La Peau de chagrin, Foedora, la fascination d’un nom : analyse

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Voici une analyse linéaire d’un extrait issu de la 2ème partie de La Peau de chagrin, « La femme sans coeur ».

Balzac y dépeint l’attraction et la fascination que le nom de la Comtesse Foedora exerce sur Raphaël de Valentin.

L’extrait étudié va de « Comment expliquer la fascination d’un nom ? » à « qui ne vous trouble pas, mais qui se fait écouter. » (Foedora)

La Comtesse Foedora, la fascination d’un nom, introduction

Dans La Peau de Chagrin, roman réaliste et fantastique publié pour la première fois en 1831, Honoré de Balzac met en scène les ravages du désir.

C’est aussi un roman foisonnant qui tente de dépeindre la société toute entière, de la modeste mansarde d’étudiant aux fêtes de la haute société parisienne (Voir la fiche de lecture de La Peau de chagrin pour le bac de français)

Dans la deuxième partie du roman, « La femme sans coeur« , Raphaël fait le long récit de sa vie à son ami Emile.

Ruiné à la mort de son père, Raphaël s’est installé dans une modeste chambre.

Son ami Rastignac propose de lui présenter la riche Comtesse Foedora le lendemain. Raphaël ne connaît d’elle que la brève esquisse que Rastignac lui fait : belle, riche, célibataire, mi-Parisienne mi-Russe. Mais le nom de la Comtesse Foedora exercice déjà sur lui une fascination qui éveille le désir.

Extrait étudié

Comment expliquer la fascination d’un nom ? Fœdora me poursuivit comme une mauvaise pensée avec laquelle on cherche à transiger. Une voix me disait : Tu iras chez Fœdora. J’avais beau me débattre avec cette voix et lui crier qu’elle mentait, elle écrasait tous mes raisonnements avec ce nom : Fœdora. Mais ce nom, cette femme n’étaient-ils pas le symbole de tous mes désirs et le thème de ma vie ? Le nom réveillait les poésies artificielles du monde, faisait briller les fêtes du haut Paris et les clinquants de la vanité ; la femme m’apparaissait avec tous les problèmes de passion dont je m’étais affolé. Ce n’était peut-être ni la femme ni le nom, mais tous mes vices qui se dressaient debout dans mon âme pour me tenter de nouveau. La comtesse Fœdora, riche et sans amant, résistant à des séductions parisiennes, n’était-ce pas l’incarnation de mes espérances, de mes visions ? Je me créai une femme, je la dessinai dans ma pensée, je la rêvai. Pendant la nuit je ne dormis pas, je devins son amant, je fis tenir en peu d’heures une vie entière, une vie d’amour ; j’en savourai les fécondes, les brûlantes délices. Le lendemain, incapable de soutenir le supplice d’attendre longuement la soirée, j’allai louer un roman, et passai la journée à le lire, me mettant ainsi dans l’impossibilité de penser ni de mesurer le temps. Pendant ma lecture le nom de Fœdora retentissait en moi comme un son que l’on entend dans le lointain, qui ne vous trouble pas, mais qui se fait écouter.

Problématique

Comment Balzac fait-il de Raphaël un personnage romantique ?

Annonce de plan linéaire

Dans un premier temps, Raphaël tente de lutter contre la fascination qu’éveille en lui le nom de la Comtesse Foedora.

Dans un deuxième temps, son désir laisse libre cours à son imagination.

Enfin, dans un troisième temps, son désir de sensualité s’incarne au point que souffrance et sentiment amoureux sont déjà mêlés.

I – La lutte intérieure contre la fascination d’un nom

De « Comment expliquer la fascination d’un nom ? » à « elle écrasait tous mes raisonnements avec ce nom : Foedora »

L’extrait, en focalisation interne, s’ouvre par une interrogation fondamentale qui suggère la volonté d’introspection du personnage : « Comment expliquer la fascination d’un nom ? »

Le nom Foedora en petites majuscules se détache et apparaît à trois reprises dès le début de l’extrait, ce qui souligne le vif intérêt de Raphaël. Ces trois répétitions créent un effet d’écho, restituant cette « voix » qu’entend Raphaël.

Ce dernier semble déjà prêt à céder à l’attrait du nom. La comparaison « comme une mauvaise pensée avec laquelle on cherche à transiger » suggère que ce nom suscite à la fois fascination et méfiance.

Raphaël se bat avec sa propre conscience pour échapper à cette fascination, comme le soulignent les expressions « Une voix me disait » et « j’avais beau me débattre avec cette voix ».

Néanmoins, le futur à valeur de certitude « Tu iras chez Foedora » résonne comme un commandement auquel le personnage ne peut échapper.

La fascination se mue en lutte : « débattre », « crier qu’elle mentait », « elle écrasait ». L’imparfait à valeur de répétition suggère des efforts réitérés pour résister, en vain.

Tour à tour nom abstrait et femme incarnée, Foedora trouve ses racines dans l’étymologie latine : foedus, eris, n signifie le pacte, l’alliance, renvoyant ainsi implicitement au pacte de la Peau de chagrin.

II – Le pouvoir du désir et de l’imagination

De « Mais ce nom, cette femme » à « je la dessinai dans ma pensée, je la rêvai »

L’interro-négative et la conjonction de coordination « Mais«  confirme la lucidité du personnage et sa volonté d’introspection, d’analyse : ce nom est irrésistible car il incarne « tous [s]es désirs et le thème de [s]a vie ». Il s’agit d’un « symbole« , ce qui lui confère son pouvoir de fascination.

La simple prononciation de ce nom a un pouvoir d’action, il est ainsi sujet de verbes d’action : il « réveillait » et « faisait briller ».

Plus précisément, Raphaël voit dans ce nom ce qu’il n’a jamais eu jusqu’ici : la création et la légèreté (« les poésies artificielles du monde »), la frivolité et le rang social les fêtes du haut Paris »), mais aussi les apparences illusoires (« les clinquants de la vanité »).

Le champ lexical des apparences et du luxe souligne que Raphaël a conscience des dangers de la passion qui ne sont qu’un mirage : « artificielles », « briller », « fêtes », « clinquants » .

L’expression « avec tous les problèmes de passion dont je m’étais affolé » rappelle le double sens du terme « passion » qui emprunte à l’amour et à la souffrance.

La réflexion de Raphaël se poursuit, avec lucidité : la personnification « tous mes vices qui se dressaient debout dans mon âme pour me tenter de nouveau » rappelle que, plus qu’un nom, Foedora incarne le désir de chair. Le vocabulaire à connotation religieuse (« vices », « âme », « tenter » ) et la personnification dramatisent le tiraillement intérieur de Raphaël entre vice et vertu.

Peu à peu, ce nom s’incarne. Raphaël imagine ainsi la femme qui porte ce nom : « La comtesse Foedora, riche et sans amant, résistant à des séductions parisiennes » . Foedora est ainsi définie par son titre de noblesse de comtesse, par sa position sociale  riche »), par son statut (« sans amant ») et par son caractère (« résistant à des séductions parisiennes »).

Les nombreux adjectifs suggèrent toutefois la puissance de l’imagination du jeune homme. L’allitération en « r » restitue l’âpreté d’une comtesse qui apparaît déjà hors de portée : « La comtesse Foedora, riche et sans amant, résistant à des séductions parisiennes« 

La réflexion de Raphaël s’articule autour de lui, comme le montre les adjectifs possessifs : « mes vices », « mes espérances », « mes visions », « ma pensée ». La comtesse n’est qu’un symbole qui cristallise le désir de Raphaël.

La seconde interro-négative (« n’était-ce pas l’incarnation de mes espérances ? ») souligne encore une fois la lucidité du personnage, conscient de son propre désir.

La phrase qui suit, avec les verbes au passé simple, montre Raphaël comme un personnage romantique : « Je me créai une femme, je la dessinai dans ma pensée, je la rêvai. ». Le champ lexical de l’imagination (« créai », « dessinai », « pensée », « rêvai » ) font apparaître un personnage sensible, en proie à des émotions intérieures qui peuvent le torturer.

Le rythme ternaire et l’assonance en « é » restitue la douceur du rêve : « Je me créai une femme, je la dessinai dans ma pensée, je la rêvai» .

III – L’éveil de la sensualité et de la souffrance amoureuse

De « Pendant la nuit je ne dormis pas » à « mais qui se fait écouter »

Raphaël est dépeint de plus en plus comme un romantique transi dont le sentiment amoureux naît avant la rencontre : « je devins son amant ».

La force de son imagination lui permet ainsi de dépasser le réel pour faire exister l’impensable : « je fis tenir en peu d’heure une vie entière, une vie d’amour ».

La parataxe (juxtaposition de propositions sans mot de liaison) restitue la fougue amoureuse du jeune homme, qui semble inarrêtable : « Pendant la nuit, je ne dormis pas, je devins son amant, je fis tenir en peu d’heures une vie entière.  » L’anaphore en « je » exprime l’intensité du désir.

En véritable épicurien, Raphaël affirme : « j’en savourai les fécondes, les brûlantes délices » ; l’antéposition et la juxtaposition des deux adjectifs (fécondes et brûlantes) retarde l’apparition du complément d’objet (« délices« ) et renforce ainsi l’intensité ardente du désir de Raphaël.

Le temps qui sépare Raphaël de la rencontre s’avère difficile à vivre au point de devenir un « supplice » : à la fois catalyseur du désir et source de souffrance, le temps s’étire.

Le champ lexical du temps est omniprésent (« pendant la nuit », « le lendemain », « attendre longuement la soirée », « la journée »), comme pour renforcer l’obsession du personnage.

L’assonance en « an » restitue le sentiment d’attente languissante : « le supplice d’attendre longuement la soirée, j’allai louer un roman, et passai la journée à le lire, me mettant ainsi dans l’impossibilité de penser ni de mesurer le temps.« 

Sa seule action « j’allai louer un roman » a pour objectif de le plonger dans la fiction pour oublier le temps réel.

Mais la lecture n’est pas l’échappatoire tant attendu : la comparaison « le nom de Foedora retentissait en moi comme un son que l’on entend dans le lointain, qui ne vous trouble pas, mais qui se fait écouter » témoigne de l’obsession du personnage.

Foedora, la fascination d’un nom, conclusion

Avant la rencontre de Foedora, c’est l’onomastique (=son nom) qui bouleverse Raphaël.

Le moment qui précède la rencontre permet à Balzac de dresser le portrait d’un personnage romantique, à la puissance imaginative sans borne. Il se crée une nuit d’amour avec une femme rêvée.

L’attente interminable finit de montrer Raphaël sous un jour nouveau : celui d’un homme sensible, prêt à aimer.

Mais Raphaël est déjà conscient que son désir aura des conséquences fatales.

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Qui suis-je ?

Amélie Vioux

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