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Voici une analyse linéaire de la fin du roman (l’excipit) Thérèse Raquin d’Émile Zola.
L’extrait étudié, issu du chapitre 32, va de « Il enleva la carafe des mains de sa femme et remplit un verre d’eau
» à la fin du roman.
Excipit de Thérèse Raquin, Introduction
Cet extrait est l’excipit (dernières lignes d’une œuvre) de Thérèse Raquin. Il représente donc le dénouement de l’intrigue : se rendant compte qu’ils tentent de s’assassiner l’un l’autre, les amants criminels, Thérèse et Laurent commettent un double suicide, sous le regard vengeur de Madame Raquin. (Voir la fiche de lecture sur Thérèse Raquin avec explication du parcours « Anatomie des passions »)
Ce passage constitue à la fois un retournement de situation, une scène frappante où la tension culmine, la résolution de l’histoire et enfin la conclusion théorique et morale apportée au roman. En outre, Zola joue avec la tradition en subvertissant le motif traditionnel du suicide des amants maudits. Il faut noter qu’il s’agit d’une scène où aucune parole n’est prononcée et où toute communication passe par le regard.
Extrait étudié
Il enleva la carafe des mains de sa femme et remplit un verre d’eau. Puis, se tournant à demi, il y vida le petit flacon de grès, en y mettant un morceau de sucre. Pendant ce temps, Thérèse s’était accroupie devant le buffet ; elle avait pris le couteau de cuisine et cherchait à le glisser dans une des grandes poches qui pendaient à sa ceinture.
À ce moment, cette sensation étrange qui prévient de l’approche d’un danger, fit tourner la tête aux époux, d’un mouvement instinctif. Ils se regardèrent. Thérèse vit le flacon dans les mains de Laurent, et Laurent aperçut l’éclair blanc du couteau qui luisait entre les plis de la jupe de Thérèse. Ils s’examinèrent ainsi pendant quelques secondes, muets et froids, le mari près de la table, la femme pliée devant le buffet. Ils comprenaient. Chacun d’eux resta glacé en retrouvant sa propre pensée chez son complice. En lisant mutuellement leur secret dessein sur leur visage bouleversé, ils se firent pitié et horreur.
Madame Raquin, sentant que le dénouement était proche, les regardait avec des yeux fixes et aigus.
Et brusquement Thérèse et Laurent éclatèrent en sanglots. Une crise suprême les brisa, les jeta dans les bras l’un de l’autre, faibles comme des enfants. Il leur sembla que quelque chose de doux et d’attendri s’éveillait dans leur poitrine. Ils pleurèrent, sans parler, songeant à la vie de boue qu’ils avaient menée et qu’ils mèneraient encore, s’ils étaient assez lâches pour vivre. Alors, au souvenir du passé, ils se sentirent tellement las et écœurés d’eux-mêmes, qu’ils éprouvèrent un besoin immense de repos, de néant. Ils échangèrent un dernier regard, un regard de remerciement, en face du couteau et du verre de poison. Thérèse prit le verre, le vida à moitié et le tendit à Laurent qui l’acheva d’un trait. Ce fut un éclair. Ils tombèrent l’un sur l’autre, foudroyés, trouvant enfin une consolation dans la mort. La bouche de la jeune femme alla heurter, sur le cou de son mari, la cicatrice qu’avaient laissée les dents de Camille.
Les cadavres restèrent toute la nuit sur le carreau de la salle à manger, tordus, vautrés, éclairés de lueurs jaunâtres par les clartés de la lampe que l’abat-jour jetait sur eux. Et, pendant près de douze heures, jusqu’au lendemain vers midi, madame Raquin, roide et muette, les contempla à ses pieds, ne pouvant se rassasier les yeux, les écrasant de regards lourds.
Problématique
Comment Zola confère-t-il à cet excipit son caractère de dénouement tragique ?
Annonce de plan linéaire
Le passage se déploie selon deux mouvements successifs : d’abord, les deux époux tentent de s’assassiner l’un l’autre avant de se rendre compte qu’ils ont eu la même idée (I). Puis, envahis par l’émotion, ils commettent un double suicide sous le regard de Madame Raquin (II).
I – La tentative des époux pour s’assassiner mutuellement.
De « Il enleva la carafe des mains de sa femme et remplit un verre d’eau » à « les regardait avec des yeux fixes et aigus.
»
Laurent fait mine d’aider Thérèse en préparant son verre d’eau. La mention « sa femme » rappelle leur statut marital et permet d’accentuer l’horreur de la tentative d’assassinat.
« Le petit flacon de grès
» désigne de façon métonymique le poison et a un effet euphémistique qui traduit la banalité de l’assassinat aux yeux de Laurent.
Même si le narrateur décrit successivement les préparatifs de Laurent et ceux de Thérèse, il précise que les deux actions ont lieu simultanément, au moyen de la mention « pendant ce temps ».
Puis les deux amants s’aperçoivent qu’ils tentent tous les deux d’assassiner l’autre. Le complément circonstanciel de temps « à ce moment » exprime l’immédiateté de l’action et contribue donc à donner un caractère saisissant et dramatique à la scène racontée.
L’utilisation du passé simple (« fit tourner » ; « se regardèrent » ) souligne la rapidité de l’action et rend donc la scène plus saisissante.
L’intuition qui les fait se douter de ce qu’il se passe est présentée comme un instinct de conservation animal (« cette sensation étrange qui prévient de l’approche d’un danger
»). Le complément circonstanciel de manière « d’un mouvement instinctif
» accentue la dimension bestiale de l’attitude de Thérèse et Laurent. En outre, il montre, comme toujours chez Zola, que le corps prime sur la psyché. Cette description témoigne aussi de l’influence des textes scientifiques contemporains et de la biologie sur le roman de Zola.
L’alternance entre phrases longues et phrases courtes permet de créer un effet de variété, ainsi que de mettre en valeur les phrases courtes et de rendre plus frappante les actions qu’elles décrivent. La phrase courte « Ils se regardèrent.
» a par exemple pour effet de figer l’action dans un moment qui semble se prolonger et ainsi de la rendre plus impressionnante.
Dans la phrase « Thérèse vit le flacon dans les mains de Laurent, et Laurent aperçut l’éclair blanc du couteau qui luisait entre les plis de la jupe de Thérèse
», l’hypozeuxe (parallélisme de construction reposant sur la reprise d’une même structure syntaxique) et le chiasme (Thérèse/Laurent/Laurent/Thérèse) expriment le caractère symétrique aussi bien de la scène que de la tentative d’assassinat.
Cette symétrie est aussi mise en avant par l’hypozeuxe dans la phrase suivante : « le mari près de la table, la femme pliée devant le buffet
». L’adjectif « froid » signifie ici « calme, impassible » et accentue l’immobilité des personnages et le caractère figé de la scène.
Le choix d’utiliser le lexique du mariage (« le mari », « la femme ») vise à créer un effet de contraste entre le crime et les liens maritaux, et ainsi à rendre plus dramatique la situation.
La découverte mutuelle du projet d’assassinat est rendue frappante par l’utilisation d’une phrase très courte (« ils comprenaient ») et par la construction intransitive (sans complément d’objet) du verbe « comprendre ». Cela permet de donner l’impression d’un éclair de lucidité soudain.
Le participe passé « glacé » appartient au même champ lexical que « froid » et contribue donc à entretenir l’impression de fixité et d’horreur de la scène.
Le caractère identique et simultané de la tentative d’assassinat réciproque est mis en avant par le fait que chacun des époux se voit en miroir dans l’autre (« en retrouvant sa propre pensée chez son complice » et « en lisant mutuellement leur secret dessein sur leur visage bouleversé
»). La structure en chiasme des deux dernières phrases de ce paragraphe (verbe conjugué/gérondif/gérondif/verbe conjugué) traduit de manière syntaxique la symétrie de la scène.
Le choix du substantif « complice » rappelle le meurtre originel qu’ils ont commis ensemble, celui de Camille, et contribue à faire de ce passage une conclusion cohérente au récit romanesque que le lecteur vient de lire.
Les sentiments de « pitié et horreur
» rappellent les deux passions que la tragédie suscite selon les textes théoriques de l’Antiquité jusqu’à l’Âge classique, la crainte et la pitié. Le choix de « pitié et horreur
» indique ainsi la présence du registre tragique. L’utilisation du terme de « dénouement » contribue aussi à faire de ce passage une scène de tragédie.
Madame Raquin est comparée à une spectatrice de théâtre qui assisterait à une tragédie. Elle incarne aussi un alter ego du lecteur, qui sait que la fin approche. La fixité et l’intensité du regard de Madame Raquin (« les regardait avec des yeux fixes et aigus », où des « yeux aigus
» signifient un regard particulièrement intense) fait écho à l’immobilité des époux et contribue à donner à ce passage une dimension à la fois théâtrale et picturale : la description faite par le narrateur constitue un tableau avec des personnages figés.
II – Le double suicide des amants sous le regard vengeur de Madame Raquin
De « Et brusquement Thérèse et Laurent éclatèrent en sanglots. » à « les écrasant de regards lourds
»
L’intrigue connaît un retournement de situation : alors que les deux amants cherchaient à s’assassiner, leur projet est mis à mal. Au terme de leur face à face qui a lieu sous les yeux de Madame Raquin, les deux époux éclatent en pleurs et se jettent dans les bras l’un de l’autre.
Le caractère soudain et inattendu de l’action est mis en avant par l’adverbe de manière « brusquement » et par sa place en début de phrase.
En mettant « une crise suprême
» en position de sujet et les deux époux en position de complément d’objet des verbes « briser » et « jeter
», le narrateur souligne l’impuissance de Thérèse et Laurent : « Une crise suprême les brisa, les jeta…
» . Pour Zola, les individus sont déterminés par leur corps, et non pas par leur psychologie. Le choix de verbes particulièrement intenses et usuellement employés pour désigner des objets (« briser », « jeter ») et la comparaison avec des enfants (« faibles comme des enfants
») met en relief l’incapacité des personnages à lutter contre ce déterminisme.
Le double sens de l’adjectif « suprême », à la fois ce qui est le plus intense et ce qui est le dernier, annonce la mort à venir.
Paradoxalement, les deux personnages ressentent une impression agréable, qui contraste avec les souffrances décrites dans les chapitres précédant. Elle est décrite au moyen de la formulation délibérément imprécise « quelque chose de doux et d’attendri
». De plus, cette impression est présentée comme un symptôme physique et non comme une émotion psychique, puisqu’elle est située « dans leur poitrine
».
Le retournement de situation est entériné lorsque les deux époux finissent par envisager non pas de tuer uniquement l’autre, mais de se suicider. Le narrateur omniscient dévoile les pensées des deux époux.
Le polyptote (répétition d’un même mot sous des formes grammaticales différentes) dans « qu’ils avaient menée et qu’ils mèneraient encore
» met en avant l’inéluctabilité d’une vie menée dans le vice et, par conséquent, dans la souffrance. Cette inéluctabilité est conforme aux théories zoliennes sur le déterminisme : ceux que l’hérédité et le tempérament prédisposent au vice finiront toujours par y tomber.
Le suicide et la mort ne sont pas nommés directement, mais désignés par les euphémismes « repos » et « néant » qui montrent que la mort est vue comme une libération.
L’emploi d’une subordonnée circonstancielle de conséquence en « tellement…que… » (« Alors, au souvenir du passé, ils se sentirent tellement las et écœurés d’eux-mêmes, qu’ils éprouvèrent un besoin immense de repos, de néant.
») accentue l’idée que le suicide est la conséquence inévitable des événements narrés dans le roman. Cela contribue à donner à ce passage l’apparence d’une démonstration théorique sur le déterminisme des tempéraments.
La répétition « un dernier regard, un regard de remerciement
» crée un effet d’insistance. Le remerciement contraste avec la haine que les deux époux se vouaient dans les chapitres précédents. L’évocation « du couteau et du verre de poison
» évoque de façon métonymique et donc aussi euphémistique le suicide.
Le tableau des deux époux se partageant le verre de poison constitue une reprise subvertie du motif des amants maudits forcés de se suicider. Ici, les deux époux ne se suicident pas car ils n’ont pas la possibilité de vivre leur amour ensemble, mais car leur existence est devenue une torture.
La métaphore filée de la foudre (« ce fut un éclair », puis « foudroyés
») traduit l’instantanéité de la mort et confère à la scène un caractère dramatique.
Le narrateur fait appel à des images symboliques : « ils tombèrent l’un sur l’autre
» montre que les amants sont enfin unis dans la mort, ce qui contraste avec leurs démonstrations de haine mutuelle dans les chapitres précédents.
En outre, le rappel du motif de la cicatrice laissée par Camille sur le cou de Laurent, qui constitue un leitmotiv (formule ou idée qui revient à plusieurs reprises dans un texte) tout au long du roman, confère à la scène son caractère de conclusion. Plusieurs fois dans le roman, soit à la demande de Laurent, soit à l’initiative de Thérèse, la jeune femme avait embrassé la cicatrice, dans l’espoir de guérir les souffrances de Laurent, mais toujours sans effet.
Le roman se termine sur une image frappante : celle de Madame Raquin contemplant les cadavres. Le rythme ternaire « tordus, vautrés, éclairés de lueurs jaunâtres
» crée un effet d’insistance et l’allitération en « t » et « r » traduit le caractère macabre et violent de la scène.
L’emploi du verbe « contempla » est oxymorique, puisqu’il est ordinairement employé s’agissant d’un objet digne d’admiration, tandis qu’ici il s’agit des cadavres de deux meurtriers.
La métaphore alimentaire dans « ne pouvant se rassasier les yeux
» permet d’exprimer l’intensité de la joie vengeresse de Madame Raquin. Le contraste entre l’horreur du spectacle et la joie de Madame Raquin rend cette scène finale particulièrement frappante.
Thérèse Raquin, chapitre 32, conclusion
Ainsi, Zola fait de cet excipit un dénouement tragique en peignant le tableau sinistre d’un double suicide accompli sous les yeux de Madame Raquin. Un retournement de situation transforme la tentative d’assassinat mutuelle annoncée au chapitre précédent en double suicide.
La tension dramatique culmine dans le passage et le roman s’achève sur l’image frappante de Madame Raquin, alter ego du lecteur qui a assisté, comme elle, à la destruction mutuelle de Thérèse et Laurent, deux tempéraments incompatibles et voués à se détruire l’un l’autre.
Ce double suicide constitue ainsi la conclusion théorique et morale donnée à un roman conçu par son auteur comme une démonstration scientifique.
L’excipit de Thérèse Raquin rappelle ainsi un autre suicide célèbre de la littérature, celui de Madame Bovary, dans le roman de Gustave Flaubert, qui est aussi présenté comme une fin inévitable et une conclusion morale.
Tu étudies Thérèse Raquin ? Regarde aussi :
- Thérèse Raquin, chapitre 6
- Thérèse Raquin, chapitre 9
- Thérèse Raquin, chapitre 11
- Thérèse Raquin, chapitre 18
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