Ruy Blas, acte III scène 2 : texte

Ruy Blas de Victor Hugo est un drame romantique qui s’inspire de l’Espagne de la fin du XVIIème siècle.

Dans cette tirade de l’acte 3 scène 2, Ruy Blas dénonce la corruption et l’avidité des nobles qui mènent à la perte de l’Espagne. Ce discours aux allures de réquisitoire érige Ruy Blas en porte-parole et représentant du peuple.

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Ruy Blas, acte III scène 2

Les mêmes, Ruy Blas.

Ruy Blas, survenant.

Bon appétit ! messieurs ! –

Tous se retournent. Silence de surprise et d’inquiétude. Ruy Blas se couvre, croise les bras, et poursuit en les regardant en face.

Ô ministres intègres !
Conseillers vertueux ! Voilà votre façon
de servir, serviteurs qui pillez la maison !
Donc vous n’avez pas honte et vous choisissez l’heure,
l’heure sombre où l’Espagne agonisante pleure !
Donc vous n’avez pas ici d’autres intérêts
que remplir votre poche et vous enfuir après !
Soyez flétris, devant votre pays qui tombe,
fossoyeurs qui venez le voler dans sa tombe !
-mais voyez, regardez, ayez quelque pudeur.
L’Espagne et sa vertu, l’Espagne et sa grandeur,
tout s’en va. -nous avons, depuis Philippe Quatre,
perdu le Portugal, le Brésil, sans combattre ;
en Alsace Brisach, Steinfort en Luxembourg ;
et toute la Comté jusqu’au dernier faubourg ;
le Roussillon, Ormuz, Goa, cinq mille lieues
de côte, et Pernambouc, et les Montagnes Bleues !

Mais voyez. — Du ponant jusques à l’orient,
L’Europe, qui vous hait, vous regarde en riant.
Comme si votre roi n’était plus qu’un fantôme,
La Hollande et l’Anglais partagent ce royaume ;
Rome vous trompe ; il faut ne risquer qu’à demi
Une armée en Piémont, quoique pays ami ;
La Savoie et son duc sont pleins de précipices;
La France pour vous prendre, attend des jours propices ;
L’Autriche aussi vous guette. — Et l’infant bavarois
Se meurt, vous le savez. — Quant à vos vice-rois,
Médina, fou d’amour, emplit Naples d’esclandres,
Vaudémont vend Milan, Leganez perd les Flandres.
Quel remède à cela ? — L’état est indigent ;
L’état est épuisé de troupes et d’argent ;
Nous avons sur la mer, où Dieu met ses colères,
Perdu trois cents vaisseaux, sans compter les galères !
Et vous osez ! … — Messieurs, en vingt ans, songez-y,
Le peuple, — j’en ai fait le compte, et c’est ainsi ! —
Portant sa charge énorme et sous laquelle il ploie,
Pour vous, pour vos plaisirs, pour vos filles de joie,
Le peuple misérable, et qu’on pressure encor,
A sué quatre cent trente millions d’or !
Et ce n’est pas assez ! Et vous voulez, mes maîtres ! … —
Ah ! j’ai honte pour vous ! — Au dedans, routiers, reîtres,
Vont battant le pays et brûlant la moisson.
L’escopette est braquée au coin de tout buisson.
Comme si c’était peu de la guerre des princes,
Guerre entre les couvents, guerre entre les provinces,
Tous voulant dévorer leur voisin éperdu,
Morsures d’affamés sur un vaisseau perdu !

Victor Hugo, Ruy Blas, 1838

 

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