On ne badine pas avec l’amour, acte III scène 6 : analyse linéaire

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Voici une analyse linéaire de l’acte III scène 6 de On ne badine pas avec l’amour d’Alfred de Musset.

L’extrait étudié va de « Camille : Connaissez-vous le cœur des femmes, Perdican ? » à la fin de la scène 6 de l’acte 3.

On ne badine pas avec l’amour, acte 3 scène 6 : introduction

Dans sa préface de Cromwell (1827), Victor Hugo a théorisé le drame romantique en insistant notamment sur la rupture de l’unité classique et le mélange des genres.

La pièce de théâtre On ne badine pas avec l’amour d’Alfred de Musset répond à cette définition : publiée en 1834, puis parue et enfin jouée en 1861 à la Comédie Française, soit quatre ans après la mort du dramaturge, elle témoigne d’une relation tumultueuse entre les cousins Perdican et Camille. (Voir la fiche de lecture pour le bac sur On ne badine pas avec l’amour de Musset)

Avant notre extrait, Perdican a découvert une lettre écrite par Camille à une amie, dans laquelle elle se flatte d’avoir réduit Perdican au désespoir.

La vengeance de ce dernier sera sans appel pour tenter de rendre Camille jalouse, à tel point qu’il va jouer à séduire Rosette, la sœur de lait de Camille, devant cette dernière.

Le texte étudié, la scène 6 de l’Acte III, est essentielle car elle révèle le badinage de Perdican avec Rosette.

Extrait étudié

Camille

Connaissez-vous le cœur des femmes, Perdican ? Êtes-vous sûr de leur inconstance, et savez-vous si elles changent réellement de pensée en changeant quelquefois de langage ? Il y en a qui disent que non. Sans doute, il nous faut souvent jouer un rôle, souvent mentir ; vous voyez que je suis franche ; mais êtes-vous sûr que tout mente dans une femme, lorsque sa langue ment ? Avez-vous bien réfléchi à la nature de cet être faible et violent, à la rigueur avec laquelle on le juge, aux principes qu’on lui impose ? Et qui sait si, forcée à tromper par le monde, la tête de ce petit être sans cervelle ne peut pas y prendre plaisir, et mentir quelquefois par passe-temps, par folie, comme elle ment par nécessité ?

Perdican

Je n’entends rien à tout cela, et je ne mens jamais. Je t’aime Camille, voilà tout ce que je sais.

Camille

Vous dites que vous m’aimez, et vous ne mentez jamais ?

Perdican

Jamais.

Camille

En voilà une qui dit pourtant que cela vous arrive quelquefois. (Elle lève la tapisserie ; Rosette paraît dans le fond, évanouie sur une chaise.) Que répondrez-vous à cette enfant, Perdican, lorsqu’elle vous demandera compte de vos paroles ? Si vous ne mentez jamais, d’où vient donc qu’elle s’est évanouie en vous entendant me dire que vous m’aimez ? Je vous laisse avec elle ; tâchez de la faire revenir. (Elle veut sortir.)

Perdican

Un instant, Camille, écoutez-moi.

Camille

Que voulez-vous me dire ? c’est à Rosette qu’il faut parler. Je ne vous aime pas, moi ; je n’ai pas été chercher par dépit cette malheureuse enfant au fond de sa chaumière, pour en faire un appât, un jouet ; je n’ai pas répété imprudemment devant elle des paroles brûlantes adressées à une autre ; je n’ai pas feint de jeter au vent pour elle le souvenir d’une amitié chérie ; je ne lui ai pas mis ma chaîne au cou, je ne lui ai pas dit que je l’épouserais.

Perdican

Écoutez-moi, écoutez-moi !

Camille

N’as-tu pas souri tout à l’heure quand je t’ai dit que je n’avais pu aller à la fontaine ? Eh bien ! oui, j’y étais et j’ai tout entendu ; mais, Dieu m’en est témoin, je ne voudrais pas y avoir parlé comme toi. Que feras-tu de cette fille-là, maintenant, quand elle viendra, avec tes baisers ardents sur les lèvres, te montrer en pleurant la blessure que tu lui as faite ? Tu as voulu te venger de moi, n’est-ce pas, et me punir d’une lettre écrite à mon couvent ? tu as voulu me lancer à tout prix quelque trait qui pût m’atteindre, et tu comptais pour rien que ta flèche empoisonnée traversât cette enfant, pourvu qu’elle me frappât derrière elle. Je m’étais vantée de t’avoir inspiré quelque amour, de te laisser quelque regret. Cela t’a blessé dans ton noble orgueil ? Eh bien ! apprends-le de moi, tu m’aimes, entends-tu ; mais tu épouseras cette fille, ou tu n’es qu’un lâche !

Perdican

Oui, je l’épouserai.

Camille

Et tu feras bien.

Perdican

Très bien, et beaucoup mieux qu’en t’épousant toi-même. Qu’y a-t-il, Camille, qui t’échauffe si fort ? Cette enfant s’est évanouie ; nous la ferons bien revenir, il ne faut pour cela qu’un flacon de vinaigre ; tu as voulu me prouver que j’avais menti une fois dans ma vie ; cela est possible, mais je te trouve hardie de décider à quel instant. Viens, aide-moi à secourir Rosette. (Ils sortent.)

On ne badine pas avec l’amour, Musset, acte III scène 6

Problématique

En quoi cette scène de révélation met-elle en place le mécanisme tragique qui perdra Perdican, Camille et Rosette ?

Plan linéaire

Dans un premier temps, nous verrons que Camille tente de piéger Perdican pour l’amener à avouer ses sentiments.

Dans un deuxième temps, Camille révèle le mensonge de Perdican.

Dans un troisième temps, elle condamne fermement son cousin.

I – Camille tente de piéger Perdican

De « Connaissez-vous le cœur des femmes, Perdican » à « Jamais. »

Dans la scène précédente, Perdican a organisé une rencontre avec Rosette, en présence de Camille, cachée derrière un arbre.

Piquée dans son orgueil, cette dernière veut à son tour piéger Perdican.

Elle est donc allée chercher la bague dans la fontaine et fait mine de vouloir renouer avec Perdican. Le jeune homme s’étonne de son inconstance.

La réplique de Camille s’ouvre de façon solennelle par « Connaissez-vous le cœur des femmes, Perdican ? ».

Elle lui réponden inscrivant sa situation personnelle dans le destin de toutes les femmes, comme en témoigne le groupe nominal « le coeur des femmes » et la troisième personne du pluriel (« elles changent « ) .

L’accumulation de trois questions fermées sont destinées à déstabiliser Perdican.

Elle questionne en effet les certitudes de Perdican quant à l’inconstance des femmes.

Elle qui, jusque là, s’exprimait de façon laconique et sans émotion, ne laisse désormais plus d’espace à Perdican pour s’exprimer, comme en témoigne la longueur de ses répliques.

Son action s’inscrit dans une réflexion plus générale sur la condition des femmes, comme en témoigne l’utilisation du pluriel de majesté il nous faut souvent ») ou du groupe nominal indéfini « une femme ».

Par l’effet de symétrie dans les adverbes et les substantifs (réellement/quelquefois, pensée/langage) « si elles changent réellement de pensée en changeant quelquefois de langage ? », Camille souligne la versatilité supposée des femmes qui reposerait sur une opposition entre la parole et coeur. On sait en effet que dans le théâtre de Marivaux, au siècle précédent, la coquette feignait la froideur par jeu galant.

Pour Camille, la condition féminine se définit en effet par un masque social qu’illustrent les verbes « jouer un rôle » ou « mentir ». Mais ce masque est imposé par la société comme l’indique le verbe d’obligation : « Il nous faut souvent jouer un rôle » .

Par une nouvelle opposition entre « tout » et « sa langue », elle suggère que la parole ne coïncide pas toujours avec le coeur et suggère donc l’existence de sentiments pour Perdican.

Le recours au rythme ternaire des trois compléments d’objet indirect enrichis « à la nature de cet être faible et violent, à la rigueur avec laquelle on le juge, aux principes qu’on lui impose ? » souligne l’émotion grandissante de Camille. En effet, cette dernière s’érige contre des codes qui enferment la femme.

Sa force de persuasion est remarquable car elle emprunte aux adversaires généralement masculins leurs propres armes, leur propre vocabulaire. C’est ce que l’on peut lire dans les groupes nominaux à la connotation péjorative : « cet être faible et violent », « la tête de ce petit être sans cervelle ».

Mais peu à peu, la pensée de Camille se fait plus complexe. Si elle avoue la capacité des femmes à mentir « par nécessité », elle ouvre la porte à un mensonge différent, qui serait source de plaisir et serait fait « par passe-temps, par folie ». Cette dernière phrase porte certainement en elle les traces du mensonge de Perdican que Camille a découvert précédemment.

Perdican semble abasourdi face aux questions dont il est assailli et se défend pas une négation totale : « je ne mens jamais » – adverbe qu’il répètera dans la réplique suivante.

Mais le piège de Camille fonctionne puisqu’il avoue son amour « je t’aime Camille » et tente de faire preuve d’humilité et de sincérité avec le présentatif : « voilà tout ce que je sais. »

Dans un dernier assaut, Camille reprend ses propos : « Vous dites que vous m’aimez, et vous ne mentez jamais ? » La reprise des verbes aimer et mentir permet de faire monter la tension dramatique de la scène.

En effet, en raison de la double énonciation, le lecteur-spectateur sait que Perdican est en train de mentir au moment même où il jure le contraire : « Jamais » . On pourrait imaginer une mise en scène, la main sur le cœur.

II – Camille fait une révélation à la portée dramatique

De « En voilà une qui dit pourtant » à « Écoutez-moi, écoutez-moi ! »

L’annonce de Camille, dans ce deuxième mouvement, n’est donc nullement une surprise pour le lecteur spectateur.

Camille a confronté son cousin à ses propres mensonges et a ménagé son effet de surprise pour arriver à une révélation fracassante, comme en témoigne sa réplique : « En voilà une qui dit pourtant que cela vous arrive quelquefois. » La structure emphatique (« En voilà une qui…« ) dramatise la révélation.

La didascalie aux gestes théâtraux « Elle lève la tapisserie ; Rosette paraît dans le fond, évanouie sur une chaise. » amplifie la solennité et l’effet de suprise.

Le badinage amoureux de Perdican débouche sur des conséquences tragiques : Rosette est évanouie.

Camille oblige Perdican à constater son immoralité : « Que répondrez-vous à cette enfant, Perdican, lorsqu’elle vous demandera compte de vos paroles ? » Le nom « enfant » accentue l‘innocence de Rosette, victime collatérale du jeu de Perdican.

Camille confronte Perdican à la réalité de façon laconique comme l’illustre l’asyndète entre les deux propositions : « Je vous laisse avec elle ; tâchez de la faire revenir. »

Mais les rôles s’inversent : Perdican est réduit à de brèves supplications (l’impératif « écoutez-moi » revient à trois reprises), pendant que Camille déploie sa rhétorique de condamnation, qui commence sans appel : « Je ne vous aime pas, moi ».

Dans la suite de sa réplique, faite d’accumulations d’accusations (« je n’ai pas été cherché », « je n’ai pas répété », « je n’ai pas feint », « je ne lui ai pas mis », « je ne lui ai pas dit »), elle laisse exploser toute sa colère devant la somme des mensonges de Perdican. L’anaphore « je n’ai pas » martèle sa distance morale avec le comportement de Perdican qu’elle réprouve.

Ce dernier s’est moqué de Rosette désignée comme « cette malheureuse enfant au fond de sa chaumière ». Elle a été réifiée car utilisée comme « un appât, un jouet ».

Camille met à jour l’hypocrisie de son cousin (« des paroles brûlantes adressées à une autre »), le mensonge qu’il a entretenu au point de lui promettre ce qu’il n’aurait jamais fait : le mariage.

III – Camille condamne Perdican

De « N’as-tu pas souri tout à l’heure » à la fin

Camille poursuit son accusation avec force et dévoile qu’elle était à la fontaine : « oui, j’y étais et j’ai tout entendu ; mais, Dieu m’en est témoin, je ne voudrais pas y avoir parlé comme toi. » Mais elle minore son comportement, qui reste passif (avoir tout entendu) par contraste avec le stratagème actif de Perdican (avoir parlé)

De plus, elle cherche à culpabiliser son cousin en lui faisant entrevoir son avenir comme l’illustre le recours au futur simple de l’Indicatif dans l’interrogative : « Que feras-tu […] quand elle viendra ».

L’opposition est alors frappante entre le souvenir charnel exprimé par le complément circonstanciel de manière « avec tes baisers ardents sur les lèvres » et la réalité, exprimée par l’expression pathétique « te montrer en pleurant la blessure que tu lui as faite ? » Ce décalage est censé provoquer en Perdican remords et honte.

Camille fait preuve de lucidité, comme l’indique la répétition du verbe « tu as voulu » en tête de phrase qui perce à jour le stratagème de son prétendant.

Elle montre qu’elle a compris que cette déclaration de Perdican à Rosette n’est qu’un acte de vengeance pour « [la] punir d’une lettre écrite à [son] couvent ».

De plus, elle détourne la métaphore du trait lyrique lancé par Eros et en fait une « flèche empoisonnée » lancée par son cousin. L’image de Rosette sacrifiée est d’autant plus frappante que la soeur de lait est désignée par le terme « enfant« , qui souligne son innocence.

Elle minimise le contenu de la lettre par la répétition du déterminant indéfini « quelque » devant les nom « amour » et « regret » : « de t’avoir inspiré quelque amour, de te laisser quelque regret », tout en reconnaissant avoir agi par vanité, comme le suggère le verbe « se vanter ».

Mais elle reproche à Perdican son orgueil, qualifié de « noble » et condamne le jeune homme sans détour : « apprends-le de moi, tu m’aimes, entends-tu ; mais tu épouseras cette fille, ou tu n’es qu’un lâche ! ».

La structure en chiasme de cette phrase (A moi / B m’aimes / B tu épouseras / A cette fille) reproduit par la syntaxe le piège qui se referme sur Perdican.

Confronté violemment à la révélation de ses mensonges, Perdican ne peut que concéder à la demande de Camille et répond également avec un futur à valeur de certitude, qui véhicule un esprit de bravade : « Oui, je l’épouserai. »

Son audace est tenace au point qu’il ajoute de façon provocatrice « et beaucoup mieux qu’en t’épousant toi-même. »

De façon soudaine, il retourne la situation en questionnant sa cousine : « Qu’y a-t-il, Camille, qui t’échauffe si fort ? »

Il minore l’évanouissement de Rosette, comme en témoigne la négation restrictive : « il ne faut pour cela qu’un flacon de vinaigre ».

Il concède du bout des lèvres sa méconduite : « j’avais menti une fois dans ma vie ».

Mais la proposition qui suit nuance immédiatement la victoire de Camille, avec conjonction de coordination « mais », qui introduit une critique de la jeune femme : « mais je te trouve hardie de décider à quel instant. »

La scène s’achève avec la sortie des deux personnages qui vont réanimer Rosette.

On ne badine pas avec l’amour, acte III scène 6, conclusion

La scène 6 de l’acte III est charnière pour cerner le genre littéraire de la pièce de théâtre On ne badine pas avec l’amour.

En effet, si jusque là, le lecteur-spectateur pouvait s’amuser de personnages hauts en couleur comme Dame Pluche ou Maître Bridaine, désormais, avec cette scène, le ton change.

Camille apparaît forte et maîtresse de son destin : c’est elle qui détient la parole, qui est capable de confronter son cousin à ses mensonges, et c’est elle qui révèle sa supériorité en dévoilant Rosette évanouie.

De plus, elle brille par sa lucidité quant à la condition féminine.

Mais si Camille condamne son cousin, elle utilise pourtant elle-même Rosette comme un appât pour le confondre. L’évanouissement de Rosette ne semble pas suffisamment pris au sérieux par les deux jeunes gens, et laisse alors présager la fin tragique de la pièce.

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Qui suis-je ?

Amélie Vioux

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