On ne badine pas avec l’amour, acte I scène 3 : analyse

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Voici une analyse linéaire de l’Acte I scène 3 de On ne badine pas avec l’amour d’Alfred de Musset.

L’extrait étudié va de « Perdican : Sais-tu que cela n’a rien de beau, Camille, de m’avoir refusé un baiser ? » jusqu’à la fin de la scène.

On ne badine pas avec l’amour, acte I scène 3, introduction

La rédaction mouvementée de la pièce On ne badine pas avec l’amour peut se lire à l’aune de la vie de son auteur Alfred de Musset.

Commencée avant son départ à Venise avec George Sand en 1833, cette pièce est publiée en 1834 avant de paraître dans Un spectacle dans un fauteuil. Elle ne fut jouée qu’en 1861 à la Comédie Française, soit quatre ans après la mort du dramaturge. (Voir la fiche de lecture sur On ne badine pas avec l’amour de Musset)

Le premier acte marque les retrouvailles entre Perdican et Camille, deux cousins séparés pendant dix ans, après avoir vécu une enfance partagée.

L’enjeu pour le Baron, père de Perdican, est de marier les jeunes gens, afin de respecter les vœux de la mère de Camille dans son testament. Il laissera cette charge à Maître Blazius, le précepteur de Perdican, et Bridaine, le curé du village.

Le texte étudié se situe au moment des retrouvailles entre les cousins, seuls sur scène, mais en réalité observés par deux témoins.

Extrait étudié

Perdican
Sais-tu que cela n’a rien de beau, Camille, de m’avoir refusé un baiser ?

Camille
Je suis comme cela ; c’est ma manière.

Perdican
Veux-tu mon bras pour faire un tour dans le village ?

Camille
Non, je suis lasse.

Perdican
Cela ne te ferait pas plaisir de revoir la prairie ? Te souviens-tu de nos parties sur le bateau ? Viens, nous descendrons jusqu’aux moulins ; je tiendrai les rames, et toi le gouvernail.

Camille
Je n’en ai nulle envie.

Perdican
Tu me fends l’âme. Quoi ! pas un souvenir, Camille ? pas un battement de cœur pour notre enfance, pour tout ce pauvre temps passé, si bon, si doux, si plein de niaiseries délicieuses ? Tu ne veux pas venir voir le sentier par où nous allions à la ferme ?

Camille
Non, pas ce soir.

Perdican
Pas ce soir ! et quand donc ? Toute notre vie est là.

Camille
Je ne suis pas assez jeune pour m’amuser de mes poupées, ni assez vieille pour aimer le passé.

Perdican
Comment dis-tu cela ?

Camille
Je dis que les souvenirs d’enfance ne sont pas de mon goût.

Perdican
Cela t’ennuie ?

Camille
Oui, cela m’ennuie.

Perdican
Pauvre enfant ! je te plains sincèrement. (Ils sortent chacun de leur côté.)

Le Baron, rentrant avec dame Pluche.
Vous le voyez, et vous l’entendez, excellente Pluche ; je m’attendais à la plus suave harmonie, et il me semble assister à un concert où le violon joue : Mon cœur soupire, pendant que la flûte joue Vive Henri IV. Songez à la discordance affreuse qu’une pareille combinaison produirait. Voilà pourtant ce qui se passe dans mon cœur.

Dame Pluche
Je l’avoue ; il m’est impossible de blâmer Camille, et rien n’est de plus mauvais ton, à mon sens, que les parties de bateau.

Le Baron
Parlez-vous sérieusement ?

Dame Pluche
Seigneur, une jeune fille qui se respecte ne se hasarde pas sur les pièces d’eau.

Le Baron
Mais observez donc, dame Pluche, que son cousin doit l’épouser, et que dès lors…

Dame Pluche
Les convenances défendent de tenir un gouvernail, et il est malséant de quitter la terre ferme seule avec un jeune homme.

Le Baron
Mais je répète… Je vous dis…

Dame Pluche
C’est là mon opinion.

Le Baron
Êtes-vous folle ? En vérité, vous me feriez dire… Il y a certaines expressions que je ne veux pas… qui me répugnent… Vous me donnez envie… En vérité, si je ne me retenais… Vous êtes une pécore, Pluche ! je ne sais que penser de vous. (Il sort.)

On ne badine pas avec l’amour, Musset, acte I scène 3

Problématique

En quoi cette scène témoigne-t-elle de duos aux visions du monde diamétralement opposées ?

Plan linéaire

Dans un premier temps, nous analyserons les retrouvailles discordantes et décevantes entre Perdican et Camille.

Dans un second temps, nous verrons que la même discordance se manifeste entre le Baron et Dame Pluche.

I – Des retrouvailles discordantes et décevantes

De « Sais-tu que cela n’a rien de beau, Camille » à « (Ils sortent chacun de leur côté« )

Lorsqu’ils entrent sur scène, Perdican et Camille entretiennent un dialogue qui apparaît d’emblée déséquilibré : Perdican ne cesse de poser des questions, alors que Camille répond de façon sèche et laconique.

L’extrait étudié s’ouvre sur une question qui contient toute l’amertume ressentie par Perdican, rejeté : « Sais-tu que cela n’a rien de beau, Camille, de m’avoir refusé un baiser ? »

Perdican s’adresse à Camille, avec le pronom personnel de la deuxième personne du singulier « tu » et le prénom de la jeune femme en milieu de phrase.

Mais la réponse de Camille marque un refus du dialogue : la répétition de verbe être à la forme affirmative (« je suis« , « c’est« ), l’utilisation de la première personne du singulier (« je« , « ma manière« ) et la sécheresse véhiculée par l’asyndète entre les propositions (« Je suis comme cela ; c’est ma manière. ») marquent un repli sur soi.

Perdican multiplie les tentatives pour se rapprocher physiquement de Camille et passer du temps avec elle. Sa question « Veux-tu mon bras pour faire un tour dans le village ? » met en évidence la fierté qu’il pense s’apprêter à ressentir. La désillusion n’en sera que plus grande.

Mais Camille affirme sa personnalité haut et fort, comme l’illustrent sa réplique brève, avec le mot négatif « non » (« Non, je suis lasse »).

Par l’utilisation de l’interro-négative à plusieurs reprises (« Cela ne te ferait pas plaisir de revoir la prairie ? », plus loin « Tu ne veux pas venir voir le sentier par où nous allions à la ferme ? »), Perdican tâche d’obtenir des réponses positives.

Mais Camille continue à répondre par la négation, comme on peut le lire dans les phrases « Je n’en ai nulle envie », puis « Non, pas ce soir ».

Perdican essaie de construire une relation de connivence en faisant émerger des souvenirs partagés lors de leur enfance sur le bateau, comme en témoigne l’emploi de la première personne du pluriel : « nous descendrons« , « nos parties » .

Il se montre enthousiaste au point que son élan prend le dessus comme l’indique l’utilisation de l’impératif présent « Viens » ainsi que l’utilisation du futur à valeur de certitude nous descendrons », « je tiendrai »).

Mais, en retour, l’absence d’enthousiasme de Camille et ses refus suscitent l’émoi chez Perdican.

Le registre lyrique est alors omniprésent, grâce au lexique (« tu me fends l’âme », « ce pauvre temps passé »), à l’interjection lyrique (« Quoi ! »), et à la tournure interrogative et au rythme ternaire en gradation, avec l’anaphore de l’adverbe d’intensité « si » « si bon, si doux, si plein de niaiseries délicieuses ».

Perdican ne saisit pas la portée des réponses de Camille car il en fait une lecture prosaïque. Ainsi, lorsqu’il reprend « Pas ce soir », il ajoute aussitôt « et quand donc ? » sans comprendre qu’il s’agit implicitement d’une fin de non-recevoir.

A ses yeux, le moment est censé être solennel car il évoque des souvenirs, ce qu’il traduit de façon quelque peu grandiloquente par l’assertion « Toute notre vie est là. »

Camille répond de façon métaphorique, presque sibylline pour son cousin : « Je ne suis pas assez jeune pour m’amuser de mes poupées, ni assez vieille pour aimer le passé. » Par ce parallélisme de construction, elle s’extrait de la conversation en montrant qu’elle ne se situe pas sur le même plan que Perdican. La double négation (ni ni) et l’antithèse « jeune » / « vieille » affirme son refus de tout lyrisme.

Les questions de Perdican soulignent son incompréhension (« Comment dis-tu cela ? », « Cela t’ennuie ? »).

Camille réaffirme, sans crainte, sa position de façon plus explicite : « Je dis que les souvenirs d’enfance ne sont pas de mon goût. » L’emploi de la première personne ( « je », « mon » ) renforce sa position. Pas une seule fois elle ne s’adresse à Perdican à la deuxième personne du singulier : Camille s’affirme mais ne dialogue pas.

Les « souvenirs d’enfance« , traditionnellement associés à la candeur et au bonheur sont mis à distance et niés : « les souvenirs d’enfance ne sont pas de mon goût » .

La scène s’achève sur un constat d’ennui (« Oui, cela m’ennuie » ). La critique de la religion est implicite : la dévotion mène Camille au repli sur soi et au refus de la vie et de la jeunesse.

Avant de sortir tous deux séparément, Perdican s’exclame avec amertume et fierté « Pauvre enfant ! je te plains sincèrement. ». Ce registre pathétique permet de critiquer le refus de Camille.

II – Le Baron et Dame Pluche :des observateurs en désaccord

Un nouveau duo entre en scène : le Baron, et Dame Pluche, la gouvernante de Camille au couvent.

Le spectateur découvre qu’en réalité le duo a tout entendu, comme l’indiquent les verbes au présent à valeur de passé proche « Vous le voyez, et vous l’entendez ».

Par une métaphore filée musicale, le Baron souligne l’écart qu’il a constaté entre les deux jeunes gens. En effet, « [il s’attendait] à la plus suave harmonie » : ce superlatif indique combien il s’était préparé à des retrouvailles joyeuses.

Mais il évoque deux instruments différents (l’un à corde, le violon ; l’autre à vent, la flûte) et deux pièces musicales différentes, l’une vraisemblablement faisant référence à des tonalités élégiaques, pendant que l’autre fait l’éloge du roi. Il exprime ainsi la discordance qu’il a ressentie en observant les jeunes gens.

À l’instar de son fils, le Baron use du registre lyrique et évoque sa peine de « coeur » . Il fait preuve de courtoisie et de respect envers Dame Pluche avec l’adjectif épithète « excellente Pluche« 

Mais loin d’obtenir l’assentiment de Dame Pluche, comme en témoigne sa surprise (« Parlez-vous sérieusement ? »), il découvre que la gouvernante va dans le sens de Camille : « il m’est impossible de blâmer Camille, et rien n’est de plus mauvais ton, à mon sens, que les parties de bateau. » Les multiples négations dans la réplique de Dame Pluche font écho à la fermeté du discours de Camille.

Le duo entre le baron et Dame Pluche apparaît ainsi comme une parodie du duo Perdican /Camille.

Chacun campe donc sur ses positions : Dame Pluche réprouve les parties de bateau et abat son argument comme un adage , au présent de vérité générale : « une jeune fille qui se respecte ne se hasarde pas sur les pièces d’eau. »

Comme Camille avant elle, elle n’use que de la première personne du singulier, tandis que le Baron essaie d’engager le dialogue, avec la deuxième personne du pluriel (« parlez-vous sérieusement ? » , « Mais observez donc…« ) .

L’impératif présent « Mais observez donc » vise à susciter l’adhésion de Dame Pluche. Mais l’argumentation du Baron est pauvre : elle se fonde sur une règle édictée par un testament comme l’indique le verbe « devoir » : « son cousin doit l’épouser ».

Aussitôt Dame Pluche interrompt le Baron en rappelant la nécessité d’une morale irréprochable, comme le souligne le champ lexical de la bienséance : « se respecte », « convenances », « malséant ».

Son discours demeure impersonnel comme le souligne le sujet des verbes : « les convenances défendent« , « il est malséant » .

Dame Pluche affirme donc que la place d’une jeune fille n’est pas au gouvernail et qu’elle ne peut se retrouver « seule avec un jeune homme ». Par ces répliques dures, elle rappelle ainsi les interdits religieux qui étaient ceux de Camille, élevée dans un couvent.

Le Baron est bien en peine pour répondre à Dame Pluche, comme l’illustrent ses phrases inachevées et coupées par les points de suspension : « Mais je répète… Je vous dis… »

Dame Pluche ne se laisse pas ébranler par son interlocuteur, comme le confirme sa conclusion lapidaire qui rappelle le discours de Camille : « C’est là mon opinion. »

La scène s’achève sur une réplique du Baron qui montre son agacement grandissant au point qu’il la traite de « pécore » et ôte la marque de respect Dame, ce qui rend la scène cocasse : « Pluche ! »

Incapable d’achever ses phrases, le Baron apparaît comme un personnage fantoche, source de comique.

On ne badine pas avec l’amour, acte I scène 3, conclusion

La scène de retrouvailles prévue de longue date entre Perdican et Camille témoigne de discordances nettes : entre leurs passés respectifs, d’abord, car Camille a reçu une éducation religieuse stricte contrairement à Perdican ; entre leurs sentiments, ensuite, car l’amour ressenti par Perdican n’est pas partagé.

Le nœud de la pièce est donc fait et un autre duo est témoin : le Baron et Dame Pluche qui, eux aussi, sont aux antipodes dans leur façon de concevoir la relation amoureuse.

Pour le Baron, elle doit être menée à bien compte tenu du testament ; pour Dame Pluche, elle est inconcevable de cette manière compte tenu des principes religieux.

La suite de la lecture montrera que les paroles de Camille ne sont pourtant pas en accord avec son coeur. Mais la fierté de la jeune femme poussera Perdican, en proie au dépit amoureux, à mettre en place un stratagème pour séduire Rosette, la soeur de lait de Camille.

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Qui suis-je ?

Amélie Vioux

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