Mes forêts, Hélène Dorion : fiche de lecture

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Voici une fiche de lecture complète du recueil Mes forêts d’Hélène Dorion publié en 2021, au programme du bac de français dans le cadre du parcours La poésie, la nature, l’intime.

Le recueil Mes forêts est fascinant car Hélène Dorion y interroge notre modernité, celle des algorithmes, des réseaux sociaux, de « facebookinstagramtwitter », du « made in china ».

Hélène Dorion nous rappelle notre besoin de beauté, de poésie et d’unité dans ce monde contemporain qui favorise l’éclatement et l’éparpillement.

La voix de la poétesse n’évolue pas en dehors du monde ; au contraire, elle se met à son écoute pour en exprimer la fragilité et la beauté et tenter de faire cicatriser nos blessures.

Analyses linéaires sur Mes forêts

Qui est Hélène Dorion ?

Hélène Dorion est une poétesse québécoise née en 1958. Elle s’oriente vers une carrière littéraire à partir de 1983 à travers des œuvres poétiques comme L’intervalle prolongé suivi de La chute requise (1983), Les Corridors du temps (1988), L’issue, la résonance du désordre (1993), Fenêtres du temps (2000), Le hublot des heures (2008), Cœurs comme livres d’amour (2012), Comme résonne la vie (2018) et Mes forêts publié en 2021.

Outre son œuvre poétique, Hélène Dorion est essayiste et romancière, auteure du roman Pas même le bruit d’un fleuve en 2020.

Comment résumer Mes forêts ?

Le recueil Mes forêts est composé de quatre sections dans l’intervalle desquelles apparaissent des poèmes intitulés « Mes forêts ».

Ces poèmes, commençant tous par « Mes forêts sont… », font songer aux chants du chœur dans les tragédies grecques ou aux intermèdes entre les actes d’une pièce de théâtre.

Première section : l’écorce incertaine

La première section, « l’écorce incertaine », est composée comme une promenade en forêt dont la poétesse marque les étapes : après « L’horizon », Hélène Dorion évoque « L’arbre », « Le ruisseau », « Le rocher », « Le tronc », « La branche », « Les feuilles », « L’écorce », « L’humus », « Les racines »….

À la fin de la section, avec « Le feu » et « Les vents », la poétesse plonge dans les quatre éléments, c’est-à-dire dans un monde essentiel, premier.

Deuxième section : Une chute de galets

Le deuxième section, « Une chute de galets », évoque l’écoute du « bruit du monde » et de « l’écoulement du temps ». La poétesse retrace dans un raccourci saisissant la naissance du monde, de « l’œuf » à la « chute ».

Troisième section : L’onde du chaos

La troisième section, « L’onde du chaos », fait allusion aux menaces qui mettent en péril la nature : les « guerres », les « famines », les « tristes duretés » (p.67), les orages des chiffres qui ne disent rien, les acronymes vides de sens (« pib nip fmi »), et le chaos des pixels et de l’algorithme.

Hélène Dorion s’interroge ici sur la possibilité d’existence de la poésie dans un tel environnement. Y a-t-il encore une place pour le lyrisme dans un univers profondément illyrique où « chutent nos poèmes » ?

La réponse est affirmative : le monde est réparable et cette réparation est la tâche essentielle du poète.

Quatrième section : Le bruissement du temps

La quatrième section, « Le bruissement du temps » explore l’histoire collective de l’humanité et propose une réécriture de la Génèse (premier livre de l’Ancien testament, dans la Bible, qui fait le récit de la création du monde) .

Dans « Avant la nuit », la poétesse explore également son histoire personnelle en évoquant par touches impressionnistes des épisodes autobiographiques.

Quels sont les thèmes importants dans « Mes forêts » ?

La nature

La nature est un thème fondamental du recueil, comme l’illustre son titre Mes forêts.

Elle apparaît sous les traits du monde végétal, omniprésent. La poétesse décrit chaque aspect de la forêt, passant de l’ « arbre » (p. 16) au « tronc » (p. 19) à la « branche » (p.21), aux « feuilles » (p. 22), à l’ « écorce » (p. 24), à l’ « humus » (p. 24), à la « cime » puis aux « racines » (p. 29).

Elle en relève la sensualité et la musicalité mises en relief par les nombreux effets rimiques, comme cette assonance en [i] et cette allitération en [f] : « toute feuille est désir / de fleur et fruit / avec lui / le monde surgit » (p.85).

Dans « Chute de galets », « Avant l’aube », « Avant l’horizon », la poétesse reprend les étapes de la création du monde et parsème ses poèmes de références bibliques évoquant la faute originelle : « reptile », « poisson », « créature », « femmes », « souffle », « fissure », « chute ».

Ainsi, la nature devient un lieu sacré, un espace spirituel, mythologique, habité par une force qui la dépasse.

La nature est aussi un lieu paradoxal, à la fois paisible et violent, menaçant et réconfortant, obscur et lumineux.

Elle héberge à la fois la barbarie, symbolisées chez la poétesse par la « bête » qui « bondit avec sa soif / un goût de froid / dans la gueule » et la possibilité d’exploration et de régénération : « et quand je m’y promène / c’est pour prendre le large / vers moi-même » (p. 116)

Le temps

Le temps est un thème qui traverse tout le recueil.

Il apparaît dès le premier poème comme un temps linéaire, qui avance inéluctablement : « Mes forêts sont de longues traînées de temps / elles sont des aiguilles qui percent la terre ».

Le chaos du monde moderne accélère le cours du temps, pris dans un rythme effréné: « C’est le bruit du monde / l’écoulement du temps (…) sirènes klaxons alarmes du siècle / amas de choses jetables / et tintamarre de nos pas. » (« Mes galets »). Le temps instantané des écrans, de « facebookinstagramtwitter » (p.53) consomme et consume l’individu.

Mais la poésie permet justement de trouver un autre temps, un temps circulaire, celui de la régénération après la corruption. La « nuit », omniprésente dans le recueil, annonce ainsi la promesse du jour à venir, grâce au « poème / qui soulève l’aube » (p.93).

Le temps météorologique est également central comme l’illustre la récurrence de l’expression : « Il fait un temps » : « Il fait un temps de bourrasques et de cicatrices / un temps de séisme et de chute ».

Le temps météorologique est souvent froid, menaçant, glaçant, voire apocalyptique. Il est la métaphore du chaos qui menace le monde, de la froideur intérieure qui se saisit des hommes dans la vie contemporaine.

Mais le calme peut surgir après la tempête comme dans « Le houppier » : « la lumière éblouit la montagne / dessine des espoirs / dans la neige » (p.30).

La faille et la réparation

L’image de la faille apparaît sous diverses formes métaphoriques : la « déchirure » (p.21, p.68), les « brèches » (p. 31), les « déchirures » (p.32), une « large rayure » (p. 33), « se fracture » (p.35), « se fissure » (p.46), « fissure » (p. 49), « fêlure » (p.61), « cicatrices » (p. 62), « je sarcle » (p. 71), le « sillage » (p. 85), la « blessure » (p. 114).

Cette faille est d’abord la métaphore de la blessure du monde : blessure de la nature saccagée par l’homme, blessure de la guerre, de la haine.

Elle symbolise également les blessures intérieures, notamment celle du temps qui passe et « jamais ne s’arrête » (p. 112).

Mais la faille a aussi sa fertilité : elle est la ligne de l’écriture : « elles sont des lignes au crayon / sur papier de temps » (p. 113).

La poésie porte en elle une fonction réparatrice. Elle redonne une âme à un monde matérialiste : « et les premiers mots des phrases / pour dire un monde plus vaste / que celui des maisons. » (p.106)

Le monde numérique

Dans ce recueil, le monde moderne est un espace illyrique, codé, chiffré, fait d’acronymes, de raccourcis, d’efficacité : « il fait un temps d’arn / de ram zip et chus / sdf et vip/ il fait triple k/ usa. Made in China / un temps de ko » (p.73).

À cette langue utilitaire, Hélène Dorion oppose le vers poétique, les « mots de travers », les « mots de trop » qui n’ont apparemment rien à faire dans ce monde et qui pourtant le réparent : « nous dénouons nous réparons / ce que nous pouvons » (p.96).

Quelles sont les caractéristiques de l’écriture d’Hélène Dorion ?

L’écriture d’Hélène Dorion est profondément lyrique. La nature personnifiée offre un reflet à l’âme humaine et un espace d’expression de soi.

Ce lyrisme est accentué par un ton litanique, parfois proche de celui de la prière : « je me tiens dans le sillage / de la nuit. Je remonte / vers toi. L’unique / présence qui jamais ne s’éteint » (p.85).

Les poèmes sont saturés de références bibliques, comme « Avant l’Aube » qui réécrit la Genèse : « au commencement / il n’y avait… »

Le lyrisme n’empêche ni la modernité ni la profonde originalité de l’écriture d’Hélène Dorion.

L’absence de ponctuation ouvre la voie à diverses possibilités de lecture. Par exemple, dans les vers « écoute le chemin qui s’ouvre / dans ton cœur et ta main cherchant une autre main » (p.46), la conjonction de coordination « et » peut coordonner les deux noms « cœur » et « main » mais aussi les deux propositions « le chemin qui s’ouvre dans ton cœur » et « ta main cherchant une autre main ».

Autre originalité : l’utilisation des espacements entre les mots. Ces espacements, non conventionnels, semblent illustrer la fragilité de la parole poétique menacée par les bruits du monde : « il fait un temps de verre éclaté / d’écrans morts de nord perdu » (p. 62). Ils s’apparentent aussi aux silences en musique comme si le recueil poétique était la retranscription de « cette partition du temps » (p.14) que la poétesse écoute. L’auteure a d’ailleurs conçu un concert littéraire autour de ce recueil avec 15 musiciens de l’orchestre I Musici.

Que signifie le parcours « La poésie, la nature, l’intime » ?

Dans le recueil d’Hélène Dorion, la poésie, la nature et l’intime sont inextricablement mêlés.

La nature est en effet un miroir de l’intime. C’est en se mettant à son écoute que la poétesse explore toutes les facettes de son intériorité, des plus sombres et effrayantes aux plus lumineuses.

Hélène Dorion retranscrit cette exploration par l’écriture poétique qui répare le monde et les blessures intérieures.

Mes forêts : une rencontre intime avec la nature

Le recueil est d’abord organisé comme une promenade en forêt lors de laquelle la poétesse évoque les éléments naturels, du général au particulier : « l’arbre », « le ruisseau » laissent place à l’ « écorce », à « l’humus », comme si le regard entrait de plus en plus dans l’intimité de la nature, à la façon d’un microscope.

Le lien entre la poétesse et la nature n’est donc pas que celui d’une émotion artistique. Entrer dans l’intimité de la nature, c’est apprendre à la connaître dans ses moindres détails.

C’est à partir de cette connaissance que naît l’émotion, la véritable rencontre intime avec la nature. Cette dernière entre en résonance avec le poète, dévoilant un texte secret à interpréter : la poétesse « déchiffre enfin / le désordre des branches » (p. 14). L’adverbe « enfin » montre l’effort nécessaire pour parvenir à ce démêlement.

Entrer dans l’intimité de la nature revient à descendre en soi

Lorsque la nature finit par parler, l’écriture poétique devient possible : « les forêts s’embrasent / dans le clair-obscur / révèlent des chemins de sève ». (p.16). La technique picturale du « clair-obscur » suggère le surgissement de la lumière au sein du chaos et rappelle que, dans l’intimité de la nature, se côtoient les tensions, l’orage et le temps calme, la fissure et la cicatrice.

Car entrer dans l’intimité de la nature, c’est aussi descendre en soi et explorer les multiples facettes de son intériorité : sa part lumineuse (« les forêts creusent / parfois une clairière / au-dedans de soi » p.20) comme sa part sombre (« mes forêts sont des greniers peuplés de fantômes » p.7).

Cet effet de miroir entre la nature et l’âme du poète est accentué par la personnalisation de la nature : les « nuages chuchotent », « les forêts hurlent » ou « entendent nos rêves ».

La promenade dans la nature constitue donc en définitive une promenade intérieure dans l’intime : « Et quand je m’y promène / c’est pour prendre le large / vers moi-même » (p.114).

Les strophes autobiographiques dans « Avant la nuit » en témoignent : la nature constitue un chemin vers la vérité de soi.

Tu étudies Mes forêts d’Hélène Dorion ? Voici des lectures cursives possibles :

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Qui suis-je ?

Amélie Vioux

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3 commentaires

  • Je viens de consulter votre site et j’ai apprécié vos présentations.
    Je me permets de vous signaler un grand poète du XXe siècle RENE GUY CADOU, mort à 31 ans (1920-1951) instituteur en Loire-Atlantique qui aborde d’une manière exceptionnelle ce parcours : » la Poésie , l’intime et la nature  » dans son recueil « Hélène ou le règne végétal  » qui vient d’être réédité.
    Bonne lecture.

  • Bonjour! Je vous remercie pour tous ce que vous faites.
    Vos fiches de lecture m’ont permis d’apprécier et de comprendre les oeuvres.
    Et si ca ne vous dérange pas,
    pourriez vous en faire une sur:
    « la rage de l’expression »- ponge ?
    car on l’a au programme de premiere 2024. Merci encore!

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