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Voici une analyse linéaire de l’extrait relatant les ultimes moments de bonheur de Raphaël et Pauline dans La Peau de chagrin de Balzac.
La Peau de chagrin, moments de bonheur entre Raphaël et Pauline, introduction
La Peau de Chagrin, roman publié en 1831, occupe une place particulière dans l’œuvre réaliste de Balzac.
À la fois réaliste et fantastique, ce roman fait partie de La Comédie humaine, grande fresque romanesque de plus de 90 romans, et raconte l’histoire de Raphaël de Valentin dont le destin va être scellé par l’achat d’une peau de chagrin : tous ses désirs seront réalisés mais sa vie diminuera proportionnellement.
Au cours du roman, le personnage principal rencontre plusieurs femmes, dont la Comtesse Foedora et Pauline, qui représentent deux faces de la femme : la première incarne la richesse, la tentation et la destruction ; la seconde incarne la douceur, la vertu et le talent. Pauline suit des cours auprès de Raphaël, qui en tombe amoureux. Les deux jeunes gens partagent tous deux le même goût pour la beauté et la solitude et leur mariage est programmé pour mars 1831.
Dans le texte étudié, le lecteur est face au topos de la relation amoureuse et découvre les ultimes moments de bonheur de Raphaël et Pauline.
Texte étudié
Vers la fin du mois de février, époque à laquelle d’assez beaux jours firent croire aux joies du printemps, un matin, Pauline et Raphaël déjeunaient ensemble dans une petite serre, espèce de salon rempli de fleurs, et de plain-pied avec le jardin. Le doux et pâle soleil de l’hiver, dont les rayons se brisaient à travers des arbustes rares, tiédissait alors la température. Les yeux étaient égayés par les vigoureux contrastes des divers feuillages, par les couleurs des touffes fleuries et par toutes les fantaisies de la lumière et de l’ombre. Quand tout Paris se chauffait encore devant les tristes foyers, les deux jeunes époux riaient sous un berceau de camélias, de lilas, de bruyères. Leurs têtes joyeuses s’élevaient au-dessus des narcisses, des muguets et des roses du Bengale. Dans cette serre voluptueuse et riche, les pieds foulaient une natte africaine colorée comme un tapis. Les parois tendues en coutil vert n’offraient pas la moindre trace d’humidité. L’ameublement était de bois en apparence grossier, mais dont l’écorce polie brillait de propreté. Un jeune chat accroupi sur la table où l’avait attiré l’odeur du lait se laissait barbouiller de café par Pauline ; elle folâtrait avec lui, défendait la crème qu’elle lui permettait à peine de flairer afin d’exercer sa patience et d’entretenir le combat ; elle éclatait de rire à chacune de ses grimaces, et débitait mille plaisanteries pour empêcher Raphaël de lire le journal, qui, dix fois déjà, lui était tombé des mains. Il abondait dans cette scène matinale un bonheur, inexprimable comme tout ce qui est naturel et vrai. Raphaël feignait toujours de lire sa feuille, et contemplait à la dérobée Pauline aux prises avec le chat, sa Pauline enveloppée d’un long peignoir qui la lui voilait imparfaitement, sa Pauline les cheveux en désordre et montrant un petit pied blanc veiné de bleu dans une pantoufle de velours noir. Charmante à voir en déshabillé, délicieuse comme les fantastiques figures de Westhall, elle semblait être tout à la fois jeune fille et femme ; peut-être plus jeune fille que femme, elle jouissait d’une félicité sans mélange, et ne connaissait de l’amour que ses premières joies.
Problématique
Comment Balzac parvient-il à faire transparaître l’amour intense entre Raphaël et Pauline tout en suggérant une issue fatale ?
Plan linéaire
Tout d’abord, nous verrons que Balzac donne vie à un tableau familier idyllique, puis nous verrons qu’il s’attache à décrire le bonheur de ce couple amoureux.
I – L’art de la description picturale ou la naissance d’une hypotypose
De « Vers la fin du mois de février » à « l’écorce polie brillait de propreté »
L’extrait s’ouvre sur un cadre spatio-temporel précis comme l’indiquent les groupes nominaux compléments circonstanciels de temps et de lieu : « Vers la fin du mois de février », « un matin », « dans une petite serre
». Le lecteur est donc plongé dans un lieu clos, ce qui renforce l’intimité de la scène.
La période semble propice à une douceur de vivre malgré la période hivernale, que l’on perçoit à travers l’apposition « époque à laquelle d’assez beaux jours firent croire aux joies du printemps
». Mais le verbe « croire » surprend : il suggère une illusion, un faux-semblant, comme si les joies annoncées n’étaient qu’une apparence trompeuse.
Le moment partagé entre les deux amoureux est celui d’un déjeuner et ils paraissent baignés par la nature de la serre qui se transforme en un « salon rempli de fleurs, et de plain-pied avec le jardin.
» Véritable extension de la demeure, la serre apparaît comme un lieu accueillant, une sorte de sas paradisiaque, grâce à la végétation et à sa douceur.
La douceur est d’ailleurs accentuée par les adjectifs épithètes antéposés « doux et pâle » et le verbe « tiédissait » dans la phrase : « Le doux et pâle soleil de l’hiver, dont les rayons se brisaient à travers des arbustes rares, tiédissait alors la température.
» Parmi les cinq sens, le toucher est d’emblée mobilisé, apportant une certaine sensualité à la scène.
Les expansions du nom « soleil » sont pléthoriques, comme pour mieux rendre l’atmosphère créée par la végétation, la chaleur et les couleurs : « doux et pâle », « dont les rayons se brisaient à travers des arbustes rares
».
Tous les sens des jeunes gens – et des lecteurs – sont sollicités comme le souligne la structure à la voix passive : « les yeux étaient égayés par
». Les jeux de contraste, de couleurs, d’ombre et de lumière font émerger un véritable tableau d’une richesse incomparable.
Balzac a recours ici à l’hypotypose, figure de style qui consiste à décrire une scène de façon si frappante qu’on croit la vivre. Ainsi, le lecteur a l’impression de découvrir et de ressentir pleinement l’atmosphère de la scène : tous ces détails picturaux renforcent l’idée d’un bonheur partagé.
Raphaël et Pauline vivent ce bonheur, comme coupés du monde. En effet, l’antithèse est frappante : au « tout Paris
» collectif et indéfini répond « les deux jeunes époux
». Au « devant les tristes foyers
» qui rappelle une vie enfermée et pauvre répondent l’explosion de joie et la profusion de la nature, grâce à l’expression « riaient sous un berceau de camélias (1), de lilas (2), de bruyères (3). » Le rythme ternaire et l’assonance en « i » renforcent un sentiment commun de joie.
Cette harmonie est matérialisée par un autre rythme ternaire qui évoque également la variété de la flore : « Leurs têtes joyeuses s’élevaient au-dessus des narcisses (1), des muguets (2) et des roses du Bengale (3). »
Les adjectifs qualificatifs épithètes « voluptueuse et riche » et « africaine » mettent en valeur la nature édénique.
Les jeunes gens sont d’abord esquissés par des synecdoques (leurs têtes, les pieds), comme pour mieux donner au lecteur le temps de savourer aussi leur bonheur.
Le décor est planté : la profusion de la végétation, la richesse des couleurs (« en coutil vert ») renforcées par la comparaison « une natte africaine colorée comme un tapis ».
Les jeunes gens semblent baigner dans un lieu paradisiaque qui respire l’air sain (« pas la moindre trace d’humidité ») et la « propreté » des meubles en bois.
L’hypotypose construite par ce premier mouvement suscite l’imagination du lecteur, plongé dans un décor unique, coloré et doux, ce qui prépare d’autant mieux les portraits en action à venir de Raphaël et Pauline.
II – Le portrait d’un couple amoureux
De « Un jeune chat accroupi sur la table » à « et ne connaissait de l’amour que ses premières joies »
Le second mouvement de l’extrait propose le portrait des amants, mis en relief grâce à un chaton qui « se laissait barbouiller de café par Pauline
».
Cette mention en apparence triviale fait penser aux scènes de genre en peinture (la scène de genre représente une scène à caractère familier).
La communion avec la nature et les animaux est totale : l’usage de l’imparfait de l’indicatif (« elle folâtrait », « défendait », « elle éclatait de rire », « débitait »
) souligne la durée de ce moment de bonheur : le temps s’écoule lentement.
Pauline apparaît naturelle et espiègle avec le jeune chat, jouant à lui refuser la crème « afin d’exercer sa patience et d’entretenir le combat
» : ce complément circonstanciel de but illustre le caractère taquin de la jeune femme.
Sa joie de vivre se lit dans ses éclats « de rire » et ses « mille plaisanteries » « pour empêcher Raphaël de lire le journal
».
Ces détails familiers de la vie quotidienne mettent en évidence la complicité qui unit les amoureux.
La proposition subordonnée relative « qui, dix fois déjà, lui était tombé des mains
» dont l’antécédent est le journal suscite le sourire du lecteur tant la scène apparaît naturelle et vraie.
Ce bonheur partagé est « inexprimable comme tout ce qui est naturel et vrai.
» Cette comparaison montre que la relation entre Raphaël et Pauline touche à un sentiment universel.
Raphaël cherche l’attention de Pauline et vice-versa : les termes « feignait » et « contemplait à la dérobée
» laissent transparaître l’amour de Raphaël envers Pauline.
Le nom propre de la jeune femme est d’ailleurs précédé à deux reprises du déterminant démonstratif « sa », comme si elle était l’objet de tous les désirs du jeune homme.
La gradation rythmique de la phrase confirme également la contemplation à laquelle se livre Raphaël : non seulement il observe en cachette Pauline jouer avec le chat mais il se montre sensible à la beauté de Pauline dont l’apparence physique révèle la sensualité : « sa Pauline enveloppée d’un long peignoir qui la lui voilait imparfaitement, sa Pauline les cheveux en désordre et montrant un petit pied blanc veiné de bleu dans une pantoufle de velours noir.
» Ici, la sensualité féminine transparaît à travers les vêtements (un peignoir, un déshabillé, une pantoufle), à travers l’alliance des couleurs (blanc, bleu, noir) et les parties de son corps qui sont subtilement cachées et révélées (les cheveux, ses pieds).
Néanmoins, la mort apparaît en filigrane derrière cette scène amoureuse. Ainsi, la mention des « cheveux en désordre » et du « petit pied blanc veiné de bleu
» peut également faire songer à un cadavre, ce qui est renforcé par la mention du peignoir qui voile le corps, comme le ferait un linceul.
La comparaison artistique « comme les fantastiques figures de Westhall
» va également dans ce sens. Elle renvoie à la beauté de Pauline, mais l’adjectif « fantastique » rappelle en même temps le pouvoir menaçant de la peau de chagrin.
Pauline semble condenser deux facettes féminines, comme l’indique la phrase : « elle semblait être tout à la fois jeune fille et femme
». Le narrateur rectifie néanmoins sa phrase, avec le comparatif de supériorité « plus…que » qui confirme que Pauline est « plus jeune fille que femme
». Il en explique alors la raison : « elle jouissait d’une félicité sans mélange, et ne connaissait de l’amour que ses premières joies.
»
L’utilisation de la négation lexicale avec la préposition « sans » et de la négation restrictive « ne…que » suggère que le bonheur innocent de Pauline ne va pas durer. Elle deviendra bientôt femme et connaître les tourments de l’amour.
La Peau de chagrin, moments de bonheur entre Pauline et Raphaël, conclusion
Le moment de bonheur que vivent Raphaël et Pauline est intense. Balzac le rend d’autant plus intense qu’il le met en scène dans une serre, soit un lieu clos intime caractérisé par une végétation luxuriante, des jeux d’ombre et de lumière et une douce chaleur.
L’hypotypose qui émerge progressivement fait du lecteur le spectateur privilégié d’une scène de genre, comme en peinture. Les détails naturels et quotidiens soulignent la complicité et l’amour entre les deux jeunes gens.
Mais si Raphaël semble oublier que sa vie diminue au gré de l’assouvissement de ses désirs, le narrateur le rappelle subtilement par des petites touches descriptives pouvant donner lieu à un double interprétation. D’ailleurs, juste après l’extrait étudié, le jardinier apporte au Marquis ce qu’il croit être une plante marine. Or Raphaël reconnaîtra la Peau de chagrin qui aura diminué de surface, laissant ainsi planer sur ce moment de bonheur amoureux l’ombre d’une issue fatale.
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