Phèdre, Racine, acte V scène 7 : analyse

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phèdre acte 5 scène 7 commentaireVoici une analyse de la scène 7 de l’acte 5 de la pièce Phèdre de Racine (le dénouement).

Pour mieux appréhender cette pièce, n’oublie pas d’aller voir ma fiche de lecture sur Phèdre de Racine.

Phèdre, acte 5 scène 7, introduction :

Phèdre est une tragédie classique en cinq actes écrite par Racine en 1677. La scène 7 de l’acte V est la dernière de la pièce, le dénouement.

Phèdre, après s’être empoisonnée, avoue à son mari Thésée que c’est elle qui vouait une passion incestueuse à son beau-fils Hippolyte et non l’inverse, comme a pu le lui faire croire Œnone, la nourrice. Thésée pleure alors sur son fils innocent qu’il a fait tuer par un monstre marin.

Questions possibles à l’oral de français sur l’acte 5 scène 7 de Phèdre :

♦ En quoi cette scène 7 de l’acte 5 est-elle caractéristique d’une scène de dénouement classique ?
♦ Que peut-on dire de l’aveu et de la mort de Phèdre ?
♦ Dans quelle mesure peut-on considérer Phèdre comme une héroïne tragique ?
♦ Que peut-on dire des comportements respectifs de Phèdre et de Thésée ?

Annonce du plan :

Nous nous interrogerons tout d’abord sur l’héroïsme de Thésée (I) avant de souligner l’importance et la signification de l’aveu de Phèdre (II). Enfin, nous montrerons que ce dénouement est caractéristique d’un dénouement de tragédie classique (III).

I – Thésée : un héros tragique ?

A – Un père malheureux

Dans cette scène, Thésée apparaît avant tout comme un père malheureux.

Le sacrifice de son fils lui cause une douleur extrême comme en témoigne le registre pathétique très présent dans son discours : « mon cœur » (v. 3), « mes pleurs » (v. 8), « ma juste douleur » (v. 10), « mon malheur » (v. 11), « mon supplice » (v. 17), « pleurer » (v. 20), « père infortuné » (v. 27), « nos pleurs », « mon malheureux fils » (v. 55), « ce cher fils » (v. 56).

Le pathétique est accentué par l’allitération en « m » et la consonance en « on », qui imitent le ton plaintif du personnage : « qu’un cruel soupçon/L’excusant dans mon cœur m‘alarme avec raison ! », « Mais, madame, il est mort, prenez votre victime » (v. 2 à 4), « Tout semble s’élever contre mon injustice/L’éclat de mon nom même augmente mon supplice/Moins connu des mortels, je me cacherais mieux » (v. 16 à 18), « Allons, de mon erreur », « Mêler nos pleurs au sang de mon malheureux fils » (v. 54-55), « Que malgré les complots d’une injuste famille/Son amante aujourd’hui me tienne lieu de fille » (v. 60-61).

Le désespoir de Thésée est également souligné par les nombreuses phrases exclamatives et interjections : « Hé bien ! », « Ah ! Que j’ai lieu de craindre ! » (v. 1-2), « m’alarme avec raison ! » (v. 3), « Ah ! Père infortuné !/Et c’est sur votre foi que je l’ai condamné ! » (v. 27-28), « Que ne peut avec elle expirer la mémoire ! », « hélas » (v. 53-54).

Il insiste sur sa douleur au moyen d’hyperboles : « De l’univers entier je voudrais me bannir », « Tout semble s’élever contre mon injustice » (v. 15-16), « une action si noire » (v. 53), « trop éclaircis » (v. 54), « les honneurs qu’il a trop mérités » (v. 58).

B – L’accusation de Phèdre

Si Thésée est tout autant que Phèdre victime de la fatalité et des manœuvres d’Œnone, il est tout de même coupable du meurtre illégitime de son fils Hippolyte.

Cependant, il n’assume pas la responsabilité de ses actes.

Dès les premiers vers, il fait part à Phèdre de son « cruel soupçon ». Il avoue ainsi ses doutes sur la culpabilité de son fils et craint de l’avoir tué injustement.

Ses soupçons transparaissent dans le champ lexical du doute : « cruel soupçon« , « m’alarme« , « injuste« , « toujours abusés« , « crois« , « odieuses lumières« , « mon injustice« .

Puis Thésée accuse tour à tour Phèdre et les Dieux :
♦ « vous triomphez » (v.1) ; « prenez votre victime » (v. 4);
« Je hais jusques au soin dont m’honorent les Dieux/Et je m’en vais pleurer leurs faveurs meurtrières » (v. 19-20), « Quoi qu’ils fissent pour moi, leur funeste bonté/Ne me saurait payer ce qu’ils m’ont ôté » (v. 22-23).

De plus, il refuse d’affronter la vérité, préférant la fuite, l’anonymat et l’oubli : « De mon fils déchiré fuir la sanglante image » (v. 13), « Moins connu des mortels, je me cacherais mieux » (v. 18).

C – L’évolution de Thésée

Thésée apparaît donc comme un héros désespéré, incapable d’assumer ses actes.

Néanmoins, sa dernière réplique (des v.52 à 61) témoigne une évolution :

♦ Alors qu’il souhaitait « fuir la sanglante image » de son fils au v.12 et partir « loin de ce rivage » (v.6), il se résout, après les aveux de Phèdre, à aller pleurer sur le corps d’Hippolyte (« Allons (…) mêler nos pleurs au sang de mon malheureux fils » v. 54-55). Il décide ainsi d’affronter la mort de son fils.

♦ Centré sur sa douleur, Thésée ne s’exprimait qu’à la première personne du singulier dans sa tirade initiale (« je », « me »). Dans sa réplique finale, il emploie la première personne du pluriel à l’impératif (« allons », « Rendons-lui »), réintégrant ainsi son rôle de roi capable de diriger un destin collectif.

♦ Enfin, Thésée fait un geste politique d’apaisement : il rachète ses fautes en faisant d’Aricie – l’amante d’Hippolyte – sa fille.

Transition : Thésée, malgré son évolution, n’apparaît pas aussi courageux que Phèdre dont l‘aveu est au coeur de ce dénouement.

II – L’aveu ambigu de Phèdre

A – L’aveu de sa culpabilité

Dans la mythologie grecque, Phèdre se suicide avant que Thésée ne découvre la vérité.

En mettant en scène les aveux de Phèdre dans ce dénouement, Racine prend des libertés par rapport au mythe et érige son héroïne non pas en coupable mais en véritable victime tragique.

L’aveu de Phèdre est urgent car l’héroïne a ingéré un poison mortel.

Elle coupe donc la parole à Thésée et le prie de l’écouter : « écoutez-moi, Thésée » (v. 29).

Le caractère urgent est souligné par l’impératif et les injonctions : « Non, Thésée, il faut rompre un injuste silence/Il faut à votre fils rendre son innocence » (v. 24-25), mais aussi par l’hémistiche bref et direct : « Il n’était point coupable » (v. 26).

La rapidité de l’aveu contraste avec la lente agonie de Phèdre, traduite notamment par le rythme final de ses dernières paroles : une longue phrase entrecoupée de virgules, points-virgules et d’anaphores (« Déjà », v. 46 et 47 ; « Et », v. 49 et 50) qui ralentissent le rythme et reproduisent la progression du poison, comme si Phèdre était à bout de souffle.

Cela est renforcé au dernier vers de sa tirade par l’effet resserré du rythme ternaire : « Rend au jour, qu’ils souillaient, toute sa pureté » (v. 51).

De plus, les allitérations en « s », en « f » et en « r » imitent le souffle, les râles de l’agonie :

« C’est moi qui sur ce fils chaste et respectueux/Osai jeter un œil profane, incestueux », « Le ciel mit dans mon sein une flamme funeste/La détestable Œnone a conduit tout le reste », « Elle a craint qu’Hippolyte, instruit de ma fureur/Ne découvrit un feu qui lui faisait horreur », « La perfide, abusant de ma faiblesse extrême » (v. 30 à 36), « Elle s‘en est punie, et fuyant mon courroux/A cherché dans les flots un supplice trop doux/Le fer aurait déjà tranché ma destinée/Mais je laissais gémir la vertu soupçonnée » (v. 38 à 41), « Par un chemin plus lent descendre chez les morts », « J’ai pris, j’ai fait couler dans mes brûlantes veines », « Déjà jusqu’à mon cœur le venin parvenu/Dans ce cœur expirant jette un froid inconnu », « Et la mort, à mes yeux dérobant la clarté/Rend au jour qu’ils souillaient toute sa clarté » (v. 43-51).

Phèdre, qui avoue ses fautes durant son agonie, se constitue ainsi en véritable héroïne tragique.

B – La diminution de sa responsabilité

Les aveux de Phèdre sont toutefois ambigus car elle s’accuse (« C’est moi qui… », v. 30), tout en se positionnant en victime et en se cherchant des circonstances atténuantes : elle met en cause les dieux et Œnone (« Le ciel mit dans mon sein une flamme funeste/La détestable Œnone a conduit tout le reste », v. 32-33). Elle assure ainsi sa propre défense.

L’oxymore « flamme funeste » et l’hyperbole « ma faiblesse extrême » (v. 36) mettent en évidence le caractère mortel et absolu de la passion amoureuse, qui dévore ses victimes.

La nourrice Œnone est représentée comme fautive, à travers une série de qualificatifs péjoratifs : « La détestable » (v. 33), « La perfide », « abusant » (v. 36).

C – Un plaidoyer en faveur d’Hippolyte

Dans un sens courant, un plaidoyer est un défense visant à innocenter une personne ou une cause.

Dans ce dénouement, le discours de Phèdre devient un véritable plaidoyer visant à innocenter Hippolyte : « Il n’était point coupable » (v. 26), « rendre son innocence » .

Elle rétablit la vérité en usant d’un lexique appréciatif à l’égard d’Hippolyte : « ce fils chaste et respectueux » .

Ce plaidoyer est soutenu par un champ lexical de la justice : « victime » (v. 4), « injuste » (v. 5, 24, 60), « accusez » (v. 7), « injustice » (v. 16), « innocence », « coupable » (v. 25-26), « condamné » (v. 28), « accuser » (v. 37), « punie », (v. 38).

En mourant, Phèdre rétablit ainsi la justice et la vérité.

III – Un dénouement caractéristique d’une tragédie classique

A – Un dénouement complet et rapide : de l’ombre à la lumière

Le dénouement remplit ici toutes les fonctions et les exigences du théâtre classique.

En effet, l’aveu et la mort de Phèdre permettent de dénouer l’intrigue et d’achever la pièce.

Sa confession innocente Hippolyte et éclaire Thésée sur le rôle joué par Œnone : « Il faut à votre fils rendre son innocence./Il n’était point coupable » (v. 25-26), « La détestable Œnone a conduit tout le reste » (v. 33).

On passe ainsi progressivement de l’ombre à la lumière, soit du mensonge à la vérité. Cette métaphore vérité et lumière est présente tout au long de la scène : « odieuses lumières » (v. 9), « clarté », « jour » (v. 50-51), « éclaircis » (v. 54).

Thésée ne veut au départ pas affronter la vérité : « Je consens que mes yeux soient toujours abusés », v. 6 ; « Sans que j’aille chercher d’odieuses lumières », v. 9. Mais Phèdre, en mourant, met la vérité en pleine lumière si bien que Thésée se dit au v.54 « trop éclaircis » .

B – Un dénouement qui inspire terreur et pitié

Selon les règles d’Aristote, la tragédie classique doit inspirer terreur et pitié afin que puisse s’opérer la catharsis.

C’est bien le cas ici puisque Phèdre se termine sur la mort de l’héroïne, victime à la fois de sa passion, de la volonté des dieux et de la trahison de sa nourrice : « Le ciel mit dans mon sein une flamme funeste/La détestable Œnone a conduit tout le reste » (v. 32-33).

La mort est ainsi omniprésente dans cette scène comme en témoigne le vaste champ lexical de la mort et du crime : « sans vie » (v. 1), « mort » (v. 4), « perte » (v. 5), « criminel », « trépas » (v. 7-8), « sanglante » (v. 13), « mortel » (v. 14), « meurtrières » (v. 20), « funeste » (v. 22, 32), « descendre chez les morts » (v. 43), « poison », « venin » (v. 45-46), « expirant » (v. 47), « la mort » (v. 50), « expire » (v. 52), « mânes » (v. 59).

L’écho phonétique à la rime entre « remords » et « morts » (v. 42-43) souligne la relation entre mort et culpabilité en jeu dans la pièce.

Ce dénouement provoque donc chez le spectateur terreur et pitié : terreur et pitié face à l’injustice des dieux vis-à-vis de Phèdre dont le seul crime est sa passion, et face à l’horreur du meurtre d’Hippolyte par son père et la culpabilité de celui-ci devant la vérité.

C – Un dénouement pessimiste

On peut qualifier ce dénouement de pessimiste car Phèdre, qui apparaît comme une victime des dieux et d’Oenone se sacrifie pour racheter des fautes qui ne sont pas les siennes. Elle ne bénéficie d’aucun pardon.

Le sacrifice de Phèdre et l’absence de pardon s’inscrivent dans le courant janséniste, un courant pessimiste du catholicisme qui considérait que les hommes étaient prédestinés : la grâce divine, seule capable de sauver les hommes, serait accordée à certains et refusés à d’autres dès la naissance.

Le regard incestueux de Phèdre est à l’origine d’une souillure : « mes yeux…qu’ils souillaient » v.50-51; « Osai jeter un oeil profane, incestueux » (v.30-31) .

Corrompue par le péché, Phèdre ne peut pas être sauvée par la grâce divine et seule sa mort offre un retour à la pureté : « Et la mort, à mes yeux dérobant la clarté,/Rend au jour, qu’ils souillaient, toute sa pureté » (v. 50-51).

Elle offre ainsi une image pessimiste de la condition humaine.

Phèdre, acte V scène 7, conclusion :

Le dénouement de Phèdre est conforme aux règles et aux exigences de la tragédie classique : l’aveu de Phèdre et le désespoir de Thésée inspirent au spectateur des sentiments de terreur et de pitié qui permettent la catharsis, car « la véritable intention de la tragédie » est, selon Racine, d’ « instruire les spectateurs ».

La fin de la pièce subit l’influence du courant janséniste, vision pessimiste selon laquelle la grâce divine n’est pas accordée à tout le monde. C’est bien le cas ici où Phèdre paye pour des fautes qu’elle n’a pas commises sans pouvoir être sauvée.

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14 commentaires

  • Bonjour, je voudrais souligner quelque chose qui ne me semble pas apparaître dans cette analyse (bien que le reste soit tout à fait correct): dans les vers 46 à 51 ont peut observer une double anaphore (en « Et » et « Déjà) certes, mais ici ont peu même parler de polysindète; elle a une fonction de ralentissement du texte et d’expression de la lente agonie (conduisant peu à peu à des phrases peu clair et quasiment mystique, symbole de la proximité avec la mort) qui dure, et qui dure. De plus, fait amusant, il y a une diérèse sur le mot « action » (un vers plus loin), ainsi, le mot est plus long, étiré, comme l’action du texte.

  • Bonsoir monsieur.et vraiment je vous remercie pour ce commentaire qui est tres interessant pour moi et pour beaucoups des etudiants.merci beaucoup.et si permettez-moi je vous demande de m’aider afin d’analyser scene 5 de l’acte 5.et merci d’advance

  • Bonjour, j’ai une question à te poser: ma prof nous a dit que la scène ne respectait pas les règles du théatre classique parce que Phèdre meurt sur scène (je crois que c’est la bienséance) donc est-ce vraiment une fin caractéristique du théâtre classique ou est-ce qu’elle se trompe?

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