Entretiens sur la pluralité des mondes, Fontenelle, avant-propos : analyse

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Voici une analyse linéaire de l’avant-propos des Entretiens sur la pluralité des mondes de Fontenelle, au programme du bac de français dans le cadre du parcours « Le goût de la science » .

Entretiens sur la pluralité des mondes, adresse à Monsieur L…, introduction

Publiés en 1686, les Entretiens sur la pluralité des mondes, qui connurent un succès immédiat, proposent au lecteur un nouveau regard sur l’astronomie, permettant d’expliquer les différents systèmes du monde.

L’auteur, Bernard Le Bouvier de Fontenelle, y fait dialoguer un philosophe, inspiré par Copernic et Descartes, et une jeune Marquise, pleine d’esprit, lors de promenades nocturnes dans le cadre d’un château de Normandie.

Dans un cadre intimiste et galant, l’observation des clairs de lune donne naissance à des considérations scientifiques. (Voir la fiche de lecture complète sur Entretiens sur le pluralité des mondes)

Nommé à l’Académie des Sciences en 1697, Fontenelle actualisera son ouvrage des découvertes les plus récentes, vulgarisant ainsi des découvertes et des méthodes scientifiques.

Problématique

En quoi cet avant-propos laisse-t-il présager d’une œuvre hybride digne d’un apologue, empruntant à la fois à la philosophie et au plaisir de la conversation et de la lecture ?

Plan linéaire

Dans un premier temps, nous analyserons la naissance d’une relation de connivence entre esprits philosophes.

Dans un second temps, nous étudierons le portrait mélioratif de la Marquise.

Enfin, dans un troisième temps, nous verrons la prise de distance de l’auteur avec les traditions littéraires.

I – Une relation de connivence entre esprits philosophes

De « Vous voulez, Monsieur,  » à « vous ne vous en moquerez pas tant qu’un autre. « 

L’œuvre s’ouvre sur un effet de réel qui transparaît dans l’épigraphe volontairement tronquée « A Monsieur L… ».

Cette marque de respect et de distance formelle souligne également la volonté de garder l’anonymat du destinataire.

D’emblée, l’auteur pose le cadre spatio-temporel de la narration. Il évoque le temps passé à la campagne « chez Madame la Marquise de G*** ». La marque de noblesse et le nom resté anonyme confirment l’effet de réel voulu par l’auteur.

Ce dernier s’adresse directement à son destinataire, comme le souligne l’utilisation de la phrase interrogative et du pronom personnel de la deuxième personne : « savez-vous bien… ? ».

Il joue avec les attentes du lecteur, par l’intermédiaire de l’adverbe « pis » (qui signifie « pire encore » ), et révèle que son récit sera philosophique.

Le ton ironique accentue le contraste entre les attentes du destinataire, qui s’attend à lire le récit d’aventures et de moments plaisants à la campagne, et la réalité, le fruit d’une réflexion profonde et sérieuse.

En effet, l’énumération au rythme ternaire « à des fêtes, à des parties de jeu ou de chasse » souligne les attentes légères du lecteur.

Mais l’auteur, en utilisant la conjonction de coordination « et » marque une rupture d’autant plus humoristique qu’il oppose à la première énumération une autre énumération en rythme ternaire « et vous aurez des planètes, des mondes, des tourbillons ».

Désormais, le lecteur est fixé : il s’apprête à lire un discours philosophique, astronomique et abstrait. Par le recours à la négation restrictive, à un déterminant démonstratif et à un substantif volontairement vague – « il n’a presque été question que de ces choses-là « -« , l’auteur confirme les sujets sérieux des discussions qu’il a eues avec la Marquise.

Ce premier mouvement s’achève sur une relation complice entre l’auteur et le destinataire. C’est ce que confirment l’adverbe « heureusement » et l’attribut du sujet « vous êtes philosophe ». Cette phrase permet de créer une connivence entre le narrateur et le lecteur : tous deux sont assez ouverts d’esprit pour apprécier le livre de philosophie qui va suivre.   

II – Le portrait mélioratif de la Marquise

De « Peut-être même serez vous bien aise » à « si j’osais, le nom de savants« 

Tout en s’adressant toujours à son interlocuteur de façon directe, l’auteur brosse le portrait de la Marquise.

En poursuivant sur le ton de la connivence, puisqu’il anticipe les réactions de son destinataire (« Peut-être même serez-vous bien aise » ), il explique avoir intéressé Madame la Marquise à la philosophie, qui désigne, à cette époque, les sciences.

L’auteur souligne qu’il a été à l’initiative des échanges avec la Marquise, comme l’indique la proposition subordonnée conjonctive complétive « que j’aie attiré Madame la Marquise dans le parti de la philosophie. »

Le terme d’« acquisition », pour désigner la Marquise, peut surprendre et souligner déjà une forme de libertinage.

L’auteur souligne l’importance de deux valeurs présentes chez la jeune femme : « la beauté et la jeunesse ». Il mêle ainsi dans cet avant-propos déjà deux types de conquête : la conquête intellectuelle, par l’étude de la philosophie, et la conquête amoureuse, à travers les entretiens avec la Marquise.

Par la suite, avec l’interro-négative, l’auteur suscite l’intérêt de son destinataire, et de son lecteur : « ne croyez-vous pas que… ? ». Il personnifie alors la sagesse sous les traits de la Marquise, liant de nouveau conquête intellectuelle et conquête amoureuse.

Par cette image galante, l’auteur souligne également l’importance de l’apparence et de la forme dans l’acceptation des idées : la beauté et l’agrément rendent la science plus accessible.

L’auteur poursuit la personnification de la sagesse : si la sagesse avait les mêmes agréments que la Marquise, tout le monde courrait après la sagesse. Ces propos galants rappellent l’esprit des salons mondains, où chacun brille par des boutades et des comparaisons galantes, et confirme la volonté de lier le savoir et le plaisir dans cet ouvrage.

Tout au long de cet avant-propos, on retrouve dans la posture de l’auteur le topos de l’humilité. Par exemple, il prévient son interlocuteur que ce qu’il va raconter ne sera pas exceptionnel en employant l’expression de la défense : « Ne vous attendez pourtant pas à entendre des merveilles ». Le lecteur sait désormais ce qu’il va lire : « le récit des entretiens que j’ai eus avec cette dame ». En raison de cette prévenance, la curiosité du lecteur est en réalité piquée.

Le portrait de la Marquise est mélioratif : après ses attraits physiques et sa sagesse, c’est désormais son intelligence qui est valorisée : « il faudrait presque avoir autant d’esprit qu’elle, pour répéter ce qu’elle dit de la manière dont elle l’a dit. ».

Fontenelle loue ici l’esprit exceptionnel de la marquise : son esprit est si brillant que le simple fait de rapporter ses paroles exige déjà du talent. La tournure conditionnelle « il faudrait » traduit une forme d’admiration. Le comparatif « autant d’esprit qu’elle » et le parallélisme de construction qui suit renforce cette idée : il ne s’agit pas seulement de répéter les mots de la marquise, mais de reproduire l’élégance et la vivacité de son expression, ce qui semble presque impossible.

L’éloge de la marquise se poursuit. Ainsi, si cette dernière n’a pas « ouvert les yeux sur des livres », elle n’en est pas moins « savante« . L’auteur s’empresse en effet d’excuser le manque de culture livresque de la jeune femme : « cela n’est rien », et se risque même, avec une précaution oratoire si j’osais »), à dénier « le nom de savants » à certaines personnes qui ont beaucoup lu.

Ainsi, il remet en question la valeur du savoir livresque en le distinguant de la véritable compréhension et de la sagesse. Ce passage flatte indirectement le lecteur, novice également, qui s’apprête à lire un ouvrage de vulgarisation scientifique.

En effet, l’auteur tient la marquise pour savante « à cause de l’extrême facilité qu’elle aurait à le devenir. » Le complément circonstanciel de cause suggère une confiance dans la capacité humaine à grandir et à évoluer intellectuellement, qui s’applique implicitement au lecteur.

III – Des entretiens en rupture avec la tradition

De « Au reste, Monsieur » à la fin de l’avant-propos.

Le dernier mouvement de cet avant-propos se conclut sur une adresse polie « Monsieur ». L’expression « vous m’aurez une obligation » suggère que l’auteur s’apprête à dévoiler un élément précieux, en jouant sur l’idée de redevabilité.

Fontenelle prend ainsi des précautions littéraires et projette son lecteur « dans le détail des conversations » avec la Marquise, c’est-à-dire dans un genre littéraire proche du dialogue philosophique.

Il mentionne le lieu de ses entretiens : « le château où elle était allée passer l’automne. » Cette phrase rappelle le cadre aristocratique dans lequel ont lieu les entretiens.

Mais aussitôt, il se détache des traditions littéraires suggérées par la tournure impersonnelle « on a souvent décrit des châteaux ». Il affirme ainsi se démarquer de cette convention sur un ton humoristique, comme le suggère le futur à valeur de certitude : « je vous ferai grâce sur cela. »

A cette tradition, l’auteur préfère une rédaction plus directe et plus authentique : « il suffit que vous sachiez que », soulignant ainsi son rôle d’autorité.

De façon surprenante, il précise : « je n’y trouvai point de compagnie, et que j’en fus fort aise. » C’est que cette solitude suggère un cadre propice à la réflexion et aux entretiens philosophiques qui suivront.

De façon humble, par l’expression « rien de remarquable », l’auteur souligne une vie tranquille et ordinaire, faite de conversations plus sociales que profondes : « épuiser les nouvelles de Paris d’où je venais ». Cela permet d’opposer et d’introduire l’idée de conversations philosophiques : la transition se fait presque abrupte et pique la curiosité du destinataire et du lecteur : « mais ensuite vinrent ces entretiens dont je veux vous faire part. »

Enfin, l’auteur précise la structure narrative qui sera celle de son récit : « Je vous les diviserai par soirs ». Le futur « je vous les diviserai » adopte déjà un ton didactique, presque professoral.

L’auteur justifie la structure de son ouvrage par la proposition subordonnée circonstancielle de cause « parce qu’effectivement nous n’eûmes de ces entretiens que les soirs. » Cette précision continue d’inscrire les entretiens dans un cadre réaliste, vivant et naturel, qui donne l’illusion de la conversation réelle. Il rappelle également que les réflexions philosophiques sont nées d’un cadre intimiste, propice à la contemplation.

Conclusion

En définitive, cet avant-propos donne le ton de l’œuvre à suivre : Entretiens sur la pluralité du monde empruntera à la fois au plaisir de la conversation avec la Marquise et au sérieux de la réflexion scientifique.

D’emblée, cette adresse à Monsieur L… donne au lecteur un rôle fondamental : celui d’adopter une posture philosophique consciente. L’auteur use de l’ironie à plusieurs reprises pour provoquer son destinataire double – Monsieur L. et les lecteurs de façons plus générale. Dans ces entretiens philosophiques, l’acquisition de connaissances scientifiques nouvelles va côtoyer le plaisir de la conversation divertissante.

Qui suis-je ?

Amélie Vioux

Professeure et autrice chez hachette, je suis spécialisée dans la préparation du bac de français (2nde et 1re) et du Brevet (3ème).

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