Le joujou du Pauvre, Baudelaire : commentaire

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le joujou du pauvre baudelaireVoici un commentaire du poème en prose « Le joujou du pauvre » de Charles Baudelaire.

Le joujou du pauvre, introduction :

Le poème «Le joujou du pauvre» de Charles Baudelaire est issu du recueil de poèmes en prose Le Spleen de Paris publié à titre posthume en 1869.

Le poète souhaitait à travers ce recueil livrer un témoignage poétique de l’étrangeté du quotidien.

(Voir mon résumé et mon analyse de Spleen de Paris)

« Le joujou du pauvre» montre deux enfants, l’un riche et l’autre pauvre, tous deux pareillement fascinés par un jouet vivant : un rat, capturé par les parents de l’enfant pauvre pour l’amuser.

Questions possibles à l’oral  sur « Le joujou du pauvre » :

♦ Comment Baudelaire illustre-t-il la différence sociale entre les deux enfants ?
♦ Dans quelle mesure « Le joujou du pauvre» est-il un apologue ?
♦ D’après ce poème, quelle est la fonction de la poésie pour Baudelaire ?
♦ Analysez les contrastes et ressemblances dans ce poème.

« Le joujou du pauvre» est un poème fondé sur des contrastes (I), qui peut se lire comme un apologue (II) et qui montre que les différences sociales sont abolies par le regard du poète (III).

I- Un poème fondé sur des contrastes

Le poème est construit autour d’un fort contraste entre deux catégories sociales.  Il peut être décomposé en trois mouvements symétriques qui opposent les lieux, les enfants puis leur jouet.

A- Opposition des lieux

On observe tout d’abord que l’opposition entre les deux lieux est structurée par un chiasme.

La description du lieu de l’enfant riche commence ainsi : «Sur une route, derrière la grille d’un vaste jardin» ; plus loin, celle de la rue dans laquelle joue l’enfant pauvre est introduite par : « De l’autre côté de la grille, sur la route». Cette construction permet de montrer les deux univers que le poète appelle lui-même les « deux mondes» comme diamétralement opposés l’un à l’autre.

En effet, on observe d’un côté la nature maîtrisée « vaste jardin […] joli château» et de l’autre une nature laissée à l’état sauvage et envahie par les mauvaises herbes «les chardons et les orties».

Baudelaire montre donc deux mondes qui s’opposent, l’un propre et éclatant, l’autre laissé à l’abandon.

B- Opposition des enfants

Le poète oppose les deux enfants en utilisant un lexique mélioratif qui décrit l’enfant riche : « un enfant beau et frais» dont les vêtements sont «si pleins de coquetterie» et un lexique péjoratif pour l’enfant pauvre : «un autre enfant, sale, chétif, fuligineux».

Les contrastes entre les deux personnages rendent leurs différences évidentes et le déséquilibre entre les deux mondes très frappant. En effet, l’enfant riche est plus longuement montré tandis que l’accumulation d’adjectifs permet de dresser un portrait court et marquant du pauvre : «l’autre enfant».

Ces deux descriptions insistent sur l’injustice sociale. Face à la propreté et la santéfrais») de la richesse, on trouve l’insalubrité du monde des pauvres. L’adjectif «chétif» sous-entend les difficultés à se nourrir.

De plus, au terme «enfant» qui désigne le riche est opposé le terme «marmots-parias». Le mot «marmot» issu d’un vocabulaire familier place le pauvre en-dessous du riche. Par ailleurs, le terme «paria» renvoie immédiatement à la notion d’exclusion sociale renforcée par l’adjectif «répugnante» qui qualifie la «patine de misère» du pauvre.

C- Opposition des jouets

L’antithèse richesse / pauvreté se lit enfin dans l’opposition des deux jouets des enfants.

Le premier jouet, celui du riche, est décrit comme un objet précieux dont les adjectifs superlatifs reprennent en les exagérant les adjectifs décrivant l’enfant. L’enfant est «beau et frais», le jouet est «splendide et aussi frais que son maître» mais il est en plus «verni, doré […] couvert de plumets et de verroteries».

Le jouet symbolise ainsi le luxe mais aussi une forme de vanité représentée par les plumes et les accessoires.

La comparaison entre le jouet et l’enfant tend à assimiler l’un à l’autre et à faire du jouet un symbole de la classe sociale de son possesseur.

Plein de couleurs «pourpre» et «doré», visiblement précieux, le jouet de l’enfant riche s’oppose totalement au jouet de l’enfant pauvre.

En effet, ce dernier est en train de jouer avec un rat ce qui augmente considérablement l’idée du dégoût et de l’insalubrité de la pauvreté, le rat étant considéré comme un vecteur de maladie.

L’opposition entre les deux jouets réside également dans le désintérêt porté à l’un, le jouet du riche dont il «ne s’occupait pas» alors que l’autre est au centre de l’attention des deux enfants.

L’enfant riche fait plus que l’observer : «celui-ci examinait avidement comme un objet rare et inconnu». L’enfant pauvre fait plus que jouer avec ce rat : il «agaçait, agitait et secouait» l’animal dans une boîte. L’accumulation des verbes montre sa fascination pour le «joujou».

Cet intérêt est le résultat d’une différence fondamentale entre les jouets qui est montrée par les termes «gisait» et «vivant». L’un désigne la poupée, qui est un objet certes précieux mais qui demeure un objet tandis que l’autre désigne l’animal qui est porteur de la vie et qui a été «tiré […] de la vie elle-même».

II- Un apologue

Ce poème fonctionne comme un apologue. En effet, le récit du rapprochement des deux enfants illustre une morale implicite.

A- La structure d’un apologue

Un apologue se compose d’un récit et d’une morale.

Ici, le lecteur semble bien rencontrer ces deux composantes :

1 – Les deux premières strophes correspondent à la morale.
En effet, le poète s’adresse directement au lecteur avec l’utilisation des pronoms  «je» et « vous » : « Je veux donner l’idée d’un divertissement innocent.» , « quand vous sortirez » .

L’emploi de l’impératif souligne la visée didactique de ces deux strophes (« remplissez« , « faites » ).

Le poète y enjoint le lecteur à se distraire en offrant aux enfants pauvres des petits jouets très simples et à observer leur réaction.

2 – La suite du poème est un récit à proprement parler, comme en témoigne l’utilisation de l’imparfait (« apparaissait », « se tenait » …)

La structure du texte ressemble donc bien à celle d’un apologue. Néanmoins, la dernière phrase du récit met en exergue une morale supplémentaire, plus implicite :  «Et les deux enfants se riaient l’un à l’autre fraternellement, avec des dents d’une égale blancheur».

Le récit va ainsi beaucoup plus loin que la simple illustration des deux premières strophes (comment se distraire innocemment en offrant des jouets simples aux enfants pauvres).  Il illustre aussi une morale implicite qui invite à dépasser les barrières sociales.

B- Une morale implicite

Les deux enfants, le riche et le pauvre, vivent dans deux mondes opposés. Cependant, ils se trouvent rapprochés par le rat, qui devient un lien de communication entre les deux.

La communication est d’abord établie par le regard. En effet, au début du poème, quand l’auteur parle d’offrir des jouets aux enfants, il évoque en tout premier lieu leur regard : « Vous verrez leurs yeux s’agrandir démesurément».

L’anecdote confirme cette affirmation puisque c’est en premier lieu le regard de l’enfant riche qui permet de faire basculer le texte et de décrire le monde de l’enfant pauvre : «Et voici ce qu’il regardait». Le poème suit alors le regard de cet enfant et montre un «autre enfant».

On comprend alors que l’enfant pauvre attire volontairement l’attention du riche : «montrait à l’enfant riche son propre joujou».

La dernière phrase démontre que les barrières sociales n’ont aucune importance dans la relation de connivence qui se joue entre les deux enfants. Leur rapprochement est signifié grâce à l’adverbe «fraternellement» et à l’adjectif «égale».

Les ressemblances entre les deux enfants se lisent également très subtilement dans la description qu’en fait le poète. S’ils sont, comme on l’a vu, l’opposé l’un de l’autre, ils sont également tous les deux victimes du regard de l’adulte qui peut se méprendre sur l’un comme sur l’autre.

Ainsi, l’auteur nous dit que l’on se trompe en pensant que les enfants riches sont différents des autres, ce qui est souligné par l’emploi du verbe croire («on les croirait faits d’une autre pâte») : il s’agit d’une méprise induite par leur milieu social.

De la même façon, on se méprend sur l’enfant pauvre dont on peut découvrir «la beauté» sous «le vernis de carrossier». Le poète nous affirme donc que les apparences sont trompeuses et que la beauté peut aussi bien se trouver sous la saleté et la misère.

Les conditions sociales sont donc abolies à la fin du poème.

III- Le regard du poète sur l’humain

Le poème de Baudelaire montre avec subtilité la conception qu’il a de la poésie comme témoin de son temps.

A- Le choix esthétique du symbolisme

Le poème est fondé sur une série de symboles qui permettent d’illustrer le propos de Baudelaire.

Les deux enfants sont des représentants de leur rang social. Ce phénomène est mis en valeur par le passage au pluriel et l’utilisation de l’adjectif démonstratif «ces» : à travers eux s’opposent tous les enfants riches : «Ces enfants là» à tous les enfants pauvres : «un de ces marmots-parias».

Ils appartiennent à deux mondes qui vivent séparés et cette séparation est symbolisée de manière très nette par la grille du château. Le terme de symbolique est d’ailleurs explicite dans la métonymie «A travers ces barreaux symboliques séparant deux mondes».

Le rat enfin, vecteur de la communication entre les deux enfants, symbolise à la fois le lien qui se noue entre les deux, mais aussi, de manière plus subtile, une forme de cruauté commune à tout le genre humain. Des adultes dont il faut «se défier» et qui l’ont «tiré de la vie elle-même» aux enfants qui «comme le font les chats» sont fascinés par cet être vivant transformé en jouet.

La comparaison entre les enfants et les chats au tout début du poème peut être mise en relation avec la blancheur de leurs dents et l’adverbe «avidement». L’idée des dents blanches et de l’avidité ainsi ue le fait qu’ils jouent avec un rat renvoient à l’image du félin.

L’esthétique symboliste permet donc à Baudelaire de dresser, sans jugement, un portrait de la nature humaine, dans ce qu’elle a de beau comme ce qu’elle a de cruel.

B- Le regard impartial de l’artiste

C’est en effet le regard impartial du poète, et par extension de l’artiste, qui permet à la fois d’abolir les contraintes sociales mais aussi de montrer l’humain tel qu’il est.

Le poète commence par évoquer l’idée de flânerie : «Quand vous sortirez le matin avec l’intention de flâner sur les grandes routes». Le fait de flâner suppose la possibilité de se promener sans but, tout en observant ce qui nous entoure. Ce sont précisément ces flâneries qui permettent à l’artiste de trouver des sources d’inspirations.

Par ailleurs, on constate dans le poème un lien très fort avec la peinture ou les arts plastiques. Le terme «pâte» qui décrit la constitution des enfants les montre comme des petits sujets de terre cuite, des petites sculptures. De plus le poème évoque «la peinture idéale», «le vernis», «la patine» des termes qui se rapportent tous à la peinture.

Selon lui, seul «l’œil impartial» qui est également «l’œil du connaisseur» est capable de voir au-delà des apparences sociales. C’est à dire l’artiste peintre, et par extension tout artiste qui observe, y compris le poète.

Ainsi, le poète voit les enfants tels qu’ils sont. Et ce qu’il voit est beau : c’est le rapprochement des deux enfants rendu possible grâce à leur fascination pour le même jouet. Leur innocence leur permet de passer outre la grille symbolique qui les sépare.

Cependant leur innocence est subtilement associée à une forme de cruauté, dans la mesure où, comme des chats, ils jouent avec un être vivant.

Le joujou du pauvre, conclusion

Baudelaire dans «Le joujou du pauvre» montre, par une construction basée sur des contrastes, un monde clivé. D’un côté la richesse, de l’autre la pauvreté.

Seuls l’innocence des enfants et le regard de l’artiste peuvent dépasser ces différences sociales, car l’artiste voit le monde tel qu’il est et le montre dans sa beauté comme dans sa cruauté.

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