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Voici une analyse linéaire pour l’oral de français du chapitre 18 du roman Thérèse Raquin de Zola.
L’extrait étudié donne à voir le détraquement nerveux de Thérèse et Laurent après le meurtre de Camille. Il va de « S’ils avaient hâte d’en finir, c’est qu’ils ne pouvaient plus rester séparés et solitaires » à « amollie par la vase, le faisaient haleter et frissonner, râler d’angoisse.
»
Thérèse Raquin, chapitre 18, Introduction
Dans ce passage, le narrateur donne à voir les conséquences qu’a sur Thérèse et Laurent le crime qu’ils ont commis.
Il s’agit d’un sommaire (narration, en quelques lignes, de plusieurs journées ou semaines d’existence) fonctionnant comme un double portrait, en diptyque, des deux personnages.
Le narrateur fait un tableau sinistre plein de détails macabres, qui brouille les frontières entre le réel et l’irréel et utilise aussi bien le registre tragique que le registre fantastique.
En montrant les effets du meurtre de Camille sur les deux personnages, Zola met en œuvre son projet de faire du récit romanesque une expérience scientifique. (Voir la fiche de lecture sur Thérèse Raquin pour le bac de français)
Cet extrait constitue une étape importante dans son expérimentation et sa démonstration en donnant à voir la métamorphose des deux amants.
Extrait étudié (chapitre 18)
S’ils avaient hâte d’en finir, c’est qu’ils ne pouvaient plus rester séparés et solitaires. Chaque nuit, le noyé les visitait, l’insomnie les couchait sur un lit de charbons ardents et les retournait avec des pinces de feu. L’état d’énervement dans lequel ils vivaient, activait encore chaque soir la fièvre de leur sang, en dressant devant eux des hallucinations atroces. Thérèse, lorsque le crépuscule était venu, n’osait plus monter dans sa chambre ; elle éprouvait des angoisses vives, quand il lui fallait s’enfermer jusqu’au matin dans cette grande pièce, qui s’éclairait de lueurs étranges et se peuplait de fantômes, dès que la lumière était éteinte. Elle finit par laisser sa bougie allumée, par ne plus vouloir dormir, afin de tenir toujours ses yeux grands ouverts. Et quand la fatigue baissait ses paupières, elle voyait Camille dans le noir, elle rouvrait les yeux en sursaut. Le matin, elle se traînait, brisée, n’ayant sommeillé que quelques heures, au jour. Quant à Laurent, il était devenu décidément poltron depuis le soir où il avait eu peur en passant devant la porte de la cave ; auparavant, il vivait avec des confiances de brute ; maintenant, au moindre bruit, il tremblait, il pâlissait, comme un petit garçon. Un frisson d’effroi avait brusquement secoué ses membres, et ne l’avait plus quitté. La nuit, il souffrait plus encore que Thérèse ; la peur, dans ce grand corps mou et lâche, amenait des déchirements profonds. Il voyait tomber le jour avec des appréhensions cruelles. Il lui arriva, à plusieurs reprises, de ne pas vouloir rentrer, de passer des nuits entières à marcher au milieu des rues désertes. Une fois, il resta jusqu’au matin sous un pont, par une pluie battante ; là, accroupi, glacé, n’osant se lever pour remonter sur le quai, il regarda, pendant près de six heures, couler l’eau sale dans l’ombre blanchâtre ; par moments, des terreurs l’aplatissaient contre la terre humide : il lui semblait voir, sous l’arche du pont, passer de longues traînées de noyés qui descendaient au fil du courant. Lorsque la lassitude le poussait chez lui, il s’y enfermait à double tour, il s’y débattait jusqu’à l’aube, au milieu d’accès effrayants de fièvre. Le même cauchemar revenait avec persistance : il croyait tomber des bras ardents et passionnés de Thérèse entre les bras froids et gluants de Camille ; il rêvait que sa maîtresse l’étouffait dans une étreinte chaude, et il rêvait ensuite que le noyé le serrait contre sa poitrine pourrie, dans un embrassement glacial ; ces sensations brusques et alternées de volupté et de dégoût, ces contacts successifs de chair brûlante d’amour et de chair froide, amollie par la vase, le faisaient haleter et frissonner, râler d’angoisse.
Problématique
Comment Zola crée-t-il une atmosphère lugubre et fantastique propre à traduire le détraquement nerveux des amants ?
Annonce de plan linéaire
L’extrait peut être divisé en trois mouvements, de taille inégale : après une courte introduction, où Thérèse et Laurent sont décrits indistinctement (I), le narrateur fait le portrait de Thérèse (II), puis le portrait, bien plus long, de Laurent (III).
I – Thérèse et Laurent sont décrits indistinctement
De « S’ils avaient hâte d’en finir » à « en dressant devant eux des hallucinations atroces
. »
Les trois premières phrases de l’extrait décrivent indistinctement Thérèse et Laurent. Ce n’est pas l’amour qui pousse Thérèse et Laurent à se marier, mais la peur.
« S’ils avaient hâte d’en finir
» a un double sens : il exprime d’abord l’impatience qu’ont les deux personnages de se marier et d’arrêter de dissimuler. Mais « en finir » veut aussi dire « mettre fin à ses jours ». L’existence de ce deuxième sens contribue à instaurer une atmosphère macabre.
L’allitération en « s » et « r » dans « rester séparés et solitaires
» et la redondance (expression de la même idée par deux formulations différentes) des deux adjectifs crée un effet d’insistance qui met en avant l’angoisse des deux amants et le sentiment d’urgence qu’ils éprouvent.
Presque tout l’extrait est à l’imparfait d’habitude, créant ainsi l’impression d’une fatalité à laquelle les personnages ne peuvent échapper. Le caractère répétitif des souffrances que subissent les personnages est aussi exprimé par le complément circonstanciel de temps « chaque nuit », qui accentue l’impression d’inéluctable.
Le choix de ne pas modaliser la proposition « le noyé les visitait
» crée une atmosphère fantastique où les frontières entre le réel et le surnaturel sont brouillées (modaliser = former un énoncé en exprimant son point de vue par rapport au contenu, par exemple : transformer « le noyait les visitait
» en « ils croyaient que le noyé les visitait »).
La passivité et l’impuissance de Thérèse et Laurent sont exprimées en premier lieu au niveau syntaxique, dans la mesure où ils occupent la position de complément d’objet direct au sein de la phrase (« les visitait », « les couchait », « les retournait
»), ce qui souligne qu’ils subissent la situation.
Dans la phrase « l’insomnie les couchait sur un lit de charbons ardents et les retournait avec des pinces de feu
», le narrateur s’empare d’une locution figée, « être ou marcher sur des charbons ardents », qui signifie « être très inquiet ou extrêmement impatient » et la transforme en métaphore filée. La métaphore traduit le fait que Thérèse et Laurent ne trouvent pas le sommeil et se retournent sans arrêt dans leur lit sans pouvoir s’endormir. Le champ lexical du feu (« charbons ardents », « pinces de feu
») évoque aussi le châtiment qu’est l’Enfer.
L’« énervement » et la « fièvre de leur sang
» sont des notions relevant de la théorie des tempéraments. Elles montrent que Zola traite les personnages comme les sujets d’une expérience de laboratoire et de faire du récit romanesque une expérience scientifique.
Ce que fait Zola ici, et la nouveauté qu’il introduit par rapport à la tradition romanesque antérieure, c’est qu’il ne prend pas la psychologie des personnages comme matière romanesque, mais qu’il subordonne la psychologie des personnages à leur physiologie : c’est le corps qui prime.
II – Le portrait de Thérèse
De « Thérèse, lorsque le crépuscule était venu » à « n’ayant sommeillé que quelques heures, au jour.
»
Puis, le narrateur fait le tableau de la métamorphose de Thérèse.
La description est structurée selon un schéma circulaire, commençant à la tombée de la nuit (« lorsque le crépuscule était venu
») et se terminant au lever du jour (« le matin »). Le narrateur s’attache uniquement à décrire des scènes nocturnes. Il crée ainsi une atmosphère fantastique proche de l’univers cauchemardesque du roman gothique, de la tragédie shakespearienne ou des contes de fées les plus sinistres.
Le lexique choisi a pour effet d’augmenter les proportions de l’appartement : « monter dans sa chambre », « cette grande pièce
». Il semble s’agir d’un château hanté avec de grands escaliers et de larges couloirs, plutôt que d’un appartement parisien.
À nouveau, l’absence de modalisation (« se peuplait de fantômes
» et non pas « semblait se peupler de fantômes », « elle voyait Camille dans le noir
» et non pas « elle croyait voir Camille dans le noir ») brouille les frontières entre le réel et le fantastique.
Cette absence de modalisation montre que la narration est faite en focalisation interne : les choses sont présentées du point de vue de Thérèse. Le choix de la focalisation interne accentue l’incertitude entre réalité et cauchemar.
Le narrateur fait aussi appel au registre tragique : la situation de Thérèse, incapable de dormir, la rapproche des figures de la mythologie antique que sont Tantale, Sisyphe et Prométhée, soumis à des tortures éternelles. De même, Thérèse est plongée dans une impasse tragique : si elle s’endort, elle voit Camille. Mais plus elle s’empêche de dormir, de peur de voir Camille, plus elle a besoin de dormir et donc risque de voir Camille.
III – Le portrait de Laurent
De « Quant à Laurent » à « le faisaient haleter et frissonner, râler d’angoisse.
»
Le narrateur fait ensuite le tableau de la transformation de Laurent.
Sa déchéance est mise en avant par l’emploi de l’antithèse « auparavant, il vivait avec des confiances de brute ; maintenant, au moindre bruit, il tremblait, il pâlissait, comme un petit garçon.
». Cette antithèse est elle-même accentuée par une asyndète (absence de mots de coordination ou de subordination).
La comparaison avec un « petit garçon » est d’autant plus frappante que Laurent se démarquait précisément de Camille par sa vigueur et sa force.
En outre, Laurent subit non seulement une régression, mais également une dévirilisation, car il a encore plus peur que Thérèse, une femme (« il souffrait plus encore que Thérèse
»). Il y a une inversion des genres.
Le narrateur accumule les descriptions physiologiques : « tremblait », « palissait », « un
». Il décrit un ensemble de symptômes propres au corps et non pas un état psychologique. Cela montre, à nouveau, que Zola ne prend pas la psychologie des personnages comme matière romanesque, mais qu’il subordonne la psychologie des personnages à leur physiologie.frisson d’effroi avait brusquement secoué ses membres
La formule « ce grand corps mou et lâche
» souligne que Laurent est traité presque exclusivement comme un corps. Pour Zola, les émotions relèvent du corps. De plus, l’évocation de « ce grand corps mou et lâche
» évoque la physiognomonie (pseudo-science fondée sur l’idée que l’apparence physique d’une personne révèle son caractère).
Le choix d’expressions particulièrement intensives, comme « déchirements profonds » et « appréhensions cruelles
», traduisent la gravité de la souffrance de Laurent. Ces « appréhensions » contribuent à l’infantiliser, à la manière des enfants qui ont peur du noir.
Comme Thérèse, il semble vivre une torture à laquelle le condamne sans répit un destin tragique : le fait de « passer des nuits entières à marcher
» rappelle par exemple le supplice de Sisyphe qui roule indéfiniment une pierre jusqu’au sommet d’une montagne.
Le passage de l’imparfait d’habitude au passé simple montre que le narrateur isole une occurrence particulièrement frappante. Il construit une scène morbide qu’il rend vivante pour le lecteur au moyen de détails concrets. Il précise en effet la température (« par une pluie battante
»), l’écoulement du temps (« pendant près de six heures
»), ainsi que les mouvements et les sensations physiques (« accroupi, glacé
», « des terreurs l’aplatissaient contre la terre humide
»). Cette hypotypose (description d’une scène de manière si frappante que le lecteur croit la vivre) fait appel aux sens du lecteur afin de rendre la scène d’autant plus frappante.
L’oxymore « ombre blanchâtre
» crée une atmosphère fantomatique et surnaturelle. L’hallucination des « longues traînées de noyés qui descendaient au fil du courant
», avec le pléonasme « longues traînées
», est une image cauchemardesque propre à entretenir un climat sinistre.
Les expressions intensives « à double tour », « jusqu’à l’aube » et « accès effrayants
» soulignent que la frénésie s’empare de Laurent. De même, la construction intransitive du verbe « se débattait
» (on se débat habituellement contre quelqu’un ou quelque chose) témoigne de la folie qui commence à envahir Laurent, qui se bat contre des hallucinations, des êtres inexistants.
Son état est décrit en termes médicaux, comme une « fièvre ». L’utilisation du registre de la maladie souligne à la fois l’intensité de la souffrance de Laurent, mais aussi le fait que c’est le corps qui est touché, non pas la psychè, conformément aux théories de Zola.
Enfin, le narrateur conclut ce double portrait de Laurent et Thérèse par le récit d’un cauchemar que Laurent fait de manière répétitive, où il se retrouve tantôt dans les bras de Thérèse et tantôt dans ceux de Camille.
Le narrateur crée un contraste frappant entre les deux parties du cauchemar grâce à l’emploi d’hypozeuxes (parallélisme de construction reposant sur la reprise d’une même structure syntaxique) et d’antithèses, en particulier entre le champ lexical du chaud et celui du froid : « les bras ardents et passionnés de Thérèse » versus « les bras froids et gluants de Camille » ; « étreinte chaude » versus « embrassement glacial » ; « volupté » versus « dégoût » ; « chair brûlante » versus « chair froide » ; « haleter » versus « frissonner
».
Thérèse Raquin, chapitre 18, conclusion
Zola réussit à traduire le détraquement nerveux des amants en créant une atmosphère lugubre et fantastique. Grâce aux descriptions de scènes nocturnes, de cauchemars et d’hallucinations qui brouillent les frontières entre le réel et l’irréel, il montre les effets physiologiques du meurtre sur Thérèse et Laurent.
Par ces descriptions, Zola se rapproche de l’esthétique fantastique de certains de ses contemporains, tel Guy de Maupassant, auteur de la nouvelle fantastique Le Horla, dans laquelle il décrit la déchéance progressive d’un personnage poursuivi par une créature invisible, « le Horla », qui passe par divers états de paranoïa et d’hallucinations, jusqu’à sombrer dans la démence.
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- Thérèse Raquin, chapitre 6 (Thérèse et Laurent deviennent amants)
- Thérèse Raquin, chapitre 9 (Laurent prend la décision de tuer Camille)
- Thérèse Raquin, chapitre 11 (le meurtre de Camille)
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