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Voici une analyse linĂ©aire de la lettre 21 de Lettres d’une PĂ©ruvienne de Françoise de Graffigny. Ce roman Ă©pistolaire est au bac de français dans le cadre du parcours « Un nouvel univers s’est offert Ă mes yeux)
L’extrait Ă©tudiĂ© va du dĂ©but de la lettre 21 à « sans contrarier les siens ».
Lettre XXI, Introduction
Françoise de Graffigny publie les Lettres d’une PĂ©ruvienne en 1747 après avoir tentĂ© une carrière dans l’écriture théâtrale et frĂ©quentĂ© les salons oĂą elle a rencontrĂ© Voltaire, Marivaux, Rousseau, d’Alembert et Diderot. Retrouve la fiche de lecture complète de Lettres d’une PĂ©ruvienne.
Après avoir Ă©tĂ© capturĂ© par les Français, l’hĂ©roĂŻne, un jeune PĂ©ruvienne nommĂ©e Zilia, dĂ©couvre l’Europe et notamment la bonne sociĂ©tĂ© parisienne.
Au fur et Ă mesure de son contact avec la civilisation française, le regard de Zilia perd de sa naĂŻvetĂ© et s’affute. Elle porte un regard critique sur les institutions politiques et, comme attendu dans un roman Ă©pistolaire inspirĂ© des Lettres persanes, sur les institutions religieuses et notamment la religion chrĂ©tienne. (Voir la fiche de lecture complète de Lettres d’une pĂ©ruvienne)
Problématique
En quoi la critique du dogmatisme religieux chrĂ©tien de cette lettre 21 s’inscrit-elle dans l’esprit des Lumières ?
Annonce de plan
Dans un premier temps, Zilia narre une tentative de conversion avortée.
Dans un deuxième temps, sa critique se tourne non vers la religion en elle-même mais vers le dogmatisme chrétien.
Enfin, dans un troisième temps, Zilia donne sans le savoir une leçon de tolérance.
I – Une tentative de conversion avortée
De « Je ne manquerai plus » à « une peinture véritable »
Zilia propose d’emblĂ©e dans la lettre 21 une Ă©tude de la civilisation europĂ©enne : « Je ne manquerai plus de matière pour t’entretenir, mon cher Aza
».
La jeune PĂ©ruvienne sort du champ de l’intimitĂ© et du lyrisme du dĂ©but du roman pour porter un regard sur le monde extĂ©rieur. On sent ainsi un processus de dĂ©tachement Ă l’encontre d’Aza : l’incise « mon cher Aza » semble dĂ©sormais plus relever de la formule polie que d’une expression amoureuse.
C’est le thème de la religion qui est abordĂ© dans cette lettre 21, comme l’avait fait Montesquieu dans les Lettres persanes (lettre 46).
Zilia part de la dĂ©nomination qu’elle connaĂ®t « cusipata », qui dĂ©signe ici un religieux comme le dit Zilia dans sa traduction française : « religieux ».
L’italique charge dĂ©jĂ subtilement le terme « religieux » d’une dimension satirique en dĂ©signant un nom vidĂ© de sa substance, sans aucune dimension spirituelle pour Zilia.
L’apposition « instruit de tout
», par son caractère hyperbolique, prépare également la critique.
Le champ lexical du savoir qui suit (« ignorer », « savant », « il sait parfaitement », « dogmes »
) pose le religieux comme un précepteur qui dispense ses connaissances à son élève.
La référence à l’ « Amauta » suggère l’autorité dont il bénéficie aux yeux de Zilia.
Mais le lecteur comprend que le religieux ne cherche pas seulement à communiquer des connaissances à Zilia mais à la convertir d’où l’ambiguïté de cette figure : « Poli comme un grand seigneur, savant comme un Amauta
». Le parallélisme syntaxique (adjectif + comparaison) et rythmique (7/7) souligne une certaine duplicité. Le religieux est à la fois homme du monde, immergé dans les mondanités et un savant digne d’un théologien.
Le comparatif d’égalité renforce cette impression d’un être double qui amène sa conversion par la séduction : « il sait aussi parfaitement les usages du monde que les dogmes de sa religion
».
Cette approche prosélyte est efficace puisque Zilia déploie un champ lexical du plaisir : « parfaitement », « entretien », « satisfaction », « goûtée »
.
Le terme « entretien » relève de l’art mondain de la conversation et n’est sans doute qu’un piège destiné à convertir Zilia en lui faisant abandonner ses croyances originaires. L’efficacité pédagogique est donc assurée par le mélange classique entre docere et placere, plaire et instruire, qui ressemble à la pédagogie jésuite.
Zilia n’est toutefois pas dupe de cette manoeuvre et en expose très simplement le plan : « Il venait pour m’instruire de la religion et pour m’exhorter à l’embrasser
».
Le verbe « exhorter » relève non pas de la raison, de l’argument rationnel mais de la persuasion, et donne une touche subtilement polémique à cette phrase.
Le préfixe « ex- » suggère que le religieux cherche à faire sortir Zilia d’elle-même pour lui faire adopter une religion qui n’est pas la sienne.
Le terme « embrasser » a un double sens : il signifie bien sûr adopter (une nouvelle religion) mais on ne peut ignorer non plus le sens galant, comme si cette conversion était préparée par une entreprise de séduction préalable.
L’irréel du présent utilisé dans la phrase suivante révèle une prise de distance voir une méfiance de Zilia : « je le ferais volontiers si j’étais bien assurée qu’il m’en eût fait une peinture véritable
».
Le terme de « peinture », qui relève de l’art rappelle les représentations iconographiques destinées à impressionner ceux que l’on cherche à convertir.
II – Une critique du dogmatisme chrétien
De « De la façon dont il m’a parlé« à « dĂ©truit la confiance«Â
Zilia, et à travers elle Françoise de Graffigny, ne critique pas la religion en tant que telle mais l’exercice et la pratique de celle-ci en Occident.
En effet, le champ lexical de la vertu (« vertus », « loi naturelle », « en vérité », « pures »
) caractérise aussi bien la religion païenne de Zilia que la religion chrétienne.
Le comparatif d’égalité les situe du reste sur le même plan « elles sont tirées de la loi naturelle, et en vérité aussi pures que les nôtres
».
La conjonction de coordination « mais » marque toutefois une rĂ©serve de Zilia, qui utilise l’ironie pour exprimer son point de vue. Quand elle Ă©crit « je n’ai pas l’esprit assez subtil », elle feint de se dĂ©valoriser pour mieux critiquer.
Cette fausse modestie lui permet de souligner l’écart entre les principes religieux du christianisme et la manière dont ils sont réellement appliqués en Occident.
Elle oppose ainsi les mots « mœurs et usages », qui désignent les habitudes concrètes de la société, au mot « vertus », qui évoque les valeurs morales idéales. Ce contraste révèle que les valeurs religieuses censées guider les comportements sont trahies par des pratiques corrompues.
Elle s’étonne de cette « inconséquence si remarquable
», c’est-à -dire ce décalage frappant entre les idées religieuses et les actions concrètes. Le vocabulaire qu’elle emploie – « esprit », « rapport », « inconséquence », « ma raison » – souligne qu’elle juge le comportement des européens illogique, au vu de leur religion.
Zilia revient sur la compatibilité potentielle entre les principes de la religion païenne inca et la religion chrétienne.
Le comparatif d’égalité (du fait de la double négation) établit un parallélisme entre l’univers païen et l’univers chrétien : « ils ne m’ont paru ni plus incroyables ni plus incompatibles avec le bon sens que l’histoire de Manco-Capac et du marais Tisicaca
».
Manco-Capac est l’ancĂŞtre semi-lĂ©gendaire des Incas et le marais de Tisicaca dĂ©signe le Lac Titicaca, berceau, avec les Andes, de la culture inca. Cette rĂ©fĂ©rence amène un exotisme qui ne peut que plaire aux lecteurs de l’Ă©poque.
Cette comparaison entre les diffĂ©rentes religions s’inscrit Ă©galement dans un courant de pensĂ©e prĂ©gnant au XVIIème et XVIIIème siècle, qui s’interroge sur l’existence d’une religion universelle qui transcenderait les particularismes culturels. On pourrait ainsi rapprocher cette position du dĂ©isme de Voltaire, reconnaissant l’existence d’un Dieu, architecte de l’Univers mais relĂ©guant les particularismes religieux dans la superstition.
Zilia est proche de la conversion (« ainsi je les adopterais de même
« ) mais elle se heurte au dogmatisme du religieux.
Françoise de Graffigny en profite pour montrer que la conception exclusive de la religion catholique agit comme un repoussoir : « si le cusipata n’eût indignement méprisé le culte que nous rendons au Soleil
».
L’effet de redondance entre l’adverbe « indignement » et « méprisé » met en évidence le rejet par la religion chrétienne de toute autre croyance.
Zilia termine par une phrase sentencieuse « toute partialité détruit la confiance
». Le terme « partialité » renvoie la religion chrétienne à un dogme étriqué.
Le terme « confiance » est efficace car il est Ă©tymologiquement fondĂ© sur le terme latin « fides » qui signifie la foi. Ironiquement, Graffigny souligne que c’est le religieux chrĂ©tien qui dĂ©truit la foi.
III – Une leçon de tolérance
De « J’aurais pu appliquer« à « contrarier les siens »
Zilia devient à son tour précepteur et donne au religieux – tout au moins au lecteur – une leçon de tolérance : « J’aurais pu appliquer à ses raisonnements ce qu’il opposait aux miens
».
Graffigny souligne que les dogmes sont d’égales valeurs par un parallélisme syntaxique : « à ses raisonnements » / « aux miens ».
Elle fait ensuite rĂ©fĂ©rence Ă des « lois de l’humanitĂ©
» qui « défendent de frapper son semblable parce que c’est lui faire un mal
». On a du mal à ne pas entendre ici le Sermon sur la Montagne, dans Matthieu, 5, 43-47 « Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l’autre
». Zilia, sans le savoir, reprend les paroles de Jésus-Christ refusant la loi du Talion pour préférer le respect et la tolérance. La leçon est imposante et l’ironie de Graffigny cinglante : la païenne, dans ses principes, est plus chrétienne que le chrétien !
En faisant référence aux « lois de l’humanité », Graffigny promeut non des principes dogmatiques mais des principes humanistes qui s’inscrivent dans l’esprit des Lumières et que l’on retrouvera dans la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Avec l’emploi du verbe « expliquer », Françoise de Graffigny acte l’inversion des rapports de force : c’est Zilia qui « explique » et qui ramène la religion Ă un « sentiment » liĂ© davantage Ă la libre apprĂ©ciation de l’individu qu’au dogme rigide.
Conclusion
A travers la lettre XXI, Françoise de Graffigny élabore une critique de la religion chrétienne, dont la pratique est éloignée des principes qu’elle est censée défendre.
La femme de lettres esquisse les principes d’une religion universelle qui adopterait tous ces principes vertueux mais sans particularisme ou sans dogmatisme.
Ce texte, dans le sillage de Montesquieu, Voltaire, et Rousseau s’inscrit dans l’esprit des Lumières et annonce, à sa manière, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.
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