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Voici une analyse linéaire du meurtre de Camille par Laurent et Thérèse dans le chapitre 11 de Thérèse Raquin de Zola.
L’extrait étudié va de « Camille, qui avait fini par se coucher à plat ventre » à « Il revint deux ou trois fois sur l’eau, jetant des cris de plus en plus sourds
».
Le meurtre de Camille, introduction
L’extrait étudié est le passage où Laurent, avec la complicité de Thérèse, assassine Camille. Il s’agit d’un moment décisif dans l’intrigue du roman, d’une grande intensité dramatique. (Voir la fiche de lecture complète pour le bac de français sur Thérèse Raquin)
Zola procède à une description minutieuse pleine de détails macabres visant à provoquer l’effroi du lecteur.
La tension dramatique augmente progressivement tout au long du passage, jusqu’à atteindre un climax (point culminant d’un récit, moment où la tension dramatique est à son comble).
Pour créer et entretenir cette tension dramatique, le narrateur joue en particulier sur l’ironie dramatique (le lecteur dispose d’une information que certains personnages ignorent, ici, le lecteur sait que Laurent veut tuer Camille, mais Camille l’ignore) et sur des effets de point de vue, en abandonnant momentanément la focalisation zéro pour adopter une focalisation externe.
Extrait étudié – Le meurtre de Camille, chapitre 11
Camille, qui avait fini par se coucher à plat ventre, la tête au-dessus de l’eau, trempa ses mains dans la rivière.
— Fichtre ! que c’est froid ! s’écria-t-il. Il ne ferait pas bon de piquer une tête dans ce bouillon-là.
Laurent ne répondit pas. Depuis un instant il regardait les deux rives avec inquiétude ; il avançait ses grosses mains sur ses genoux, en serrant les lèvres. Thérèse, roide, immobile, la tête un peu renversée, attendait.
La barque allait s’engager dans un petit bras, sombre et étroit, s’enfonçant entre deux îles. On entendait, derrière l’une des îles, les chants adoucis d’une équipe de canotiers qui devaient remonter la Seine. Au loin, en amont, la rivière était libre.
Alors Laurent se leva et prit Camille à bras-le-corps. Le commis éclata de rire.
— Ah ! non, tu me chatouilles, dit-il, pas de ces plaisanteries-là… Voyons, finis : tu vas me faire tomber.
Laurent serra plus fort, donna une secousse. Camille se tourna et vit la figure effrayante de son ami, toute convulsionnée. Il ne comprit pas ; une épouvante vague le saisit. Il voulut crier, et sentit une main rude qui le serrait à la gorge. Avec l’instinct d’une bête qui se défend, il se dressa sur les genoux, se cramponnant au bord de la barque. Il lutta ainsi pendant quelques secondes.
— Thérèse ! Thérèse ! appela-t-il d’une voix étouffée et sifflante.
La jeune femme regardait, se tenant des deux mains à un banc du canot qui craquait et dansait sur la rivière. Elle ne pouvait fermer les yeux ; une effrayante contraction les tenait grands ouverts, fixés sur le spectacle horrible de la lutte. Elle était rigide, muette.
— Thérèse ! Thérèse ! appela de nouveau le malheureux qui râlait.
À ce dernier appel, Thérèse éclata en sanglots. Ses nerfs se détendaient. La crise qu’elle redoutait la jeta toute frémissante au fond de la barque. Elle y resta pliée, pâmée, morte.
Laurent secouait toujours Camille, en le serrant d’une main à la gorge. Il finit par l’arracher de la barque à l’aide de son autre main. Il le tenait en l’air, ainsi qu’un enfant, au bout de ses bras vigoureux. Comme il penchait la tête, découvrant le cou, sa victime, folle de rage et d’épouvante, se tordit, avança les dents et les enfonça dans ce cou. Et lorsque le meurtrier, retenant un cri de souffrance, lança brusquement le commis à la rivière, les dents de celui-ci lui emportèrent un morceau de chair.
Camille tomba en poussant un hurlement. Il revint deux ou trois fois sur l’eau, jetant des cris de plus en plus sourds.
Problématique
Comment Zola confère-t-il à ce passage l’intensité dramatique qui convient ?
Annonce de plan linéaire
Après avoir décrit les préliminaires du meurtre (I), le narrateur raconte la lutte entre Camille et Laurent et la perte de connaissance de Thérèse (II), avant de dévoiler l’issue du combat et la défaite de Camille (III).
I – Les préliminaires du meurtre
(De « Camille, qui avait fini par se coucher à plat ventre » à « la rivière était libre.
»)
Dans cette première partie, l’horreur vient du contraste entre l’intention criminelle de Laurent et la bonhomie de Camille, qui ne se doute de rien.
La bonne humeur de Camille est mise en avant par les répliques qu’il prononce au discours direct et à la forme exclamative : « Fichtre ! Que c’est froid !
« . D’ailleurs, Camille est le seul à parler dans tout l’extrait. Les deux autres personnages restent muets.
Le narrateur utilise l’ironie dramatique (= lorsque le lecteur dispose d’une information que certains personnages ignorent). En effet, ici, le lecteur sait que Laurent veut tuer Camille, mais Camille l’ignore. Le narrateur joue donc avec le lecteur en ménageant des effets d’attente.
Camille se rapproche de l’eau, inconscient du danger. Le détail « la tête au-dessus de l’eau
» annonce de manière ironique (puisque Camille ne se doute de rien) le drame à venir et suscite ainsi l’inquiétude du lecteur.
Les paroles au discours direct de Camille contrastent avec la gravité de la situation, dont il ne se doute pas. La vulgarité de son langage est mise en avant par le caractère grossier et populaire de l’interjection « fichtre » (synonyme de « foutre », signifiant lui-même originellement le sperme) et du substantif « bouillon » (employé ici pour désigner l’eau). L’ironie de son exclamation « Il ne ferait pas bon de piquer une tête dans ce bouillon-là
» (ironique car c’est justement ce qui l’attend), contribue à augmenter la tension dramatique.
La légèreté de Camille est mise en contraste avec le silence et l’immobilité de Laurent et Thérèse.
Tout au long de l’extrait, le narrateur, qui, dans d’autres passages du roman, est omniscient et pénètre les pensées des personnages, adopte ici la focalisation externe : il ne pénètre pas dans les pensées de Thérèse et Laurent et se contente de donner quelques détails physiques extérieurs qui aboutissent à composer un tableau glaçant.
Ainsi, l’évocation des « grosses mains » de Laurent crée la tension dramatique, en convoquant ce qui va être l’arme du crime. Ce détail a un rôle d’anticipation pour le lecteur qui sait que quelque chose va avoir lieu.
Le rythme ternaire « roide, immobile, la tête un peu renversée
» met en avant l’angoisse de Thérèse, mais aussi son inaction et sa complicité. Le personnage de Thérèse constitue un alter ego du lecteur : comme le lecteur, elle se doute que Laurent va noyer Camille, mais ne sait pas comment et quand.
L’horreur de la scène est renforcée par le contraste entre la bonne humeur de Camille et le meurtre que préparent Laurent et Thérèse, et par le décalage avec l’atmosphère paisible du lieu. L’évocation des « chants adoucis d’une équipe de canotiers
» convoque une image bucolique et poétique, qui évoque la tranquillité de la campagne, ce qui rend le meurtre encore plus affreux, par contraste.
II – La lutte entre Camille et Laurent et la perte de connaissance de Thérèse
(De « Alors Laurent se leva » à « Elle y resta pliée, pâmée, morte.
»)
Le recours au passé simple marque le brutal passage à l’acte de Laurent : « Laurent se leva et prit Camille »
La locution adverbiale « à bras-le-corps » souligne la disproportion de taille et de force entre Laurent et Camille (prendre quelqu’un à bras-le-corps, c’est passer ses deux bras autour du corps de quelqu’un).
La violence de ce geste n’est pas comprise par Camille, qui rit (« éclata de rire »), tandis que le lecteur, lui, sait que Laurent s’apprête à jeter Camille dans l’eau : cet effet d’ironie dramatique accentue la tension du passage.
La puérilité de la remarque de Camille au discours direct « tu me chatouilles
» (les enfants jouent à se chatouiller, pas les adultes) contraste avec l’intention meurtrière de Laurent, créant un effet d’horreur.
La description du narrateur contribue à infantiliser Camille : non seulement, il peut être saisi à bras-le-corps, comme un enfant que l’on porterait dans ses bras, mais encore il interprète le geste de Laurent comme un jeu puéril.
À nouveau, il y a de l’ironie dramatique dans la remarque « tu vas me faire tomber
», puisque Camille ne comprend pas que c’est justement le but que recherche Laurent, mais le lecteur le sait.
Puis, il y a une montée en intensité de la tension dramatique. Le narrateur fait un tableau sinistre, en choisissant quelques détails macabres, par exemple l’évocation de la figure « effrayante » et « convulsionnée » de Laurent.
La naïveté totale de Camille, qui ne comprend toujours pas qu’il se fait assassiner, contribue à la tension dramatique. Son ignorance est désormais accompagnée d’une impuissance (« il voulut crier
»).
La notation « sentit une main rude qui le serrait à la gorge
» indique un changement de point de vue : le narrateur passe brièvement d’une focalisation externe à une focalisation interne, faisant ressentir au lecteur les sensations de Camille.
Camille est déshumanisé et comparé à un animal (« avec l’instinct d’une bête qui se défend
»). Cette comparaison met en avant les théories de Zola. En effet, inspiré par le concept de sélection naturelle de Darwin, Zola considère que la société est régie par la loi du plus fort et la lutte pour la vie. L’emploi du verbe « lutta » contribue aussi à exprimer les théories zoliennes.
Le complément circonstanciel de temps « pendant quelques secondes
» souligne la rapidité de l’action. Le contraste entre temps de l’histoire (le temps vécu par les personnages de l’histoire) et le temps du récit (le temps pris par le narrateur pour raconter les événements de l’histoire) crée un effet de ralentissement qui accentue la tension de ce passage.
La description de Camille est pathétique. Ses appels au secours sont particulièrement pathétiques, en raison de la répétition du même mot (« Thérèse ! Thérèse !
»), de l’impossibilité de faire des phrases et de dire autre chose que le prénom de sa femme, du côté enfantin de cet appel, (comme s’il appelait Maman ! Maman !), et enfin, l’ironie du fait qu’il appelle à l’aide celle qui est complice du meurtre, sans comprendre qu’elle l’a trompé et a fomenté sa mort.
Puis, le narrateur fait le portrait de Thérèse : l’adjectif « effrayante » fait écho à la « figure effrayante » de Laurent plus haut dans le texte et signale la complicité entre Thérèse et Laurent.
La passivité de Thérèse est mise en avant : elle est incapable de bouger (« rigide ») ou de parler (« muette »).
Sa passivité est aussi soulignée au niveau syntaxique par la négation du verbe « pouvoir » (« elle ne pouvait fermer les yeux
») et la position de ses yeux en tant que complément d’objet direct (« une effrayante contraction les tenait grands ouverts
») : ce n’est pas elle qui tient les yeux ouverts, c’est une « contraction ». Sa paralysie, son silence et son impuissance à contrôler son corps accentuent l’horreur de la scène.
La répétition à l’identique des mêmes exclamations, (« Thérèse ! Thérèse !
»), sous la forme d’une anaphore, suscite le pathétique. En outre, la gradation, sous la forme du passage de « d’une voix étouffée et sifflante » à « râlait
» signale l’avancée du meurtre et contribue à la montée en intensité de la tension dramatique.
Le fait de désigner Camille au moyen d’un adjectif substantivé (« le malheureux ») accentue le pathétique du passage, comme si le narrateur prenait en pitié le personnage.
L’impuissance de Thérèse est de nouveau mise en avant au niveau syntaxique : « La crise qu’elle redoutait la jeta toute frémissante au fond de la barque.
» Thérèse est ici complément d’objet direct du verbe « jeter » (la jeta), normalement employé s’agissant d’objets : on jette quelque chose, on ne jette pas quelqu’un.
Le rythme ternaire (« pliée, pâmée, morte
»), l’allitération en « p » et le choix d’un terme utilisé usuellement pour désigner un objet inanimé (« pliée ») soulignent aussi l’impuissance de Thérèse.
Le choix du terme vieilli et littéraire « pâmée » fait écho au topos littéraire de la femme prompte à l’évanouissement, tandis que la description de sa crise de nerfs est conforme aux idées de l’époque sur l’hystérie féminine, ainsi qu’aux théories de Zola sur les tempéraments. Cette crise de nerfs annonce le détraquement nerveux des amants à venir dans la suite du roman.
III – L’issue du combat et la défaite de Camille.
(De « Laurent secouait toujours Camille
» à « jetant des cris de plus en plus sourds
. »)
Enfin, la tension dramatique atteint un climax. Après les descriptions pathétiques des paragraphes précédents, le narrateur fait appel au registre épique.
Le déséquilibre entre Laurent et Camille, avec Laurent tenant Camille à bout de bras, ne peut manquer d’évoquer dans l’esprit du lecteur les images de géants célèbres. Le choix du verbe « secouer », plutôt utilisé s’agissant d’objets inanimés, ainsi que du verbe « arracher » accentue encore davantage la violence de la scène.
En désignant Laurent et Camille par les substantifs de « victime » et « meurtrier », le narrateur fait culminer la tension dramatique du passage.
Le geste de Camille qui mord Laurent contribue à le déshumaniser, en le rapprochant d’un animal. En outre, le détail macabre du « morceau de chair » évoque l’idée de l’anthropophagie.
Enfin, la mort de Camille est décrite de manière détournée, euphémistique. C’est simplement la formule « jetant des cris de plus en plus sourds
» qui indique qu’il est en train d’agoniser.
Thérèse Raquin, chapitre 11, Conclusion
Émile Zola fait du récit du meurtre de Camille un passage d’une grande intensité dramatique en utilisant les ressources que sont les changements de points de vue, l’ironie dramatique et la description minutieuse pleine de détails macabres et effrayants.
Ce sont justement ces détails qui vont revenir hanter les deux amants dans la suite du roman.
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