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Voici une analyse linéaire du chapitre 9 de Thérèse Raquin d’Émile Zola. Il s’agit du passage clé dans lequel Laurent a l’idée du meurtre de Camille.
L’extrait étudié va de « Jusqu’au jour, la même idée tourna dans sa tête » à « Il cherchait dans les étoiles, dans le carré bleuâtre de ciel, un conseil de meurtre, un plan d’assassinat
»
Introduction
Le passage que nous étudions est un moment clé de l’intrigue : Laurent décide d’assassiner Camille, afin de pouvoir épouser Thérèse. Il s’agit donc d’un tournant dans le roman et d’un moment présentant une certaine intensité dramatique.
Le narrateur omniscient raconte comment l’idée du meurtre de Camille fait son chemin dans l’esprit de Laurent, passant d’une idée lancée en l’air à une décision inébranlable. Ce passage constitue donc non seulement une étape importante dans le déroulement de l’intrigue romanesque, mais aussi un moment d’exploration psychologique : le lecteur est plongé dans les pensées de Laurent.
En outre, en explorant les motivations de Laurent et les ressorts de sa prise de décision, Zola exprime ses théories sur l’influence du tempérament, de l’hérédité et du milieu sur les individus. La décision de tuer Camille est moins un choix libre et conscient de la part de Laurent qu’une fatalité à laquelle il est poussé. (Voir la fiche de lecture sur Thérèse Raquin pour le bac de français)
Extrait étudié (chapitre 9)
Jusqu’au jour, la même idée tourna dans sa tête. Avant la venue de Thérèse, il ne songeait pas au meurtre de Camille ; il avait parlé de la mort de cet homme, poussé par les faits, irrité par la pensée qu’il ne reverrait plus son amante. Et c’est ainsi qu’un nouveau coin de sa nature inconsciente venait de se révéler : il s’était mis à rêver l’assassinat dans les emportements de l’adultère.
Maintenant, plus calme, seul au milieu de la nuit paisible, il étudiait le meurtre. L’idée de mort, jetée avec désespoir entre deux baisers, revenait implacable et aiguë. Laurent, secoué par l’insomnie, énervé par les senteurs âcres que Thérèse avait laissées derrière elle, dressait des embûches, calculait les mauvaises chances, étalait les avantages qu’il aurait à être assassin.
Tous ses intérêts le poussaient au crime. Il se disait que son père, le paysan de Jeufosse, ne se décidait pas à mourir ; il lui faudrait peut-être rester encore dix ans employé, mangeant dans les crèmeries, vivant sans femme dans un grenier. Cette idée l’exaspérait. Au contraire, Camille mort, il épousait Thérèse, il héritait de madame Raquin, il donnait sa démission et flânait au soleil. Alors, il se plut à rêver cette vie de paresseux ; il se voyait déjà oisif, mangeant et dormant, attendant avec patience la mort de son père. Et quand la réalité se dressait au milieu de son rêve, il se heurtait contre Camille, il serrait les poings comme pour l’assommer.
Laurent voulait Thérèse ; il la voulait à lui tout seul, toujours à portée de sa main. S’il ne faisait pas disparaître le mari, la femme lui échappait. Elle l’avait dit : elle ne pouvait revenir. Il l’aurait bien enlevée, emportée quelque part, mais alors ils seraient morts de faim tous deux. Il risquait moins en tuant le mari ; il ne soulevait aucun scandale, il poussait seulement un homme pour se mettre à sa place. Dans sa logique brutale de paysan, il trouvait ce moyen excellent et naturel. Sa prudence native lui conseillait même cet expédient rapide.
Il se vautrait sur son lit, en sueur, à plat ventre, collant sa face moite dans l’oreiller où avait traîné le chignon de Thérèse. Il prenait la toile entre ses lèvres séchées, il buvait les parfums légers de ce linge, et il restait là, sans haleine, étouffant, voyant passer des barres de feu le long de ses paupières closes. Il se demandait comment il pourrait bien tuer Camille. Puis, quand la respiration lui manquait, il se retournait d’un bond, se remettait sur le dos, et, les yeux grands ouverts, recevant en plein visage les souffles froids de la fenêtre, il cherchait dans les étoiles, dans le carré bleuâtre de ciel, un conseil de meurtre, un plan d’assassinat.
Problématique
Dans quelle mesure ce moment-clé de l’intrigue romanesque constitue-t-il aussi une exposition des théories de Zola sur les tempéraments ?
Annonce de plan linéaire
Nous verrons tout d’abord que le narrateur omniscient décrit comment Laurent se met à réfléchir sérieusement à l’idée de tuer Camille (I). Laurent calcule les avantages que lui obtiendrait le meurtre de Camille (II), avant de chercher un moyen de le tuer (III).
I – L’idée du meurtre de Camille s’insinue dans l’esprit de Laurent.
De « Jusqu’au jour, la même idée tourna dans sa tête » à « étalait les avantages qu’il aurait à être assassin. »
Dans la première phrase de l’extrait, le narrateur explique que l’idée du meurtre de Camille obsède Laurent. C’est ce que soulignent la notation temporelle « jusqu’au jour » et l’emploi de « la même idée » en position de sujet de la phrase.
Le fait que le groupe nominal « la même idée » soit sujet de la phrase met en relief la passivité de Laurent, qui ne peut empêcher l’idée du meurtre de « tourn[er] dans sa tête
». Le choix du verbe « tourner » exprime aussi le caractère obsessionnel de l’idée du meurtre, au moyen de l’image d’un cercle sans fin.
Dans ce premier paragraphe, le narrateur effectue un double retour en arrière afin de montrer l’évolution de l’idée du meurtre dans l’esprit de Laurent. Il remonte d’abord au moment qui précède l’arrivée de Thérèse : Laurent n’avait alors aucun projet de tuer Camille.
Puis, le narrateur évoque l’instant où est née l’idée du meurtre. La formulation employée témoigne du détachement de Laurent : ce n’est plus Camille, mais « cet homme », ce n’est plus « le meurtre », mais « la mort ». C’est une façon pour Laurent de se déresponsabiliser et de masquer l’horreur de ce qu’il s’apprête à commettre.
La double apposition « poussé par les faits, irrité par la pensée qu’il ne reverrait plus son amante
» indique que Laurent a évoqué la mort de Camille sous l’effet des circonstances, conformément à la théorie de Zola selon laquelle la pression des milieux et des circonstances décide de l’existence des individus.
L’expression de « nature inconsciente » n’est également pas anodine : l’assassinat n’est pas présenté comme un choix émanant du libre-arbitre, mais un acte auquel sont prédestinés, sans le savoir, certains individus, par nature, c’est-à-dire de manière innée en raison de leur tempérament et de leur hérédité.
Mais les individus agissent aussi sous la pression des circonstances, comme le traduit ici la formule « les emportements de l’adultère
». Cette formule souligne aussi que l’idée du meurtre est née sous le coup de l’émotion.
L’utilisation du verbe « rêver » exprime à la fois l’idée de souhait, de désir ardent, mais aussi l’irréalité d’un projet inaccessible.
Pourtant, dans le deuxième paragraphe, le narrateur explique comment cette idée lancée en l’air se transforme en véritable projet.
L’adverbe « maintenant » souligne le retour au présent de l’histoire, après le double retour en arrière du premier paragraphe.
Le narrateur met en contraste l’attitude actuelle de Laurent, désormais « calme », avec son agitation précédente. L’évocation de la « nuit paisible », qui relève presque de l’hypallage (attribuer à certains mots d’une phrase ce qui convient à d’autres mots de la même phrase), contribue à peindre le tableau d’un homme qui réfléchit froidement à commettre un crime.
L’expression « L’idée de mort » est à nouveau en position de sujet de la phrase, soulignant la passivité de Laurent. L’utilisation de l’adjectif « implacable » contribue aussi à mettre en avant la passivité de Laurent en personnalisant l’idée de mort, puisque’« implacable » se dirait d’une personne inflexible.
Laurent pèse le pour et le contre. L’intensité sa réflexion est mise en avant par le rythme ternaire « dressait des embûches, calculait les mauvaises chances, étalait les avantages qu’il aurait à être assassin
».
II – Laurent calcule les avantages que lui obtiendrait le meurtre de Camille
(De « Tous ses intérêts le poussaient au crime » à « cet expédient rapide
. »)
Dans les deux paragraphes suivants, la présence du narrateur omniscient se fait de moins en moins sentir et le lecteur pénètre l’esprit de Laurent.
Dans le premier paragraphe, Laurent réfléchit aux avantages financiers que lui apporte le meurtre, puis dans le deuxième, au fait que cela lui permet d’épouser Thérèse. Le fait qu’il pense d’abord au gain monétaire montre son avidité. Et même lorsqu’il évoque Thérèse, dans le deuxième paragraphe, l’argent continue de peser dans son argumentaire.
Encore une fois, Laurent est passif et non pas actif : le pronom « le » est complément d’objet direct d’une phrase dont le sujet est « les intérêts » : « Tous ses intérêts le poussaient au crime.
» Sa passivité est mise en avant par l’emploi du verbe « pousser ».
La formulation familière et méprisante « ne se décidait pas à mourir
» souligne la convoitise de Laurent, qui attend la mort de son propre père avec impatience.
L’utilisation du discours indirect libre (« il lui faudrait peut-être… ») donne au lecteur l’impression de pénétrer dans l’esprit de Laurent et rend plus intense l’exploration psychologique du personnage.
Deux modes de vie sont mis en opposition au moyen de la locution adverbiale « au contraire » : une vie de travailleur et une vie de rentier.
L’énumération « il épousait Thérèse, il héritait de Mme Raquin, il donnait sa démission et flânait au soleil
» et la parataxe (juxtaposition de propositions sans mots de liaison) soulignent la façon dont Laurent voit dans le meurtre de Camille le moyen le plus facile d’arriver à ses fins.
La médiocrité de Laurent est mise en avant par le choix, pour décrire sa vie rêvée, de termes péjoratifs : les adjectifs « paresseux » et « oisif », les participes présents « mangeant et dormant
» décrivent une existence plus typique des animaux que des humains.
La nature violente de Laurent est manifestée par le fait qu’il serre les poings alors même qu’il est seul dans son lit.
Puis, dans le paragraphe suivant, est explorée l’autre raison qu’a Laurent de tuer Camille : Thérèse. La possessivité de Laurent est mise en avant par la répétition du verbe « voulait » et les deux précisions « à lui tout seul » et « toujours à portée de main
». L’expression « à lui tout seul
» est presque ironique, dans la mesure où Laurent prend la femme d’un autre. La formule « toujours à portée de main
» fait passer Thérèse au rang d’objet, la réifie.
À nouveau, l’emploi du discours indirect libre dans la suite du paragraphe accentue l’impression que le lecteur pénètre les pensées du personnage.
La construction hypothétique (« S’il ne faisait pas disparaître le mari, la femme lui échappait
. ») souligne l’impasse dans laquelle se trouve Laurent.
Laurent se remémore les paroles de Thérèse : « Elle l’avait dit : elle ne pouvait revenir.
» C’est une façon de se déresponsabiliser, de mettre une partie de la culpabilité sur Thérèse.
Il examine un instant une autre possibilité, celle de partir avec Thérèse, mais l’évacue rapidement avec une conclusion tragique et exagérée « mais alors ils seraient morts de faim tous deux
». En réalité, Laurent est trop paresseux pour travailler.
L’idée du meurtre est présentée comme la seule possibilité rationnelle. Le meurtre est décrit de manière de plus en plus positive et son caractère violent et criminel est masqué.
Ainsi, la formule « il risquait moins
» fait du meurtre une marque de prudence et de rationalité. « Il ne soulevait aucun scandale
» présente le meurtre comme respectueux en apparence des conventions sociales et morales. Enfin, en décrivant le meurtre comme le fait de « pouss[er] seulement un homme pour se mettre à sa place
», Laurent présente une vision totalement amorale de son acte, influencée par les théories de l’époque sur la sélection naturelle.
Non seulement, le meurtre n’est plus décrit en des termes péjoratifs, mais il est même qualifié par les termes mélioratifs de « moyen excellent et naturel » et « expédient rapide
». L’adjectif « naturel » fait écho, à nouveau, aux théories de la sélection naturelle.
L’évocation de la condition paysanne de Laurent suggère que la moralité de Laurent est déterminée par sa classe sociale, conformément aux idées défendues par Zola selon lesquelles l’individu subit le déterminisme de son milieu.
III – Laurent cherche un moyen de tuer Camille.
(De « Il se vautrait sur son lit
» à « un plan d’assassinat
. »)
Après le moment d’exploration psychologique approfondie des paragraphes précédents, dans lesquels l’usage du discours indirect libre permettait au lecteur d’avoir accès aux pensées de Laurent, on revient dans ce dernier paragraphe à un point de vue plus extérieur.
Le narrateur procède à une description minutieuse de Laurent, remplie de détails, parfois macabres, visant à exprimer son agitation.
Tout au long de ce paragraphe, le rythme rapide et saccadé des phrases traduit la transe de Laurent. Les phrases contiennent de nombreuses appositions et notations circonstancielles placées entre virgules, ce qui a pour effet de couper les phrases en nombreux segments distincts, et ainsi de donner un rythme haché et irrégulier, qui traduit la frénésie de Laurent.
En outre, la description abonde en détails étranges et sinistres, présentant des sous-entendus érotiques. Le verbe « vautrait » contient une connotation péjorative, étant souvent employé au sens propre pour décrire des animaux se vautrant dans la boue, ou, par extension, des hommes se vautrant dans le vice ou la débauche.
La formulation « buvait les parfums légers de ce linge
» est à la fois métaphorique et synesthétique (une sensation perçue par un sens est simultanément ressentie par un autre) : ici, les parfums devraient être respirés (sens de l’odorat), plutôt que bus (sens du goût). Cette formulation exprime l’intensité de l’action de Laurent. Elle est aussi poétique, mais cette poésie tranche radicalement avec le contexte, ce qui rend la description étrange et sinistre.
Le détail des « barres de feu
» exprime la fièvre que ressent Laurent. Sa frénésie est mise en avant par les détails « d’un bond », traduisant la rapidité de ses mouvements, les adjectifs intensifs « grands » (« les yeux grands ouverts
») et « plein » (« en plein visage »).
Enfin, la variation (exprimer la même chose de deux manières différentes) « un conseil de meurtre, un plan d’assassinat
» montre la résolution de Laurent à accomplir le meurtre de Camille.
Thérèse Raquin, chapitre 9, Conclusion
Cet extrait du chapitre 9 constitue à la fois un tournant dans l’intrigue de Thérèse Raquin, un moment d’intense exploration psychologique et l’expression sous une forme romanesque des théories de Zola portant sur l’influence sur les individus des tempéraments, de l’hérédité, des milieux et des circonstances.
Le mécanisme menant au meurtre de Camille, dans le chapitre 11, est lancé.
Tu étudies Thérèse Raquin ? Regarde aussi :
- Thérèse Raquin, chapitre 6 (Thérèse et Laurent deviennent amants)
- Thérèse Raquin, chapitre 11 (le meurtre de Camille)
- Thérèse Raquin, chapitre 18 (Le détraquement nerveux des amants)
- Thérèse Raquin, excipit (le double suicide des amants)
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