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Voici une analyse linéaire d’un extrait clé de Discours de la servitude volontaire d’Etienne de La Boétie.
L’extrait étudié analyse le système de pouvoir pyramidal qui rend possible le maintien de la servitude.
Il va de « Mais j’arrive à un point qui est, selon moi, le ressort et le secret de la domination » à « à qui la tyrannie semble être profitable, que de gens à qui la liberté serait agréable.
«
Étienne de La Boétie, Discours de la servitude volontaire, introduction
Dans son Discours de la servitude volontaire, Étienne de La Boétie (1530-1563), philosophe humaniste de la Renaissance, cherche à comprendre ce qui rend possible la tyrannie et l’asservissement d’un peuple tout entier par un seul homme. (Voir la fiche de lecture pour le bac de français sur Discours de la servitude volontaire)
Dans ce passage, il se donne pour but de révéler ce qui fait la force du régime tyrannique et ce qui lui permet concrètement de se maintenir dans le temps, alors que la solitude du tyran face à la multitude du peuple devrait pourtant le rendre fragile et éphémère.
Texte étudié
Mais j’arrive maintenant à un point qui est, selon moi, le ressort et le secret de la domination, le soutien et le fondement de la tyrannie. Celui qui pense que les hallebardes , les gardes et les rondes de soldats assurant le guet protègent les tyrans se trompe fort. Ils s’en servent, je crois, pour la forme et comme épouvantail, plutôt qu’ils ne s’y fient. Les archers barrent bien l’entrée du palais aux malhabiles, à ceux qui n’ont aucun moyen de nuire, mais non aux gens bien armés qui peuvent entreprendre quelque attaque. Certes, il est aisé de compter que, parmi les empereurs romains, il n’y en a pas eu autant qui échappèrent au danger grâce au secours de leurs gardes qu’il y en eut de tués par leurs archers mêmes. Ce ne sont pas les bandes de cavaliers, ce ne sont pas les compagnies de fantassins, ce ne sont pas les armes qui défendent un tyran. On ne le croira pas au premier abord, quoique ce soit exactement vrai : ce sont toujours quatre ou cinq hommes qui le maintiennent au pouvoir, quatre ou cinq qui tiennent tout le pays en servitude.
Ce ne sont toujours que cinq ou six qui ont eu l’oreille du tyran et s’en sont approchés d’eux-mêmes,
ou bien ont été appelés par lui pour être les complices de ses cruautés, les compagnons de ses plaisirs, les sales entremetteurs de ses voluptés et les cobénéficiaires de ses pillages. Ces six dressent si bien leur chef qu’il faut, pour renforcer leur association, qu’il soit méchant, non seulement de ses propres méchancetés, mais encore des leurs. Ces six-là en ont six cents qui prospèrent sous leurs ordres, et font de leurs six cents ce que les six font du tyran. Ces six cents en tiennent sous leur dépendance six mille qu’ils ont élevés et promus, auxquels ils font donner ou le gouvernement des provinces, ou la gestion des finances publiques, afin qu’ils partagent leur cupidité et leur cruauté, qu’ils exécutent leurs ordres le moment venu, et fassent d’ailleurs tant de mal qu’ils ne puissent se maintenir en place que dans l’ombre de ceux qui les commandent, et ne se soustraire aux lois et à leurs punitions que grâce à eux. Grande est la série de ceux qui viennent après ceux-là, et qui voudra s’amuser à dévider ce fil verra que, non pas les six mille, mais les cent mille, mais les millions, par cette corde, se tiennent au tyran, et s’aident de celle-ci, comme Homère* le fait dire à Jupiter, qui se vante, s’il tire la chaîne, d’amener à lui tous les dieux. De là venaient l’augmentation du nombre de sénateurs sous Jules César, l’établissement de nouveaux postes, la création de charges, non, certes, et à bien y réfléchir, pour réformer et améliorer la justice, mais bien pour assurer de nouveaux soutiens à la tyrannie. En somme, on en arrive à ce point, par les faveurs et sous- faveurs, les gains et regains obtenus avec les tyrans, qu’il se trouve enfin presque autant de gens à qui la tyrannie semble être profitable, que de gens à qui la liberté serait agréable.
Problématique
Qu’est-ce qui fait la force concrète de la tyrannie selon Étienne de la Boétie ?
Annonce du plan linéaire
L’auteur commence par exposer un paradoxe : la force armée des tyrans n’est qu’une mascarade. Ce n’est pas de là qu’ils tirent leur puissance (jusqu’à « ce ne sont pas les armes qui défendent un tyran »).
Il met ensuite en lumière l’existence d’une oligarchie malfaisante qui œuvre dans l’entourage et dans l’ombre du tyran (de « On ne le croira pas au premier abord» à « mais encore des leurs
»).
Enfin, il dénonce une immense pyramide de pouvoirs, de faveurs et de corruption (de « ces six-là en ont six cents… » jusqu’à la fin du passage).
I – Un paradoxe : la force armée des tyrans n’est qu’une mascarade
Du début à « ce ne sont pas les armes qui défendent un tyran »
A – Les armes ne défendent pas le tyran
Étienne de La Boétie essaie de comprendre comment un seul homme peut confisquer le pouvoir à tout un peuple. Il marque ici un moment clé de son raisonnement : « Mais j’arrive maintenant à un point qui est, selon moi, le ressort et le secret de la domination
» (l. 1). Le terme « ressort » montre sa volonté de chercher ce qui fait fonctionner la tyrannie, tandis que le mot « secret » annonce une révélation, qui retient l’attention du lecteur.
Puis La Boétie renforce son idée par un parallélisme rythmique et syntaxique : « le soutien et le fondement de la tyrannie
» (l. 1-2). Les termes « soutien » et « fondement » font comprendre que le pouvoir du tyran repose sur une base invisible mais essentielle.
La Boétie commence par souligner un paradoxe : contrairement à ce que l’on croit, le tyran n’est pas protégé par la force.
Par une énumération au pluriel, il reconnaît que le tyran s’entoure d’armes et de soldats (« les hallebardes, les gardes et les rondes de soldats
»). Mais selon lui, ce n’est qu’une mise en scène destinée à effrayer. Les expressions « se trompe fort » et « comme épouvantail
» (l. 3) soulignent que cette puissance militaire n’est qu’une façade.
D’ailleurs, La Boétie précise que les tyrans eux-mêmes n’ont pas confiance en leurs soldats (« plutôt qu’ils ne s’y fient
»).
B – Le tyran doit craindre ses propres soldats
La Boétie développe son paradoxe. Il concède que « les archers barrent bien l’entrée du palais
», mais seulement pour les faibles : « aux malhabiles, à ceux qui n’ont aucun moyen de nuire
».
Cette impuissance est soulignée par les négations : le préfixe « mal- » dans « malhabile » et la formule « ne… aucun… » qui supprime toute force à ces hommes.
À ceux-là, l’auteur oppose les « gens bien armés qui peuvent entreprendre quelque attaque
», marqués par le champ lexical du pouvoir et de l’action (« peuvent », « entreprendre », « attaque »
).
Pour appuyer son idée, La Boétie cite l’histoire romaine. Il compare alors deux situations : d’un côté, les empereurs sauvés par leurs gardes, de l’autre, ceux « tués par leurs archers mêmes
». Or, les seconds sont plus nombreux que les premiers (« il n’y en a pas eu autant qui…
»). L’histoire romaine prouve donc que le tyran a plus à craindre de ses soldats que de ses ennemis.
Enfin, La Boétie conclut par une anaphore qui insiste et renforce son affirmation : « Ce ne sont pas les bandes de cavaliers, ce ne sont pas les compagnies de fantassins, ce ne sont pas les armes qui défendent le tyran
». Les trois propositions, construites sur le même rythme, créent un effet de répétition et de parallélisme. Les termes au pluriel (« cavaliers », « fantassins », puis « armes »
) donnent l’impression d’englober toutes les forces militaires.
II – Une oligarchie malfaisante dans l’ombre du tyran
De « On ne le croira pas au premier abord» à « mais encore des leurs
»
A – Une oligarchie cachée derrière le tyran
La Boétie introduit alors une idée nouvelle qui va à l’encontre de l’opinion commune : « On ne le croira pas au premier abord
».
Il vise à prévenir les réactions d’incrédulité et invite le lecteur, avec l’expression « au premier abord » à dépasser les apparences.
La proposition concessive « quoique ce soit exactement vrai
» insiste sur la certitude de La Boétie : l’adjectif « vrai » est renforcé par l’adverbe « exactement ». De même, l’adverbe « toujours » souligne l’universalité de l’idée : « ce sont toujours quatre ou cinq hommes qui le maintiennent au pouvoir
». L’idée est donc affirmée avec force et conviction.
Ces « quatre ou cinq hommes » (« cinq ou six
» corrige-t-il ensuite) sont sujets des verbes « maintiennent » et « tiennent » : ils constituent donc ce « fondement » de la tyrannie que l’auteur cherche à analyser. Leur petit nombre contraste avec les pluriels utilisés précédemment pour évoquer la foule des soldats qui entourent le tyran.
C’est donc le « secret de la domination
» : le tyran n’est plus présenté comme un maître absolu, mais comme l’objet d’un verbe d’action (« qui le maintiennent »). Les véritables sujets, c’est ce petit nombre d’hommes de l’ombre.
B – Une association de malfaiteurs
La Boétie tente ensuite d’identifier les membres de cette petite oligarchie. Il distingue deux profils.
Le premier profil concerne ceux qui « ont eu l’oreille du tyran et s’en sont approchés d’eux-mêmes
». L’image suggère qu’ils s’approchent du tyran comme d’un fauve : avec ruse et courage, pour éviter de se faire dévorer. Ces hommes ont eu assez d’intelligence – et de chance – pour se faire écouter et entrer dans l’entourage du tyran.
Le second profil est plus sombre : ceux qui « ont été appelés par lui
». Ces hommes sont décrits comme les pires, car ils partagent les vices du tyran et en tirent profit. La Boétie les caractérise par quatre expressions syntaxiquement parallèles qui mettent en évidence leur pleine participation au crime :
- Ils sont d’abord «
complices de ses cruautés
», où le mot « complices » souligne leur participation aux crimes, même s’ils ne les dirigent pas directement ; - puis «
compagnons de ses plaisirs »
, qui les place à égalité avec lui dans la débauche ; - ensuite «
sales entremetteurs de ses voluptés
» : l’adjectif « sales » traduit le mépris de l’auteur et montre qu’ils organisent activement la luxure du tyran ; - enfin «
cobénéficiaires de ses pillages
», qui insiste sur leur intérêt matériel : ils profitent des vols au même titre que le tyran.
La Boétie clôt ce portrait par une image frappante qui inverse le rapport de force : « Ces six dressent si bien leur chef
». Le verbe « dresser » fait du tyran l’équivalent d’un chien obéissant, tandis que le mot « chef » semble vidé de son sens.
La phrase s’amplifie avec une proposition subordonnée de circonstancielle de conséquence qui insiste sur le point extrême où l’on parvient (« si bien… qu’il faut… ») : « il faut, pour renforcer leur association, qu’il soit méchant, non seulement de ses propres méchancetés, mais encore des leurs
».
L’expression « non seulement… mais encore
» souligne que le tyran ne se contente pas de ses propres vices : il est aussi la somme des « méchancetés » de ces six autres. D’où le caractère exceptionnel du tyran, sorte de surhomme en matière d’immoralité, monstre né d’une « association » de criminels.
III – Une pyramide de pouvoirs et de faveurs
de « ces six-là en ont six cents…
» jusqu’à la fin du passage
A – Corruption en chaîne
Après avoir décrit les « six » proches du tyran, La Boétie montre comment la tyrannie s’étend par cercles successifs.
Ces six hommes en contrôlent « six cents », qui « prospèrent sous leurs ordres
». Le verbe « prospérer » évoque paix et satisfaction : ces complices vivent dans l’aisance grâce au crime.
Mais, comme le tyran est manipulé par les six, ces six cents sont à leur tour manipulés : « et font de leurs six cents ce que les six font du tyran
».
La multiplication se poursuit par dix : « ces six cents en tiennent sous leur dépendance six mille
». Les expressions « sous leurs ordres » et « sous leur dépendance
» soulignent, avec la préposition « sous », l’image d’une pyramide de pouvoirs.
Ces six mille doivent leur place aux faveurs reçues : « qu’ils ont élevés et promus
». La Boétie dénonce ainsi un système fondé sur la flatterie et la corruption : chacun accepte de servir son supérieur tant qu’il obtient des privilèges et des passe-droits.
Ces faveurs ne sont pas anodines : les six cents « font donner » aux six mille des postes clés comme « le gouvernement des provinces » ou « la gestion des finances publiques
». L’expression « font donner », qui sous-entend que l’action n’est pas directe et implique un réseau de personnages haut placés, suggère les intrigues et la corruption nécessaires pour obtenir ces charges. La Boétie accuse donc directement l’ensemble des hauts fonctionnaires et ministres d’être hautement corrompus.
Enfin, Étienne de La Boétie explique le calcul des puissants à travers trois propositions subordonnées circonstancielles de but. D’abord, ils veulent que leurs subalternes partagent leurs vices : « afin qu’ils partagent leur cupidité et leur cruauté
». Ensuite, ils exigent leur obéissance : « qu’ils exécutent leurs ordres le moment venu
». Enfin, ils cherchent à les rendre eux-mêmes coupables : « qu’ils fassent tant de mal qu’ils ne puissent se maintenir en place que dans l’ombre de ceux qui les commandent
». Autrement dit, plus les subalternes sont corrompus, plus ils ont besoin de la protection de leurs supérieurs pour échapper à la justice.
La Boétie met ainsi en lumière un immense système pyramidal de corruption et d’injustice, véritable pilier de la tyrannie.
B – Sidération face à l’étendue de la corruption
À ce stade, La Boétie propose une synthèse. Il constate l’ampleur immense de la corruption : « Grande est la série de ceux qui viennent après ceux-là
». L’adjectif « grande », placé en tête de phrase, traduit son désarroi face à l’immensité de la corruption généralisée.
Pour illustrer cette extension infinie de la corruption, il emploie une métaphore : celle d’un « fil » ou d’une « corde » qu’on « dévide ». À ce fil seraient suspendus « non pas les six mille, mais les cent mille, mais les millions
» qui se tiennent au tyran.
Les trois épanorthoses successives (l’épanorthose consiste à préciser sa pensée par retouche) (de « six mille » à « cent mille » puis « millions ») traduisent l’étonnement devant cette chaîne interminable d’ambitions.
L’auteur ajoute une comparaison mythologique : comme Jupiter dans Homère, qui prétend pouvoir attirer tous les dieux à lui s’il tire une chaîne. Cette image place le tyran dans la position du roi des dieux, tout puissant, dont tous dépendent.
Puis La Boétie rebondit sur un exemple historique : Jules César. Il critique « l’augmentation du nombre de sénateurs, l’établissement de nouveaux postes, la création de charges
». Pour lui, ces réformes ne visaient pas à « améliorer la justice », mais seulement à multiplier les soutiens de la tyrannie en attribuant des postes importants à ceux qui dépendent du tyran. L’histoire romaine confirme donc que la distribution de charges est un instrument de corruption.
Dans un système tyrannique pyramidal, les « faveurs et sous-faveurs, les gains et regains
» nourrissent la corruption. La figure d’amplification par redoublement insiste ici sur l’accumulation des privilèges.
Le constat final est glaçant : « il se trouve enfin presque autant de gens à qui la tyrannie semble être profitable, que de gens à qui la liberté serait agréable
». L’antithèse entre « tyrannie » et « liberté » oppose les deux régimes possibles ; tandis qu’un parallélisme syntaxique (« profitable / agréable ») les rapproche. Le sens est clair : près de la moitié du peuple finit par soutenir la tyrannie, ce qui rend la reconquête de la liberté encore plus difficile.
Conclusion
La Boétie cherche ici à éclairer le mécanisme de la « servitude volontaire » et la permanence des tyrannies. La révélation du « secret de la domination » repose d’abord sur un paradoxe : les armes qui entourent le tyran ne sont qu’un décor trompeur, et c’est de ses propres soldats que le tyran doit le plus se méfier.
Ensuite, l’auteur dévoile l’existence d’une immense hiérarchie de pouvoirs cachés, qui s’étend du tyran jusqu’aux plus petits potentats en passant par ses ministres. Ainsi, ce n’est pas seulement le tyran qu’il faut accuser : près de la moitié de la société participe à ce système corrompu, chacun profitant à son niveau des faveurs et privilèges distribués.
La Boétie montre que la corruption et l’immoralité forment le véritable ciment de la tyrannie, et il s’appuie sur l’histoire antique pour le démontrer. Au-delà du tyran et de son entourage, c’est donc la faiblesse morale des hommes, trop prompts à céder à leurs désirs et à la flatterie, que l’auteur dénonce.
Dans Le Prince, Machiavel analyse également les mécanismes du pouvoir et de la domination. Comme La Boétie, il montre que la force brute n’est pas toujours suffisante pour maintenir un pouvoir : la ruse, la flatterie et la manipulation des appétits des sujets sont tout aussi essentielles.
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