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Voici une analyse linéaire d’un extrait de la lettre XXVIII (lettre 28) de Mémoires de deux jeunes mariées (1842) d’Honoré de Balzac.
Cette lettre est écrite par Renée de L’Estorade et adressée à Louise de Macumer
Lettre 28 de Mémoires de deux jeunes mariées, introduction
Les Mémoires de Deux jeunes mariées opposent deux conceptions de l’amour et du mariage. (Voir la fiche de lecture de Mémoires de deux jeunes mariées)
Dans la lettre précédente, Louise évoquait ses premiers émois de jeune femme mariée amoureuse et épanouie. L’extrait que nous allons étudier illustre l’une de ses remarques : « Oui, la femme qui ne fait pas, comme moi, quelque mariage d’amour caché sous les noces légales et publiques, doit se jeter dans la maternité comme une âme à qui la terre manque se jette dans le ciel.
»
En effet, Renée, enceinte, décrit le bonheur engendré par cette maternité qu’elle oppose à l’amour éphémère du couple.
Problématique
Comment, dans cette lettre, Renée fait-elle l’éloge du dévouement, garant de la félicité maritale ?
Extrait analysé
Renée de L’Estorade à Louise de Macumer
En jouissant de ton heureux mariage (et pourquoi ne t’avouerais-je pas tout ?), en l’enviant de toutes mes forces, j’ai senti le premier mouvement de mon enfant qui des profondeurs de ma vie a réagi sur les profondeurs de mon âme. Cette sourde sensation, à la fois un avis, un plaisir, une douleur, une promesse, une réalité ; ce bonheur qui n’est qu’à moi dans le monde et qui reste un secret entre moi et Dieu ; ce mystère m’a dit que le rocher serait un jour couvert de fleurs, que les joyeux rires d’une famille y retentiraient, que mes entrailles étaient enfin bénies et donneraient la vie à flots. Je me suis sentie née pour être mère ! Aussi la première certitude que j’ai eue de porter en moi une autre vie m’a-t-elle donné de bienfaisantes consolations. Une joie immense a couronné tous ces longs jours de dévouement qui ont fait déjà la joie de Louis.Dévouement ! me suis-je dit à moi-même, n’es-tu pas plus que l’amour ? n’es-tu pas la volupté la plus profonde, parce que tu es une abstraite volupté, la volupté génératrice ? N’es-tu pas, ô Dévouement! la faculté supérieure à l’effet ? N’es-tu pas la mystérieuse, l’infatigable divinité cachée sous les sphères innombrables dans un centre inconnu par où passent tour à tour tous les mondes ?
Le Dévouement, seul dans son secret, plein de plaisirs savourés en silence sur lesquels personne ne jette un œil profane et que personne ne soupçonne, le Dévouement, dieu jaloux et accablant, dieu vainqueur et fort, inépuisable parce qu’il tient à la nature même des choses et qu’il est ainsi toujours égal à lui-même, malgré l’épanchement de ses forces, le Dévouement, voilà donc la signature de ma vie.
L’amour, Louise, est un effort de Felipe sur toi ; mais le rayonnement de ma vie sur la famille produira une incessante réaction de ce petit monde sur moi! Ta belle moisson dorée est passagère ; mais la mienne, pour être retardée, n’en sera-t-elle pas plus durable? elle se renouvellera de moments en moments. L’amour est le plus joli larcin que la Société ait su faire à la Nature ; mais la maternité, n’est-ce pas la Nature dans sa joie ? Un sourire a séché mes larmes. L’amour rend mon Louis heureux ; mais le mariage m’a rendue mère et je vais être heureuse aussi ! Je suis alors revenue à pas lents à ma bastide blanche aux volets verts, pour t’écrire ceci.
Mémoires de deux jeunes mariées de Balzac, lettre 28,
Annonce de plan linéaire
Nous pouvons distinguer trois mouvements dans cet extrait.
Dans un premier temps, Renée fait l’annonce bienheureuse de sa maternité.
Dans un deuxième temps, elle poursuit avec l’éloge du dévouement maternel.
Enfin, dans un troisième temps, elle estime l’amour maternel supérieur à l’amour conjugal.
I – L’annonce bienheureuse de la maternité
De « En jouissant de ton heureux mariage » à « qui ont déjà fait la joie de Louis
».
Dans un premier mouvement, Renée annonce à son amie sa maternité.
Dès le début de l’extrait, les deux conceptions du bonheur maritale s’opposent.
Les deux propositions participiales « En jouissant de ton heureux mariage » et « en l’enviant de toutes mes forces
» soulignent la différence entre la condition des deux jeunes femmes.
L’antéposition de l’adjectif « heureux » dans l’expression « heureux mariage
» insiste sur le bonheur vécu par Louise.
Comme le confesse Renée dans une proposition interrogative entre parenthèses, la condition de Louise est la plus enviable. Son amie est une véritable héroïne de roman, qui a la chance de vivre une passion véritable.
Cependant, la question rhétorique « et pourquoi ne t’avouerais-je pas tout ?
» indique que Renée s’affranchit sans honte de cette vision du mariage.
En effet, elle a enfin connaissance de la plus grande joie liée au mariage : la maternité.
La structure de la première phrase met donc sur un pied d’égalité la bonheur matrimoniale et la maternité.
Renée établit un parallèle entre les sensations corporelles ressenties lorsque son enfant a bougé dans son ventre et ses sentiments. Le parallélisme de construction, avec la répétition du terme « profondeurs » le souligne : « qui des profondeurs de ma vie a réagi sur les profondeurs de mon âme.
» Elle met sur le même plan « la vie » et « l’âme », le sensible et le spirituel.
Grâce à une énumération, Renée décrit ces sensations qui sont inconnues à Louise. Les cinq termes employés, dont certains sont antithétiques (plaisir/douleur; promesse/réalité) définit la maternité dans toute sa richesse et sa complexité : « un avis, un plaisir, une douleur, une promesse, une réalité
».
Renée va devenir mère, ce qui va également bouleverser son statut social, c’est un « avis » au sens d’information publique.
La maternité est ensuite définie comme un « bonheur » devenu une réalité palpable comme le suggère le déterminant démonstratif « ce ».
Pour l’instant, Renée s’approprie cette maternité, comme l’indique la négation restrictive « qui n’est qu’à moi dans le monde
» et ne la partage qu’avec Dieu. Les deux propositions subordonnées relatives, qui permettent de décrire ce bonheur, soulignent l’élan de joie que lui procure cette maternité : « ce bonheur qui n’est qu’à moi dans le onde et qui reste un secret entre moi et Dieu » .
La suite de son annonce à Louise revêt une très forte dimension biblique. Tout d’abord, l’emploi du terme « mystère » pour la maternité renvoient au « mystère » catholique, défini comme une vérité inaccessible à la raison, mais que Dieu donne à connaître en se révélant. Renée a enfin accès à cette connaissance en devenant mère.
Le « mystère » qu’elle évoque est personnifié par le verbe « dit » et annonciateur d’un futur épanoui et heureux.
Le verbe « dire » régit trois subordonnées complétives conjonctives qui rapportent ses paroles. La première se présente sous la forme d’une métaphore dans laquelle le « rocher » désigne la demeure de la famille L’Estorade, vouée à la prospérité et au bonheur, car elle sera « couverte de fleurs
» et pleine de « joyeux rires
».
L’emploi de verbes au conditionnel (« serait », « retentiraient », « donneraient ») renforce l’impression d’assister à une prophétie religieuse.
On ne peut s’empêcher de voir l’allusion dans la troisième subordonnée à la Vierge Marie. Balzac reprend en effet une expression que l’on retrouve dans la prière « Je vous salue Marie » : « mes entrailles étaient enfin bénies
». Renée accède, grâce à sa maternité, au statut de sainte. Elle se place sous la protection de Dieu, qui salue son dévouement en la récompensant par la maternité.
L’exclamation « Je me suis sentie née pour être mère !
» insiste sur la vocation innée de Renée à porter la vie. Être une mère est plus important qu’être une épouse, ou une femme.
Cette maternité est enfin présentée comme « une bienfaisante consolation
». Cette expression fait écho au début de l’extrait, dans lequel Renée regrettait de ne pas connaitre les forts sentiments d’une passion amoureuse comme son amie. Si Renée était envieuse, elle ne l’est plus, la maternité lui offre une compensation.
La maternité est étroitement liée au dévouement, c’est-à-dire au fait de sacrifier sa vie, ses propres intérêts à son époux et ses enfants.
Si le dévouement peut s’avérer pesant, comme le sous-entend l’adjectif « longs » dans l’expression « ces longs jours de dévouement
», il semble être l’une des conditions du bonheur. En effet, Renée a été récompensée par la maternité. Elle est comparée à une reine « couronnée
» par une « joie immense
».
II – L’éloge du Dévouement
De « Dévouement ! me suis-je dit à moi-même ! » à « la signature de ma vie
».
Dans un élan lyrique et élégiaque, Renée glorifie le dévouement, condition de son bonheur.
Cet éloge prend la forme d’un dialogue entre elle-même et une allégorie du Dévouement.
Ce dialogue s’ouvre d’ailleurs par une apostrophe oratoire au Dévouement : « Dévouement !
» La ponctuation exclamative traduit l’état extatique de Renée.
Elle adresse au « Dévouement
» une série de quatre questions rhétoriques qui révèlent la vision de Renée sur son rôle de mère et d’épouse. Ces quatre questions sont rythmées par l’anaphore « n’es-tu pas
», procédé typique du registre lyrique, qui donne de l’emphase à cet éloge.
La première question suggère la supériorité du dévouement sur l’amour conjugal, à travers la locution superlative « n’es-tu pas plus ?
».
La seconde question associe paradoxalement le dévouement maternel à la volupté (qui est traditionnellement liée au plaisir charnel), terme répété à trois reprises.
Renée caractérise ainsi la dévotion à l’aide de trois adjectifs mélioratifs : « profonde » , « abstraite » , « génératrice »
. Devenir mère, être une épouse dévouée sont à l’origine, selon Renée, d’une jouissance spirituelle et sacrée.
Dans les deux questions suivantes, le Dévouement, déjà déifié par la majuscule, est associé explicitement à une « divinité
».
Être une mère dévouée prend une dimension religieuse comme le souligne le champ lexical du cosmos (« sphères innombrables« , « centre inconnu« , « tous les mondes
» ). Le discours de Renée s’inscrit donc dans une perspective spirituelle.
S’ensuit une longue description lyrique du bien-fondé du dévouement, structurée par les trois répétitions du terme « Dévouement ».
Une telle glorification est bien entendu hyperbolique comme le montre les appositions suivantes décrivant le Dévouement « dieu jaloux et accablant, dieu vainqueur et fort
».
L’état de dévotion maternel est source de plaisirs pour la mère, qui passent inaperçus aux yeux de tous, comme le montre le champ lexical du secret et les négations : « secret » , « savourés en silence » , « personne ne jette un œil profane » , « personne ne soupçonne
» . La mère est donc décrite comme la gardienne sacrée de ce secret, par opposition au terme « profane
».
Si le Dévouement est légitimé par la Société, il apparait également comme étroitement lié à la Nature comme le souligne la proposition subordonnée de cause : « parce qu’il tient à la nature
« .
Louise place donc son existence sous le sceau du Dévouement. Elle a signé un contrat moral avec elle-même pour être pleinement cette femme dévouée à la maternité, comme l’indique la métaphore « signature de ma vie
».
III – L’amour maternel supérieur à l’amour marital
De « L’amour, Louise, est un effort de Felipe sur toi » jusqu’à « pour t’écrire ceci
».
Dans ce troisième mouvement, Renée s’adresse à nouveau à Louise, comme l’indique l’apostrophe, pour comparer leur statut de femme mariée.
Elle se différencie de Louise, à l’aide de deux propositions coordonnées par « mais » (qui marque donc une opposition), et de l’antithèse entre les pronoms « sur toi » et « sur moi
».
L’amour marital du côté de Louise est perçu comme « un effort
» non naturel : c’est l’époux qui aime sa femme.
Pour Renée, c’est l’amour féminin qui est fécond, comme l’indique la métaphore avec un soleil qui « rayonne
» sur la famille. L’amour maternel et conjugal est donc au centre de la famille.
Dans une seconde métaphore, l’amour est associé à une « moisson dorée
» dont les caractéristiques chez Louise et Renée sont opposées.
Ainsi, la moisson est éphémère pour Louise, qui ne tirera pas de fruits de son mariage avec Felipe de Macumer, comme l’indique l’adjectif « passagère
« . Tandis que chez Renée, l’amour est fécond comme l’indique l’adjectif antithétique « durable » .
Louise profite des plaisirs de l’instant présent, comme le suggère le verbe être au présent de l’indicatif (« ta belle moisson dorée est passagère
» ) alors que Renée se projette dans un bonheur futur, comme le souligne le futur de l’indicatif (« mais la mienne (…) n’en sera-t-elle pas plus durable ?
» ).
L’opposition se poursuit, cette fois-ci en confrontant la Nature et la Société. À nouveau, l’amour entre un homme et une femme n’est pas perçu comme naturel par Renée. L’amour conjugal est associée négativement à un larcin, c’est-à-dire un « vol ». Au contraire, la fécondité maternelle est associée à la « Nature dans toute sa joie
».
La métaphore « un sourire a séché mes larmes
» permet de mentionner à nouveau le regret de ne pas connaitre une passion amoureuse, tristesse rapidement balayée par la joie intense de devenir mère.
L’exclamative traduit en effet sa joie : elle connait enfin le bonheur, comme son époux Louis et son amie Louise. La répétition du mot « bonheur » et le parallélisme de construction inscrivent sur le même plan Renée et son époux : par la maternité, Renée accède enfin à l’amour.
La dernière phrase de l’extrait indique que cet évènement apparait comme une véritable révélation pour Renée et marque le début de son propre bonheur. Le déterminant possessif « ma » dans « ma bastide blanche
» montre que ce bonheur se construit dans l’intimité. Renée a ressenti le besoin urgent de partager, comme une « annonciation », cette révélation à son amie Louise.
Mémoires de deux jeunes mariées, lettre 28, conclusion
Cet extrait marque un véritable tournant dans le roman : celui de la maternité. Cet évènement crée en effet une véritable rupture entre les deux amies car Louise ne connaitra jamais les bonheurs féconds du mariage.
Cet extrait ne manque pas d’évoquer la lettre 31, où après avoir accouché, Renée écrira : « Une femme qui n’est pas mère est un être incomplet et manqué
».
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