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Voici une explication linéaire du dénouement de la pièce Oh les beaux jours de Samuel Beckett (1961).
L’extrait étudié va de « Enfin quelle importance, ça aura été quand même
» jusqu’à la fin de la pièce.
Oh les beaux jours, dénouement, introduction
Samuel Beckett écrit Oh les beaux jours en 1961.
Dans cette pièce, seuls deux personnages occupent la scène : Winnie, une femme dans la cinquantaine à demi-enterrée dans un « mamelon
» (monticule de terre) et Willie, un vieillard qui peine à parler.
(Voir mon résumé et analyse de Oh les beaux jours)
A l’acte II, Winnie est presque immobilisée car ensevelie encore plus profondément dans la terre.
Elle se rappelle ses souvenirs éparpillés, dressant un portrait de l’homme moderne plongé dans une amnésie.
Les deux personnages luttent contre le temps dévorateur.
Problématique
En quoi ce dénouement permet-il de dire que temps est le personnage principal de cette pièce ?
Annonce de plan linéaire
L’extrait étudié ici en lecture linéaire commence comme le dénouement d’une tragédie (I).
Nous verrons toutefois que le comique et l’ironie ne sont jamais loin : Beckett parodie l’amour et le désir des protagonistes (II) dans un dénouement digne du théâtre de l’absurde (III).
I – Le dénouement d’une tragédie
De « Enfin quelle importance, ça aura été quand même un beau jour » à « J’entends des cris. »
A – Un temps tragique
Au début de ce dénouement, Winnie utilise le futur antérieur « ça aura été quand même un beau jour
».
L’emploi de ce temps verbal montre que le destin est déjà révolu, comme dans une pièce tragique.
Beckett reprend également le titre de la pièce Oh les beaux jours « ça aura été quand même un beau jour
» mais il met le terme « jour » au singulier suggérant ainsi qu’il s’agit du dernier.
Le singulier à « jour » dramatise la scène comme s’il s’agissait d’un jugement dernier.
La négation « Plus pour longtemps, Winnie
» scelle le destin des personnages qui semblent voués à mourir.
B – Le temps, personnage principal de la pièce
L’apostrophe « Winnie » dans « Plus pour longtemps, Winnie
» parodie la tradition du monologue tragique, dans lequel le héros s’adresse à lui-même.
La didascalie qui annonce un silence (« un temps
» ) détruit ce qui semblait promettre un début de tirade.
Le silence récurrent (« un temps
» ) met fin à toute volonté chez les personnages. Chaque parole semble être le fruit d’un effort surhumain.
Beckett place ainsi son spectateur devant le nihilisme de la modernité. Toute parole, tout geste est menacé par le silence comme le montre la répétition de la didascalie « (Un temps)
».
Le temps tragique apparaît ainsi comme le personnage principal de cette scène. Par la répétition du terme « un temps », il vient harceler les personnages comme un memento mori et rappelle la vanité de la vie.
Winnie, en s’écriant « J’entends des cris
», devient elle-même spectatrice d’une tragédie.
II – Une parodie de l’amour et du désir
De « Ça t’arrive, Willie, d’entendre des cris ? » à « Il lâche prise, dégringole en bas du mamelon »
A – L’illusion d’un dialogue
L’apostrophe « Willie » établit un dialogue qui ouvre l’espace fermé de l’individu seul avec lui-même : « Ça t’arrive, Willie, d’entendre des cris ?
»
Le mode interrogatif et l’utilisation de la deuxième personne du singulier crée un lien et fait sortir chacun de sa prison intérieure.
La vie semble pouvoir reprendre son cours comme le montre le champ lexical du regard (« Yeux », « Regarde », « yeux
»).
La question « Non ? » tente de maintenir l’illusion d’un dialogue.
Le parallélisme entre « Regarde-moi
» et la didascalie « Il lève les yeux vers elle
» montre qu’une communication gestuelle et verbale s’établit entre les deux personnages.
B – La régression de Willie
Mais Winnie ne dialogue pas avec un égal : Willie semble régresser à l’état enfantin.
Winnie prend ainsi une tonalité maternelle par le ton impératif « Couvre-toi » et « je permets »
ainsi que l’appellation affectueuse « chéri
» qui est à mi-chemin entre le vocabulaire amoureux et le vocabulaire maternel.
La gestuelle (« Il lâche », « commence à grimper
») fait songer à l’apprentissage de la marche. Beckett place son personnage Willie dans une posture de régression : le vieillard se rapproche de l’enfant.
Le ton exclamatif « Oh mais dis donc c’est fantastique !
» renforce cette position d’infériorité de Willie.
La didascalie « main s’agrippant au mamelon
» suggère le besoin du sein nourricier et la régression de Willie.
Ce portrait d’une Winnie maternelle est renforcé à travers le terme affectueux « mon cœur
».
C – Une parodie du dialogue amoureux
Mais ce ton maternel laisse place au ton amoureux. « Mon cœur
» relève en effet aussi du registre lyrique.
Winnie utilise également le champ lexical du corps (« une tête pareille », « mon cœur », « du nerf », « le visage ») et de la sensualité («Tu voulais », « baiser », « tu vises
» ).
Alors que Willy semble redevenir un être de désir, Winnie le ramène à l’incapacité avec l’anaphore de « coup de main
».
Willie est une parodie de l’amour et du désir, un Don Juan de l’absurde qui finit en personnage de la Commedia dell’arte, en clown (« Il lâche prise, dégringole en bas du mamelon
»).
III – Le théâtre de l’absurde
De « Brrroum ! » à la fin de la pièce
A – Le mélange du tragique et du comique
Beckett, en dramaturge de l’absurde, mélange les registres comique et tragique dans un entremêlement inextricable.
D’un côté, la chute de Willie déclenche le rire, mais en chutant, Willie se rapproche de Sisyphe dont la pierre ne cesser de tomber alors qu’il atteint la hauteur de la montagne : « Essaie encore une fois, Willie, je t’acclamerai
»
On peut y voit une intertextualité avec l’essai le Mythe de Sisyphe d’Albert Camus publié en 1942 qui définit la condition absurde de l’homme.
Par l’onomatopée « Brrroum !
», Winnie mime le bruit de la chute de Willie. Mais elle semble également faire entendre la voix du destin qui exprime la chute et le tragique de la condition humaine.
Willie finit par perdre son humanité par une animalisation (« Il se remet à quatre pattes
»). Il est devenu le contraire de son nom : il n’a plus de volonté, presque plus de conscience.
B – Une mise en scène de la condition humaine
Le dénouement de Oh les beaux jours montre l’énergie déployée par l’homme pour cacher l’absurdité de sa condition humaine.
Le discours de Winnie oscille ainsi entre tendresse et violence.
La violence de Winnie (« Un temps. Véhémente
»), l’impératif (« Ne me regarde pas
» répété deux fois), la menace de la folie (« As-tu perdu la raison, Willie ?
») révèlent une certaine terreur chez Winnie.
Pourtant, elle ne se décourage pas.
Par l’impératif « Essaie encore, Willie, je t’acclamerai
», elle comble le vide pour repousser le tragique.
Beckett fait prononcer une dernière parole à Willie « Win » .
Ce mot est polysémique. Il peut être le diminutif affectueux de Winnie (« Win») mais on entend surtout le verbe to win à l’impératif (« gagner » en anglais) ce qui relève de l’ironie tragique vu la position de Willie.
A la fin de la pièce, Winnie ne s’exprime plus que par des compléments circonstanciels de temps comme si le temps l’avait emporté sur les personnages ( « Après tout », « Jusqu’ici
»).
Winnie entonne enfin le refrain de la Veuve joyeuse , une opérette.
Le champ lexical de l’amour (« nous grise », caresse », « promesse » , « étreinte » « désirs fous », « je suis à vous
»), la musicalité rapide des vers en trois syllabes qui reproduisent les trois temps de la valse contrastent ironiquement avec l’immobilité des personnages.
Ce chant semble être une tentative de cacher le tragique de l’existence, de la transformer en chant lyrique.
La fin de la pièce s’immobilise sur les jeux de regards comme le montre le champ lexical du regard : « ferme les yeux », « yeux » , « yeux de face », « Yeux à droite » « Ils se regardent
».
Cet échange de regard peut suggérer que l’amour persiste malgré tout.
Le « Temps long
» évoqué à la fin de la pièce vient montrer l’emprise du temps qui s’affirme comme le personnage principal de la pièce.
Oh les beaux jours, dénouement, conclusion
Le temps est le véritable personnage de la pièce Oh les beaux jours : les deux personnages, Winnie et Willie, ne sont que ses jouets.
La difficulté à interpréter ce dénouement ne doit pas étonner : Beckett ne vise pas à donner des réponses mais à mettre en scène la condition humaine, à révéler sa nature à la fois comique et tragique.
D’autres dénouements de pièces issus du théâtre de l’absurde sont également ambigus et polysémiques. On peut songer par exemple au dénouement de la pièce Rhinocéros de Ionesco qui peut se lire à la fois comme un appel à la résistance et comme une démonstration de l’impuissance de l’homme.
Tu étudies Oh les beaux jours de Beckett ? Regarde aussi :
♦ Oh les beaux jours, scène d’exposition (lecture linéaire)
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