La dent d’or, Fontenelle : commentaire

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histoire des oracles fontenelleVoici un commentaire de l’épisode de la dent d’or tiré de l’Histoire des Oracles de Fontenelle (1687).

La dent d’or, Fontenelle, introduction du commentaire

Au 17ème siècle, l’enseignement universitaire est encore fortement imprégné par les méthodes médiévales. La foi est inséparable de la raison et le monde est guidé par la Providence divine.

En 1687, Fontenelle, un auteur classique, ne partage pas cette approche. Il est animé d’un esprit rationaliste qui s’est affirmé avec la lecture des ouvrages du célèbre philosophe Descartes comme le Discours de la Méthode (1650) et Méditations métaphysiques (1641).

Dans ce texte de la dent d’or, Fontenelle utilise un apologue (I) pour dresser la satire de l’université de son temps (II) et faire la promotion du rationalisme et de la méthode scientifique (III).

Questions possibles à l’oral sur « La dent d’or » de Fontenelle

♦ En quoi ce texte est-il un apologue ?
♦ La science chez Fontenelle.
♦ Etudiez le registre satirique dans ce texte.
♦ Quelle est la morale de ce texte ?
♦ Qu’est-ce qui fait l’efficacité de « La dent d’or » de Fontenelle ?

 I – La dent d’or : un apologue

 A – La structure d’un apologue

Le texte de la dent d’or est un véritable apologue.

Un apologue est un court récit qui vise à illustrer une morale.

Le texte de la dent d’or s’ouvre par une question « mais aussi tout cela est-il bien vrai ? » qui est suivie d’une thèse « Assurons-nous bien du fait avant de nous inquiéter de la cause ».

L’impératif et l’utilisation de la première personne du pluriel (« nous ») montre que Fontenelle utilise l’autorité du moraliste qui s’adresse au nom de l’ensemble des hommes.

Puis Fontenelle introduit un récit rigoureusement composé.

En effet, la chronologie est parfaitement indiquée et l’on peut suivre l’anecdote à l’année près : « En 1593 […] en 1595 […] en la même année […] Deux ans après […] aussitôt ».

Après ce récit, Fontenelle, comme dans tout apologue, conclut pour dégager un enseignement.

Le champ lexical de la philosophie  (« choses », « sont », « raison », « ne sont point », « raison », « principes », « vrai », « faux ») montre que Fontenelle revient à un propos abstrait destiné à prendre de la hauteur et à dégager la vérité de l’apologue.

L’utilisation du présent de vérité générale « nous trouvons », ainsi que le polyptote du verbe « être » ( « n’est », «  suis », « sont », « est », « ne sont point ») soulignent que Fontenelle s’intéresse désormais à l’essence des choses comme le fait un philosophe ou un moraliste.

Structuré comme un apologue, le texte n’est pas moins destiné à plaire au lecteur.

B – Un apologue plaisant

Dans ce texte de la dent d’or, Fontenelle joue sur le merveilleux et l’énigmatique pour maintenir l’attention du lecteur.

Le texte commence en effet par une question qui place le lecteur dans une énigme : « mais tout cela est-il bien vrai ? ».

Puis le lecteur est entraîné dans l’univers du merveilleux avec un champ lexical du surnaturel très présent au début du texte : « oracles », « Démons », « or », « miraculeuse », « envoyée de Dieu », « consoler les chrétiens ». Fontenelle place le lecteur dans un univers surnaturel qu’il va interroger et démystifier.

L’art du récit transparaît également dans l’antithèse « ce malheur arriva si plaisamment » qui surprend et intrigue.

Généralement, dans un apologue, le récit n’est ni ancré dans le temps ni dans l’espace. Or Fontenelle fait exactement le contraire : les dates sont précises, et les circonstances minutieusement mentionnées à travers les compléments circonstanciels de temps, de lieu et de manière : « En 1593, le bruit courut que les dents étant tombées à un enfant de Silésie, agé de sept ans, il lui en était venue une d’or, à la place de ses grosses dents ».

Le fort ancrage spatio-temporel de cet épisode est très différent de l’univers a-temporel des apologues traditionnels. Fontenelle s’amuse à pervertir les conventions de l’apologue pour bousculer le lecteur dans ses habitudes.

Transition : Car tel est l’objectif de Fontenelle. Bousculer ses contemporains dans leurs certitudes intellectuelles ou philosophiques. Ce texte est en effet l’occasion de dresser un portait satirique de l’université européenne, selon lui archaïque et crédule.

II – Une satire de l’université du 17ème siècle

 A – L’université, un théâtre antique

Fontenelle utilise le registre satirique pour dénoncer l’archaïsme des universitaires de son temps.

Tout d’abord, il se moque des savants : « Horatius », « Ingolsteterus », « Rullandus », « Libavius ». Fontenelle les mentionne par leur nom latinisés sortis tout droit de l’époque romaine (Horstius) ou du 16ème siècle (Ingolsteterus) où les universitaires aimaient latiniser leur nom. Horstius et Libavius était des chimistes et médecins allemands qui ont réellement existé mais Libavius est déréalisé ironiquement par le terme « nommé  Libavius ».

Le registre satirique passe aussi par la manière dont ces savants pratiquent les sciences : « Horstius […] écrivit en 1595 l’histoire […]Rullandus en écrit encore l’histoire […). » Le parallélisme de construction montre une science répétitive, qui ressasse des contrevérités. Rullandus répond à la réponse d’Ingosteterus comme si le discours de l’université se refermait sur lui-même sans prise sur le monde qui l’entoure.

Mais l’ironie de Fontenelle va plus loin. Ingolsteterus est mentionné comme un « autre savant », Libavius « un autre grand homme ». Ces expressions donnent l’impression que les savants défilent mécaniquement pour apporter leur interprétation sur cette dent d’or.  Ils s’interprètent les uns les autres sans jamais se référer au réel.

Autre trait satirique : le terme « réplique » dans « belle et docte réplique » appartient au théâtre. Fontenelle révèle ainsi que l’université n’est qu’une scène théâtrale où les professeurs défilent et interprètent un rôle comique.

Le déterminant indéfini « quelques  savants » traduit le mépris de Fontenelle pour ces faux savants. Il tourne également en dérision le travail d’investigation du professeur avec le verbe péjoratif et satirique « ramassa » qui dénonce la dégradation du travail universitaire en cette fin de 17ème siècle.

De surcroît, Fontenelle utilise l’antiphrase : la « belle et docte réplique », le « grand homme », les « beaux ouvrages ». Toutes les mots soulignés sont ironiques car il faut les comprendre dans un sens contraire à leur signification. Ces antiphrases miment le discours des savants qui aiment s’entendre parler.

B – L’université, un univers superstitieux

L’université est un monde crédule qui pense en dehors des faits et du réel.

Fontenelle utilise ainsi le champ lexical du sentiment pour caractériser la méthode des universitaires : « consoler », « consolation », « sentiment », « sentiment particulier ». Cette approche est à rebours de l’idéal de rigueur scientifique prôné par Fontenelle.

Au-delà, Fontenelle condamne l’interprétation religieuse et providentialiste des événements : « et prétendit qu’elle était en partie naturelle, en partie miraculeuse, et qu’elle avait été envoyée de Dieu à cet enfant pour consoler les chrétiens affligés par les Turcs. »

Par la proposition de but « pour consoler… », Fontenelle dénonce le finalisme chrétien qui trouvait un sens providentiel à tous les événements.

Le parallélisme de construction « en partie naturelle en partie miraculeuse » reprend ironiquement la distinction chrétienne entre l’ordre de la nature et l’ordre de la grâce. Ce qui se passe dans la nature n’est qu’une manifestation de ce qui est décidé par Dieu dans l’ordre de la grâce.

Or Fontenelle s’oppose radicalement à ce finalisme chrétien par l’ironie « Figurez-vous quelle consolation, et quel rapport de cette dent aux chrétiens, et aux Turcs ». Il exhorte le lecteur à se représenter concrètement les choses en dehors de toute interprétation religieuse. L’usage de la raison doit en effet permettre de sortir des superstitions. Or le professeur d’université, au lieu d’éclairer, parle comme un prédicateur.

D’ailleurs, Fontenelle dénonce superstition avec le jeu de mots de sur la polysémie du verbe « consulter » dans « on consulta l’orfèvre ». Consulter signifie demander un avis, une expertise mais peut aussi avoir une connotation religieuse car il s’emploie pour les oracles (consulter un oracle).

Transition : A la crédulité de l’université bloquée dans son approche archaïque et religieuse des faits, Fontenelle oppose une attitude rationaliste.

III – La promotion de la raison

 A – Une approche rationaliste des faits

Fontenelle oppose à cette approche religieuse une approche scientifique et rationaliste comme le préconisait le philosophe René Descartes.

Le texte de la dent d’or est en effet structuré par des connecteurs logiques qui traduisent une approche rationaliste : «Il est vrai que », « mais », « mais », « cela veut dire que », « mais ».

Les connecteurs logiques utilisés par Fontenelle, souvent d’opposition, montrent que l’auteur relie logiquement les événements entre eux et met en évidence les oppositions pour dégager la vérité.

L’anaphore de ce terme « raison » qui est utilisé au premier et au dernier paragraphe atteste de l’influence de Descartes. Fontenelle veut parvenir à la vérité par la voie de la raison.

L’auteur rappelle que le fait est premier. Il faut d’abord avoir l’expérience des choses avant de raisonner sur elles. C’est ce que l’on appelle l’empirisme.

Ainsi, le champ lexical de la science ( « rendre raison », « vrai », «  fait », « cause », « méthode », «cause », « vérité du fait », « ignorance », « raison », « principes », « vrai » ) se déploie au premier et dernier paragraphe comme si la raison scientifique encadrait le texte.

De même, le chiasme lexical du premier paragraphe souligne la primauté du fait sur les raisonnements (le chiasme est une structure ABBA):
« Assurons-nous bien du fait, avant de nous inquiéter de la cause. Il est vrai que cette méthode est bien lente pour la plupart des gens, qui courent naturellement à la cause, et passent par-dessus la vérité du fait ».
Les termes « fait » encadrent les termes « causes » pour montrer que la recherche des causes est un travail scientifique et non théologique, et que ce travail doit s’appuyer sur les faits.

B – Le texte de la dent d’or : une démonstration scientifique

Si ce texte est un apologue, il est aussi et surtout une démonstration scientifique à lui tout seul.

Le premier paragraphe correspond à l’énoncé du problème : « mais tout cela est-il bien vrai ? ».

Le deuxième paragraphe correspond à la formulation de l’hypothèse « Assurons-nous du fait, avant de nous inquiéter de la cause ».

Le troisième paragraphe est l’expérimentation. Le récit scrupuleux de la chronologie des faits correspond à cette minutie du scientifique qui, dans son laboratoire, ne néglige aucune mesure. Le chiffrage à travers l’abondance de dates fait penser en effet à une saisie des mesures par le scientifique.

Le quatrième paragraphe correspond à l’énoncé de la conclusion introduit par « cela veut dire que… ».

A travers la structure de son texte, Fontenelle nous propose donc un protocole d’expérimentation scientifique, une matrice permettant de faire un raisonnement philosophique sans s’écarter de la vérité.

La dent d’or, conclusion :

Dans ce texte issu de l’Histoire des Oracles, Fontenelle dénonce l’université, archaïque et trop imprégnée des principes chrétiens.

Les professeurs de l’université sont des prédicateurs alors que Fontenelle souhaite des philosophes qui libèrent les hommes de leurs préjugés en faisant usage de leur raison et non de leurs croyances.

De ce point de vue, Fontenelle est déjà un homme du 18ème siècle. Son rationalisme et son scientisme en font un pont entre le XVIIème siècle de Descartes et le XIXème siècle d’Auguste Comte.

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4 commentaires

  • Bonjour, merci pour cette analyse qui m’a énormément aidée ! Cependant, je n’arrive pas à reformuler la thèse « assurons-nous bien du fait avant de nous inquiéter de la cause »… Est-ce que quelqu’un pourrait m’aider svp ? merci d’avance !

  • Bonsoir Amelie,
    Est ce que tu pourrais proposer un plan des autres problématiques que tu cites stp
    Merci bcp j’adore ce que tu fais ça m’aide énormément!

  • Quel bonheur de voir que vous venez de commenter ce texte sur lequel j’avais justement des difficultés !! Vos commentaires composés et vos vidéos sont compréhensibles et très clairs, c’est une aide énorme. Merci 🙂

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