Les Fausses confidences, Marivaux, acte II scène 10 : analyse

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Voici une analyse linéaire de l’acte 2 scène 10 des Fausses Confidences (1737) de Marivaux.

L’extrait étudié va de «C’est par pure colère que j’ai fait cette menace» jusqu’à la fin de la scène 10.

Les Fausses Confidences, acte II scène X, introduction

Les Fausses confidences, comédie en trois actes de Marivaux, est joué pour la première fois en 1737.

Dans cette pièce, comme dans de nombreuses comédies classiques, la réussite de l’intrigue amoureuse repose sur les épaules du valet.

Il s’agit ici du valet Dubois dont le maître Dorante est ruiné et ne peut prétendre faire la cour à la jolie veuve Araminte.

Dubois développe alors une série de stratagèmes et de ruses qui permettra à l’amour d’éclater au grand jour.

La scène 10 de l’acte II, dont est issue notre extrait, est un dialogue entre quatre personnages : Arlequin, Dubois, Araminte, Madame Argante.

Les deux valets sont en pleine dispute au sujet d’un tableau et réclament l’arbitrage d’Araminte. Il s’agit en réalité d’un nouveau stratagème de Dubois.

Extrait étudié

Dubois.
C’est par pure colère que j’ai fait cette menace, madame, et voici la cause de la dispute. En arrangeant l’appartement de M. Dorante, j’y ai vu par hasard un tableau où madame est peinte, et j’ai cru qu’il fallait l’ôter, qu’il n’avait que faire là, qu’il n’était point décent qu’il y restât ; de sorte que j’ai été pour le détacher ; ce butor est venu pour m’en empêcher, et peu s’en est fallu que nous ne nous soyons battus.
Arlequin.
Sans doute ; de quoi t’avises-tu d’ôter ce tableau qui est tout à fait gracieux, que mon maître considérait il n’y avait qu’un moment avec toute la satisfaction possible ? Car je l’avais vu qui l’avait contemplé de tout son cœur ; et il prend fantaisie à ce brutal de le priver d’une peinture qui réjouit cet honnête homme. Voyez la malice ! Ôte-lui quelque autre meuble, s’il en a trop ; mais laisse-lui cette pièce, animal.
Dubois.
Et moi je te dis qu’on ne la laissera point, que je la détacherai moi-même, que tu en auras le démenti, et que madame le voudra ainsi.
Araminte.
Eh ! que m’importe ? Il était bien nécessaire de faire ce bruit-là pour un vieux tableau qu’on a mis là par hasard, et qui y est resté. Laissez-nous. Cela vaut-il la peine qu’on en parle ?
Madame Argante, d’un ton aigre.
Vous m’excuserez, ma fille ; ce n’est point là sa place et il n’y a qu’à l’ôter. Votre intendant se passera bien de ses contemplations.
Araminte, souriant d’un air railleur.
Oh ! Vous avez raison je ne pense pas qu’il les regrette. (À Arlequin et à Dubois.) Retirez-vous tous deux.

Les Fausses confidences, Marivaux, acte II scène 10

Problématique

Comment cette scène comique permet-elle de faire progresser l’action en révélant au spectateur les premiers sentiments amoureux d’Araminte?

Annonce de plan linéaire

Nous pouvons distinguer deux mouvements dans cet extrait.

Le premier mouvement met en scène Dubois et Arlequin, pris dans un lazzo comique (I).

Le second mouvement présente les réactions attendues d’Araminte et de sa mère Madame Argante à propos du tableau (II).

I – Dubois et Arlequin, engagés dans un lazzo comique

De «C’est par pure colère que j’ai fait cette menace» à «et que Madame le voudra ainsi».

Ces scènes de dispute qui finissent souvent en bastonnade sont typiques de la comedia dell arte. Destinées à susciter le rire par le biais d’un comique de mots mais surtout de geste, ces scènes sont nommées des lazzi.

Le début de la scène 10 de l’acte II constitue justement une pause comique, dans laquelle figure le personnage d’Arlequin, typique de la comédie italienne.

Dans Les Fausses Confidences, Arlequin n’apparait pas très malin. On peut donc estimer qu’il n’est pas dans la confidence, et que le valet Dubois, beaucoup plus vif, se sert de cet «heureux hasard» pour ses manigances.

La didascalie interne «par pure colère» laisse deviner le jeu d’acteur de Dubois, faussement scandalisé, qui affronte Arlequin.

La première réplique de Dubois crée un double effet d’attente pour le spectateur et les personnages sur scène. Ils redoutent non seulement la bastonnade annoncée au début de la scène par Dubois («Comme je te bâtonnerais, sans le respect de Madame!») mais ont aussi hâte de connaitre «la cause de la dispute».

Le terme «dispute», qui désigne au XVIIe siècle une querelle à propos d’idée ou d’opinions, ne manque pas d’évoquer La Dispute, autre pièce de Marivaux, écrite en 1744.

Tous imaginent que la «dispute» en question repose sur un sujet important. Cependant, ils s’affrontent à propose d’un «tableau où Madame est peinte» accroché dans «l’appartement de Monsieur Dorante».

Le terme «hasard» qui apparait deux fois est chargé d’ironie.

Non seulement Dubois tient le rôle d’un véritable maitre de jeu, mais il exploite aussi les heureux hasards de la pièce. Un mystère demeure cependant : qui a placé le tableau dans la chambre de Dorante ?

L’explication de Dubois est longue et complexe, à l’instar de la construction de la phrase : «j’ai cru» suivi de trois complétives qui répètent la même idée : « j’ai cru qu’il fallait l’ôter, qu’il n’avait que faire là, qu’il n’était point décent qu’il y restât ; de sorte que j’ai été pour le détacher » Cet effet d’insistance est source de comique. Dubois se fait passer pour plus bête qu’il ne l’est.

Les insultes, comme «butor» qui désigne un grossier personnage, sont typique des scènes de dispute comique.

L’enjeu de la dispute paraît futile. Il conduit pourtant à une dispute, presque une bagarre, comme le précise Dubois: «et peu s’en est fallu que nous ne nous soyons battus».

La réplique d’Arlequin confirme les sentiments amoureux de Dubois pour Araminte, comme l’indique le lexique des sentiments amoureux: «toute la satisfaction», «de tout son cœur», «peinture qui réjouit».

Il flatte indirectement Araminte en la qualifiant de «gracieuse». Arlequin défend naïvement la relation amoureuse de son maître.

Les injures «brutal», «animal », et l’apostrophe «Voyez la malice !» renforcent la crédibilité de la dispute et sont également source de comique.

La courte réplique de Dubois clôt la dispute en réclamant l’arbitrage d’Araminte.

L’emploi du futur simple «laissera, détacherai, auras, voudra» est une manœuvre habile de Dubois pour pousser Araminte à prendre parti et dévoiler ses sentiments.

Tout laisse à penser qu’elle défendra son honneur et demandera à ce que le tableau soit retiré.

II – Les réactions d’Araminte et de Madame Argante face à la dispute du tableau

De «Eh! Que m’importe ? il était bien nécessaire de faire ce bruit-là» à la «Je ne pense pas qu’il les regrette.»

Or, la réaction d’Araminte n’est pas celle annoncée par Dubois. La jeune femme est habile.

L’onomatopée «Eh» associée aux phrases exclamatives et interrogatives traduisent son apparent dédain pour cette dispute et ce tableau.

L’emploi de l’article indéfini «un» suivi de l’adjectif «vieux» connote péjorativement le tableau : « pour un vieux tableau » .

Les deux propositions relatives « qu’on a mis là par hasard, et qui y est resté » accentuent le dédain d’Araminte.

Il faut deviner ses véritables sentiments : Araminte ne peut pas volontairement laisser son portrait accroché dans la chambre de Dubois.

Elle essaye de minimiser l’enjeu de la dispute, comme le montre l’interrogative qui clôt sa réplique «Cela vaut-il la peine qu’on en parle?».

En réalité, elle est flattée de l’attention que lui porte Dorante. C’est un premier pas dans leur relation amoureuse.

Cependant, Madame Argante n’est pas dupe.

Elle contredit sa fille dès les premiers mots de sa réplique «vous m’excuserez».

La didascalie « d’un ton aigre » et l’expression «votre intendant se passera bien de ses contemplations» indiquent toute l’ironie de ses propos.

Elle refuse ainsi toute éventualité d’un futur mariage. Cette réplique la confirme dans son rôle d’obstacle au bonheur des deux prétendants.

La dispute et la scène se closent sur l’injonction d’Araminte «Retirez-vous tous deux.»

Peut-on voir de l’ironie dans l’emploi du verbe «retirer» ? En effet, ce n’est pas le tableau que les deux valets doivent retirer, comme on l’attendait.

La didascalie «d’un ton railleur» semble l’indiquer : Araminte joue la comédie, elle n’est pas dupe et reste maitresse de ses émotions. Elle protège Dorante tout en prétendant être bien au-dessus de cette dispute.

Les Fausses confidences, acte II scène 10, conclusion

Dans cette scène, la tension culmine et les nœuds de l’intrigue s’entremêlent inextricablement.

La ruse, dans Les Fausses confidences, est un moteur de l’intrigue.

Le tableau sert ici d’élément clé pour faire avancer l’intrigue et révéler au spectateur les premiers sentiments amoureux d’Araminte.

Ce stratagème est une nouvelle victoire de Dubois qui parviendra dans la suite de la pièce à faire émerger la vérité des sentiments.

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Amélie Vioux

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