Phèdre, Jean Racine, acte 2 scène 5 : commentaire

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phèdre acte 2 scène 5 commentaireVoici un commentaire de l’acte II scène 5 de Phèdre de Jean Racine.

Il s’agit de l’extrait allant de « Madame, pardonnez. J’avoue en rougissant » à « Venez, rentrez, fuyez une honte certaine ».

N’oublie pas d’aller lire ma fiche de lecture de Phèdre de Racine pour mieux comprendre l’œuvre.

Phèdre, Acte II scène 5 – Introduction :

Ecrite en 1677, Phèdre, pièce en cinq actes écrite par Jean Racine, traite des conséquences funestes de la passion amoureuse.

Phèdre, femme de Thésée, est rongée par l’amour qu’elle porte à son beau-fils, Hippolyte.

Dans la scène 5 de l’acte II, elle lui avoue sa flamme incestueuse, et son combat acharné et impuissant pour la combattre.

Questions possibles à l’oral de français sur l’acte 2 scène 5 de Phèdre :

♦ Quelle est la fonction de cette scène 5 de l’acte II dans la pièce ?
♦ En quoi Phèdre est-elle une héroïne tragique?
♦ Que peut-on dire de l’aveu de Phèdre ?
♦ Dans quelle mesure la passion de Phèdre est-elle représentative d’une vision racinienne de l’amour ?

Annonce du plan :

Après avoir montré que cette scène 5 de l’acte II opère un renversement crucial dans la pièce (I), nous verrons en quoi Phèdre y est présentée comme une héroïne tragique (II), témoignant des influences classiques et jansénistes de l’auteur (III).

I – L’aveu : le moment où tout bascule

A – Un aveu irrépressible

Dans cette scène, l’aveu de Phèdre apparaît comme une libération.

Trop longtemps retenue, la parole de Phèdre se libère : notre héroïne interrompt précipitamment Hippolyte avec une tirade de quarante vers.

« Et je vais
Phèdre
Ah ! Cruel, tu m’as trop entendue !

Elle confronte Hippolyte à l’amour qu’elle éprouve pour lui, passant brusquement à la deuxième personne du singulier « tu » alors qu’elle a toujours vouvoyé son beau-fils jusque là : « je t’en ai dit assez » (v. 6) ; « je t’aime » (v. 8) ; « je m’abhorre encore plus que tu ne me détestes » (v. 13), «  j’ai recherché ta haine » (v. 21).

Les vers 4 à 8 donnent également l’impression d’un crescendo irrépressible, chaque vers semblant plus long que le précédent, jusqu’à l’aveu, mis en relief par la césure en début de vers, « J’aime. »

Ah ! Cruel, tu m’as trop entendue !
Je t’en ai dit assez pour te tirer d’erreur.
Eh bien ! connais donc Phèdre et toute sa fureur.
J’aime. 
»

Phèdre souligne elle-même le caractère incontrôlable de cet aveu : « Cet aveu si honteux, le crois-tu volontaire ? »

La césure « Donne. » (v. 46) qui fait écho à l’aveu « J’aime. » clôt la tirade sur elle-même : Phèdre s’est livrée, tout est dit.

B – Un plaidoyer ambigu

La tirade de Phèdre apparaît tantôt comme un plaidoyer, c’est-à-dire un discours qui défend quelqu’un, tantôt comme un réquisitoire, c’est à dire un discours qui accuse.

En effet, Phèdre se désigne à la fois comme coupable d’un amour incestueux et victime de la volonté des dieux.

Tout d’abord, Phèdre avoue sa faute : « J’aime. » au vers 8.

La brièveté de l’aveu (sujet-verbe seulement : « j’aime » ) accentue sa brutalité : Phèdre avoue sa faute en endossant pleinement sa culpabilité (emploi du pronom personnel « je » ).

Néanmoins, tout en reconnaissant sa culpabilité, Phèdre se dépeint ensuite comme une victime.

Elle accuse en effet les dieux de lui avoir inspiré cet amour : « ces dieux qui dans mon flanc / Ont allumé le feu fatal » (v. 14-15) ; « Ces dieux qui se sont fait une gloire cruelle / De séduire le cœur d’une faible mortelle » (v. 16-17).

L’accusation transparaît clairement dans l’emploi du déictique « ces » (« ces dieux« ). Par ailleurs,  le groupe nominal « ces dieux » est sujet des verbes d’action (« ont allumé« ) tandis que Phèdre n’est que l’ « objet infortuné de leurs vengeances » (v.12). Phèdre ne fait donc que subir l’influence des dieux.

Ensuite, Phèdre souligne les efforts déployés pour lutter contre cette passion : « C’est peu de t’avoir fui, cruel, je t’ai chassé : / J’ai voulu te paraître odieuse, inhumaine, / Pour mieux te résister, j’ai recherché ta haine. » (v. 19-21). Ces efforts, d‘intensité croissante ( « t’avoir fui » => « t’ai chassé » ; « odieuse » => « inhumaine » ; « te résister » => « recherché ta haine« ) n’ont pas porté leurs fruits : « inutiles soins » .

C – Le renversement de la faute

La scène 5 de l’acte II de Phèdre est une scène charnière qui inverse les rapports qu’entretenaient les personnages.

Au début de l’extrait étudié, Hippolyte se présente comme un accusateur coupable devant Phèdre.

En effet, il vient d’accuser sa belle-mère d’être coupable d’un amour incestueux, mais se rétracte immédiatement, pensant s’être trompé. Il implore alors le pardon de Phèdre : « Madame, pardonnez. J’avoue, en rougissant, / Que j’accusais à tort un discours innocent.» (v. 1-2).

Or l’aveu de Phèdre renverse la situation. Hippolyte devient le juge dont elle implore la sentence : « punis-moi d’un odieux amour » (v. 34) ; « Voilà mon cœur : c’est là que ta main doit frapper. » (v. 39) ; « Frappe. » (v. 42).

A la honte d’Hippolyte, « Ma honte ne peut plus soutenir votre vue » (v. 3), qui ouvre l’extrait analysé, succède celle de Phèdre, exposée par Œnone, à la fin de la scène « Venez, rentrez, fuyez une honte certaine. » (v. 49). Le renversement est donc total.

Transition : L’aveu de Phèdre a un effet tragique : l’impossibilité d’échapper à la honte annonce déjà l’issue fatale de la pièce, faisant de Phèdre une héroïne tragique.

II – Une héroïne tragique

A – La solitude de Phèdre

La longue tirade de Phèdre met en relief sa solitude et son isolement.

En effet, Phèdre s’exprime sur plus de 40 vers sans qu’Hippolyte ou Oenone ne l’interrompe. Or l’absence de réponse d’Hippolyte – verbale et physique puisqu’il ne la tue pas – et le silence d’Oenone, sont éloquents : les deux autres personnages présents sur scènes sont muets de stupéfaction. Ce mutisme fait ressortir l’isolement de Phèdre et l’horreur de son aveu.

D’ailleurs, Phèdre ne s’adresse pas seulement à Hippolyte. Cette tirade lui permet surtout d’épancher son cœur.

♦ La première personne du singulier et les questions rhétoriques témoignent ainsi d’une démarche introspective – Phèdre observe ses propres états de conscience : « Je t’en ai dit assez» (v. 6) ; « J’aime » (v. 8), « je m’approuve moi-même » (v. 9) ; « Je m’abhorre » (v. 13) ; « Je le sens » (v. 41) ; « De quoi m’ont profité mes inutiles soins ? » (v. 22) ; « Que dis-je ? » (v. 28) ; « Cet aveu si honteux, le crois-tu volontaire ? » (v. 29)

♦ Usant de la troisième personne du singulier pour parler d’elle, Phèdre se distancie d’elle-même : « connais donc Phèdre et toute sa fureur» (v. 7).

♦ Elle prend sa défense, « Ces dieux qui se sont fait une gloire cruelle / De séduire le cœur d’une faible mortelle » (v. 16-17), elle prononce sa propre sentence : « Délivre l’univers d’un monstre qui t’irrite. » (v. 36), et se juge : « La veuve de Thésée ose aimer Hippolyte ! » (v. 37).

♦ Enfin, elle s’exclut hors de l’humanité avec l’hyperbole « Délivre l’univers d’un monstre qui t’irrite » (v. 36) et le pléonasme « ce monstre affreux » (v. 38).

B – Une passion furieuse

Dans cette scène, Phèdre présente son amour comme une passion furieuse.

Cet amour est en effet source d’une souffrance physique et morale intense. En témoigne le champ lexical du corps humain (« mon flanc« , « mon sang« , « le cœur« ) et celui de la souffrance et de la mort (« feu« , « fatal« , « languir« , « larmes« , « tremblante« …).

Phèdre décrit son amour comme une « fureur » (v. 7) qui brûle : « feu fatal » (v. 15), « feux » (v. 25). Notons que les allitérations en « f » et « s » présentes tout au long de cette tirade font entendre l’embrasement des flammes.

Cet amour est aussi une folie, « fol amour qui trouble ma raison » (v. 10), un mal, comme en témoigne la métaphore du « poison » (v. 11), qui a trait à la mort et à la violence.

Phèdre est consciente que seule la mort mettra fin à ses souffrances et lui permettra « d’expier son offense » (v.40) C’est pourquoi elle exhorte Hippolyte à la tuer : « Frappe. » (v.42), « Donne. » (v.46). Ces deux injonctions à l’impératif soulignent sa détermination à mourir.

C – L’impuissance de Phèdre

Aux prises avec la fatalité, Phèdre ne peut échapper ni à son amour, ni à l’issue tragique de la pièce.

Elle fait face à un dilemme qui exclut toute issue heureuse : garder son secret et souffrir, ou l’avouer et mourir.

Simple mortelle, elle est le jouet des dieux contre lesquels elle est impuissante :

Ils ont « allumé le feu fatal» (v. 15) et « se sont fait une gloire cruelle / De séduire le cœur d’une faible mortelle » (v. 16-17).

Elle est victime d’une malédiction familiale, lancée par Aphrodite contre la descendance d’Helios : « Objet infortuné des vengeances célestes» (v. 12), « feu fatal à tout mon sang » (v. 15).

Phèdre s’inscrit donc dans un cycle tragique de la vengeance, appelant elle-même Hippolyte à se venger pour « expier son offense » (v. 40).

Transition : Phèdre se heurte à la vanité de sa démarche, puisque celle-là n’aboutit ni à l’amour d’Hippolyte, ni à la mort souhaitée. Ne pouvant donc échapper à la malédiction, elle illustre une vision racinienne janséniste de la passion.

III – L’influence du jansénisme et du classicisme

A – La peinture d’une passion excessive…

L’amour de Phèdre est présenté comme une passion excessive aux conséquences nécessairement funestes.

Cette vision pessimiste de la passion amoureuse s’inscrit dans le courant janséniste, un courant du catholicisme qui prône une morale particulièrement austère.

La ponctuation expressive, les interjections et le vocabulaire utilisés tendent vers des émotions excessives : « Ah ! cruel » (v. 5) ; « Eh bien ! » (v. 7) ; « Fureur » (v. 7) ; « J’aime » (v. 8) ; « Je m’abhorre » (v. 13) ; « odieuse, inhumaine » (v. 20), « haine » (v. 21) ; « monstre » (v. 36).

Par ailleurs, l’amour est ici lié à la haine, passion négative et destructrice. En témoigne le parallélisme « Tu me haïssais plus, je ne t’aimais pas moins » (v. 23), et également la gradation décroissante « Je m’abhorre encor plus que tu ne me détestes » (v. 13). L’amour et la haine sont ainsi présentés comme les deux facettes d’une même passion.

Associées à la mort, ces passions semblent même suggérer l’enfer, ce dont témoigne l’hyperbole « j’ai langui (…) dans les feux » (v. 25).

De plus, l’amour est associé à la folie, « fol amour » (v. 10), à la maladie, « poison » (v. 11), et au crime, « Ne pense pas qu’au moment que je t’aime, / Innocente à mes eux, je m’approuve moi-même » (v. 8-9).

Conformément à son étymologie latine, « passio » signifiant souffrance, la passion amoureuse est ainsi présentée par Racine comme un mal.

B – … Pour inspirer terreur et pitié

D’après Aristote, la tragédie classique doit inspirer terreur et pitié afin que la catharsis puisse s’opérer, libérant les spectateurs de leurs passions.

La passion incestueuse et dévastatrice de Phèdre vise à inspirer la terreur : elle la reconnaît comme étant inhumaine et immorale (« Délivre l’univers d’un monstre qui t’irrite. / La veuve de Thésée ose aimer Hippolyte ! Crois-moi ce monstre affreux ne doit pas t’échapper » (v. 36-39). Il s’agit d’un amour violent et meurtrier comme en témoigne l’oxymore « Odieux amour » (v. 34), « odieux » venant du latin odium, la haine.

Mais son impuissance à la combattre, malgré ses « inutiles soins » (v. 22), et sa détermination allant jusqu’à réclamer la mort avec violence, suscite en même temps la pitié.

Ainsi, c’est avec Phèdre que la catharsis peut s’opérer, son aveu annonçant la fin inéluctable de la pièce : la mort pour Phèdre, et la catharsis pour le spectateur.

Phèdre, Acte II scène 5 – Conclusion :

Cette scène 5 de l’acte II est une scène charnière : par son aveu, Phèdre déclenche un mécanisme tragique qui l’entraînera inéluctablement vers la mort.

Suscitant terreur et pitié, elle annonce aussi la catharsis à venir avec le dénouement.

Les influences du jansénisme et du classicisme sont très claires : la passion, coupable et irrésistible, suscite terreur et pitié et ne peut mener qu’à la souffrance et à la mort sans qu’aucune échappatoire ne soit possible.

Tu étudies Phèdre de Racine ? regarde aussi :

Phèdre : résumé
Phèdre, acte 1 scène 3 : commentaire
Phèdre, acte 5 scène 6 : commentaire
Phèdre, acte 5 scène 7 : commentaire
Andromaque, acte 1 scène 4 (analyse linéaire)

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