La Peau de chagrin, le portrait de Foedora : analyse

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Voici une lecture linéaire du portrait de la Comtesse Foedora, dans la deuxième partie « La femme sans coeur » de La Peau de chagrin d’Honoré de Balzac.

L’extrait analysé va de « Les bras mollement croisés, paraissant respirer les paroles » à « vous eussiez dit d’une convulsion dans ses yeux si brillants. »

La Peau de chagrin, le portrait de Foedora, introduction

La Peau de Chagrin, roman publié pour la première fois en 1831, occupe une place particulière dans l’œuvre de Balzac car il s’agit d’un roman à la fois réaliste et fantastique.

Ainsi, les pouvoirs magiques de la peau de chagrin plongent le lecteur dans un univers surnaturel, mais les descriptions minutieuses de toutes les couches de la société du début du XIXème siècle impriment à ce roman son caractère réaliste. (Voir la fiche de lecture de La Peau de chagrin de Balzac)

Dans la deuxième partie, « La femme sans coeur« , Rastignac propose à son ami Raphaël de Valentin de lui présenter la riche Comtesse Foedora le lendemain.

Après une attente interminable qui a suscité l’imagination de Raphaël et éveillé son désir amoureux, la rencontre a enfin lieu.

Extrait étudié

Les bras mollement croisés, paraissant respirer les paroles, les écoutant même du regard et avec bienveillance, elle exhalait le sentiment. Ses lèvres fraîches et rouges tranchaient sur un teint d’une vive blancheur ; ses cheveux bruns faisaient assez bien valoir la couleur orangée de ses yeux mêlés de veines comme une pierre de Florence, et dont l’expression semblait ajouter de la finesse à ses paroles ; son corsage était paré des grâces les plus attrayantes. Une rivale aurait peut-être accusé de dureté ses épais sourcils qui paraissaient se rejoindre, et blâmé l’imperceptible duvet qui ornait les contours de son visage. Je trouvai la passion empreinte en tout. L’amour était écrit sur ses paupières italiennes, sur ses belles épaules dignes de la Vénus de Milo, dans ses traits, sur sa lèvre supérieure un peu forte et légèrement ombragée. Cette femme était un roman : ces richesses féminines, l’ensemble harmonieux des lignes, les promesses que cette riche structure faisait à la passion, étaient tempérés par une réserve constante, par une modestie extraordinaire, qui contrastaient avec l’expression de toute la personne. Il fallait une observation aussi sagace que la mienne pour découvrir dans cette nature les signes d’une destinée de volupté. Pour expliquer plus clairement ma pensée, il y avait en elle deux femmes séparées par le buste peut-être : l’une était froide, la tête seule semblait être amoureuse. Avant d’arrêter ses yeux sur un homme, elle préparait son regard, comme s’il se passait je ne sais quoi de mystérieux en elle-même : vous eussiez dit une convulsion dans ses yeux si brillants.

Problématique

En quoi le portrait de Foedora révèle-t-il un observateur subjugué mais sagace ?

Plan linéaire

Le regard de Raphaël s’attarde amoureusement sur la Comtesse tant attendue (I). Le portrait artistique qui en est fait laisse apparaître une femme double (II) et mystérieuse (III).

I – Un regard amoureux posé sur Foedora

De « Les bras mollement croisés » à « qui ornait les contours du visage »

Tout le passage en focalisation interne suit le regard de Raphaël et ses émotions.

Le portrait de Foedora s’ouvre par la mention de son attitude générale : à la fois détendue et concentrée sur ses interlocuteurs, elle est capable de « respirer les paroles », « les écoutant même du regard ». D’emblée, le lecteur constate un mélange des sens, qui est confirmé par la proposition retardée : « elle exhalait le sentiment ». Cette étrange description fait de Foedora un personnage sensuel, qui inspire immédiatement l’amour.

Le choix du verbe « exhaler » évoque le pouvoir de séduction de Foedora sur le personnage principal.

On observe toutefois les « bras mollement croisés« , attitude qui dénote déjà la distance et l’inaccessibilité de la jeune femme.

Puis la description progresse et s’attarde d’abord sur les lèvres qualifiées par les épithètes « fraîches et rouges » . Le contraste marqué avec le teint est aussitôt souligné par l’antithèse « rouge » / « blancheur » qui exprime à la fois la passion (le rouge) et la pureté (la blancheur).

Ensuite, le charme de Foedora opère dans la mesure où Raphaël note successivement la couleur des cheveux « bruns » et « la couleur orangée de ses yeux ». La mention des veines dans les yeux, à travers la comparaison « comme une pierre de Florence », peut surprendre : le regard de Raphaël est très précis. La première référence au marbre florentin sera suivie dans cet extrait d’une métaphore liée à l’art italien. La comparaison avec une pierre précieuse, peut aussi être un indice de froideur.

La description physique évoque pudiquement le corsage de Foedora : l’expression « des grâces les plus attrayantes » dit sans dire la sensualité de Foedora.

La beauté de la Comtesse est relativisée par l’imagination de Raphaël qui prête, par l’intermédiaire du conditionnel passé (« une rivale aurait peut-être accusé ») deux défauts : « épais sourcils qui paraissaient se rejoindre » et « l’imperceptible duvet qui ornait les contours de son visage ».

Mais on remarquera les nuances apportées par le narrateur-personnage avec le verbe d’état (« paraissaient ») et l’adjectif qualificatif (« imperceptible »).

Ces deux défauts, loin de porter préjudice à la beauté de Foedora, l’incarnent avec sensualité.

II – Un portrait artistique et double

De « Je trouvai la passion empreinte en tout » à « avec l’expression de toute la personne »

La phase d’observation conduit à la déclaration amoureuse et passionnée de Raphaël, à la première personne du singulier : « Je trouvai la passion empreinte en tout ».

Le corps de Foedora entier exprime l’amour au point que Raphaël s’attarde sur quatre éléments qui symbolisent la féminité : « les paupières italiennes », « ses belles épaules », « dans ses traits », « sur sa lèvre supérieure ».

La référence à la Vénus de Milo ancre la Comtesse dans un contexte artistique divin  – elle incarne la déesse de l’amour- et sensuel -les formes généreuses de la Comtesse.

La seule nuance émise par le narrateur se lit dans la locution adverbiale « un peu forte » et l’adverbe « légèrement ombragée » qui qualifient la lèvre supérieure de la comtesse. Mais là encore, ces réserves amplifient la sensualité de Foedora qui n’est pas qu’une beauté froide et irréelle.

La description devient presque un blason littéraire, comme en témoigne la métaphore « C’était plus qu’une femme, c’était un roman ». Le présentatif « c’était » et le terme « roman » suggèrent un foisonnement d’aventures, une profondeur inépuisable du personnage.

Le portrait de Foedora se poursuit alors en deux temps. D’une part, on peut relever « ces richesses féminines » qui désignent pudiquement les attributs féminins, « l’ensemble harmonieux des lignes », « cette riche structure ». Ces expressions mélioratives témoignent de la fascination de Raphaël.

D’autre part, on peut relever « une réserve constante », « une modestie extraordinaire » : l’effet de contraste est noté par le personnage principal qui utilise les verbes « tempérer » et « contraster ».

En effet, le physique de Foedora et son pouvoir de séduction sont à l’opposé de son attitude et de son tempérament.

III – Foedora, une femme mystérieuse 

De « Il fallait une observation aussi sagace » à « d’une convulsion dans ses yeux si brillants »

Raphaël tente de percer à cœur Foedora : « il fallait une observation aussi sagace que la mienne ».

Il pointe alors « en Foedora deux femmes », dont les sentiments se contredisent. En effet, l’une est « froide », pendant que l’autre est « amoureuse ».

Le narrateur-personnage poursuit son analyse et montre que Foedora est une femme calculatrice : son pouvoir de séduction est travaillé car « elle préparait son regard ». L’imparfait à valeur de répétition suggère une stratégie de séduction longuement mûrie et répétée.

Le trouble amoureux qui se dégageait du portrait de Foedora au début laisse place à un trouble réflexif : la comparaison « comme s’il se passait je ne sais quoi de mystérieux » montre que Raphaël a une intuition, sans pouvoir la mettre à jour.

Son constat se résume à la mention « d’une convulsion dans ses yeux si brillants », expression surprenante et inquiétante : les yeux sont le siège traditionnel de l’âme – y lire une convulsion suggère l’agitation intérieure de Foedora.

Le portrait de la Comtesse Foedora, conclusion

Après avoir été fasciné par le nom de la Comtesse, le narrateur-personnage se plaît à décrire Foedora.

Il est subjugué par la sensualité qu’elle dégage, par ses épaules, ses lèvres, son corsage. Il en vient à la hisser au niveau d’un roman, d’une statue de Vénus, tant sa beauté est remarquable.

Mais quelques éléments viennent nuancer ce portrait mélioratif, d’ordre physique et surtout d’ordre psychologique.

Même sous le charme, Raphaël a l’intuition d’une femme calculatrice.

Cette première rencontre sera suivie d’une scène où Raphaël épie la Comtesse endormie : c’est alors qu’il prendra la mesure de sa torture naissante.

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Qui suis-je ?

Amélie Vioux

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