Thérèse Raquin, chapitre 6 : analyse linéaire

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Voici une analyse linéaire de la fin du chapitre 6 de Thérèse Raquin d’Émile Zola.

Il s’agit du passage dans lequel Thérèse et Laurent deviennent amants. L’extrait étudié va de « Le lendemain, lorsque Laurent eut donné à la toile le dernier coup de pinceau » à « L’acte fut silencieux et brutal.« 

Thérèse Raquin, chapitre 6, introduction

Publié en 1867, Thérèse Raquin illustre le projet naturaliste de Zola : analyser les comportements humains avec la précision d’un scientifique. Les personnages y sont observés comme des cobayes soumis à leurs instincts, à leur milieu et à leur héritage. Le roman se présente ainsi comme une véritable « autopsie » des passions. (Voir la fiche de lecture complète pour le bac de français sur Thérèse Raquin)

Il raconte le meurtre orchestré par Thérèse et Laurent, liés par une passion adultère, pour se débarrasser de Camille, le terne époux de Thérèse.

Dans le chapitre 6, Zola décrit la naissance d’une passion violente entre Thérèse et Laurent, ami d’enfance de Camille et peintre amateur invité au sein de la famille Raquin.

Le peintre décide de faire le portrait de Camille. Ce chapitre constitue un tournant dans le roman : il fait basculer le récit dans la tragédie. La description du portrait de Camille et l’union des deux amants forment un diptyque qui préfigure la mort tragique de Camille.

Extrait étudié

Le lendemain, lorsque Laurent eut donné à la toile le dernier coup de pinceau, toute la famille se réunit pour crier à la ressemblance. Le portrait était ignoble, d’un gris sale, avec de larges plaques violacées. Laurent ne pouvait employer les couleurs les plus éclatantes sans les rendre ternes et boueuses ; il avait, malgré lui, exagéré les teintes blafardes de son modèle et le visage de Camille ressemblait à la face verdâtre d’un noyé ; le dessin grimaçant convulsionnait les traits, rendant la sinistre ressemblance plus frappante. Mais Camille était enchanté ; il disait que sur la toile il avait un air distingué.

Quand il eut bien admiré sa figure, il déclara qu’il allait chercher deux bouteilles de vin de Champagne. Madame Raquin redescendit à la boutique. L’artiste resta seul avec Thérèse.

La jeune femme était demeurée accroupie, regardant vaguement devant elle. Elle semblait attendre en frémissant. Laurent hésita ; il examinait sa toile, il jouait avec ses pinceaux. Le temps pressait, Camille pouvait revenir, l’occasion ne se représenterait peut-être plus. Brusquement, le peintre se tourna et se trouva face à face avec Thérèse. Ils se contemplèrent pendant quelques secondes.

Puis, d’un mouvement violent, Laurent se baissa et prit la jeune femme contre sa poitrine. Il lui renversa la tête, lui écrasant les lèvres sous les siennes. Elle eut un mouvement de révolte, sauvage, emportée, et, tout d’un coup, elle s’abandonna, glissant par terre, sur le carreau. Ils n’échangèrent pas une seule parole. L’acte fut silencieux et brutal.

Problématique

Comment Zola décrit-il la naissance de cette passion charnelle irrésistible et fatale, annonçant ainsi la fin tragique du roman ?

Plan linéaire

L’analyse linéaire s’attachera à chaque paragraphe.

Tout d’abord, nous montrerons le portrait de Camille est teinté d’une atmosphère morbide, préfigurant ainsi sa mort.

Puis nous mettrons en évidence que le jeu des départs des personnages crée les conditions d’un rapprochement.

Dans un troisième temps, nous étudierons comment le narrateur crée une attente et une tension dramatiques.

Enfin, nous soulignerons le glissement d’une passion silencieuse à un acte charnel violent.

I – Le portrait de Camille : une atmosphère morbide préfigurant sa mort

De « Le portrait était ignoble » à « il avait un air distingué »)

L’extrait s’ouvre en précisant le cadre temporel, qui correspond à une invitation à un dîner lancée par Madame Raquin pour fêter l’achèvement de l’œuvre du peintre Laurent. Les deux compléments circonstanciels de temps, « Le lendemain » et la proposition subordonnée circonstancielle « lorsque Laurent eut donné à la toile le dernier coup de pinceau » installent un rythme narratif dramatique et préparent ainsi le lecteur à un moment décisif.

L’expression « le dernier coup de pinceau » rappelle le statut de peintre de Laurent. Mais le terme « coup » suggère déjà une violence, qui anticipe subtilement le meurtre de Camille.

De même, le complément circonstanciel de but « pour crier à la ressemblance » met en valeur l’unanimité de la famille autour du portrait, mais le choix par Zola du verbe « crier » plonge le lecteur dans une certaine brutalité. L’achèvement du tableau apparaît ainsi déjà comme un acte symboliquement chargé d’agressivité, annonçant le destin tragique de Camille.

D’emblée, le lecteur constate que le tableau n’est pas flatteur. Le narrateur rompt brusquement le consensus familial : « Le portrait était ignoble ». La sécheresse de cette proposition, avec l’emploi d’un verbe d’état pauvre (le verbe être) sonne comme un constat clinique, sans fard.

Prédominent ensuite les champs lexicaux de la laideur et de la mort : « ignoble », « gris sale », « plaques violacées », « verdâtre », « noyé », « grimaçant », « convulsionnait ». Le romancier naturaliste qu’est Zola se plaît à présenter Camille comme déjà cadavérique.

Le lexique de la putréfaction et du spasme installe une tonalité quasi médicale qui annonce la future scène de morgue et confère au texte une froideur de médecin légiste.

La métaphore du portrait avec « la face verdâtre d’un noyé » n’est pas anodine puisque c’est ainsi que finit Camille. Le portrait préfigure ainsi son destin.  

Grâce au point de vue omniscient, le narrateur commente et interprète le travail esthétique de Laurent, orientant le regard du lecteur au-delà d’une simple appréciation technique. Ainsi, Zola montre que le geste artistique de Laurent n’est pas anodin : il trahit la vérité profonde du peintre, qui avilit tout ce qu’il touche. Quoiqu’il tente, son pinceau transforme le sujet en image dégradée, comme le souligne l’antithèse « les couleurs les plus éclatantes » // « ternes et boueuses ».

Laurent apparaît ironiquement comme un alchimiste inversé : au lieu de transmuter la boue en or, il change inéluctablement l’or en boue L’incise « malgré lui » suggère son impuissance à échapper à cette force supérieure qui guide sa main.

La description du portrait va plus loin encore : le tableau prend une dimension presque fantastique. En effet, les verbes d’action dans la proposition principale « le dessin grimaçant convulsionnait les traits » semblent donner vie à la toile de façon presque mortifère, comme si le portrait était agité de spasmes.

La précision : « rendant la sinistre ressemblance plus frappante » parachève ce tableau lugubre. L’antéposition de l’adjectif qualificatif « sinistre » et son étymologie latine (est sinistre, ce qui est à gauche littéralement et ce qui est de mauvais augure), ainsi que les assonances nasalisées en « an » créent une lourdeur inquiétante qui préfigure l’issue fatale du personnage.  Ainsi, avant même l’adultère, Camille est déjà associé à la mort. Zola inscrit donc la logique tragique de son roman.

La fin de ce premier mouvement témoigne du manque d’esprit de Camille, qui se range à l’avis de la famille. L’attribut du sujet « enchanté » exprime une satisfaction naïve, presque enfantine, tandis que l’épithète « distingué » révèle une forme de vanité bourgeoise.

L’ironie dramatique qui naît de ce décalage est cruelle : le lecteur perçoit dans le tableau les signes de la mort future de Camille, alors que le jeune homme, qui manque de clairvoyance, se réjouit aveuglément de son élégance.

II – La préparation d’un événement perturbateur

De « Quand il eut bien admiré sa figure » à « L’artiste resta seul avec Thérèse. »

Ce deuxième mouvement, apparemment anodin, constitue en réalité un moment de bascule décisif dans le récit. En quelques lignes, Zola déplace l’équilibre des forces au sein du trio et prépare la transgression à venir.

La proposition subordonnée circonstancielle de temps « Quand il eut bien admiré sa figure… » — insiste sur l’incapacité de Camille à percevoir le drame latent. L’expression « bien admiré » tend vers le ridicule et prépare ainsi un contraste pour le lecteur, qui sent poindre le danger.

Par une phrase au discours indirect (« il déclara qu’il allait chercher deux bouteilles de vin de Champagne ») Camille annonce qu’il laisse le champ libre à Thérèse et Laurent.

Le Champagne, boisson de fête, agit comme un signe ironique : il annonce la célébration, mais aussi l’ivresse et la perte de contrôle. Le nombre – deux bouteilles – peut se lire comme une métaphore du débordement passionnel qui s’annonce entre Laurent et Thérèse.

La phrase suivante (« Madame Raquin redescendit à la boutique. ») parachève cette évacuation de toute autorité morale. Le mari et la mère, deux figures tutélaires, disparaissent : les convenances sociales s’effacent donc, pour laisser place à la pulsion.

Enfin, la phrase conclusive (« L’artiste resta seul avec Thérèse. ») présente toutes les conditions pour qu’un élément perturbateur surgisse. Le terme « artiste » pour désigner Laurent lui confère une aura particulière : celle du créateur, mais aussi du manipulateur.

III – L’attente et la tension dramatique

De « La jeune femme était demeurée accroupie » à « pendant quelques secondes.« 

Les deux personnages se retrouvent donc seuls, dans deux positions différentes.

D’une part, Thérèse est spatialement et symboliquement dans une position inférieure et passive comme l’indique la construction avec l’attribut du sujet « était demeurée accroupie ». L’adjectif « accroupie » tend à animaliser la jeune femme. L’adverbe « vaguement » et le verbe « attendre » semblent indiquer une perte de repères, un moment de latence.

D’autre part, Laurent est debout, en action comme l’indiquent les verbes « il examinait sa toile, il jouait avec ses pinceaux. », dans un état de tension maîtrisée.

Mais dans le détail, une forme d’excitation latente saisit les deux personnages : pour l’une, le gérondif « en frémissant », pour l’autre, le verbe au passé simple « hésita » qui concentre toute la tension de la décision.

Les nombreuses indications de temps comme « le temps pressait », « l’occasion », « brusquement », « pendant quelques secondes » participent à construire un suspense dramatique. Le narrateur fait sentir le poids de l’attente et montre que tout se joue dans ce moment : l’occasion, le hasard, déclenchent la passion.

La construction en asyndète (l’asyndète correspond à l’absence de mots de liaisons entre les propositions) – « Le temps pressait, Camille pouvait revenir, l’occasion ne se représenterait peut-être plus » – matérialise l’urgence de la situation. En effet, la juxtaposition des trois propositions accélère le rythme, créant une impression de tension haletante.

Le conditionnel (« ne se représenterait peut-être plus jamais« ) associé à l’adverbe « peut-être » intensifie le suspense en soulignant l’incertitude et l’hésitation.

L’adverbe « Brusquement », placé en tête de phrase, signale l’irruption irrésistible et brutale du désir, comme si la pulsion prenait le pas sur la réflexion.

Le passage au passé simple (se tourna, trouva) signe le passage à l’acte : « le peintre se tourna et se trouva face à face avec Thérèse. »

Cette scène donne lieu à un jeu de regards : dans la phrase « Ils se contemplèrent pendant quelques secondes », le moment semble suspendu et la tension est maximale. Ainsi, la passion est d’abord muette et s’exprime dans les regards et dans l’instinct.

IV – De la passion maîtrisée à la brutalité de l’acte charnel

De « Puis, d’un mouvement violent » à la fin de l’extrait

Au silence tendu des regards succède une explosion de violence physique, initiée par Laurent.

L’adverbe d’intensité « violemment«  et la succession de verbes d’action (« se baissa », « prit », « renversa », « écrasant ») traduisent la soudaineté et la brutalité de la scène, qui n’a rien de romantique.

Le désir de Laurent est physiologique et semble résulter d’une pulsion irrépressible, presque bestiale. Le participe présent « écrasant » accentue l’idée d’une domination physique.

Le corps de Thérèse est décrit de façon morcelée : la poitrine, puis la tête, les lèvres, comme si chaque partie du corps devenait un objet de pulsion.

Thérèse réagit en deux temps : d’abord par « un mouvement de révolte. » La construction grammaticale des termes « sauvage, emportée » est ambiguë : ces termes peuvent qualifier à la fois le complément du nom « de révolte » et le sujet grammatical de la phrase (« Elle »). Ce choix souligne ainsi l’ambiguïté d’un moment où tout bascule dans la violence.

Dans un second temps, Thérèse réagit par un abandon physique : « elle s’abandonna, glissant par terre, sur le carreau. » Elle passe ainsi de la résistance à la passion à une soumission presque totale. Le contact avec « le carreau« , surface froide et dure, souligne une scène crue, loin de toute idéalisation sentimentale.

Le lecteur constate que la passion des personnages, intense, fulgurante, se passe de mots : « Ils n’échangèrent pas une seule parole. » La négation totale (ne…pas) efface toute communication verbale. La communication se fait uniquement par le langage du corps, plus animal.

La dernière phrase de l’extrait est laconique : « L’acte fut silencieux et brutal. » résonne comme une sentence froide, presque clinique. Le narrateur se fait simple observateur pour montrer la passion à l’état brut, soumise à la loi des instincts, sans tendresse ni parole.

Thérèse Raquin, chapitre 6, conclusion

En définitive, dans cet extrait, Zola met en valeur la naissance d’une passion charnelle interdite contre laquelle aucun personnage ne peut lutter. Le portrait, au centre de l’extrait, suggère que Camille est déjà symboliquement mort. La liaison physique se passe d’ailleurs sous les yeux de ce portrait muet.

Thérèse et Laurent apparaissent ici comme des êtres dominés par leurs instincts, ce qui correspond à la vision naturaliste de Zola.

Cette scène fondatrice marque un tournant décisif du roman : c’est le point de départ d’une passion adultère destructrice qui, loin d’apporter bonheur et liberté, conduira Thérèse et Laurent vers la faute, le meurtre de Camille et leur double suicide.

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Amélie Vioux

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