Le Mariage de Figaro, acte 3 scène 5 : analyse

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Voici un commentaire de l’acte III scène 5 du Mariage de Figaro de Beaumarchais.

Il s’agit de l’extrait allant de « Il veut venir à Londres » à « Je l’enfile et le paye en sa monnaie ».

Le mariage de Figaro, Acte 3 scène 5, introduction :

Le mariage de Figaro est une comédie de Beaumarchais en cinq actes, écrite en 1778, censurée, puis jouée pour la première fois en 1784. (voir ma fiche de lecture sur Le Mariage de Figaro de Beaumarchais)

La pièce raconte une journée pleine de rebondissements, au cours de laquelle Figaro et Suzanne, deux valets, tentent de se marier et d’empêcher que le Comte Almaviva n’exerce son droit de cuissage sur la jeune femme.

Dans l’acte III scène 5, on assiste à un jeu de manipulation : le Comte essaie de découvrir si Figaro sait qu’il courtise Suzanne, alors que Figaro, au courant de tout, entend déjouer les plans du Comte pour se marier avec la jeune femme.

Questions possibles à l’oral de français sur l’acte 3 scène 5 du Mariage de Figaro :

♦ Que peut-on dire du rapport entre maître et valet dans cette scène ?
♦ Dans quelle mesure cette scène 5 de l’acte 3 du mariage de Figaro constitue-t-elle une satire sociale ?
♦ Montrez que Figaro manie avec adresse l’art de la rhétorique.
♦ Quelle vision Figaro a-t-il de la politique ?
♦ Pourquoi peut-on parler de joute verbale ?
♦ En quoi Figaro est-il le porte-parole des idéaux des Lumières ?

Annonce du plan :

La rivalité entre le comte et Figaro dans l’acte  3 scène 5 fait apparaître sous un nouveau jour la relation entre le maître et son valet (I). Mais le débat dépasse la querelle individuelle pour se faire satire des réalités sociales et politiques de la France du 18ème siècle, à l’aube de la Révolution (II).

I – La relation entre le Comte et Figaro

A – Un jeu de dupes plaisant pour le public

Dans la scène 5 de l’acte III, Figaro et le Comte tentent chacun de manipuler l’autre et prennent le public à témoin.

Le passage étudié s’ouvre ainsi sur deux apartés, l’une du Comte, l’autre de Figaro :
♦ « LE COMTE, à part : Il veut venir à Londres, elle n’a pas parlé
♦ FIGARO,
à part : Il croit que je ne sais rien
 ».

Le public est donc mis dans la confidence et jouit de savoir ce que l’autre personnage ignore.

Ces apartés, parce qu’elles reviennent au cours de la scène, font du public une sorte de troisième partenaire :
« LE COMTE : A la fortune ? (A part) Voici du neuf.
FIGARO
(A part) : A mon tour maintenant.
(Haut.)… ».

D’ailleurs, l’extrait étudié se termine également sur deux apartés :
« LE COMTE, à part : Il veut rester. J’entends…Suzanne m’a trahi.  FIGARO, à part : Je l’enfile et le paye en sa monnaie. »

Le public est ainsi pris à parti quant à l’enjeu dramatique de la scène :

♦ Le Comte cherche à déterminer si Figaro sait qu’il courtise Suzanne, afin de l’éloigner en Angleterre s’il l’ignore, ou de lui faire épouser Marceline si Suzanne lui a tout raconté.

Figaro tente de cacher qu’il sait tout pour échapper aux plans du Comte.

En incluant ainsi le public dans le jeu des deux personnages, Beaumarchais le sollicite : le public ne peut que favoriser l’un des personnages, dont il deviendra l’allié et qui sortira ainsi vainqueur de cette joute verbale.

B – Rivalité et complicité entre maître et valet

La relation entre le maître et son valet apparaît complexe, oscillant entre complicité et rivalité.

Tout d’abord, les deux personnages ont un passé commun.

Le Comte évoque à ce titre une complicité perdue qui fait référence à la pièce qui a précédé Le mariage de Figaro, Le Barbier de Séville :
« LE COMTE : … Autrefois tu me disais tout
. »

En effet, dans Le Barbier de Séville, le maître et son valet sont très complices puisque Figaro aide le Comte à épouser Rosine, la Comtesse.

Dans l’acte 3 scène 5, le Comte cherche en Figaro un confident en partageant avec lui ses questions sur sa femme : « Quel motif avait la Comtesse, pour me jouer un pareil tour ? » ; « Je la préviens sur tout, je la comble de présents ».

Or, la franchise de Figaro peut apparaître surprenante.

En effet, il ne cherche pas à flatter son maître mais lui dit ce qu’il pense : il a mérité ce qui lui arrive puisqu’il est infidèle :
« Vous lui donnez, mais vous êtes infidèle. »

Mais il dit cela avec égards pour le Comte, comme pour ne pas être trop brutal.

En effet, il fait des concessions (« Vous lui donnez, mais »), et préfère dans un premier temps les vérités générales aux accusations directes. En témoigne la question qu’il lui pose remplaçant le « vous » par l’impersonnel « on » : « Sait-on gré du superflu, à qui nous prive du nécessaire ? ».

Ainsi, au début de cet extrait, le Comte et Figaro apparaissent presque comme deux amis querelleurs.

Mais leur rang social se pose très vite comme un obstacle infranchissable, ce que montre le Comte en rabaissant Figaro à son rang de valet et en lui attribuant une image caricaturale de domestique fourbe, « louche », à la « réputation détestable ».

C – Une joute rhétorique

La scène 5 de l’acte 3 apparaît comme une joute verbale entre Figaro et le Comte : ils ont un volume de parole égal, et pour seule arme la rhétorique.

Les apartés initiaux apparaissent à ce titre comme des déclarations de guerre, où chaque personnage partage secrètement son objectif avec le public.

Au milieu de la scène, les apartés témoignent d’un changement de tactique, plus offensif, de la part de Figaro : « Figaro (à part) : A mon tour maintenant. »

Les apartés finaux, quant à eux, sont comme un état des lieux après la bataille : le Comte comprend que Figaro savait depuis le départ qu’il courtisait sa fiancée, et Figaro triomphe comme un vainqueur :
FIGARO, à part: Je l’enfile et le paye en sa monnaie.

Par ailleurs, le dialogue des deux personnages s’apparente à un combat :

♦ Les répliques sont courtes et cinglantes ; les personnages se répondent au tac au tac:
« LE COMTE : Pourquoi faut-il qu’il y ait toujours du louche en ce que tu fais ?
FIGARO : C’est qu’on en voit partout quand on cherche des torts.
LE COMTE : Une réputation détestable !
FIGARO : Et si je vaux mieux qu’elle ?
 »

♦ Aux attaques du Comte répondent les contre-attaques de Figaro.

En témoigne le passage où Figaro, accusé de corruption par le Comte, contre-attaque en retournant la même accusation contre le Comte :
« LE COMTE : Combien la Comtesse t’a-t-elle donné pour cette belle association ?
FIGARO : Combien me donnâtes-vous pour la tirer des mains du docteur ?
 ».

De même, à l’ironie de l’antiphrase « belle association » du Comte qui blâme son valet, répond l’accusation frontale de Figaro qui dénonce l’hypocrisie son maître :
LE COMTE: Combien la Comtesse t’a-t-elle donné pour cette belle association?
FIGARO: Combien me donnâtes-vous pour la tirer des mains du docteur?

A cet égard, on peut dire que Figaro est très adroit en matière de rhétorique.

En effet, il a réponse à tout : pas une attaque du Comte ne le déstabilise car il sait les détourner pour les retourner contre son adversaire, et confondre ainsi le Comte avec ses propres armes.

Figaro use ainsi de nombreux parallélismes : « Autrefois tu me disais tout. / Et maintenant je ne vous cache rien ».

Figaro se défend si bien qu’il ne peut sortir que vainqueur de cette joute aux yeux du spectateur.

Ainsi Beaumarchais, à travers son personnage, défend un propos qui excède la querelle du Comte et de Figaro pour faire la satire sociale et politique de la société française de son temps.

II – Une satire sociale et politique

A – De la rivalité amoureuse à la critique de la société française

La rivalité qui oppose le Comte et Figaro dérive progressivement vers une critique plus générale des réalités sociales du 18ème siècle en France.

En réaction au Comte qui l’assimile à un valet fourbe et retors, Figaro déplace progressivement leur débat.

Au départ, il s’agit d’une confrontation d’homme à homme, où Figaro se met lui-même en cause, s’opposant au Comte : « Ma foi…vous » ; « Je ne vous cache rien » ; « Combien me donnâtes-vous ».

Mais progressivement, Figaro élargit son propos aux valets (« n’humilions pas l’homme qui nous sert bien, crainte d’en faire un mauvais valet »), puis au peuple (« la foule est là »).

Il délaisse la première personne du singulier « je » pour la première du pluriel, plus englobante, « nous », puis pour la troisième personne du singulier, plus impersonnelle, « on » : « n’humilions pas » ; « on se presse, on pousse, on coudoie ».

Figaro se place ainsi en représentant du peuple et s’oppose aux seigneurs : « Et si je vaux mieux qu’elle ? y a-t-il beaucoup de seigneurs qui puissent en dire autant ? ».

De même, il s’oppose aux hommes de pouvoir dont il rejette la politique.

B – L’appartenance sociale ne fait pas la valeur de l’homme

Dans cette scène 5 de l’acte 3, Figaro affirme que ce n’est pas le rang mais les actions qui font la valeur de l’homme.

Beaumarchais défend ainsi une idée humaniste des Lumières qui consiste à distinguer l’homme de sa condition sociale.

D’abord, Figaro souligne qu’un mauvais valet n’est pas nécessairement un mauvais homme.

Il énonce cette idée comme une vérité générale : « n’humilions pas l’homme qui nous sert bien, crainte d’en faire un mauvais valet ».

Il dissocie la réputation d’un homme et ce qu’il est en réalité, montrant que les idées a priori sont fallacieuses :
« LE COMTE : Une réputation détestable !
FIGARO : Et si je vaux mieux qu’elle ? Y a-t-il beaucoup de seigneurs qui puissent en dire autant ?
 »

En opposant sa propre valeur à celle des seigneurs, il affirme que la vertu d’un homme n’a rien à voir avec sa naissance. Les seigneurs ne sont pas des gens bien parce qu’ils sont bien nés.

Par ailleurs, alors que le Comte suggère que son valet a besoin de lui pour comprendre les ficelles de la politique, Figaro lui rétorque qu’il a suffisamment d’esprit pour la comprendre :
« LE COMTE : … Il ne faudrait qu’étudier un peu sous moi la politique.
FIGARO : Je la sais. 
LE COMTE : Comme l’anglais, le fond de la langue !
 »

La valet souligne ainsi un paradoxe de la société : l’esprit et le mérite ne permettent pas de progresser socialement.

Le peuple qui rêve d’ascension sociale livre un combat perdu d’avance : « la foule est là : chacun veut courir, on se presse, on pousse, on coudoie, on renverse, arrive qui peut ; le reste est écrasé ».

Ce n’est donc pas la valeur d’un homme, mais sa naissance qui lui permet d’évoluer et d’être bien placé socialement : « De l’esprit pour s’avancer ? Monseigneur se rit du mien. Médiocre et rampant ; et l’on arrive à tout ».

Figaro affirme ainsi que la politique ne relève que des privilèges du rang, et qu’elle compte beaucoup d’idiots et d’incompétents.

C – La politique, théâtre de l’hypocrisie

Figaro dénonce la politique comme une affaire de mensonges et de manipulations, un théâtre de l’hypocrisie.

En effet, le champ lexical qu’il utilise renvoie très clairement au théâtre : « feindre » ; « paraître » ; « jouer bien ou mal un personnage ».

La réaction du Comte souligne d’ailleurs cette analogie entre la politique et le théâtre : « Eh ! c’est l’intrigue que tu définis ! »

Figaro affirme que les hommes politiques ne sont que des masques sans consistance : « paraître profond, quand on n’est, comme on dit, que vide et creux ».

Il présente également la politique comme le règne de l’immoralité. En effet, les politiques recourent à des pratiques immorales pour arriver à leurs fins : espionner, corrompre, mentir.
Figaro dénonce ces pratiques dans une accumulation au rythme saccadé qui souligne sa colère:
« Répandre des espions et pensionner des traîtres ; amollir des cachets ; intercepter des lettres ; et tâcher d’ennoblir la pauvreté des moyens par l’importance des objets. Voilà toute la politique, ou je meure ! ».

La politique n’est donc affaire ni de justice, ni de morale, mais bien de pouvoir, ce à quoi Figaro répond qu’il préfère la vie et l’amour :
« J’aime mieux ma mie, ô gué!  » comme dit la chanson du bon roi. »

Beaumarchais fait ainsi, à travers le discours de Figaro, une critique acerbe des réalités sociales et politiques de son époque.

Le mariage de Figaro, Acte III scène 5 – Conclusion :

Cette scène 5 de l’acte 3 du Mariage de Figaro éclaire sous un nouveau jour la relation entre le Comte et son valet, et permet à l’intrigue de progresser.

Mais plus encore, elle éclaire une époque, celle de la société française du 18ème siècle, à l’aube de la Révolution française.

En effet, on assiste dans cet extrait à l’opposition de deux groupes sociaux – les nobles et le peuple – incarnés par le Comte et par Figaro. Mais c’est ici le valet Figaro qui a le beau rôle et se fait le porte-parole de Beaumarchais, qui défend les idéaux des Lumières.

On assiste ainsi dans Le mariage de Figaro à l’affirmation de la valeur de l’individu, indépendamment de son appartenance sociale, et à la défense des droits du Tiers-Etats qui préfigure l’importante mutation sociale et historique à venir.

Tu étudies Le Mariage de Figaro ? Regarde aussi :

Le mariage de Figaro : résumé
Le mariage de Figaro, acte 1 scène 1
Le Mariage de Figaro, acte 3 scène 16
Le mariage de Figaro, acte 5 scène 3

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Amélie Vioux

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18 commentaires

  • Bonjour,
    Je ne vois pas quel type de problématique pourrait permettre d’inclure ce texte dans une lecture linéaire. En quoi Figaro manie t-il l’art de la rhétorique? Comment Beaumarchais critique t-il le rapport maître valet et la politique de l’époque à travers cette scène?
    Merci beaucoup pour ton travail!

    • Juste pour te répondre, vu que le BAC approche. Personnellement, j’ai choisi deux ouvertures (bien entendu à l’oral je n’en dirais qu’une):
      – Le plaidoyer de Marceline (Acte III, scène 16). Cette dernière a exactement la même capacité rhétorique que Figaro. Cette ouverture te permet d’ouvrir sur le Mariage de Figaro et donc rester dans le « thème ».
      – ou alors tu peux également ouvrir sur les Moralistes du XVIIème siècle avec La Fontaine avec par exemple la fable « L’Homme et la Couleuvre » qui appartient au 2ème recueil des Fables. En effet, dans ce dernière, la Couleuvre possède également une bonne capacité rhétorique –> Je t’invite d’ailleurs à lire cette Fable parce que personnellement elle m’a beaucoup marquée.

  • Bonjour Amélie,
    Merci pour ce commentaire!
    Allez-vous faire des lectures linéaires sur le mariage de figaro? Si oui sur quels axes et scènes?
    Merci d’avance!
    Joyeuses fêtes!

    • Bonjour Manon,
      Je vais certainement vous proposer d’ici quelques mois une lecture linéaire du monologue de Figaro, dans l’acte V scène 3. Bonne soirée !

  • bonjour,vraiment votre commentaire est complet.vous m’avez beaucoup aidé
    Merci.Bonne continuation
    Autre chose
    Est ce que vous donnez des cours particliers

  • Bonjour Amélie, je voudrais juste une petite précision : comment inclure la deuxième partie avec comme problématique « Montrez que Figaro manie avec adresse l’art de la rhétorique. »
    Je suis un perdue… Merci d’avance !
    PS : le site est génial il m’aide énormément!

  • Bonjour j’aimerai recevoir de votre part une conclusion pour le mariage de Figaro coome une sorte d’ouvrture pour mettre fin à ma dissertation

  • Vos commentaires sur le mariage de figaro sont géniaux. Je présente 4 lectures analytiques sur cette oeuvre, et vous m’avez aidé à faire mes fiches car les notes prises en classe n’étaient pas suffisantes. Vrament merci, votre site est génial 🙂

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