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Voici une lecture linéaire du début de Discours de la servitude volontaire de La Boétie. Le jeune essayiste y expose le sujet de son discours.
Discours de la servitude volontaire, exposition du sujet, introduction
Étienne de La Boétie est un humaniste français, né en 1530 et mort en 1563.
Il est connu pour avoir été le grand ami de l’écrivain Michel de Montaigne, et pour avoir écrit le Discours de la servitude volontaire, environ à l’âge de 18 ans, alors qu’il était étudiant en droit à l’université d’Orléans.
Les premiers paragraphes de cet ouvrage de philosophie politique en présentent le thème : le paradoxal état de servitude dans lequel la multitude des hommes se laisse enfermer par un seul homme, le tyran.
Problématique
Comment, dans ces deux paragraphes, le jeune philosophe expose-t-il son sujet et invite-t-il son lecteur à entamer avec lui la recherche des causes de cette « servitude volontaire » ?
Extrait étudié
(La translation moderne utilisée est celle du Bibliolycée)
[§ 3] Pour le moment, je voudrais seulement comprendre comment il se peut que tant d’hommes, tant de bourgs[1], tant de villes, tant de nations supportent quelquefois un tyran seul, qui n’a de puissance que celle qu’ils lui donnent, qui n’a pouvoir de leur nuire qu’autant qu’ils ont pouvoir de l’endurer, et qui ne pourrait leur faire aucun mal, s’ils n’aimaient mieux tout endurer de lui que de le contredire. Grande chose assurément – et pourtant si commune, qu’il faut plutôt d’autant plus en éprouver de la douleur et d’autant moins s’en étonner – que de voir des millions de millions d’hommes, misérablement asservis[2], avec le cou sous le joug[3], non pas contraints par une force supérieure, mais quelque peu, me semble-t-il, enchantés et charmés[4] par le seul nom d’un individu, dont ils ne doivent pourtant ni craindre la puissance, puisqu’il est seul, ni aimer les qualités, puisqu’il est, vis-à -vis d’eux, inhumain et sauvage.
[§ 4] Notre faiblesse à tous, hommes, est telle qu’il faut souvent que nous obéissions à la force : nous devons temporiser[5], nous ne pouvons pas toujours être les plus forts. Si donc une nation est contrainte, par la force des armes, à se soumettre au pouvoir d’un seul adversaire – comme la cité d’Athènes* soumise aux Trente tyrans[6] –, il ne faut pas s’étonner qu’elle tombe en servitude, mais déplorer[7] que cet accident survienne, ou bien, plutôt, ni s’en étonner ni s’en plaindre, mais supporter le mal patiemment et s’en remettre à l’avenir pour une meilleure fortune[8]. Notre nature* humaine est ainsi faite que les communs[9] devoirs de l’amitié absorbent une bonne partie du cours de notre vie ; il est raisonnable d’aimer la vertu*, d’estimer les belles actions, d’être reconnaissant des bienfaits reçus, et, souvent, de diminuer notre propre bien-être pour augmenter l’honneur et l’avantage de celui qu’on aime et qui le mérite. Ainsi donc, si les habitants d’un pays ont trouvé quelque grand personnage qui leur ait montré, dans l’épreuve, une grande prévoyance[10] pour les protéger, une grande hardiesse[11] pour les défendre, une grande attention pour les gouverner ; si, à partir de là , ils s’habituent à lui obéir, s’ils lui accordent suffisamment leur confiance pour lui donner quelques avantages, je ne sais si ce serait agir avec sagesse, que de l’ôter de là où il agissait bien, pour l’avancer en un lieu où il pourrait mal faire ; mais, assurément, il ne saurait manquer d’y avoir de la bonté à ne craindre aucun mal de celui dont on n’a reçu que du bien.
[1] bourgs : grosses agglomérations en zone rurale, où se tiennent habituellement les marchés.
[2] asservis : rendus esclaves* (asservis a la même étymologie latine que servitude : servus, « esclave »).
[3] joug : ici, entrave, contrainte de la servitude.
[4] enchantés et charmés : comme s’ils étaient la proie d’un enchantement ou d’un charme magique, d’un sortilège irrésistible.
[5] temporiser : retarder le moment d’agir ou de réagir (ici, à la tyrannie*), dans l’attente d’un moment plus favorable.
[6] Trente tyrans : allusion au gouvernement de trente magistrats (ou oligarques) – appelés aussi « les Trente » – que les Spartiates*, vainqueurs de la guerre du Péloponnèse (431-404 av. J.-C.), imposèrent aux Athéniens en 404-403, en supprimant, pendant quelques mois mais violemment, les institutions démocratiques.
[7] déplorer : regretter, condamner.
[8] une meilleure fortune : une meilleure situation, un sort meilleur.
[9] communs : habituels, qui sont les mĂŞmes pour tous.
[10] prévoyance : aptitude à anticiper les difficultés.
[11] hardiesse : ici, audace, courage.
Annonce de plan linéaire
Le premier paragraphe expose le paradoxe de la « servitude volontaire », qui suscite l’étonnement et l’incomprĂ©hension d’un esprit rationnel comme celui de La BoĂ©tie.
Le paragraphe suivant ouvre une première réflexion sur les causes possibles de cette servitude. La Boétie présente alors deux exemples, celui de la soumission par la force, et celui, plus théorique, d’un souverain idéal choisi librement par le peuple.
I – L’exposĂ© d’un paradoxe incomprĂ©hensible (1er paragraphe)
A – Une question primordiale
Dans ce paragraphe, La Boétie entre dans le vif du sujet.
Après avoir Ă©cartĂ© dans le paragraphe prĂ©cĂ©dent la question du meilleur type de gouvernement, il recentre sa rĂ©flexion sur une interrogation qu’il juge plus essentielle: « Pour le moment, je voudrais seulement comprendre comment il se peut que …
«Â
Le complément de temps « pour le moment
» (l. 1) signifie « dans un premier temps », « avant toute chose ». L’adverbe « seulement » (l. 1), dans « je voudrais seulement comprendre
», insiste sur l’aspect simple et primordial de la question.
Le conditionnel « je voudrais » exprime un souhait, mais surtout une difficulté à « comprendre ». Cette incompréhension est renforcée par l’interrogation indirecte qui suit, et par le verbe « pouvoir » (« comment il se peut que
», l. 1) qui souligne le paradoxe de la situation, voire son absurdité.
B – Un impensable reversement des rapports de force
Pour souligner le paradoxe de la situation, La Boétie oppose le pluriel d’un côté – celui des dominés –, et le singulier de l’autre – celui du dominant.
Ainsi, l’énumération des dominés fait intervenir quatre communautés désignées au pluriel selon une gradation, de la plus petite à la plus vaste (« hommes », « bourgs », « villes », « nations »
). Cette énumération est renforcée par l’anaphore de l’adverbe intensif et exclamatif « tant ».
En face de ces pluriels, se trouve le singulier ridicule du tyran, souligné par l’adjectif « seul » : « un tyran seul ».
Face au grand nombre de ceux qui « supportent » (l. 2) et « endurent » (l. 3-4) (champ lexical de la souffrance et de la patience), le pouvoir du tyran semble très faible.
Cette faiblesse est marquée par trois négations restrictives (« ne…que… », « ne…. si… ») : « qui n’a de puissance que celle… » (l. 2), « qui n’a de pouvoir qu’autant… » (l. 3), « qui ne pourrait leur faire aucun mal, s’ils…
» (l. 4).
Or ces négations restrictives accusent aussi les dominés de complicité. Ce qui fait l’incompréhensible « puissance » du tyran, c’est que les dominés construisent leur propre servitude. La puissance du tyran, « ils [la] lui donnent » (l. 3) ; ce sont eux qui ont le « pouvoir de l’endurer
» (l. 3).
Enfin, cette foule se laisse tyranniser par une crainte inappropriée comme l’explique la conditionnelle « s’ils n’aimaient mieux tout endurer de lui que de le contredire
» (l. 4).
La crainte de se heurter à la colère d’un seul homme retient paradoxalement une foule toute entière sous son joug. La Boétie souligne donc un irrationnel renversement des rapports de force.
C – Une servitude irrationnelle
La suite du paragraphe illustre l’idée que les dominés participent eux-mêmes à leur malheur.
La Boétie engage une phrase exclamative, avec l’expression « grande chose assurément
» (l. 4-5), qui exprime une ironie amère.
Cette amertume se lit dans les mots placĂ©s entre tirets, sorte d’apartĂ© qui met le doigt sur un nouveau paradoxe : on voudrait « s’étonner » d’une telle situation de servitude, mais elle est en rĂ©alitĂ© « commune ». Aussi, l’étonnement n’est plus permis : c’est de la « douleur » (l. 5) qu’éprouve l’homme sensĂ© face Ă un tel constat. C’est ce que rĂ©sume la formule : « il faut plutĂ´t d’autant plus en Ă©prouver de la douleur et d’autant moins s’en Ă©tonner
»
Ce sont donc « des millions de millions d’hommes
» (l. 6) – l’expression hyperbolique insiste sur l’aspect presque universel de ce comportement humain – qui se trouvent « misérablement asservis
» (l. 6). L’adverbe « misérablement » renforce ici l’idée de malheur.
La métaphore du « cou sous le joug
» (l. 7), empruntée à l’agriculture, donne à voir l’asservissement et la pesanteur symbolique de l’entrave.
La Boétie revient alors sur l’aspect incompréhensible de cet esclavage : aucune « force supérieure » ne « contraint » ces millions d’hommes (l. 8). Leur crainte du tyran est par conséquent infondée et irrationnelle.
Les hommes sont en effet comme « enchantés et charmés
» (l. 9), c’est-à -dire artificiellement privés de leur raison. Ce qu’ils craignent n’a pas plus de consistance qu’un « nom ».
L’expression « le seul nom d’un individu
» (l. 9) désacralise le tyran, par l’adjectif « seul » ici synonyme de « simple », et le terme d' »individu », très commun, voire péjoratif.
La fin de la phrase met en parallèle, avec une double négation, les verbes « aimer » et « craindre » : les hommes ne doivent « ni craindre », « ni aimer » (l. 8-9) le tyran. Deux raisons à cela : il est seul, donc faible face à la multitude (« puisqu’il est seul », l. 9), et il est cruel, inhumain et sauvage, ce qui le rend haïssable.
II – La recherche d’une explication (Second paragraphe)
La Boétie recherche une explication au paradoxe observé. Il a désigné deux raisons pour lesquelles un tyran n’est pas à craindre : sa faiblesse et son vice. Il explore à présent les cas contraires : celui de la contrainte exercée par une force véritable, et celui du respect que peut inspirer un homme exceptionnel.
A – Une première concession : l’exception de la force physique
La Boétie change de point de vue : il ne parle plus des hommes avec distance, mais s’inclut dans l’humanité, avec la première personne du pluriel (« notre », « nous ») et fait une concession en admettant une « faiblesse » partagée par « tous », y compris lui-même (« notre faiblesse à tous
 » ).
Cette faiblesse est celle qui subit la loi du plus fort : « il faut que nous obéissions à la force
», ici la force physique.
Les verbes « il faut » (l. 10), « nous devons » et « nous ne pouvons pas
» (l. 11), soulignent l’idée de contrainte et d’obligation.
Mais l’adverbe « toujours » associé à la négation dans la phrase « nous ne pouvons pas toujours être les plus forts
» (l. 11), signale aussi qu’il s’agit de situations particulières et non d’un état permanent de domination.
Pour mieux se faire comprendre, La Boétie prend l’exemple théorique d’une « nation » qui serait vaincue à la guerre. On y retrouve le vocabulaire de la « contrainte » , de la force physique (« la force des armes
» ) et de la soumission (« se soumettre » ).
Le souvenir de la cité antique d’Athènes – comptant quelques milliers d’hommes – toute entière soumise à une petite trentaine d’individus (les « Trente tyrans
», l. 13) vient ancrer l’interrogation de La Boétie dans la réalité et dans l’histoire.
S’ensuit une interrogation sur le sentiment qu’il est juste d’éprouver face Ă cette situation. Le philosophe en Ă©voque trois. Il Ă©carte d’emblĂ©e l’étonnement (« il ne faut pas s’étonner
», l. 13) et lui préfère la « déploration » (« mais déplorer
», l. 13), c’est-à -dire la prise en compte de l’aspect regrettable de cette servitude injuste et brutale, qui relève non pas d’une destinée fixée pour toujours, mais d’un « accident » (l. 14) « survenu » suivant les aléas de la guerre.
Mais La Boétie se corrige, avec l’expression « ou bien, plutôt », et rejette finalement autant la plainte que l’étonnement (« ni s’en étonner ni s’en plaindre
», l. 14), pour fonder ses espoirs sur « l’avenir » et un futur retournement de situation. En cas de contrainte par la force, il y a du sens à « supporter le mal patiemment
» (l. 14). Mais la servitude de la foule face à un seul ne doit alors être que temporaire.
B – Une seconde concession : celle de l’amitiĂ© et du mĂ©rite
Poursuivant à la première personne du pluriel, Étienne de La Boétie aborde à présent la question de l’amitié, qui appartient à la « nature humaine » et occupe « une bonne partie du cours de notre vie
».
Il rappelle que l’amitié relève de la raison : « il est raisonnable d’aimer
» .
Nous sommes naturellement portĂ©s vers le bien, comme l’indique l’énumĂ©ration : « aimer la vertu », « estimer les belles actions », « ĂŞtre reconnaissant des bienfaits reçus
» (l. 17).
La Boétie admet ainsi que face aux qualités d’un être qu’on aime, on peut en venir à une certaine de forme de sacrifice de soi : « diminuer notre propre bien-être pour augmenter l’honneur et l’avantage de celui qu’on aime
» .
Mais il ajoute : « et qui le mérite
» (l. 18-19). La notion de « mérite » est capitale, car elle est à la base de la rationalité de ce sacrifice. L’admiration que l’on voue à quelqu’un doit en effet se fonder sur son mérite. Or le mérite s’oppose à l’enchantement et au charme – irrationnels – qui terminait le paragraphe précédent.
La Boétie imagine donc un nouvel exemple : celui des « habitants d’un pays » (l. 19) qui auraient trouvé le gouverneur idéal, « quelque grand personnage » dévoué au bien public.
Les articles indéfinis (« un », « quelque ») et, un peu plus loin, le subjonctif (« ait montré », l. 19) montrent ici qu’il s’agit d’un exemple théorique et inventé, qui n’a pas d’ancrage dans l’histoire.
Ce gouverneur idéal doit avoir prouvé son mérite avant de prendre le gouvernement. L’idée de preuve est exprimée par le verbe « ait montré » et par le complément « dans l’épreuve » (l. 20), c’est-à -dire dans les temps difficiles.
Trois qualités fondamentales sont ensuite énoncées : « une grande prévoyance », « une grande hardiesse », « une grande attention
» (l. 20-21). Ces trois qualités sont reliées chacune, avec un parallélisme de structure, à un but humaniste et altruiste : « pour les protéger », « pour les défendre », « pour les gouverner
» (l. 20-21).
À cette condition seulement (« si », l. 19 ; « si, à partir de là », l. 21), le philosophe peut imaginer que ces hommes « s’habituent à lui obéir » (l. 21). Il s’agirait non d’une obéissance contrainte, mais d’une obéissance consentie. L’expression « s’ils lui accordent suffisamment leur confiance
» (l. 22) montre que c’est le peuple qui aurait ici le pouvoir de choisir un gouverneur.
Or, mĂŞme Ă ces conditions, le philosophe se montre prudent et sceptique face Ă l’idĂ©e qu’un homme Ă qui l’on confie le pouvoir puisse rester bon : « je ne sais si ce serait agir avec sagesse » (l. 22), Ă©crit-il, « que de l’ôter de lĂ oĂą il agissait bien », parmi le peuple, en tant que simple citoyen, «Â
pour l’avancer en un lieu où il pourrait faire le mal », c’est-à -dire de le placer au pouvoir. La Boétie suggère ainsi que la puissance peut corrompre même un homme sage.
Cependant, il concède (« mais, assurément », l. 23) que dans un premier temps, il n’y a pas lieu de « craindre aucun mal de celui dont on n’a reçu que du bien
» (l. 24). L’adverbe « assurément », le déterminant négatif « aucun », ainsi que la tournure négative « il ne saurait manquer d’y avoir de la bonté » renforcent la certitude de cette affirmation.
Conclusion
C’est par un discours ordonné et construit qu’Etienne de La Boétie conduit son lecteur à s’étonner d’abord d’une situation paradoxale, puis à déplorer sa fréquence, et enfin à en chercher les causes.
Les figures rhétoriques opposent la solitude du tyran au nombre de la foule ; sa faiblesse à la force de la multitude ; la crainte irrationnelle du peuple envers le tyran – qui relève du « charme » et de l’ « enchantement » – à l’attitude réfléchie d’un peuple qui se choisirait rationnellement un sage gouverneur ; et enfin, le vice du tyran au gouverneur idéal qui aurait prouvé son mérite.
Mais si La Boétie imagine ce gouvernement idéal, il ne peut en donner d’exemple historique et met en garde contre la corruption du pouvoir. Il reste donc fidèle à l’idée affirmée dès le début de son discours : mieux vaut ne pas avoir de maître.
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