Discours de la servitude volontaire, la liberté est naturelle : analyse linéaire

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Voici une lecture linĂ©aire d’un extrait de Discours de la servitude volontaire de La BoĂ©tie. L’auteur y expose les raisons pour lesquelles la libertĂ© est naturelle Ă  l’homme.

L’extrait Ă©tudiĂ© va de « Pour l’heure, je ne pense point me tromper en affirmant… » Ă  « mais aussi avec l’objectif de la dĂ©fendre.« 

Discours de la servitude volontaire, la liberté est naturelle, introduction

Dans ce passage du Discours de la servitude volontaire, Étienne de La Boétie (1530-1563) fait appel à la raison de son lecteur pour lui démontrer, par une argumentation construite, que l’état de servitude est contre-nature, tandis que la liberté est au contraire naturelle, relève de la volonté divine, et doit par conséquent être défendue.

(Voir la fiche de lecture complète sur Discours de la servitude volontaire)

Problématique

Par quelles Ă©tapes et quels arguments La BoĂ©tie amène-t-il son lecteur Ă  considĂ©rer que la libertĂ© est naturelle ?

Extrait étudié

(La translation moderne utilisée est celle du Bibliolycée)

Pour l’heure, je ne pense point me tromper en affirmant qu’il y a en notre âme quelque naturelle* semence de raison, qui, entretenue par les bons conseils et l’habitude, fleurit et devient la vertu*, et qui, au contraire, ne pouvant souvent durer contre les vices qui surviennent, Ă©touffĂ©e, avorte[1]. Mais, certes, s’il y a quelque chose de clair et d’évident en la nature, et face Ă  quoi il ne soit pas permis de faire l’aveugle[2], c’est que la nature, le ministre de Dieu, la gouvernante des hommes, nous a tous faits de mĂŞme forme, et, comme il me semble, au mĂŞme moule, pour nous permettre de nous reconnaĂ®tre tous, mutuellement, comme compagnons, ou plutĂ´t comme frères. Et si, dans le partage qu’elle nous a fait de ses dons, elle a offert quelque avantage de corps ou d’esprit aux uns plus qu’aux autres, elle n’a jamais pourtant voulu nous mettre en ce monde comme en un champ clos, et n’a pas envoyĂ© ici-bas les plus forts et les plus avisĂ©s, comme des brigands armĂ©s dans une forĂŞt, pour y maltraiter les plus faibles. Au contraire, il faut croire plutĂ´t que, faisant ainsi les parts aux uns plus grandes, aux autres plus petites, elle voulait faire naĂ®tre en eux l’affection fraternelle et leur permettre de la pratiquer, les uns ayant la capacitĂ© d’apporter leur aide, et les autres le besoin d’en recevoir. Ainsi donc, puisque cette bonne mère nous a donnĂ© Ă  tous toute la Terre pour demeure, nous a tous logĂ©s, en quelque sorte, dans la mĂŞme maison, et nous a tous figurĂ©s sur le mĂŞme moule, afin que, comme en un miroir, chacun pĂ»t quasiment reconnaĂ®tre l’un dans l’autre, si elle nous a fait, Ă  tous, ce beau prĂ©sent de la voix et de la parole pour nous accorder et fraterniser davantage, et faire, par la commune et mutuelle dĂ©claration de nos pensĂ©es, une communion de nos volontĂ©s ; si elle a tâchĂ©, par tous les moyens, de nouer et de serrer si fortement le nĹ“ud de notre alliance et de notre sociĂ©tĂ© ; si, enfin, elle a montrĂ©, en toutes choses, qu’elle ne voulait pas tant nous faire tous unis, que tous uns[3], dès lors, il ne faut pas douter que nous soyons naturellement* libres*, puisque nous sommes tous compagnons, et il ne peut venir Ă  l’esprit de personne que, nous ayant mis tous en mĂŞme compagnie, la nature* ait placĂ© certains en servitude[4].

Mais, en vérité, il ne sert absolument à rien de débattre pour savoir si la liberté* est naturelle*, puisqu’on ne peut tenir personne en servitude* sans lui faire de tort[5] et que rien au monde n’est plus contraire à la nature, entièrement raisonnable, que l’injustice. On peut donc en conclure que la liberté* est naturelle, et même, à mon avis, selon le même raisonnement, que nous ne sommes pas nés seulement avec notre liberté*, mais aussi avec l’objectif de la défendre.


[1] avorte : meurt, Ă©choue.

[2] faire l’aveugle : ici, nier l’évidence.

[3] Selon La BoĂ©tie, par nature*, tous les hommes non seulement sont destinĂ©s Ă  vivre dans l’union (« tous unis Â»), mais encore appartiennent Ă  la mĂŞme unitĂ© (« tous uns Â»), celle du genre humain – fraternitĂ© et identitĂ© doublement innĂ©es, synonymes donc de « libertĂ©* naturelle* Â», qui rendent d’autant plus absurde toute forme de servitude*, comme le prĂ©cise la fin de cette phrase.

[4] la nature ait placĂ© certains en servitude : selon La BoĂ©tie, la servitude n’est nullement un Ă©tat naturel, puisque, par nature, les hommes naissent tous Ă©gaux.

[5] tort : offense, injustice.

Annonce du plan

Le jeune philosophe commence par Ă©tablir l’évidence de l’égalitĂ© entre les hommes et son caractère naturel. (de « Pour l’heure, je ne pense point… Â» Ă  « ou plutĂ´t comme frères Â»)

Il montre ensuite que de cette Ă©galitĂ© naturelle dĂ©coule inĂ©vitablement la fraternitĂ© qui doit rĂ©gner parmi les hommes (de « Et si, dans le partage… Â» Ă  « â€¦le besoin d’en recevoir Â», l. 13).

Enfin, il rejette la notion de servitude, incompatible avec lĂ©galitĂ© et la fraternitĂ©. Il conclut en faveur du caractère naturel de la libertĂ© (de « Ainsi donc, puisque cette bonne mère… Â» jusqu’à la fin).

I – L’égalitĂ© entre les hommes est Ă©vidente et naturelle

(de « Pour l’heure, je ne pense point… Â» Ă  « ou plutĂ´t comme frères Â»)

A – Le jardin de l’âme et la fleur de la raison

Comme le fait le philosophe RenĂ© Descartes un siècle plus tard, La BoĂ©tie affirme en quelque sorte que la « raison Â» (l. 2) est « la chose du monde la mieux partagĂ©e Â» (RenĂ© Descartes Ă©crit dans son Discours de la mĂ©thode (1637) cette cĂ©lèbre phrase : « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagĂ©e Â» )

La BoĂ©tie affirme en effet : « il y a en notre âme quelque naturelle semence de raison« . L’usage du prĂ©sent de vĂ©ritĂ© gĂ©nĂ©rale (« il y a Â») et du possessif « notre Â» (l. 1) montrent la valeur universelle de cette affirmation.

Il contrevient immĂ©diatement aux objections Ă©ventuelles en signalant que cette « semence de raison Â» (l. 2), avec une mĂ©taphore empruntĂ©e au monde vĂ©gĂ©tal, ne se dĂ©veloppe pas de la mĂŞme manière chez tous : « entretenue par les bons conseils et l’habitude, [elle] fleurit et devient la vertu ».

Il file ainsi la métaphore de la raison comme un jardin à cultiver.

Si la raison n’est pas entretenue, « au contraire, ne pouvant souvent durer contre les vices qui surviennent, Ă©touffĂ©e, [elle] avorte Â» (l. 2-3). Ces vices sont donc comme les mauvaises herbes, les ronces qui viennent Ă©touffer la belle plante de la raison.

La métaphore de l’avortement, quant à elle, est tirée du monde animal.

Mais ce qui importe à La Boétie n’est pas de développer ces différences d’éducation, mais d’établir que chacun possède une raison suffisante en lui-même pour faire preuve de bon sens et se rendre à l’évidence.

B – Une Ă©vidence : l’égalitĂ© naturelle entre les hommes

Or la première Ă©vidence (« quelque chose de clair et d’évident dans la nature Â») est la suivante : les hommes sont Ă©gaux.

Nier ou ne pas voir cette Ă©galitĂ© relève de la mauvaise foi. En effet, il s’agit pour La BoĂ©tie d’une Ă©vidence « face Ă  quoi il ne soit pas permis de faire l’aveugle Â» . L’expression « faire l’aveugle Â» indique en effet un comportement contrefait et mensonger.

L’égalitĂ© entre les hommes procède de la « nature Â». Le philosophe personnifie et place la nature jen dessous de « Dieu Â» mais au-dessus des hommes : « la nature, le ministre de Dieu, la gouvernante des hommes Â» (l. 5). C’est Ă  elle, par consĂ©quent, qu’obĂ©it directement l’humanitĂ©.

Or cette nature « nous a tous faits de mĂŞme forme Â», Ă©crit La BoĂ©tie, qui dĂ©veloppe son idĂ©e grâce Ă  une mĂ©taphore empruntĂ©e au vocabulaire du modelage : « au mĂŞme moule Â», avec rĂ©pĂ©tition de l’adjectif « mĂŞme Â».

Derrière cette métaphore se trouve le souvenir d’anciens mythes antiques, tels que celui d’Héphaïstos modelant l’homme dans l’argile.

La nature personnifiĂ©e a un but en agissant ainsi, comme l’exprime la proposition qui suit : « pour nous permettre de nous reconnaĂ®tre tous Â» . Le verbe « permettre Â» sous-entend que la nature rend ainsi service aux hommes : cette Ă©galitĂ© est un bienfait. Le verbe pronominal « se reconnaĂ®tre Â», Ă  la première personne du pluriel, exprime la rĂ©ciprocitĂ© de cette reconnaissance.

Plus loin, l’ajout de l’adverbe « mutuellement Â» (l. 7) abonde dans le mĂŞme sens : les hommes se font face comme dans un miroir.

La BoĂ©tie qualifie ainsi les hommes de « compagnons« , puis, par un jeu d’Ă©panorthose, il vient affiner sa pensĂ©e pour aboutir au lien le plus Ă©troit qui soit : « frères » . (L’Ă©panorthose est une figure de style qui consiste Ă  revenir sur ce que l’on vient d’affirmer pour le nuancer)

II – Les inĂ©galitĂ©s sont un appel Ă  la fraternitĂ©

(de « Et si, dans le partage… Â» Ă  « â€¦le besoin d’en recevoir Â» )

A – La loi du plus fort n’est pas naturelle

Ayant Ă©tabli l’égalitĂ© naturelle entre les hommes, le jeune philosophe fait toutefois une concession qui s’exprime dans la proposition conditionnelle (« Et si Â»).

On y retrouve la notion ancienne d’un « partage Â» des « dons Â» inĂ©gal. La BoĂ©tie prend l’exemple de la force physique et de la force mentale : « Et si […] elle a offert quelque avantage de corps ou d’esprit aux uns plus qu’aux autres Â» .

Mais cette concession n’a pour but que de prĂ©parer une explication qui cherche Ă  dĂ©tromper les hommes et les guider vers une juste interprĂ©tation de la « volontĂ© Â» de la nature, qui est une volontĂ© divine : « elle n’a jamais pourtant voulu Â» (l. 8-9).

Dans les lignes qui suivent, le verbe vouloir rĂ©apparaĂ®t (« elle voulait Â», l. 12), qui prolonge la personnification de la nature, force supĂ©rieure, de mĂŞme que les verbes d’action dont elle est sujet : « nous mettre en ce monde Â» (l. 9), « n’a pas envoyĂ© Â» (l. 9), « faisant ainsi Â» (l. 11), « faire naĂ®tre Â» (l. 12).

Les hommes sont grammaticalement objets (COD) des actions de la nature qui trace leur destin.

Or La Boétie cherche à détromper ses lecteurs sur les intentions de la nature par deux propositions négatives tout d’abord, qui nient toute intention malveillante de la part de la nature.

Tout d’abord, « elle n’a jamais voulu nous mettre en ce monde comme en un champ clos Â» (l. 8-9), c’est-Ă -dire mettre les hommes en situation de victimes incapables de s’échapper.

Ensuite, elle « n’a pas envoyĂ© ici-bas les plus forts et les plus avisĂ©s Â» (l. 9-10), qui sont comparĂ©s Ă  des « brigands armĂ©s dans une forĂŞt, pour y maltraiter les plus faibles Â» (l. 10) pour soumettre les autres.

La Boétie prétend donc que la loi du plus fort ne provient pas de la nature qui est bonne en elle-même.

Elle ne provient que d’une mauvaise interprétation de la part des hommes de la volonté divine.

B – Une fraternitĂ© toute chrĂ©tienne

La BoĂ©tie Ă©nonce dans une phrase affirmative ce qu’il considère comme la juste interprĂ©tation de ces inĂ©galitĂ©s : « Au contraire, il faut croire plutĂ´t que Â» (l. 11).

La mĂ©taphore des « parts Â» que la DestinĂ©e attribue Ă  chacun, « aux uns plus grandes, aux autres plus petites Â» (l. 11), reformule l’idĂ©e de l’inĂ©galitĂ© des sorts et des destins, tandis que le participe prĂ©sent « faisant Â» (l. 11) rĂ©affirme la responsabilitĂ© de cette nature, ministre divin.

Or ces inĂ©galitĂ©s sont comprises par La BoĂ©tie comme une Ă©preuve menant Ă  la fraternitĂ© : Â« elle voulait faire naĂ®tre en eux l’affection fraternelle et leur permettre de la pratiquer Â» .

On retrouve ici le verbe « permettre Â», qui signale un bienfait rendu par la nature.

Les deux propositions participiales qui suivent tiennent lieu d’explication : « les uns ayant la capacitĂ© d’apporter leur aide Â» (l. 12-13), dans une logique de charitĂ© chrĂ©tienne ; « les autres le besoin d’en recevoir Â» (l. 13).

Les inégalités sont donc, dans la pensée chrétienne de La Boétie, une opportunité d’exercer sa bonté. La volonté de la nature, qui se confond avec la volonté divine, ne peut être mauvaise.

III – La libertĂ© est naturelle et doit ĂŞtre dĂ©fendue

(de « Ainsi donc, puisque cette bonne mère… Â» jusqu’à la fin).

A – Synthèse des arguments exposĂ©s dans la première partie du discours

Dans la deuxième moitié du texte, La Boétie reprend les images et arguments énoncés plus haut pour conduire le lecteur vers ses conclusions.

Après les adverbes conclusifs (« ainsi donc Â»), c’est une longue Ă©numĂ©ration de propositions causales (« puisque Â», l. 13) et conditionnelles (« si Â», l. 16, 18, 19) qui se dĂ©roule.

Ces propositions reformulent les arguments prĂ©cĂ©dents, et, comme dans un raisonnement mathĂ©matique, les posent comme conditions des dĂ©ductions qui sont formulĂ©es dans la proposition principale (« dès lors, il ne faut pas douter que… Â», l. 20).

La bontĂ© fondamentale de la volontĂ© divine est reprise dans la personnification de la nature en « bonne mère Â» (l. 13), figure tutĂ©laire bienfaitrice et donatrice (« nous a donnĂ© Â», l. 13-14).

C’est l’idĂ©e d’un don Ă©gal et d’une Ă©galitĂ© de statut qui reprend le dessus : « nous a donnĂ© Ă  tous toute la Terre pour demeure Â» (« l. 14).

Le pronom personnel « tous Â», au pluriel, et l’adjectif « toute Â», placĂ©s Ă  la suite, insiste sur cette idĂ©e d’égalitĂ©. Le pronom « tous Â» est ensuite rĂ©pĂ©tĂ© maintes fois dans cette longue phrase Ă©numĂ©rative (« tous logĂ©s Â», l. 14 ; « tous figurĂ©s Â», l. 15 ; « elle nous a fait, Ă  tous Â», l. 16 ; « tous unis Â», « tous uns Â», l. 20 ; « tous compagnons Â», l. 21 ; « tous en mĂŞme compagnie Â», l. 22), pour marteler l’idĂ©e d’Ă©galitĂ©.

La rĂ©pĂ©tition de l’adjectif « mĂŞme Â» : « la mĂŞme maison Â» (l. 14), « sur le mĂŞme moule Â» (l. 15), « en mĂŞme compagnie Â» (l. 22) appuie Ă©galement l’idĂ©e d’Ă©galitĂ©.

La BoĂ©tie complète donc ses arguments en faveur de l’égalitĂ© des hommes par l’idĂ©e d’un habitat commun pour tous : la Terre, oĂą les hommes sont « tous logĂ©s, en quelque sorte, dans la mĂŞme maison Â» .

Cette dernière métaphore fait paraître la Terre non pas comme espace immense et sauvage, mais au contraire comme exiguë et familière, lieu où les hommes se côtoient et sont proches les uns des autres. La bonne entente s’impose donc.

L’auteur reprend ensuite l’idĂ©e de la ressemblance physique avec la mĂ©taphore du modelage : « nous a tous figurĂ©s sur un mĂŞme moule Â» (l. 15).

Puis c’est l’image du « miroir Â» (l. 15-16) qui ajoute l’idĂ©e d’une reconnaissance mutuelle dĂ©jĂ  exprimĂ©e aux lignes 6 et 7 : « afin que, comme en un miroir, chacun pĂ»t quasiment reconnaĂ®tre l’un dans l’autre Â».

B – Le rĂ´le de la parole et de la raison dans la formation d’une communautĂ© harmonieuse

Mais un argument nouveau survient : celui de la « voix et de la parole Â» (l. 16).

C’est un autre don (« ce beau prĂ©sent Â», l. 16) de la nature, qui n’a d’autre finalitĂ© que la fraternitĂ© : « pour nous accorder et fraterniser davantage Â» (l. 16-17).

L’adverbe « davantage Â» indique qu’il y a dans la parole une raison supplĂ©mentaire de fraterniser, car elle permet de « s’accorder Â», de s’expliquer (« par la commune et mutuelle dĂ©claration de nos pensĂ©es Â», l. 17), d’exprimer ses dĂ©sirs et intentions (« une communion de nos volontĂ©s Â», l. 17-18), et d’éviter les dĂ©saccords.

Pour exprimer cet idĂ©al d’harmonie, La BoĂ©tie use des champs lexicaux de la « communautĂ© Â» (« commune Â», « mutuelle Â», « communion Â», puis « sociĂ©tĂ© Â» ) .

C’est ensuite l’idĂ©e de l’union qui s’impose, avec le substantif « alliance Â» (l. 19), et les expressions « tous unis Â», « tous uns Â» (l. 20).

Enfin, c’est l’idĂ©e du compagnonnage : « tous compagnons Â», « tous en mĂŞme compagnie Â» (l. 21-22).

La nature a donc mis l’Homme en situation d’union et de fraternitĂ©, « par tous les moyens possible Â» , et la mĂ©taphore du « nĹ“ud Â» (l. 18) illustre ce destin commun auxquels les hommes ne peuvent Ă©chapper.

La BoĂ©tie rĂ©affirme qu’il s’agit d’une volontĂ© de la nature, donc divine : « elle a montrĂ©, en toutes choses, qu’elle ne voulait pas tant nous faire tous unis, que tous uns Â» (l. 19-20).

Quant Ă  cette gradation qui monte de « tous unis Â» Ă  « tous uns Â», elle exprime Ă  nouveau l’idĂ©e non seulement de l’alliance inĂ©vitable entre les hommes, mais aussi de leur unitĂ©, de leur identitĂ© et de leur Ă©galitĂ© au sein du genre humain.

C – Conclusion du raisonnement : la libertĂ© est naturelle et doit ĂŞtre dĂ©fendue

Quand toutes ces conditions sont posĂ©es, La BoĂ©tie peut en venir Ă  ses conclusions : « dès lors, il ne faut pas douter que nous soyons tous naturellement libres Â» .

La BoĂ©tie Ă©tablit ainsi une relation logique et causale entre l’Ă©galitĂ© et l’identitĂ© de tous et la libertĂ© : « il ne peut venir Ă  l’esprit de personne que, nous ayant mis tous en mĂŞme compagnie, la nature ait placĂ© certains en servitude Â» .

On retrouve ici l’appel au simple bon sens dĂ©jĂ  formulĂ© au tout dĂ©but du passage. Quant Ă  la servitude, elle apparaĂ®t comme incompatible avec la volontĂ© de la nature. La chose est tellement Ă©vidente que La BoĂ©tie Ă©carte tout dĂ©bat : « Mais, en vĂ©ritĂ©, il ne sert absolument Ă  rien de dĂ©battre pour savoir si la libertĂ© est naturelle Â» .

Il s’en explique juste après avec deux propositions causales (« puisqu’on ne peut… injustice Â» ), qui poursuivent le mĂŞme raisonnement rigoureux.

La BoĂ©tie reprend la notion de « servitude Â» et l’associe Ă  celle de « tort Â». Or faire du tort Ă  quelqu’un relève de l’« injustice Â», puisque c’est nier qu’il est Ă©gal Ă  soi et le traiter en infĂ©rieur.

De lĂ , La BoĂ©tie prouve Ă  nouveau que la servitude est « contraire Ă  la nature Â» .

L’auteur termine son « raisonnement Â» (l. 26) en Ă©nonçant une conclusion claire et nette : « On peut donc en conclure que la libertĂ© est naturelle Â» (l. 26).

Le passage se clĂ´t sur l’ouverture vers une nouvelle question : « nous ne sommes pas nĂ©s seulement avec notre libertĂ©, mais aussi avec l’objectif de la dĂ©fendre Â» (l. 26-27). Cette simple phrase oriente le discours vers la politique et interroge implicitement le lecteur sur l’état de sa propre libertĂ©.

Conclusion

Étienne de La Boétie montre ici par un raisonnement clair, argumenté et mathématique que la liberté est naturelle.

Cette argumentation repose sur quelques notions capitales : La nature a fait les hommes Ă©gaux. Cette Ă©galitĂ© ne peut ĂŞtre niĂ©e : elle est Ă©vidente, se montre partout en toutes choses, et ne peut ĂŞtre qu’issue de la volontĂ© de la nature.

Or de cette égalité fondamentale découlent forcément la fraternité, la liberté et le rejet de la servitude, logiquement et rationnellement incompatible avec l’égalité.

Deux cents ans avant les Philosophes des Lumières et la RĂ©volution française, La BoĂ©tie raisonne donc sur trois notions qui s’ancreront profondĂ©ment dans la pensĂ©e française moderne : Ă©galitĂ©, libertĂ©, fraternitĂ©.

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Amélie Vioux

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