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Voici une analyse linéaire d’un extrait clé de Discours de la servitude volontaire de La Boétie.
Dans ce passage, le jeune humaniste analyse comment la servitude s’installe par habitude.
L’extrait étudié va de « Il est vrai qu’au commencement, on tombe en servitude contraint et vaincu par la force » à « la plante qu’on a vue dans un endroit n’est plus reconnaissable ailleurs.
«
L’habitude de la servitude,introduction
Dans ce passage du Discours de la servitude volontaire, Étienne de la Boétie, humaniste et philosophe français du XVIe siècle (1530-1563), tente de comprendre les raisons pour lesquelles un peuple peut se laisser asservir sans même chercher à se révolter.
Dans un passage précédent, il a établi que les hommes naissent libres et égaux et que la liberté est naturelle. La servitude, elle, est donc contre-nature.
Problématique
Or si la servitude est contre-nature, comment un peuple asservi n’a-t-il pas même l’instinct de se révolter ?
Extrait analysé
Il est vrai qu’au commencement, on tombe en servitude contraint et vaincu par la force ; mais ceux qui viennent après, n’ayant jamais connu la liberté, ne sachant pas même ce que c’est, sont en servitude* sans regret et font volontiers ce que leurs devanciers avaient fait par contrainte. Car les hommes qui naissent sous le joug*, nourris et élevés dans la servitude* sans regarder plus avant[1], se contentent de vivre comme ils sont nés, et, ne pensant point avoir d’autres droits, ni d’autres biens que ceux qu’ils ont trouvés quand ils sont nés, prennent pour leur état de nature[2] l’état de leur naissance. Toutefois, il n’est pas d’héritier, si prodigue et nonchalant[3] soit-il, qui ne porte, quelquefois, les yeux sur les registres[4] de son père pour voir s’il jouit de tous les droits de sa succession, ou si l’on n’a pas porté quelque atteinte aux siens[5] ou à ceux de son prédécesseur. Mais, certes, l’habitude, qui, en toutes choses, a grand pouvoir sur toutes nos actions, n’a, en aucun endroit, si grande capacité que de nous enseigner à vivre en servitude*, pour nous apprendre – comme on le raconte de Mithridate* qui finit par s’habituer au poison – à avaler, sans le trouver amer, le venin de la servitude*. L’on ne peut pas nier que la nature* n’ait en nous bonne part pour nous guider là où elle veut et nous faire dire de nous-mêmes que nous sommes bien ou mal nés. Mais il faut aussi reconnaître qu’elle a encore moins de pouvoir sur nous que l’habitude ; car, si bon que soit le naturel, il se perd s’il n’est entretenu, et l’éducation nous transforme toujours à sa guise, quoi qu’il en soit, malgré la nature. Les semences de bien[6] que la nature* met en nous sont si minces et glissantes qu’elles ne peuvent résister au moindre choc produit par une éducation contraire : plutôt que de s’entretenir aisément, elles s’abâtardissent[7], se fondent et même s’anéantissent, exactement comme il arrive à ces arbres fruitiers qui, ayant assurément tous un naturel* à part, le conservent bien si on les laisse se développer, mais l’abandonnent pour porter des fruits étrangers, et non les leurs, dès qu’on les greffe. Les plantes ont aussi chacune leur propriété, leur naturel, leur singularité ; mais, toutefois, le gel, le temps, le terroir ou la main du jardinier détériorent ou améliorent beaucoup leur qualité ; la plante qu’on a vue dans un endroit n’est plus reconnaissable ailleurs.
[1] sans regarder plus avant : sans chercher plus loin, sans s’interroger.
[2] état de nature : état hypothétique dans lequel vivaient les hommes avant de se réunir en société.
[3] nonchalant : insouciant, indifférent.
[4] registres : documents officiels.
[5] si l’on n’a pas empiété sur les siens : s’il n’a pas été volé, désavantagé.
[6] semences de bien : ce qui nous pousse à faire le bien.
[7] s’abâtardissent : se dégradent.
Annonce du plan
La Boétie commence par opposer deux générations : la génération de ceux qui « tombent en servitude »
et celle des hommes qui naissent en servitude (du début du passage à « ceux de son prédécesseur
»).
Il met ensuite en lumière le poids de l’habitude, acquise par l’éducation, qui s’oppose à la nature ou au « naturel » (de « Mais, certes, l’habitude… » à « quoi qu’il en soit, malgré la nature
»).
Enfin, par la métaphore de la greffe que le jardinier impose à l’arbre fruitier, La Boétie montre comment l’on peut, par l’éducation, détourner la nature jusqu’à la rendre méconnaissable (de « Les semences de bien
» jusqu’à la fin).
I – Tomber ou naître en servitude : deux états d’esprit différents (du début du passage à « ceux de son prédécesseur
»)
A – De la servitude contrainte à la servitude acceptée : l’opposition de deux générations
La Boétie entame une suite de concessions pour comprendre l’état d’esprit des peuples qui supportent la servitude sans révolte.
La servitude étant contre-nature par définition, comme cela a été prouvé dans un passage précédent, elle a nécessairement un commencement brutal : « Il est vrai qu’au commencement, on tombe en servitude
» (l. 1).
Le verbe « tomber », qui utilise la métaphore de la chute à la fois douloureuse et dégradante, marque la brutalité du changement d’état qui fait passer de la liberté à la servitude. Les participes passés « contraint et vaincu par la force » appuient la même idée.
L’auteur souligne ainsi que seule la force peut contraindre un être humain à abandonner sa liberté naturelle, après avoir tenté de la défendre.
La situation est différente, en revanche, pour les générations qui suivent, comme l’indique la conjonction de coordination « mais » qui amorce une opposition : « mais ceux qui viennent après« .
Les peuples suivants sont dans un état d’ignorance comme l’indique la gradation : « n’ayant jamais connu la liberté, ne sachant même pas ce que c’est
» . L’adverbe « jamais » et la négation « même pas » souligne que cette ignorance atteint un point extrême.
Par conséquent, ces peuples « sont en servitude sans regret » (l. 2). Avec le verbe d’état « être », qui contraste avec le verbe « tomber », La Boétie signale un état installé et durable.
Le complément circonstanciel « sans regret » souligne que ces peuples ne peuvent regretter ce qu’ils n’ont pas connu.
Enfin, l’auteur achève d’opposer les deux générations avec l’antithèse de deux compléments circonstanciels de manière : « volontiers » et « par contrainte » (l. 3). La première génération était combattive et révoltée ; la seconde est passive.
B – La déshumanisation des esclaves
La conjonction de coordination « Car » (« Car les hommes…. ») amorce l’explication de La Boétie.
La question de l’éducation entre alors en jeu.
La métaphore du « joug » (l. 3) pour évoquer la servitude, empruntée à l’agriculture, met les hommes à la place des bœufs que l’on contraint à travailler.
Cette métaphore tend à déshumaniser ces hommes qui « naissent » et sont « nourris et élevés dans la servitude sans regarder plus avant
» (l. 3-4).
Le complément circonstanciel de manière « sans regarder plus avant
» signale un manque de réflexion et de curiosité, et abonde dans le sens d’un retour vers la simplicité animale. Comme les animaux, ces hommes sans réflexion « se contentent de vivre comme ils sont nés
», sans recherche d’évolution ni questionnement.
La négation du verbe « penser » (« ne pensant point
», l. 4-5), insiste sur l’ignorance de ces hommes, leur faiblesse intellectuelle. Ils n’imaginent pas qu’ils peuvent prétendre à « d’autres droits, ni d’autres biens que ceux qu’ils ont trouvés quand ils sont nés
» (l. 5).
De là naît une confusion fatale entre « l’état de leur naissance » et « leur état de nature
» (l. 6).
Voilà donc l’une des explications possibles et théoriques de la passivité des peuples mis en servitude.
La Boétie émet cependant une réserve (« toutefois » ) : il doute qu’en pratique, on ne trouve pas quelques esprits assez curieux pour se renseigner sur le passé : « il n’est pas d’héritier, si prodigue et nonchalant soit-il, qui ne porte, quelquefois, les yeux sur les registres de son père
» .
La proposition concessive « si prodigue et nonchalant soit-il
» montre que La Boétie ne croit pas à un pur désintéressement d’aucun héritier face à son héritage : chacun aura envie de « voir s’il jouit de tous les droits de sa succession, ou si l’on n’a pas porté quelque atteinte aux siens ou à ceux de son prédécesseur
» . Dans la question matérielle de l’héritage se trouve donc l’antidote à l’ignorance, car elle pousse les hommes à prendre connaissance du passé et à le comparer au présent.
II – La puissance de l’habitude (de « Mais, certes, l’habitude… » à « quoi qu’il en soit, malgré la nature
»)
A – Neutralisation de l’esprit critique
La Boétie poursuit ses concessions (« Mais, certes », l. 8), pour tenter d’expliquer la passivité des peuples asservis.
Il se tourne alors vers l’« habitude » (l. 8), qui résulte de l’éducation et s’oppose à la nature.
L’habitude est toute puissante : « l’habitude, qui, en toutes choses, a grand pouvoir sur toutes nos actions
» .
La répétition de l’adjectif « toutes » exprime l’aspect universel du pouvoir de l’habitude. L’expression « avoir grand pouvoir sur
» marque le degré d’emprise de l’habitude sur le comportement humain. Le champ lexical du pouvoir se retrouve ensuite dans l’expression « si grande capacité
» .
Avec les verbes « enseigner » puis « nous apprendre à » (l. 10), La Boétie use d’une métaphore qui personnifie l’habitude en professeur. L’esprit humain, lui, est l’élève, en position d’infériorité et d’obéissance.
Or, le contenu de ce qu’enseigne l’habitude est néfaste. La Boétie use d’une nouvelle métaphore choquante, celle du « poison » (l. 10) et du « venin » (l. 11) : l’habitude nous enseigne « à avaler, sans le trouver amer, le venin de la servitude
» (l. 10-11).
L’auteur renforce cette métaphore par l’allusion à une légende (« comme on le raconte
») qui concerne le roi perse Mithridate VI. Ce roi, de peur d’être empoisonné, essayait d’habituer son corps à résister aux poisons en en ingérant régulièrement de petites doses.
Ici, il s’agit bien sûr d’un poison métaphorique : celui de la servitude, que l’habitude donne à avaler aux peuples.
Le complément circonstanciel de manière « sans le trouver amer
» (l. 11) met en lumière l’aspect pernicieux de cet « enseignement » : à force de répétition, l’habitude ôte à l’homme la capacité de se rendre compte de l’amertume. Cette métaphore gustative désigne le caractère dangereux de la servitude. L’habitude ôte à l’homme son esprit critique.
B – La faiblesse du naturel face à la force de l’habitude
Étienne de La Boétie revient sur l’idée de « nature », qu’il oppose à l’habitude acquise par l’éducation.
Il reconnaît que la nature a aussi un certain poids dans les actions humaines : « L’on ne peut pas nier que la nature n’ait en nous bonne part pour nous guider là où elle veut »
. Autrement dit, il admet que la nature peut pousser les hommes à désirer la liberté, même lorsqu’ils ont pris l’habitude de la servitude.
L’expression « bonne part » montre que la nature a une influence réelle — mais qui reste limitée face à la puissance de l’habitude. La nature permet toutefois à l’homme de prendre conscience de sa situation, de sentir s’il est « bien ou mal né
» (l. 12), autrement dit heureux ou malheureux dans sa condition.
Mais La Boétie nuance encore cette idée. Par la tournure : « Mais il faut aussi reconnaître que »
, il réaffirme la supériorité de l’habitude : la nature, dit-il, a « encore moins de pouvoir sur nous que l’habitude
» .
C’est ici que la question de l’éducation entre en jeu : « car, si bon que soit le naturel, il se perd s’il n’est entretenu »
(l. 13-14). Le verbe « entretenir » renvoie discrètement à une métaphore déjà utilisée dans le discours : celle du jardin de l’esprit. Il faut cultiver ce bon naturel — cet instinct de liberté — pour qu’il ne soit pas étouffé par l’artifice d’une éducation qui habitue à la servitude.
Mais c’est bien l’éducation , sujet du verbe « transformer », qui l’emporte : « et l’éducation nous transforme toujours à sa guise, quoi qu’il en soit, malgré la nature »
.
L’expression « à sa guise » personnifie l’éducation. Quant aux expressions « quoi qu’il en soit » et « malgré la nature », elles soulignent la toute-puissance de cette éducation qui façonne les esprits, même contre leur disposition naturelle.
III – La métaphore de la greffe (de « Les semences de bien
» jusqu’à la fin de l’extrait)
A – Les fragiles « semences de bien »
La Boétie approfondit ensuite l’opposition entre nature et éducation. Il développe la métaphore filée du jardinage, en introduisant une première image : celle des « semences de bien que la nature met en nous
» (l. 15).
La fragilité de cette bonté naturelle est soulignée par deux adjectifs, « si minces et si glissantes
» (l. 15), renforcés par l’adverbe intensif « si ». Ces termes insistent à la fois sur leur petite taille et leur instabilité : le bien naturel est donc à la fois discret et vulnérable.
Cette idée est renforcée par la proposition subordonnée circonstancielle de conséquence, qui va dans le même sens avec la métaphore du « choc » : « qu’elles ne peuvent résister au moindre choc produit par une éducation contraire
» .
Cette image qui suggère que ces jeunes pousses de vertu peuvent facilement être déracinées ou abîmées par les influences extérieures. L’éducation, dès lors qu’elle est mal orientée, freine ou étouffe ce développement naturel.
L’idée de fragilité est poussée à l’extrême par l’usage de l’adjectif superlatif « moindre » (« au moindre choc
» ), qui exprime une vulnérabilité presque totale.
L’éducation, quant à elle, est qualifiée sans détour de « contraire » (l. 16) à la nature.
La Boétie imagine alors le sort malheureux de ces « semences de bien » dans l’esprit humain. Il déplore qu’elles soient difficiles à « entretenir« , filant ici la métaphore du jardinage.
Ces germes de vertu ne se développent pas facilement. La suite du texte décrit les étapes de leur dégradation, avec une gradation : « elles s’abâtardissent, se fondent et même s’anéantissent
» (l. 16-17). L’adverbe « même » insiste sur l’idée d’anéantissement tout en signalant l’étonnement de l’auteur lui-même face à cette situation extrême.
B – La greffe, contraire à la nature
Puis La Boétie introduit une comparaison de l’esprit à l’arbre fruitier (« exactement comme il arrive à ces arbres fruitiers
» ).
Il dresse un parallèle entre la greffe et l’éducation car toutes deux détournent la nature.
Ainsi, de même que l’esprit humain ne peut conserver sa bonté originelle que si on l’entretient, de même, le « naturel » de chaque arbre fruitier ne survit « que si on le(s) laisse se développer
» (l. 18).
La greffe, intervention artificielle et contraire au « naturel » de ces arbres, modifie leur comportement : ils « l’abandonnent pour porter des fruits étrangers, et non les leurs, dès qu’on les greffe
» .
Il en va de même pour les hommes que l’éducation détourne de leur nature profonde et conduit donc de l’instinct de liberté à l’habitude de la servitude.
La Boétie poursuit la métaphore agricole, qu’il élargit désormais aux plantes : comme les arbres et les humains, « les plantes ont aussi chacune leur propriété, leur naturel, leur singularité
» .
Cependant, ce développement dépend des circonstances extérieures, qui peuvent l’aider ou le freiner.
La Boétie en nomme d’abord trois, issues du monde naturel : « le gel, le temps, le terroir
» . Mais il ajoute un quatrième élément, plus décisif encore : « la main du jardinier » (l. 20). Cette image est évidemment double : elle permet d’évoquer les hommes. Ainsi, le jardinier représente l’intervention humaine, l’éducateur qui façonne ou déforme la nature.
C’est donc sous l’effet de ces influences – naturelles ou artificielles – que les arbres, les plantes, ou les hommes développent ou perdent leur nature.
Grâce à une antithèse (« détériorent ou améliorent beaucoup leur qualité »), La Boétie conclut : soit on préserve la nature, soit on la corrompt.
La dernière phrase s’applique clairement aux êtres humains et fait écho aux premières interrogations du passage : « la plante qu’on a vue dans un endroit n’est plus reconnaissable ailleurs
». C’est ainsi que les hommes nés dans l’esclavage ne ressemblent pas à leurs pères, qui, eux, étaient nés libres et ont trouvé naturel de défendre leur liberté.
Conclusion
La Boétie explique dans cet extrait la passivité des peuples asservis par une éducation pernicieuse et trompeuse.
Contraire à la nature, cette éducation à la servitude détourne les hommes d’un instinct qui devrait les pousser à retrouver leur liberté, et les amène par l’habitude à accepter la servitude.
Habitués au tyran, séparés peu à peu du passé de leurs ancêtres libres, habitués à ne pas réfléchir, les générations nées dans l’esclavage ne savent même plus que la liberté fait partie de leurs droits fondamentaux et naturels. Elles prennent pour « état de nature » un état qui lui est contraire.
La réflexion de La Boétie sur la servitude volontaire le conduit donc à interroger le rôle fondamental de l’éducation dans la société et son rapport avec le « naturel ».
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