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Voici une analyse du poème « Mai » de Guillaume Apollinaire publié dans Alcools (1913).
Mai, Apollinaire : introduction
« Mai » est le second poème de la section des « Rhénanes » du recueil Alcools publié en 1913.
(Voir mon résumé et mon analyse d’Alcools pour le bac de français)
Ce poème autobiographique appartient aux poèmes relatant les amours malheureuses d’Apollinaire avec Annie Playden.
Poème étudié
Le mai le joli mai en barque sur le Rhin
Des dames regardaient du haut de la montagne
Vous êtes si jolies mais la barque s’éloigne
Qui donc a fait pleurer les saules riverains ?Or des vergers fleuris se figeaient en arrière
Les pétales tombés des cerisiers de mai
Sont les ongles de celle que j’ai tant aimée
Les pétales flétris sont comme ses paupièresSur le chemin du bord du fleuve lentement
Un ours un singe un chien menés par des tziganes
Suivaient une roulotte traînée par un âne
Tandis que s’éloignait dans les vignes rhénanes
Sur un fifre lointain un air de régimentLe mai le joli mai a paré les ruines
De lierre de vigne vierge et de rosiers
Le vent du Rhin secoue sur le bord les osiers
Et les roseaux jaseurs et les fleurs nues des vignes
Question possibles à l’oral de français sur « Mai » :
♦ Comment le temps est-il représenté dans ce poème ?
♦ Analysez la représentation de la nature et du paysage dans ce texte.
♦ En quoi ce poème « mai » est-il à la fois traditionnel et moderne ?
♦ Quels motifs Apollinaire utilise-t-il pour évoquer la fuite du temps ?
Plan de l’analyse :
A travers un jeu sur le temps (I), Guillaume Apollinaire évoque un amour perdu et impossible (II). Mais le thème de la fuite du temps apparaît finalement comme un prétexte pour interroger le statut du poète et de la poésie (III).
I – « Mai » : un poème qui joue sur le temps
A – Entre passé et présent : le temps du souvenir
Le titre (« Mai » ) ainsi que le début de la première et de la dernière strophe ancrent déjà le poème dans le temps : « Le mai le joli mai »
(v. 1 et 14), « des cerisiers de mai »
(v. 6). Le poète insiste sur la temporalité en soulignant le mois de l’année.
Mais l’imprécision domine quand à la date : c’est ce que souligne l’alternance entre passé et présent tout au long du poème.
En effet, trois temps sont employés : le présent (v. 3, 7, 8 et 16), l’imparfait (v. 2, 5, 11, 12) et le passé composé (v. 4, 7, 14).
Le présent de narration, utilisé dans la première strophe, a pour effet d’actualiser un événement passé : « Vous êtes si jolies mais la barque s’éloigne »
(v. 3).
L’imparfait représente une action achevée qui dure ou se répète et traduit souvent un retour sur le passé tandis que le passé composé marque une continuité entre passé et présent.
Ainsi, il n’y a pas de rupture entre le passé et le présent : le souvenir réactualise le passé en le faisant ressurgir dans le présent.
B – Le temps, entre passage et permanence
On observe dans le poème deux aspects du temps qui s’opposent : le temps comme passage, continuité (temps linéaire) et le temps comme permanence (temps figé, circulaire).
1 – Le temps comme passage
On observe d’abord une opposition entre mouvement et fixité, connotée par les champs lexicaux : « en barque », « la barque s’éloigne » (v. 1 et 3), « tombés » (v. 6), « fleuve », « menés », « suivaient une roulotte », « s’éloignait » (v. 9 à 12), « secoue »
(v. 16) s’opposent à « regardaient », « êtes » (v. 2-3), « se figeaient », « sont »
(v. 7-8).
Ensuite, la fuite du temps est représentée par les images du fleuve et de la roulotte aux strophes 1 et 3.
Ces deux motifs mettent en relief l’idée de mouvement, ce que souligne la répétition du verbe « s’éloigner » aux vers 3 et 12 :
♦ La barque qui « s’éloigne »
(v. 3)
♦ « Tandis que s’éloignait dans les vignes rhénanes/Sur un fifre lointain un air de régiment »
(v. 12-13).
Les multiples enjambements et l’absence de ponctuation renforcent l’idée de flux continu du temps (v. 3 à 4, 6 à 7, 9 à 13, 14 à 17).
Mais si Guillaume Apollinaire évoque la fuite inéluctable du temps, il en souligne la lenteur et la monotonie.
En effet, un bref champ lexical de la lenteur apparaît dans la troisième strophe : « lentement » (v. 9), « traînée » (v. 11).
De plus, la troisième strophe contient un vers supplémentaire : il s’agit d’un quintil qui rompt avec le reste du poème, composé de quatrains. Sa forme inégale renforce l‘impression de lenteur.
2 – Le temps comme permanence et retour
Le temps comme permanence et retour est quant à lui marqué par l’emploi du verbe d’état « être » (« Vous êtes », v. 3 ; « sont », v. 7-8) et la construction circulaire du poème avec la reprise de : « Le mai le joli mai » à la dernière strophe, ce qui donne l’impression d’entendre un refrain.
Ce temps du retour est par ailleurs celui du souvenir dont la résistance peut être symbolisée par l’image des « ruines » (v. 14), terme souligné par la diérèse.
Transition : Ce souvenir qui laisse des traces malgré la fuite du temps est celui d’un amour passé et malheureux évoqué avec mélancolie par le poète.
II – L’évocation d’un amour malheureux
A – Un amour impossible
La scène décrite dans la première strophe reprend le thème traditionnel de l’amour courtois : « Des dames regardaient du haut de la montagne/Vous êtes si jolies »
(v. 2-3). Le poète tente de séduire la femme par sa poésie, d’où le recours à des hyperboles : « si jolies » (v. 3) et « tant aimée »
(v. 7).
Mais cet un amour est impossible, ce que suggère le champ lexical de l’éloignement : « du haut de », « s’éloigne » (v. 2-3), « en arrière » (v. 5), « s’éloignaient », « lointain »
(v. 12-13).
En effet, la rencontre entre les dames et le poète ne peut se faire, celles-ci étant trop loin et le poète emporté par la barque et le flux incessant du fleuve.
Cette impossibilité est accentuée au vers 3 par l’emploi de la conjonction de coordination « mais » qui, tout en soulignant l’opposition, créée un jeu de mot avec « mai », homophonie associant cet amour à l’impossible.
De plus, l’image des rosiers au vers 15 symbolisent le caractère inaccessible de la femme aimée (les rosiers étant recouverts d’épines).
B – La mélancolie du poète
Dans « Mai », la mélancolie du poète s’exprime à travers le paysage.
On relève tout d’abord la métaphore qui associe les saules aux pleurs : « Qui donc a fait pleurer les saules riverains » (v. 4).
Les pleurs du poète se retrouvent également dans l’image des « pétales tombés
» (v.6) dont la forme fait songer aux larmes.
D’autre part, la paronomase entre « fleuris » (v. 5) et « flétris » (v. 8), mise en valeur par un parallélisme de construction, traduit l’évolution malheureuse de la relation amoureuse passée et fanée.
La nostalgie du poète est renforcée par l’alternance des temps verbaux. Alors que les souvenirs heureux (« vergers fleuris »
) sont associés au passé avec l’emploi de l‘imparfait (« se figeaient »)
, les images malheureuses (« pétales flétris » )
sont évoquées au présent (« sont comme ses paupières »
).
La mélancolie du poète transparaît également à travers son effacement progressif du poème, au profit d’une nature vivante, abondante, qui se régénère : « De lierre de vigne vierge et de rosiers », « Et les roseaux jaseurs et les fleurs nues des vignes » (v. 17).
Transition : Dans la dernière strophe, la nature abondante prend le dessus sur le poète et sur toute présence humaine, ce qui met en jeu le statut du poète et de la poésie.
III – Le statut du poète et de la poésie
A – L’effacement progressif du poète
La première personne n’apparaît que brièvement à la deuxième strophe : « que j‘ai tant aimée »
(v. 7).
Le poète est ensuite remplacé à la troisième strophe par un cirque de tziganes et son cortège d’animaux : « Un ours un singe un chien menés par des tziganes/Suivaient une roulotte traînée par un âne »
(v. 10-11).
Ce n’est pas la première fois qu’un tel cortège apparaît chez Apollinaire; on le retrouve notamment dans le poème « Saltimbanques » .
La comparaison entre le poète et les bohémiens, perçus comme marginaux par la société, est implicite; elle s’opère notamment grâce à la répétition du verbe « s’éloigner » au vers 3 et 12. Ce parallélisme vise à rapprocher le poète de ces personnages, qui ne sont que de passage.
Dans la dernière strophe, le poète et les bohémiens disparaissent totalement : la nature s’installe et reprend ses droits.
B – La poésie d’Apollinaire : entre tradition et modernité
L’image finale de la nature qui pare les « ruines » peut se lire comme une métaphore de la poésie d’Apollinaire qui se situe entre tradition et modernité.
La tradition poétique se retrouve dans la thématique de l’amour courtois, présente à la première strophe, mais aussi dans l’expression lyrique des sentiments dont la nature est un reflet.
Le terme « ruines » , mis en valeur par la diérèse au vers 14 symbolise l’attachement d’Apollinaire à cette tradition.
Cependant, ces ruines sont parées par la nature printanière du mois de mai (v.14). Ce renouveau semble bien symboliser le renouveau de la poésie.
Apollinaire prouve en effet ici sa modernité à travers la forme du poème avec le quintil qui brise la régularité des quatrains, l’absence de ponctuation, la suffisance des rimes (« montagne »/ « s’éloigne », v. 2-3 ; « mai »/ « aimée », v. 6-7 ; « ruines »/ « vignes »
, v. 14 et 17) ainsi que l’originalité de la comparaison entre les pétales et les ongles et paupières de la femme aimée (v. 6 à 8).
Mai, Apollinaire : conclusion
Comme dans « La Chanson du mal-aimé », Apollinaire évoque ici un amour impossible et exprime sa mélancolie à travers une personnification du paysage et de la nature.
On retrouve également un jeu sur les temporalités et une tension entre mouvement et fixité développés dans « Le Pont Mirabeau ».
Mais c’est aussi de la poésie dont parle le poète, une poésie à la fois figée et mouvante, à renouveler perpétuellement en puisant dans la tradition pour créer une œuvre moderne.
On retrouve cette même thématique dans « Les colchiques » où Apollinaire joue également sur la symbolique des saisons pour exprimer son désir de se diriger vers de nouvelles formes poétiques.
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Bonjour, merci tout d’abord pour votre travail ! Si notre problématique est « en quoi ce poème est-il moderne et traditionnel ? », serait-il judicieux de faire une première grande partie sur la tradition et une deuxième grande partie sur la modernité du poème ? Merci d’avance.
Oui, ce plan répondrait bien à la question posée.
Ce site est juste génial, merci beaucoup pour cette grande aide!
Bonjour ! Dans le 2ème vers de la dernière strophe, la diérèse est-elle sur le mot « lierre » ou « rosiers » ? Merci d’avance.
Bonjour,
est ce qu’il serait possible de savoir qui est l’auteur du tableau que vous avez mis comme illustration ?
Merci d’avance
Bonjour Amélie, j’aimerai savoir pourquoi Apollinaire a choisi de nommer son recueil « Alcools ».
Merci Amélie. Pourrai-je avoir le commentaire composé de vendémiaire ? Et brasier ?
Je n’ai pas encore réalisé ces deux commentaires !
Bonjour Amélie,
j’ai devant moi « La bonne chanson » de Verlaine, « Mai » de Apollinaire et « L’hûitre » de F. Ponge.
Question : quelle place les poètes accordent-ils au monde qui les entoure ?
Je te remercie bien.
Je ne vais pas faire ta question sur corpus pour toi. Lis les textes et élabore une réponse en prenant soin de les justifier par des citations issues de chaque texte.
Coucou, je voulais savoir le nom du tableau et l’auteur auquel tu as associé le poème « Mai » d’Apollinaire.
Merci d’avance,
P.Witon
Bonjour,
svp comment peut on répondre à la problématique : En quoi ce poème est il à la fois traditionnel et moderne? Placé entre unité et éclatement?
Merci
Bonjour Amélie, en fait je m’étais tromper désolé mais tu as quand même répondu à ma question j’ai remplacé fiche de lecture analytique par fiche de lecture seulement
Merci de ta réponse en tout cas
Bonjour Amélie, un commentaire peut-il faire office de fiche de lecture ?
Merci d’avance pour ta réponse.
Ta question n’est pas claire. Un commentaire littéraire ne peut remplacer une fiche de lecture sur une œuvre intégrale. En revanche, mes commentaires publiés sur mon site peuvent être repris pour faire tes fiches de lecture analytique.