Oh les beaux jours, Beckett, acte I, didascalie initiale : lecture linéaire

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og lesbeaux jours beckett acte I didascalie initialeVoici une analyse linéaire de la première page de l’acte I de Oh les beaux jours de Beckett, depuis la didascalie initiale « Étendue d’herbe brûlée s’enflant au centre » à la première réplique de Winnie « Encore une journée divine ».

Oh les beaux jours, didascalie initiale, introduction

Samuel Beckett écrit Oh les beaux jours en 1963.

Cette pièce qui s’inscrit dans le théâtre de l’absurde met en scène deux personnages esseulés dans un paysage désertique. (voir ma fiche de lecture sur Oh les beaux jours)

Problématique

Quel est le rôle de la longue didascalie initiale qui ouvre la scène d’exposition ?

Annonce du plan linéaire :

La didascalie initiale permet à Beckett de présenter le décor (I) et les personnages (II), mais elle suggère aussi une réflexion sur le texte théâtral lui-même qui n’est pas réductible à la parole des personnages (III).

I – Un paysage de désolation

(de « étendue d’herbe brûlée » à « plaine dénudée »)

La didascalie initiale présente d’abord le décor.

Beckett ne mentionne pas de lever de rideau. Le metteur en scène est ainsi libre : soit le rideau se lève sur une « Étendue d’herbe brûlée », soit le spectateur entre et voit directement sur scène un paysage de désolation et désertique.

L’ « Etendue d’herbe brûlée » suggère un monde désertique, stérile.

Néanmoins, le « petit mamelon » vient casser cette image de stérilité pour symboliser la fertilité et l’espoir, sentiment renforcé par le terme « douces » (« pentes douces« ) .

L’espace est structuré avec les quatre points cardinaux « gauche », « droite », « côté avant-scène », « Derrière », mais le champ lexical de la chute annonce déjà une tonalité tragique et menaçante : « pentes », « chute », « abrupte ».

Cette tonalité tragique est renforcée par le mention « Maximum de simplicité et de symétrie » qui rappelle l’esthétique classique des pièces de Racine.

On a même l’impression que Beckett met en scène des personnages post-racinien, après la tempête tragique et la fureur du destin.

La « lumière aveuglante » pourrait également symboliser la Providence qui guide le destin des personnages dans les pièces de Racine.

Beckett mentionne le décor « pompier » qui représente le style en trompe l’œil d’une peinture artiste au milieu du XIXème siècle.

Cette mention est paradoxale car le style « pompier » est caractérisé par une saturation de personnages et d’objets alors que Beckett précise que le paysage est vide comme le montre les marques de négation grammaticales (« sans nuages » « nudée ») et lexicales (« fuite »).

II – Des personnages passifs

(de « Enterrée jusqu’au mamelon » à « caché par le mamelon, WILLIE« )

La didascalie présente ensuite les deux personnages principaux.

A – Winnie : une parodie d’actrice hollywoodienne

Winnie est « enterrée jusqu’au dessus de la taille dans le mamelon« .

Le participe passé « enterrée » fonctionne ici comme un adjectif car il semble collé au nom de personnage. Ce terme inscrit ainsi la mort au coeur du personnage de Winnie.

La précision « jusqu’au dessus de la taille » renforce le sentiment d’oppression. On ne sait pas encore si le personnage va s’extraire de la terre ou se laisser happer par elle.

Le prénom Winnie n’est pas anodin. Dans « Winnie », on entend le verbe anglais « to win » qui signifie « gagner », comme si la victoire et la réussite étaient indissociables du personnage féminin.

Mais ce prénom n’est-il pas ironique ?

Winnie semble en effet une parodie d’actrice hollywoodienne comme en témoigne le champ lexical de la séduction ( « blonde », « nus », « corsage très décolleté », « poitrine plantureuse », « perles »).

Sa beauté est décadente (« La cinquantaine », « beaux restes »).

Le vocabulaire employé par Beckett est vulgaire ou inélégant (« très beaux restes »), ce qui réduit Winnie à un personnage caricatural.

Par la locution adverbiale « blonde de préférence », Beckett s’adresse au metteur en scène : la blondeur est l’option de Beckett mais le metteur en scène reste libre de modifier la figure féminine qui représentera Winnie.

La position endormie de Winnie (« Elle dort ») suggère la passivité et la léthargie : le personnage est placé dans le camp de l’immobilité et de la défaite.

Le prénom de Winnie est donc d’une ironie tragique car rien dans sa posture ne suggère la victoire.

Il en va de même des objets qui environnent Winnie : le « grand sac noir » symbolise la fermeture, l’étouffement et l’ombrelle symbolise la coupure avec la lumière et le soleil.

B – Willie : un personnage léthargique

La didascalie présente ensuite le personnage de Willie, lui aussi marqué par le tragique et l’absurde.

Willie est en effet « allongé par terre, endormi, caché  par le mamelon ». Cette léthargie est opposée à ce que son prénom pourrait laisser imaginer, « Willie » étant dérivé de l’anglais « the will » =  la volonté.

III – Le statut particulier des didascalies dans le théâtre de Beckett

(de « Un temps long. » à « Encore une journée divine »)

A – Le temps : un personnage à part entière

Le dernier paragraphe de la didascalie initiale commence et s’achève sur la mention d’ « Un temps long » .

Ce temps du silence et de l’inaction est emblématique du théâtre de l’absurde qui vise la mise en scène de l‘absurdité de l’existence.

Les silences trouent littéralement la scène et gagnent progressivement tous les personnages.

On retrouve d’ailleurs la didascalie « un temps«  tout au long de la pièce Oh les beaux jours : le silence est omniprésent, au point de devenir un personnage à part entière, comme si le néant était le véritable héros de la pièce.

Le temps est également présent à travers la sonnerie de « cinq secondes » puis de « trois secondes ».

Les trois secondes sont une analogie humoristique aux trois coups traditionnels du lever de rideau. Beckett se livre à un discret hommage au théâtre dont il perpétue la tradition.

Ces sonneries réveillent Winnie (« Winnie se réveille« ). Ses yeux qui s’ouvrent sont comme un lever de rideau symbolique.

Elle fixe alors le zénith (« rejette la tête en arrière et fixe le zénith« ).

Le zénith est le point du ciel le plus haut au dessus de notre tête. Dans le langage courant, « être au zénith » signifie « être à l’apogée de sa gloire ».

Ce regard tourné vers le ciel suggère que la pièce commence par le point maximum. Après le zénith, c’est en effet le coucher de soleil qui se prépare. Le temps de la scène va donc être celui de la décadence, de l’avancée progressive vers le néant.

B – Les didascalies : un texte poétique ?

Avec ces longues didascalies, Samuel Beckett montre que le texte théâtral est double : la didascalie est certes une indication technique, scénique, mais c’est aussi un texte poétique riche de sens.

On observe même des assonances dans les didascalies qui créent un effet de rimes internes :« Winnie se réveille. La sonnerie s’arrête. Elle lève la tête, regarde devant elle»

Oh les beaux jours, Beckett, didascalie initiale, conclusion

La didascalie qui ouvre le texte de Oh les beaux jours joue un rôle classique, celui de présenter le décor et les personnages.

Elle campe deux personnages léthargiques dans un paysage désertique, presque post-apocalyptique.

Dès cette scène d’exposition apparaît un autre personnage symbolique : le temps qui se manifeste par les longs silences.

Mais Beckett se livre surtout à une réflexion sur le texte théâtral lui-même. Les didascalies, qui ont originellement une fonction informative à l’usage des metteurs en scène, sont transformées par Beckett en texte littéraire dramatique et poétique.

Les didascalies sont abondantes dans le théâtre de l’absurde. On retrouve également de longues didascalies dans les autres pièces de Beckett, comme En attendant Godot, ou dans les pièces d’Eugène Ionesco comme Rhinocéros ou La Cantatrice chauve.

Tu étudies Oh les beaux jours ? Regarde aussi :

Oh les beaux jours, dénouement [analyse linéaire]

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Amélie Vioux

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