Karine Tuil, lauréate du prix Goncourt des lycéens 2019

Crédit photo : Francesca Mantovani

Karine Tuil est une romancière française née en 1972.

Son dernier roman, Les choses humaines, a reçu le prix interallié 2019 et le prix Goncourt des lycéens 2019.

Dans cet entretien réalisé en janvier 2020, Karine Tuil évoque ses goûts littéraires, son oeuvre et ses habitudes d’écriture.

Karine Tuil, pouvez-vous vous présenter ?

Je suis écrivain, auteur de onze romans.

J’ai toujours beaucoup lu et écrit. J’ai fait des études de droit, je suis titulaire d’un DEA de droit de la communication de l’université d’Assas.

A dix-neuf ans, j’ai écrit un roman qui n’a pas été publié. Puis un second, à 21 ans. Ce n’est que mon troisième manuscrit qui a été publié après avoir été remarqué par Jean-Marie Rouart (qui était alors directeur du Figaro littéraire) lors d’un concours organisé par la fondation Simone et Cino Del Duca.

Mon premier roman « Pour le pire » a été publié en 2000 aux éditions Plon mais c’est mon deuxième roman « Interdit », sélectionné pour le Prix Goncourt, qui m’a vraiment permis de faire connaître mon travail.

Dès 2006, j’ai commencé à m’intéresser à « la littérature du réel » : je travaille à partir d’un fait divers ou d’une actualité, je me documente, j’enquête puis j’intègre ce matériau au cœur d’une fiction.

Je suis juriste de formation mais je n’ai jamais exercé. Le monde judiciaire est au cœur de mon dernier roman. « Les choses humaines » décrypte une affaire de viol du point de vue de l’accusé et de sa famille.

Quels sont les livres qui ont exercé une profonde influence sur vous ? Les auteurs pour qui vous avez eu un coup de foudre ?

Quand j’étais adolescente, ma mère me donnait à lire les textes qu’elle empruntait à la bibliothèque. Il n’y avait aucune censure, nous en parlions librement. Avec le recul, je constate qu’il s’agissait de textes à forte charge sociale ou politique. Ainsi, j’ai été très marquée par « L’étranger » de Camus, « Le deuxième sexe » de Simone de Beauvoir, tous les livres de Kafka.

Plus tard, à différentes périodes de ma vie, j’ai découvert d’autres auteurs qui m’ont beaucoup marquée : Beckett, Faulkner, Gombrowicz, Philip Roth, Proust, Thomas Bernhard mais aussi Joan Didion et, plus récemment, Houellebecq ou Jonathan Safran Foer. Je citerais évidemment aussi Flaubert, Tolstoï et Dostoïevski. La liste serait trop longue !



Aimiez-vous la lecture de classiques au lycée ou votre goût pour la littérature s’est-il développé plus tard ?

J’appréciais peu la lecture de classiques au lycée, je les ai relus plus tard, vers 25-40 ans, avec plus de distance et de maturité.

Mais je suis convaincue que la lecture forme votre esprit même si, sur le moment, certains textes nous laissent indifférents. Les livres rendent le monde intelligible, ils nous aident à comprendre la société, l’époque.

Pouvez-vous nous parler de votre dernier ouvrage?

Mon roman, « Les choses humaines », raconte l’histoire de la famille Farel : le père, Jean, 70 ans, est un très grand journaliste politique à la radio et à la télévision, obsédé par sa carrière, son image ; sa femme, Claire, âgée d’une petite quarantaine d’années, est une essayiste, connue pour ses engagements féministes. Ensemble, ils ont un fils, Alexandre, 21 ans, brillant étudiant à l’université de Stanford. Une accusation de viol va faire vaciller cette parfaite construction sociale.



Quels sont vos thèmes de prédilection ? Sur quoi aimez-vous écrire ?

J’aime écrire sur l’identité et la place sociale. Peut-on échapper à son identité, ses origines – à soi ? Je suis très intéressée par la question du déterminisme et des rapports de classe. Quelles compromissions, quels efforts sommes-nous prêts à faire pour trouver notre place dans une société ultra-compétitive et obsédée par la performance ?
Tous ces sujets me permettent d’explorer la vulnérabilité de la condition humaine.

Comment organisez-vous vos journées d’écriture ? Avez-vous certaines habitudes ?

Je m’installe à ma table de travail vers 8h tous les matins. Idéalement, je travaille jusqu’à 16h. A partir de là, je me consacre à mes enfants. Le soir, je lis. Je travaille sur une table en bois sur laquelle il n’y a rien d’autre que mon ordinateur et mes carnets. J’ai besoin de cette sobriété qui renvoie à l’humilité de l’acte d’écrire. Je n’écoute pas de musique quand j’écris. Il y a toujours un moment dans la journée où je sors pour marcher et réfléchir au texte en cours. Les idées me viennent en marchant.

Travaillez-vous sur un manuscrit actuellement ?

Oui, je travaille actuellement sur un roman mais je n’en parle jamais quand je l’écris car j’ai alors l’impression qu’il m’échappe.

Merci Karine Tuil !

Découvrez quelques uns des romans de Karine Tuil :

 

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