L’Illusion comique, Pierre Corneille : fiche de lecture

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Voici une analyse complète pour le bac de français de la pièce L’Illusion comique (1636) de Corneille.

Pierre Corneille écrit L’Illusion comique en 1635 à l’âge de 29 ans alors qu’il a déjà écrit des comédies et des tragédies. Il mélange avec audace dans cette pièce les registres comique et tragique.

Dans son Examen, Corneille revendique le mélange des genres :

« Le premier acte ne semble qu’un prologue ; les trois suivants forment une pièce, que je ne sais comment nommer : le succès en est tragique » et il ajoute plus loin : « Tout cela cousu ensemble fait une comédie dont l’action n’a pour durée que celle de sa représentation ».

Corneille se situe donc dans une perspective baroque et réduit malicieusement sa comédie à une fantaisie.

Néanmoins, cette pièce vient détruire l’unité du genre comique au profit de la tragicomédie.

Analyse d’extraits :

Comment résumer L’illusion comique ?

Acte I

Pridamant déplore à son ami Dorante la disparition de son fils Clindor qui a fui la maison paternelle une dizaine d’années auparavant.

Dorante lui indique un magicien qui peut l’aider.

Alcandre, le magicien, montre à Pridamant des costumes et lui dit qu’il pourra lui faire voir les scènes de vie de son fils grâce à des illusions (scène 2).

Alcandre commence alors le récit de la vie picaresque de Clindor suite au départ de la maison paternelle.

Il dit à Pridamant que la fortune de son fils est devenue meilleure une fois entré au service d’un capitaine gascon, Matamore.

Acte II

Alcandre demande à Pridamant de faire silence et d’écouter parler Clindor et Matamore. L’illusion comique commence (scène 1).

Pridamant fait voir Matamore se vantant de ses combats et Clindor l’écoutant complaisamment.

Les deux personnages aperçoivent Isabelle, la femme que Matamore aime et que Clindor aime également en secret. (scène 2).

Mais Isabelle est courtisée par Adraste, un riche gentilhomme qu’elle n’aime pas. Elle l’éconduit mais Adraste décide de la demander en mariage auprès de son père (scène 3).

Clindor et Isabelle se disent leur amour réciproque (scène 6) et Isabelle fuit à la vue d’Adraste.

Un affrontement verbal a lieu entre Clindor et Adraste jaloux du plaisir apparent que prend Isabelle à la compagnie de Clindor.

Adraste demande à Lyse de les surprendre (scène 8). On comprend que Lyse, jalouse, veut faire payer à Clindor sa préférence pour Isabelle (scène 9).

L’acte II s’achève sur les commentaires de Pridamant et du magicien Alcandre sur ce qu’ils ont vu.

Pridamant, qui suit toute la scène est ému et inquiet pour son fils. (scène 10).

Acte III

Géronte, le père d’Isabelle, reproche à sa fille ses préférences pour Clindor et lui demande d’obtempérer à ses volontés en épousant Adraste (scène 1).

Géronte déplore dans un monologue l’insolence de la jeunesse (scène 2).

Matamore, poltron, fuit à l’arrivée des valets de Géronte (scène 4). Clindor propose à Lyse de devenir son amant lorsqu’il sera marié, ce que Lyse refuse (scène 5).

Lyse n’est pas dupe, ressent de l’amertume et souhaite se venger (scène 6).

Clindor et Isabelle s’entretiennent de leur amour mais sont surpris par Matamore (scène 8) qui découvre qu’au lieu de parler pour Matamore, Clindor, son valet, est parle pour lui-même auprès d’Isabelle.

Matamore est furieux, mais, poltron et craignant les menaces de Clindor, il laisse les deux jeunes gens s’aimer.

Adraste et Géronte arrivent avec des valets armés. Effrayé, Matamore s’ensuit. Clindor blesse Adraste mais est fait prisonnier.

À la fin de l’acte III, on retrouve Pridamant se lamentant sur le sort de son fils (scène 12).

Acte IV

 On apprend qu’Adraste est mort de ses blessures. Isabelle se jure de mourir si son amant Clindor est exécuté (scène 1).

Lyse apprend à Isabelle qu’elle a séduit le geôlier pour permettre la libération de Clindor (scène 3).

Scène comique avec la peur de Matamore qui fait l’objet de l’ironie de Lyse (scène 4). Le Geôlier vient dire que tout est prêt pour l’évasion de Clindor (scène 6).

Clindor se désole en prison car il pense qu’il va être exécuté (scène 7). Le Geôlier annonce à Clindor qu’il sera exécuté de nuit (scène 8) mais Clindor découvre alors Lyse et Isabelle qui l’attendent pour s’enfuir (scène 9).

Pridamant est soulagé et Alcandre lui dit qu’il va les montrer deux ans après « en haut degré d’honneur » (scène 10)

Acte V

Pridamant voit les héros éblouissants et métamorphosés (scène 1).

Isabelle dit à Lyse que Clindor la trompe avec la princesse Rosine (scène 2).

Dans un quiproquo, Clindor déclare par erreur sa flamme pour Rosine à Isabelle.

L’adultère est découvert mais Clindor distingue le « fol amour » pour Rosine aux « fermes liens » qui le lient à Isabelle. Isabelle menace toutefois de se suicider (scène 3).

On assiste alors à l’assassinat de Clindor par Eraste, domestique de Florilame le prince outragé par l’adultère de Clindor.

Isabelle s’apprête à mourir (scène 4).

Pridamant se morfond de douleur et Alcandre invite Pridamant à regarder les « funérailles » de son fils.

Mais Clindor se relève et vient compter ses pièces avec ses compagnons.

Pridamant se rend compte que tout ce qu’il vient de voir est une pièce de théâtre jouée par son fils devenu comédien.

La pièce s’achève sur l’éloge du théâtre prononcé par le magicien Alcandre.

Quels sont les thèmes importants dans L’Illusion comique ?

Le rapport père fils

Dans l’Illusion comique, Corneille porte un regard sur le rapport père-fils.

Au début de la pièce, le départ de Clindor du foyer familial en raison de la sévérité du père sont évoqués.

La vie picaresque narrée par Alcandre à l’acte I scène 3 montre l’errance et la perdition de Clintor suite à la rupture du lien paternel.

Le spectacle de sa vie rend au père son amour pour son fils « Que déjà cet espoir soulage mon ennui ».

Le conflit des générations qui est souvent mis en scène au XVIIème siècle est ici résolu par la compassion croissante qu’éprouve le père à l’égard de son fils.

Spectateur impuissant de sa réussite ou de sa déchéance, il est effondré :
Mais après avoir vu mon fils assassiné,
Mes plaisirs foudroyés, mon espoir ruiné,
J’aurais d’un si grand coup l’âme bien peu blessée,
Si de pareils discours m’entraient dans la pensée.

Le mariage

La question du mariage divisait le XVIIème siècle.

Adraste incarne la conception traditionnelle du mariage : une institution à la fois religieuse et contractuelle. Le contrat est alors passé par les familles et non par les individus.

Clindor incarne au contraire le mariage librement consenti, qui est le fruit d’une libre décision sans le poids familial ou le poids de la tradition.

Clindor incarne l’amour lyrique et courtois.

Corneille oppose ainsi deux conceptions du mariage : d’un côté une vision rationnelle du mariage et de l’autre une approche sentimentaliste de l’amour dont le mariage est la manifestation sociale.

Corneille met en regard ces deux conceptions matrimoniales pour mettre en valeur le mariage d’amour.

Le théâtre

L’Illusion comique est d’abord la mise en scène du théâtre lui-même.

Alcandre joue le rôle de metteur en scène. Dorante parle de lui comme un « mage », qui a une « haute science » et de l’ « expérience ».

Mais sa vision, teintée de surnaturel et de mystère au début de la pièce, s’avère être une représentation théâtrale. Pridamant assiste en réalité à une pièce mise en scène par Alcandre et où son fils est acteur.

Corneille utilise donc le procédé du théâtre dans le théâtre tout au long de la pièce.

Le mystère de l’illusion théâtrale est levé par la didascalie de l’acte V scène 5 : «Ici on relève la toile, et tous les comédiens paraissent avec leur portier avec leur portier, qui comptent de l’argent sur une table, et en prennent chacun leur part.»

Puis c’est le personnage Alcandre qui révèle le stratagème :

ALCANDRE
Ainsi tous les acteurs d’une troupe comique,
Leur poème récité, partagent leur pratique :
L’un tue, et l’autre meurt, l’autre vous fait pitié ;
Mais la scène préside à leur inimitié.

(Acte V, scène 5)

Comme le titre de la pièce l’indique, Corneille souligne donc que le théâtre est une illusion.

Mais il existe des ponts entre l’illusion et le réel comme le montre le personnage de Clindor dont le caractère picaresque et l‘infidélité sont évoqués dans l’exposition à l’acte I mais aussi dans la pièce elle-même, comme si la pièce était un miroir du réel.

Corneille veut ainsi montrer que le théâtre est aussi une imitation de la nature, un spectacle soucieux de vraisemblance et de raison.

A travers le personnage d’Alcandre, le dramaturge fait un véritable éloge du théâtre: « (…) à présent le théâtre / Est en un point si haut que chacun l’idolâtre».

Corneille montre que le regard dépréciatif porté sur le théâtre au XVIème siècle et même au début du XVIIème est en train de changer.

Si le théâtre est toujours un divertissementleurs passe-temps »), il est aussi un lieu de civilité et d’urbanité(…) l’amour de tous les bons esprit, / L’entretien de Paris (…)».

Mais il a surtout un rôle d’édification : sous l’influence des jésuites, le théâtre est un moyen de peindre et de représenter les passions humaines et de procéder à une élévation moraleEt ceux dont nous voyons la sagesse profonde / Par ses illustres soin conserver tout le monde»).

Le théâtre a d’ailleurs les faveurs du Roi , ce qui donne au théâtre le statut très prisé au XVIIème siècle de divertissement de Cour.

La vérité

Corneille interroge également le rapport entre la vérité et l’erreur.

La découverte de l’illusion théâtrale à la fin de la pièce est aussi un coup de théâtre pour le spectateur qui découvre en même temps que Pridamant l’artifice d’Alcandre.

Le spectateur fait donc lui-même l’expérience de l’illusion, de l’erreur, et des fausses hypothèses puisqu’il a cru à l’illusion autant que Pridamant.

Le schéma de la pièce correspond au protocole d’une expérience scientifique : on part d’un phénomène que l’on croit « magique » (Alcandre est présenté comme un magicien), puis on découvre la causalité du phénomène et sa rationalité (la machinerie théâtrale).

Corneille dresse ainsi un éloge discret du rationalisme naissant et de l’approche scientifique de la vérité du monde.

La « grotte » est une métaphore du théâtre certes mais peut aussi être vue comme une allégorie de la caverne de Platon (philosophe grec du Ve siècle avant J.-C.). Sans la lumière de la raison, les hommes ne voient que les ombres de la vérité.

Quelles sont les caractéristiques de l’écriture de Corneille dans cette pièce ?

Le baroque

L’Illusion comique est une pièce baroque qui repose notamment sur le procédé de théâtre dans le théâtre.

Le spectateur voit en effet une pièce de théâtre dont un des personnages, Pridamant, voit une pièce de théâtre.

Les identités sont floues car les personnages ne sont pas ce que l’on croyait au début :
Alcandre n’est pas magicien mais un metteur en scène
♦ La « grotte » n’est pas une grotte mais un théâtre
Clindor n’est pas mort mais vivant
Clindor n’est pas un picaro mais un acteur
Pridamant n’est pas un père malheureux mais un père comblé par les retrouvailles de son fils.

Les personnages ont donc une double identité, ce qui rend cette pièce ambiguë.

Dans L’Illusion comique, le monde ressemble à un hologramme où les intrigues sont enchâssées et les identités incertaines et protéiformes.

Nous sommes bien dans un univers baroque où la vie est un songe.

Corneille se plaît par ailleurs à complexifier le déroulement de l’histoire par des digressions à travers le personnage de Matamore ou d’Adraste qui viennent greffer d’autres intrigues à l’intrigue initiale.

Tout est en mouvement, éclaté, décentré comme dans une peinture baroque.

Clindor incarne également le héros baroque par son éloge de l’infidélité :

CLINDOR
Vous partagez vous deux mes inclinations :
J’adore sa fortune, et tes perfections.
(Acte III, scène 5)

Ce caractère baroque est également perceptible dans le non respect apparent de l’unité de lieu, d’action et de temps, puisque deux ans sont sensés passer entre l’acte IV et l’acte V.

Mais on finit par découvrir en fait que le temps de la pièce correspond au temps de la représentation.

Le tragique

Fidèle à l’esthétique baroque, Corneille joue avec les genres dans L’illusion comique.

On trouve tout d’abord une tonalité tragique dans la pièce, notamment à travers le personnage d’Isabelle qui incarne une héroïne tragique à la scène 1 de l’acte IV.

Les termes tragiquesHélas »), le poids du destin et du tempsEnfin le terme approche ») , le champ lexical de la violence et de la mort font voir une véritable tragédie :

ISABELLE
Mais en vain après toi l’on me laisse le jour ;
Je veux perdre la vie en perdant mon amour : (Acte IV , scène 1)

La mort supposée de Clindor met également son père, Pridamant, dans une posture tragique qui s’exprime par le champ lexical de la douleur :

ALCANDRE
Cette réflexion, mal propre pour un père,
Consolerait peut-être une douleur légère ;
Mais après avoir vu mon fils assassiné,
Mes plaisirs foudroyés, mon espoir ruiné,
J’aurais d’un si grand coup l’âme bien peu blessée,
Si de pareils discours m’entraient dans la pensée.

(Acte V, scène 5)

Comique

Mais la pièce joue également sur des comiques variés.

o La comédie de caractères

Le comique reste le registre dominant.

Corneille lui-même dans l’Examen de la pièce parle d’une « galanterie extravagante » et « Tout cela cousu ensemble fait une comédie ».

Les personnages sont par leur onomastique* (*leur nom) des personnages de comédie ou des types bien identifiés de la comédie latine ou de la Commedia dell’Arte comme Géronte, le père sévère, Adraste, le vieux barbons amoureux.

o La farce

Matamore s’inscrit davantage dans la tradition de la Commedia dell’arte car ses gestes le ramènent à la farce comme la gestuelle de la fuite à l’acte III, scène 4 ainsi que la longue énumération qui le rapproche d’un personnage farcesque de Rabelais :

Oui, mais les feux qu’il jette en sortant de prison
Auraient en un moment embrasé la maison,
Dévoré tout à l’heure ardoises et gouttières,
Faîtes, lattes, chevrons, montants, courbes, filières,
Entretoises, sommiers, colonnes, soliveaux,
Pannes, soles, appuis, jambages, traveteaux,
Portes, grilles, verrous, serrures, tuiles, pierre,
Plomb, fer, plâtre, ciment, peinture, marbre, verre,
Caves, puits, cours, perrons, salles, chambres, greniers,
Offices, cabinets, terrasses, escaliers.
Juge un peu quel désordre aux yeux de ma charmeuse (Acte III, scène 4)

o L’héroïcomique

Est héroïcomique ce qui consiste à traiter un sujet vulgaire avec un style noble.

Matamore est un personnage héroïcomique car, alors qu’il n’est qu’un peureux, il utilise le vocabulaire de l’épopée et de la grandeur.

o La parodie

À travers le personnage de Clindor et d’Isabelle, Corneille parodie la fine amor.

Il s’amuse avec le style courtois puisque Clindor est un personnage protéiforme capable de parler avec Isabelle la langue de Ronsard mais avec Lyse celle d’un libertin.

Lectures cursives dans le cadre du parcours « Spectacle et comédie » ou « théâtre et stratagème » :

Le Cid, Corneille
Le malade imaginaire, Molière
Tartuffe, Molière
Cyrano de Bergerac, Rostand
Les Fausses Confidences, Marivaux

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Amélie Vioux

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2 commentaires

  • Bonjour Amélie, j’ai un petit question . Je suis étranger à Paris et je parle pas français bien, mais je comprends un peu . Demain j’ai un contrôle commune de 2nde , je doit faire une introduction de commentaire littéraire sur le théâtre de l’illusion comique de Corneille . Vous pouvez me dire qu’est-ce que je doit faire pour préparé pour le contrôle

  • Bonsoir Amelie ,

    Dans votre fiche de lecture je n’ai pas compris lorsque vous avez dit : « Clindor et Isabelle s’entretiennent de leur amour mais sont surpris par Matamore qui découvre qu’au lieu de parler pour Matamore, Clindor , don valet est parle pour lui-même auprès d’Isabelle»
    Pouvez-vous m’expliquer cette phrase s’il vous plaît ?

    Merci d’avance

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