris aux huniers », « navigation », « lame ».

Par ailleurs, les didascalies et les répliques des personnages indiquent une catastrophe d’une intensité telle qu’il est invraisemblable que les personnages puissent y survivre : « Une risée arrive, le navire couche et blanchit la mer », « quel déluge ! », « Une lame embarque », « Deuxième lame embarque », « inondé », « quelle secousse ! ».

Or, tous rient, insouciants : « Sire garçon, apportez-nous à boire ».

Cette invraisemblance est contraire aux règles du théâtre classique.

B – Une scène tragi-comique

Le dénouement situe la pièce entre tragédie et comédie. Malgré le climat catastrophique, les personnages demeurent en vie et le rire se mêle à la douleur : « Tous se tordent », « Plusieurs agonisent de rire », « Tous s’installent à boire ».

L’auteur joue sur le langage à travers les expressions et le double sens des mots : on peut se tordre de rire comme de douleur.

De même, le verbe « agoniser » ici associé au rire par hypallage, est détourné de son usage habituel.

Ubu Roi se présente comme une parodie de la tragédie de Shakespeare, Macbeth.

Alfred Jarry fait dans le texte de nombreuses références au théâtre, notamment à Hamlet (ici : « le château d’Elseneur »). Il vise ainsi à se moquer du théâtre classique.

C – Un dénouement tourné en dérision

Au début de la scène 4 de l’acte V, l’auteur joue sur le double sens du mot « nœuds », qui désigne à la fois une unité de mesure de la vitesse en navigation maritime mais qui peut aussi faire implicitement allusion aux nœuds de l’intrigue que le dénouement classique est supposé dénouer : « Nous devons faire au moins un million de nœuds à l’heure, et ces nœuds ont ceci de bon qu’une fois faits ils ne se défont pas ». Ici, justement, le dénouement ne résout pas les conflits mais annonce la perspective de nouveaux nœuds.

Ce dénouement d‘Ubu Roi marque une ouverture : les personnages naviguent vers de nouvelles aventures, ce qui est souligné par l’emploi du futur à la fin de la scène, futur proche (« nous y serons bientôt ») ou simple (« nous éblouirons nos compatriotes », « je me ferai nommer maître des finances »).

La navigation serait alors une métaphore de la machine théâtrale employée ici à des fins satiriques.

La démarche anti-théâtre de l’auteur passe également par la satire du personnage principal, le Père Ubu, qui se présente comme un antihéros.

II – La satire du Père Ubu

A – Ridiculisation d’Ubu

Père Ubu est littéralement la « risée » du groupe. C’est lui qui pousse les personnages à leur perte en voulant remplacer le Commandant du navire.

Il contredit bêtement et systématiquement les ordres du Commandant pour se montrer supérieur : « Ah ! mais non par exemple ! Ne vous mettez pas tous du même côté ! », « Si ! Si ! Arrivez ».

Le contraste entre l’assurance du Père Ubu et la réaction des personnages procède de la ridiculisation du personnage :
♦ « Vous voyez, ça va très bien » // « Tous se tordent » ;
♦ « Ceci n’est pas mal, c’est même bon ! » // « Plusieurs agonisent de rire
».

Se rendant finalement compte du désastre, Ubu passe de la première personne du singulier à la première du pluriel, trahissant sa lâcheté : « mais je vais commander, moi, alors ! », « Oh ! quel déluge ! Ceci est un effet des manœuvres que nous avons ordonnées ».

C’est un dialogue de sourds qui s’instaure entre Ubu et le Commandant, à travers des jeux de langage qui créent un comique de mots. Ainsi, la paronomase (jeu de mots qui repose sur la ressemblance phonétique entre deux termes) entre « foc » et « coq » et « huniers » et « pruniers » renforce l’incompétence du Père Ubu en termes de navigation et souligne le ridicule du personnage.

La satire du personnage passe également par l’ironie bien dissimulée de la Mère Ubu, qui manipule le Père Ubu depuis le début de la pièce : « C’est cela ! », « Voilà ce que j’appelle de l’érudition ».

B – De la naïveté à l’absurdité

Le Père Ubu est donc un personnage stupide, naïf et crédule ce qui transparaît dans sa pensée : « Et supposez que le vent vienne à changer de côté : tout le monde irait au fond de l’eau et les poissons nous mangeront ». La bêtise du Père Ubu est accentuée par la réplique de Pile : « Quel triste imbécile. ».

Le discours du personnage, proche de la tautologie, est marqué par une logique absurde ou fausse logique qui achève de le ridiculiser:
♦ « le pays appelé Germanie, ainsi nommé parce que les habitants de ce pays sont tous cousins germains »
« S’il n’y avait pas la Pologne il n’y aurait pas de Polonais !
».

Cette scène de dénouement démontre finalement que de la satire à l’absurde, il n’y a qu’un pas (ou qu’un nœud !).

III – Du burlesque à l’absurde

A – Les caractéristiques du burlesque

On trouve dans cette scène 4 de l’acte 5 beaucoup de caractéristiques propres au style burlesque.

La pièce se présente en effet, nous l’avons vu, comme une parodie de tragédie (genre noble, comme l’épopée).

D’ailleurs, le titre même dénonce cette volonté (Jarry reprend et détourne le titre de la fameuse tragédie de Sophocle, Œdipe-Roi).

La noblesse se traduit par des adjectifs mélioratifs belle », « bien », « bon », « grand », « délicieuse », « douce », « merveilleuses », « noble », « beau »), l’hyperbole et le superlatif (« prodige », « un million », « fort beau », « si beau ») ainsi que le lyrismequelle belle brise », « Quel triste imbécile », « quel délice ») marqués par les points d’exclamation et les interjections qui ponctuent la majorité des répliques (« Oh ! Ah ! Dieu ! », « Ah ! », « Oh ! » « Eh ! », …).

Les caractéristiques du genre noble contrastent avec l’humour noir, satirique du texte et le comique grossier des personnages, contraste qui est propre au style burlesque.

Ces effets burlesques sont doublés par ceux de l’absurde.

B – Vers un théâtre de l’absurde

L’absurde se traduit ici par la banalité et la généralité des propos, qui rend le discours vide et absurde : « quelle belle brise », « quel déluge ! », « C’est cela ! », « On dit ce pays fort beau ».

Le dialogue est décousu et incohérent, les personnages sont ridiculisés et antihéroïques.

On retrouve ainsi dans le texte d’Alfred Jarry certaines caractéristiques du théâtre de l’absurde qui se développe au début du XXème siècle, telles que la remise en cause du langage, la provocation, la satire, le mélange des registres tragique et comique et le mélange de l’angoisse et de la dérision, ainsi que le refus de la conception classique du théâtre.

Ubu Roi, acte 5 scène 4 : conclusion

Cette scène de dénouement n’a rien d’une scène de dénouement traditionnelle.

L’auteur se moque, tourne en dérision et détourne les règles du théâtre classique, créant une nouvelle forme théâtrale qui n’entre finalement dans aucune catégorie prédéfinie.

Le théâtre d’Alfred Jarry dénonce à travers un comique prononcé, axé principalement sur les jeux de mots et de langage, l’artificialité du théâtre classique. Il se présente ainsi comme un précurseur du théâtre de l’absurde.

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