Tartuffe, Molière, acte 4 scène 5 : analyse littéraire

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acte 4 scene 5 tartuffeVoici un commentaire de l’acte 4 scène 5 de Tartuffe de Molière.

Il s’agit de l’extrait allant de « Mais comment consentir à ce que vous voulez » jusqu’à la fin de la scène.

Tartuffe, Acte 4 scène 5, introduction :

Ecrit en 1664, le Tartuffe de Molière est une pièce très controversée qui, sous la pression des dévots, est interdite par le roi.

Elle est finalement autorisée en 1669 après avoir subi plusieurs remaniements.

La pièce raconte l’irruption de Tartuffe, un dévot hypocrite et manipulateur, dans la famille d’Orgon et d’Elmire, dont il va bouleverser le quotidien. (Voir la fiche de lecture complète de Tartuffe de Molière)

Dans la scène 5 de l’acte IV, Elmire, qui a percé à jour la malhonnêteté de Tartuffe, entreprend de lui tendre un piège pour prouver à son mari Orgon qu’il s’agit en fait d’un imposteur, et empêcher le mariage entre Tartuffe et leur fille Marianne.

Questions possibles à l’oral de français sur l’acte IV scène 5 de Tartuffe :

♦ Comment Tartuffe s’y prend-il pour convaincre Elmire ?
♦ De quoi Molière fait-il la critique dans cette scène ?
♦ Qu’est-ce qui fait le comique de cette scène ?
♦ Comment Elmire essaie-t-elle de prouver à son mari que Tartuffe est un faux dévot ?
♦ Quels sont les effets de la double énonciation dans cet extrait ?

Annonce du plan :

Dans cette scène 5 de l’acte IV, Tartuffe et Elmire mettent chacun en place une stratégie pour arriver à leur fin (I). Cette joute argumentative permet à Molière de faire la critique des faux dévots (II).

I – Des personnages aux stratégies opposées

Dans la scène 5 de l’acte 4, les deux personnages qui s’affrontent – Tartuffe et Elmire – suivent chacun une stratégie précise. Tartuffe veut convaincre Elmire de s’abandonner à lui (A) tandis qu’Elmire feint d’être séduite (B) pour forcer Orgon, caché sous la table, à sortir de sa cachette (C).

A – La stratégie méthodique de Tartuffe

Dans cette scène 5 de l’acte 4, Tartuffe a recours à une argumentation rigoureuse pour convaincre Elmire de s’abandonner à lui.

En effet, il n’essaie pas de persuader la jeune femme en la séduisant, mais bien de la convaincre, par un raisonnement logique et en levant une à une toutes ses objections.

Son propos est construit comme une démonstration logique :

♦ Il débute sa démonstration par une introduction: « Je puis vous dissiper ces craintes ridicules, / Madame et je sais l’art de lever les scrupules ».

♦ Il articule son discours au moyen d’un lexique argumentatif, pour le construire sur le modèle dialectique thèse, antithèse, synthèse : « de vrai» ; « Mais » ; « Enfin ».

♦ Il emploie le présent de vérité générale pour donner du crédit à sa démonstration : « Ce n’est pas pécher que pécher en silence ».

♦ En outre, il se réclame de la science: « Selon divers besoin, il est une science / D’étendre les liens de notre conscience, / Et de rectifier le mal de l’action, avec la pureté de notre intention ».

Il a réponse à tout, et répond méthodiquement à l’objection d’Elmire qui consiste à dire que la religion s’oppose à l’adultère :

♦ Il tourne en dérision les propos d’Elmire : « ces craintes ridicules ».

♦ Il minimise cette objection en la nuançant : « Si ce n’est que le Ciel qu’à mes vœux on oppose» ; « Le Ciel défend, de vrai, certains contentements ».

♦ Il affirme qu’une mauvaise action n’est pas un péché si elle est motivée par une bonne intention: « rectifier le mal de l’action / Avec la pureté de notre intention ».

♦ Il prend la responsabilité de l’adultère sur lui : « Je vous réponds de tout et prends le mal sur moi».

♦ Enfin, il affirme qu’un péché n’est tel que du fait du jugement des autres: « Ce n’est pas pécher que pécher en silence ».

B – La stratégie dangereuse d’Elmire

Pour prouver que Tartuffe est un faux dévot, Elmire s’improvise fausse séductrice et se voit vite dépassée par la situation.

Si dans la première partie de la scène 5, la stratégie d’Elmire, reposant sur la séduction, est plutôt offensive, la jeune femme apparaît dans la seconde moitié de la scène mise en difficulté par l’absence de réaction de son mari, et bascule dans une stratégie défensive.

Elle essaie de gagner du temps pour freiner les ardeurs de Tartuffe.

Son discours apparaît beaucoup plus chaotique que celui de Tartuffe :

♦ Elle a recours à une digression lorsqu’elle tousse et invoque un « rhume obstiné ».

♦ Elle fait un discours alambiqué, les répétitions témoignant de sa maladresse et de sa volonté de retarder le moment de céder : « il faut se résoudre » ; « il faut que je consente » ; « il faut bien s’y résoudre ».

♦ Son ultime stratégie consiste à éloigner le faux-dévot en l’enjoignant de vérifier que son mari n’est pas derrière la porte, ce qu’elle fait avec politesse, d’abord, puis avec une fermeté qui trahit son inquiétude (voir l’impératif, « Il n’importe : sortez », qui montre l’urgence de sa situation).

C – L’objectif d’Elmire : persuader Orgon de sortir de sa cachette

Au début de l’extrait, Elmire souligne le décalage entre les paroles de Tartuffe et ses intentions véritables en associant à la rime les termes « vous voulez » et « vous parlez » :
« Mais comment consentir à ce que vous voulez,
Sans offenser le Ciel, dont toujours vous parlez ? »

Or, si l’enjeu premier d’Elmire était de convaincre Orgon de l’hypocrisie de Tartuffe, elle est mise en difficulté par son mari qui reste caché sous la table.

Aussi, son enjeu se transforme au fil de l’extrait : elle doit faire sortir son mari de sa cachette pour être sauvée des griffes de Tartuffe.

Faisant mine d’être sur le point de répondre aux avances du faux dévot, elle adresse en réalité des appels à l’aide à Orgon.

Cela donne lieu à une double énonciation (son discours est double : il s’adresse à Tartuffe mais aussi à Orgon) :

♦ Tousser relève d’une stratégie pour alerter son mari.

♦ Alors que Tartuffe pense qu’elle parle d’un rhume, Elmire tente de faire appel aux sentiments de son mari en évoquant sa détresse: « Je suis au supplice ».

♦ Prétendant être sur le point de s’abandonner à Tartuffe, elle accuse en fait Orgon de la contraindre à céder à Tartuffe, à travers le pronom « on» associé à la conjonction de subordination : « puisque l’on s’obstine » ; « puisqu’on ne veut point croire à tout ce qu’on peut dire, / Et qu’on veut des témoins qui soient plus convaincants ».

L’enjeu se déplace : il ne s’agit plus pour Elmire de convaincre son mari de la fausseté de Tartuffe, mais de le persuader de sortir de sa cachette pour mettre fin à son supplice.

II – Le comique au service d’une critique des mœurs de l’époque

A – Dénoncer par le rire

La scène 5 de l’acte 4 est une scène de comédie qui vise à faire rire le public.

Elle repose tout d’abord sur un comique de situation avec Orgon, le mari caché sous la table, qui, malgré les avances de Tartuffe à Elmire, ne sort pas de sa cachette.

Le comique de situation est renforcé par le comique de mœurs : Molière place Orgon dans une situation qui n’est pas en adéquation avec son rang social.

Le comique de la scène repose aussi sur la double énonciation, par laquelle Elmire feint de parler à Tartuffe alors qu’elle s’adresse en fait à son mari.

Les malentendus que cette double énonciation suscite sont source de plaisir pour le public qui savoure l’incompréhension de Tartuffe.

C’est le cas notamment lorsqu’Elmire tousse en évoquant un rhume, et que Tartuffe lui propose un jus de réglisse.

De même, lorsque Tartuffe, pensant que c’est à lui que s’adresse Elmire, reprend le pronom « on » à son compte, alors que ce pronom désigne Orgon :
Elmire : « Mais puisque l’on s’obstine à m’y vouloir réduire,
Puisqu’on ne veut point croire à tout ce qu’on peut dire
,
Et qu’on veut des témoins qui soient plus convaincants. »
Tartuffe : « Oui, Madame, on s’en charge. »

Molière use par ailleurs du comique de répétition avec le jeu scénique d’Elmire qui feint de tousser pour alerter Orgon.

Enfin, le comique repose sur l’ironie de la situation. Lorsque Tartuffe dit d’Orgon qu’il est « un homme à mener par le bout du nez », il n’imagine pas être lui-même piégé de la sorte par Elmire, ce qui est jubilatoire pour le public.

Cette scène pourrait donc s’apparenter à une scène classique de comédie, où le mari caché surprend sa femme adultère.

Mais Molière s’éloigne du schéma farcesque traditionnel en donnant de la profondeur psychologique au personnage d’Elmire.

B – Elmire : un personnage touchant

Si cette scène prête à rire, la détresse d’Elmire est réelle et suscite la sympathie du spectateur pour ce personnage.

Ce piège est en effet motivé par un enjeu très sérieux : sauver Marianne en empêchant son mariage avec Tartuffe.

Pour cela, Elmire est prête à sacrifier sa vertu.

S’il s’agissait d’abord de piéger Tartuffe en le séduisant pour qu’il lui fasse des avances et qu’Orgon en soit témoin, elle est rapidement prise à son propre piège.

Dans cet extrait, on assiste en effet au basculement par lequel elle se voit dépassée du fait de l’absence de réaction de son mari.

En témoigne la répétition de la conjonction de coordination « mais » au début de ses deux premières répliques, qui montrent qu’elle est soudain sur la défensive : « Mais comment consentir à ce que vous voulez » ; « Mais des arrêts du ciel on nous fait tant de peur ! ».

Sa panique ne cesse de s’intensifier jusqu’à la fin de la scène, alors qu’elle multiplie les stratégies pour rester éloignée de Tartuffe : objecter que le ciel désapprouve l’adultère, tousser, faire un discours alambiqué en prétendant être sur le point de s’abandonner à lui.

Lui demander de sortir pour vérifier que son mari n’est pas dans les parages apparaît comme une ultime tentative désespérée pour retarder le moment de s’abandonner à lui.

Sa longue tirade, dans laquelle elle dit être sur le point de se sacrifier, son mari ne lui laissant pas d’autre alternative, est marquée par le registre pathétique.

En témoigne le champ lexical de la souffrance qui rappelle la tragédie classique : « offense » ; « violence » ; « faute ».

Elle insiste par ailleurs sur son impuissance : elle est en proie non pas aux dieux (comme les personnages de tragédie), mais aux hommes : « il faut se résoudre à céder » ; « il faut que je consente » ; « c’est bien malgré moi que je franchis cela » ; « il faut bien s’y résoudre ».

L’épaisseur psychologique du personnage d’Elmire la rend touchante pour le spectateur et amène ce dernier  à s’interroger sur la condition des femmes.

C – Corriger les hommes en les divertissant

Molière écrit au roi au sujet de Tartuffe qu’il veut « corriger les hommes en les divertissant ».

Ainsi, sous couvert de divertissement, Molière critique :

♦ Les faux dévots, dont il dénonce l’hypocrisie. Ainsi, Tartuffe utilise la religion pour assouvir ses pulsions charnelles avec Elmire.

♦ La casuistique qui, dans la religion chrétienne, est une étude de cas de conscience, c’est à dire une réflexion sur la façon dont un individu doit agir dans à une situation particulière. Molière porte ici un coup à la pratique de la casuistique, très répandue au XVIIème siècle, en la présentant comme un détournement des valeurs morales, un moyen de rendre l’exercice de la religion plus facile :
« Mais on trouve avec lui [avec le Ciel] des accommodements » dit Tartuffe.

♦ La naïveté de ceux qui donnent du pouvoir aux faux-dévots en se laissant aveugler par leurs discours, sans faire appel à leur sens critique. Ainsi Orgon, dans cette scène, va jusqu’à abandonner sa femme aux griffes de Tartuffe.

Enfin, Molière porte un regard sévère sur le pouvoir dont usent les hommes sur les femmes.

La sympathie du public va en effet à Elmire, parce qu’il assiste à sa solitude, à son impuissance dans ce combat dévoué pour sauver sa fille. Il salue ainsi sa force et son courage, discréditant en même temps les mariages arrangés.

Tartuffe, Acte IV scène 5, conclusion :

Dans cette scène, Molière fait la démonstration du pouvoir de la comédie.

Elle apparaît à la fois drôle et touchante pour le public, qui ainsi diverti, est poussé à réfléchir à ses mœurs et à les remettre en question.

Cet extrait montre aussi comme la censure pousse les auteurs à atteindre une certaine virtuosité dans l’écriture, en sorte de pouvoir critiquer les mœurs de leur époque, sous une apparente légèreté plaisante pour le public.

Tu étudies Tartuffe ? Regarde aussi :

Tartuffe, acte 1 scène 1 (commentaire)
Tartuffe, acte 3 scène 3 (commentaire)
Tartuffe : résumé

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Amélie Vioux

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