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Voici une fiche de lecture complète (avec résumé et analyse) de la pièce Art de Yasmina Reza.
Cette pièce est particulièrement intéressante à étudier dans le cadre du parcours « Théâtre et dispute » associé à Pour un oui ou pour un non de Nathalie Sarraute.
La pièce Art de Yasmina Reza, jouée pour la première fois en 1994, mélange comédie et drame. Elle raconte l’histoire de trois amis, Marc, Yvan et Serge.
Serge vient d’acheter un tableau entièrement blanc, l’Antrios, pour 200 000 francs. Cet achat va déclencher des discussions animées entre les trois amis et révéler qu’ils n’ont pas les mêmes goûts artistiques ni les mêmes idées sur la vie et le succès.
Très vite, leur amitié est mise à l’épreuve, bien au-delà de la simple question du tableau.
Qui est Yasmina Reza ?
Yasmina Reza est une dramaturge et romancière française née en 1959. Elle est devenue célèbre grâce à sa pièce Art (1994), qui a été jouée dans le monde entier et lui a valu des prix importants.
Elle a aussi écrit des romans comme Heureux les heureux (2013) et a reçu plusieurs récompenses, dont le prix Renaudot en 2016.
Yasmina Reza modernise le théâtre en mélangeant deux styles : le théâtre de boulevard (comédies légères sur des individus de la haute société) et le théâtre plus profond, qui emprunte au théâtre de la cruauté, dans le sillage d’Artaud, en mettant en scène la violence et la sauvagerie ordinaire, derrière le vernis des apparences.
Comment résumer Art ?
Art se présente comme un huis clos où l’Antrios, le supposé tableau de maître, cristallise les échanges entre trois amis quarantenaires : Serge, Marc et Yvan.
Au début de la pièce, les personnages doivent se retrouver chez Serge pour sortir dîner mais la soirée ne se déroule pas comme prévu.
En effet, Serge, dermatologue, passionné d’art contemporain à la situation financière aisée, vient d’acheter une huile sur toile d’Antrios à 200 000 francs. Ce tableau est décrit comme un carré blanc avec de fins lisérés blancs.
Son ami Marc, ingénieur en aéronautique qui conçoit la vie avec raison et scepticisme, raille un tel achat. Il n’en comprend ni le montant ni la raison, compte tenu qu’il s’agit d’une toile abstraite blanche.
Le troisième personnage, Yvan, est un représentant en papeterie sur le point de se marier. Il n’aime pas le conflit et joue donc le rôle de conciliateur entre Serge et Marc, afin de ne pas ruiner une vieille amitié.
Marc fait part de sa colère face à cet achat à l’ami commun Yvan. Mais ce dernier se montre tolérant et ne cesse de répéter « Si ça lui fait plaisir ».
Puis Serge montre le tableau à Yvan tout en se plaignant de la rigueur de Marc.
À nouveau en compagnie de Marc, Yvan multiplie les efforts maladroits et sans réelle conviction pour comprendre l’achat de l’Antrios par Serge.
Dans l’appartement de Serge, Marc et Serge attendent Yvan. Marc veut revoir le tableau et fait semblant de s’y intéresser. Mais son ton mielleux met Serge en colère.
Yvan arrive enfin et c’est donc la première scène à trois qui commence, marquant le point culminant de la pièce. Yvan se lance dans une tirade tragicomique : il évoque son angoisse concernant l’organisation de son mariage, les difficultés d’entente dans la famille.
La tension entre Serge et Marc est à son paroxysme. Afin d’éviter une querelle, Yvan s’interpose mais prend un coup malencontreux. Ne voulant pas prendre parti pour l’un de ses amis, il est traité de lâche par Marc.
La violence retombe finalement et, sans un mot, Serge va chercher son Antrios et propose à Marc un marqueur d’Yvan afin de dessiner sur la toile.
Marc s’exécute et dessine un skieur qui dévale une pente.
À la fin de la pièce, Marc et Serge décident d’effacer le dessin avec une éponge.
Ils se sont mis d’accord pour commencer une « période d’essai ». Cet ultime rebondissement de la pièce, le nettoyage du tableau blanc, constitue un dénouement ouvert pour le lecteur-spectateur car Yasmina Reza n’impose pas une interprétation : aucun personnage n’a raison plus qu’un autre, ou n’est supérieur à un autre.
Quels sont les thèmes importants dans Art ?
L’art contemporain
Au cœur de la pièce se trouve le rapport à l’art contemporain et à la valeur d’une œuvre.
Au cours du XXème siècle, plusieurs artistes ont osé le monochrome : Kasimir Malevitch, considéré comme le pionnier du monochrome avec son Carré noir, en 1915, ou son Carré blanc sur fond blanc (1918) que rappelle l’Antrios, ou encore Yves Klein.
Chez Yasmina Reza, le débat entre les personnages est d’ordre presque philosophique : l’art doit-il être mimétique ? (C’est-à-dire, doit-il imiter la nature ?) C’est ce que semble penser Marc puisqu’avec un feutre, il transforme le monochrome abstrait en tableau figuratif (un personnage qui skie).
Mais Serge laisse penser que son tableau non figuratif pourrait représenter un homme qui disparaît. Selon le regard du spectateur, les interprétations diffèrent donc.
L’art contemporain questionne également l’accès à l’art. L’amour de l’art est-il inné ou acquis ? Notre origine sociale détermine-t-elle l’accès à l’art contemporain ? Existe-t-il des dispositions pour apprécier une œuvre d’art ? Le tableau suscite des échanges entre les amis et les termes utilisés par Serge - « artiste », « chef-d’œuvre », « modernissime » – font bondir Marc.
Chaque personnage incarne une vision artistique. Les appartements des personnages se différencient ainsi par un tableau différent :
- Chez Serge, l’Antrios, non figuratif, est un tableau d’un maître apparemment coté ;
- Chez Marc, on retrouve « un tableau figuratif représentant « un paysage de Carcassonne vu d’une fenêtre » ;
- Chez Yvan, il est sujet d’une « Croûte ».
Le jugement esthétique
Yasmina Reza met en exergue les perceptions de chacun sur l’art.
Le jugement de Marc est implacable : « Cette merde », ce qui pousse Serge à réagir : « Cette merde » par rapport à quoi ? Quand on dit telle chose est une merde, c’est qu’on a un critère de valeur pour estimer cette chose.
»
Serge soulève ainsi la question des critères pour juger une œuvre d’art.
Il met en avant deux idées principales : d’abord, le marché de l’art donne de la valeur aux œuvres grâce au prix (« Mais mon vieux, c’est le prix. C’est un ANTRIOS !
»). Ensuite, il défend l’importance de vivre avec son époque (« un homme de son temps participe à la dynamique intrinsèque de l’évolution
».)
Mais Marc accuse Serge d’être hypocrite. Selon lui, Serge a acheté ce tableau non pas parce qu’il l’aime, mais pour paraître snob et se faire bien voir. Marc critique le lien entre l’art et l’argent, et reproche à Serge de se comporter comme un collectionneur prétentieux.
Quant à Yvan, il ne fait pas avancer le débat car il se contente d’un relativisme esthétique et moral selon lequel chacun a ses goûts. Marc condamne précisément cela : « Yvan, dit-il, est tolérant parce qu’il s’en fout.
»
Yvan ne nie toutefois pas être sensible au tableau et trouve même une forme de poésie à acheter un monochrome. Il perçoit une volonté de l’artiste, certes insaisissable, mais bien réelle.
L’amitié
L’amitié est au coeur de cette pièce.
Ce trio amical est particulièrement savoureux car il détourne les codes traditionnels du vaudeville, qui se concentre généralement sur un trio amoureux.
Yasmina Reza remplace ainsi cette rivalité amoureuse par une rivalité amicale.
C’est le tableau monochrome blanc acheté par Serge pour 200 000 francs qui va mettre en lumière les rivalités, jalousies et incompatibilités entre les trois amis.
Serge est blessé par la critique sévère de Marc, qui qualifie l’Antrios de « merde ». Selon lui, l’amitié véritable doit faire preuve de complaisance ; Par amitié, Marc devrait donc être plus tolérant et éviter de critiquer l’achat du tableau.
C’est pourquoi par esprit de vengeance, et alors qu’il s’était tu jusqu’ici, il lui révèle ce qu’il pense vraiment de sa femme, Paula, qu’il trouve « laide, rugueuse, et sans charme
».
Mais pour Marc, l’amitié véritable ne peut s’accommoder de mensonges qui font plaisir. S’il se scandalise, c’est « parce qu’[il] aime Serge et [qu’il est] incapable d’aimer Serge achetant ce tableau
». Pour lui, l’amitié repose sur un socle de valeurs partagées.
Peu à peu, l’harmonie du trio d’amis est menacée par une guerre des egos qui fait monter la tension et met à jour les failles de leur amitié.
Le spectateur ne peut que constater que l’amitié est faite de rapports de force, de mensonges, de bassesses.
La futilité apparente de la dispute
L’enjeu de la dispute – l’achat d’un monochrome par Serge – bien que superficiel en apparence, met en lumière des tensions sous-jacentes à l’amitié des personnages.
Cette querelle n’est pas sans rappeler la pièce de Nathalie Sarraute, Pour un oui ou pour un non, où la dispute entre deux amis porte sur une phrase apparemment insignifiante, « c’est bien ça« .
Sarraute démontre que le langage dépasse les simples mots, englobant le ton, la voix et les intentions cachées.
De manière similaire, Reza utilise la trivialité de l’achat du tableau pour percer jour des rivalités et des luttes de pouvoir entre les amis.
Ce qui est en jeu n’est donc pas véritablement l’achat du tableau, mais des antagonismes sociaux et des luttes d’ego.
Les personnages : des types psychologiques traditionnels
Les personnages de Yasmina Reza relèvent de types psychologiques que l’on peut trouver dans la comédie classique : Serge l’esthète, Marc le misanthrope et Yvan « le farfadet ».
Ces personnages relèvent aussi d’une typologie sociale et psychologique : Serge l’excentrique est divorcé avec un enfant et cherche à épater ses amis, quel que soit le prix ; Yvan sur le point de se marier est émotif et refuse le conflit ; Marc, l’ingénieur sceptique convaincu, accepte à la fin l’irrationnel en créant une nouvelle œuvre sur la toile.
L’Antrios est un personnage à part entière dans cette comédie dramatique. Il alimente les échanges car sa toile blanche sert de support aux fantasmes de chaque personnage.
Mais il a également un rôle fédérateur dans la mesure où c’est autour de lui que le trio retrouve un apaisement à la fin de la pièce.
Quelles sont les caractéristiques de l’écriture dans Art ?
Au cours du XXème siècle, les conventions théâtrales ont connu de profonds bouleversements et Yasmina Reza participe au renouvellement du genre théâtral. Ainsi, cette pièce n’est pas constituée d’actes ou de scènes mais de 17 séquences matérialisées par 3 étoiles qui indiquent un changement (de personnage, de lieu et de temps).
Yasmina Reza reprend également les codes du théâtre de boulevard (le trio, l’intérieur, les rivalités, les personnages d’un certain niveau social) mais elle instaure des rapports de force intimes et cruels, loin de la légèreté du vaudeville.
L’écriture de la pièce est marquée par des variations de rythme qui font tout le sel de la réception. Les échanges sont tantôt lents (lorsque la dramaturge utilise le monologue), tantôt rapides, vifs, incisifs.
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