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Voici une fiche de lecture de la comédie Le tartuffe ou l’Imposteur de Molière.
Tartuffe est l’une des comédies les plus célèbres de Molière. En raison de son ambitieuse critique de la religion, cette pièce subit plusieurs censures et donna lieu à une célèbre querelle.
En effet, cette comédie en cinq actes met en scène l’hypocrisie religieuse de Tartuffe, un faux dévot qui s’insinue dans la maison d’un riche bourgeois pour séduire sa femme et s’approprier ses biens.
Entre 1630 et 1666, la compagnie du Saint-Sacrement de l’Autel est une société secrète religieuse qui défend l’ordre moral et exerce une pression politique et religieuse très forte sur la société et sur le roi.
Or Tartuffe, qui s’introduit dans une riche famille bourgeoise pour en devenir le directeur de conscience s’apparente à un membre de la compagnie du Saint Sacrement de l’autel.
Sans surprise, ces derniers critiquèrent férocement cette intrigue jugée trop provocante. Ils voyaient en Molière un impie corrompant les mœurs.
Leurs vives attaques s’inscrivent dans la traditionnelle dénonciation du théâtre par l’Église, qui lui reproche de détourner les âmes par des divertissements mondains.
Il faut savoir que Le Parlement de Paris avait d’ailleurs interdit la représentation des mystères religieux* (*drames religieux joués depuis le Moyen-âge) en 1548. Il était donc très audacieux pour Molière d’aborder les questions religieuses sur scène au 17ème siècle.
Mais la pièce Le Tartuffe fut également célébrée par les cercles mondains et libéraux qui voyaient dans cette comédie une éclatante dénonciation de l’hypocrisie religieuse, voire de la religion en elle-même.
Scènes de Tartuffe analysées sur ce site :
♦ Tartuffe, acte 1 scène 1
♦ Tartuffe, acte 3 scène 3
♦ Tartuffe, acte 4 scène 5
Qui est Molière ?
Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière (1622-1673) est l’un des dramaturges les plus connus du théâtre français.
Après avoir grandi à Paris, il mena de longues tournées théâtrales (1645-1658), en jouant tant des tragédies que des comédies au sein de la troupe qu’il dirige : l’Illustre Théâtre.
Ses succès lui valent d’être appelé à Paris en 1658 par Philippe d’Orléans, frère du Roi Louis XIV. Le Roi ne tardera pas à le soutenir à son tour.
S’ouvre alors pour Molière une période de gloire. Le dramaturge sut plaire à la haute société en empruntant à la farce populaire ses procédés comiques, tout en les adaptant à la bienséance de la comédie de mœurs.
Molière élève ainsi la comédie en la mettant au service d’une dénonciation des passions excessives, et d’une satire sociale audacieuse.
Ses pièces les plus célèbres sont L’École des femmes (1662), Le Tartuffe (1664), Dom Juan (1665), Le Misanthrope (1666), Le Bourgeois gentilhomme (1670) et Le Malade imaginaire (1673).
Le Tartuffe : une pièce controversée
Il est important de dire quelques mots sur la réception houleuse de cette œuvre.
En effet, il aura fallu à Molière écrire trois versions de Tartuffe et attendre cinq années pour que cette pièce soit enfin jouée en 1669.
Molière écrit en effet la première version de Tartuffe en 1664. Il s’agit alors d’une comédie en trois actes intitulée Le Tartuffe ou L’Hypocrite. Cette pièce déchaîne les critiques du parti dévot qui fait tant pression sur le roi que ce dernier fait interdire la pièce.
Mais Molière ne renonce pas à sa pièce. Il en compose en deuxième version, interdite en 1667 et une troisième version intitulée Le Tartuffe ou L’imposteur autorisée à la représentation publique par le roi en 1669.
C’est cette troisième version, en cinq actes, que nous connaissons et étudions aujourd’hui.
Comment résumer Le Tartuffe ou l’Imposteur ?
Le Tartuffe – Acte 1
Scène 1
La scène d’exposition s’ouvre in medias res* (*en pleine action), avec Madame Pernelle qui quitte la maison de son fils Orgon.
Cette femme autoritaire et dévote fait le blâme de sa famille, dont elle dénonce les mondanités impies. Elle leur oppose Tartuffe, dont elle loue la piété.
Mais les autres personnages accusent Tartuffe d’être un hypocrite opportuniste.
Scène 2
Cléante, le beau-frère d’Orgon, s’agace de l’admiration de Madame Pernelle pour Tartuffe.
Mais Dorine, la suivante, lui répond que cette admiration est sans mesure chez Orgon, le maître de maison qui traite le faux-dévot excessivement bien, ce dont Tartuffe profite largement.
Scène 3
Elmire, la femme d’orgon annonce l’arrivée de son mari.
Damis, le fils d’Orgon, demande à Cléante d’inviter Orgon à accepter le mariage de Mariane (fille d’Orgon et soeur de Damis) et de Valère. En effet, Tartuffe s’oppose à ce mariage.
Scène 4
Orgon, qui revient de la campagne, s’instruit auprès de Dorine de l’état de sa maison.
Son indifférence pour les maladies d’Elmire contraste comiquement avec ses inquiétudes pour Tartuffe, qui mange abondamment, ce dont Orgon se réjouit.
Scène 5
Cléante raisonne Orgon afin qu’il prenne conscience de l’hypocrisie et de l’opportunisme de Tartuffe, qui profite de lui.
Mais Orgon vante la générosité et la piété de son directeur de conscience.
Cléante s’insurge contre cette piété trop ostentatoire pour être véritable. Il dénonce l’instrumentalisation de la religion par « ces francs charlatans
» qui en tirent profit, et fait l’éloge des âmes humbles et pieuses.
Cléante demande à Orgon d’accepter le mariage de Mariane et de Damis. Mais Orgon ne répond pas.
La Tartuffe – Acte II
Scène 1
Orgon veut imposer à Mariane d’épouser Tartuffe. Mariane refuse, et Orgon s’insurge autoritairement.
Scène 2
Dorine, la suivante de Marianne, souhaite faire abandonner à Orgon ce projet de mariage, qu’elle considère absurde. Elle lui explique que Tartuffe est pauvre et laid, tandis que Mariane, vertueuse mais insatisfaite, le tromperait sûrement.
Orgon défend cependant Tartuffe, rejette Valère qu’il accuse de libertinage, et veut battre la suivante Dorine qui s’oppose à sa décision, quand bien même elle affirme défendre ses intérêts.
Scène 3
Dorine reproche à Mariane d’être trop soumise à Orgon. Elle l’invite à rappeler à son père qu’elle se marie pour elle-même, et que son amour pour Valère est réciproque.
Avec ironie, Dorine, qu’agacent les hésitations de Mariane, feint de l’abandonner à ce mariage non désiré.
Scène 4
Valère surgit, et demande à Mariane si elle acceptera de se marier avec Tartuffe.
Par orgueil, les amants se prétendent favorables à cette union. Valère reproche à Marianne de ne pas tenir sa promesse de mariage, mais Dorine le rattrape au moment où il prétend partir. La suivante ironise sur l’amour : « les amants sont bien fous !
»
Dorine organise alors le stratagème familial contre Tartuffe. Mariane doit repousser le mariage.
Le Tartuffe – Acte III
Scène 1
Damis veut s’en prendre physiquement à Tartuffe à cause de son projet de mariage.
Mais Dorine condamne vivement sa violence, qu’elle juge moins efficace qu’un stratagème collectif.
Scène 2
Tartuffe paraît pour la première fois.
Il parle pieusement, puis reproche à Dorine l’indécence de sa tenue.
La suivante lui reproche d’être justement excessivement attentif « à la tentation ». Elle remarque avec malice combien Tartuffe se calme lorsqu’elle lui apprend qu’Elmire, la femme d’Orgon, veut s’entretenir avec lui.
Scène 3
Tartuffe manifeste une attirance charnelle qui brusque Elmire.
En une tirade qui confond le sacré et le sacrilège, Tartuffe lui révèle même son amour pour elle : « L’amour qui nous attache aux beautés éternelles / N’étouffe pas en nous l’amour des temporelles
».
Elmire le menace alors d’apprendre cette « galante ardeur
» à son époux, qu’elle gardera secrète à condition que Tartuffe renonce au mariage avec Mariane.
C’est alors que Damis surgit du cabinet où il s’était caché.
Scène 4
Contrairement à la discrète Elmire, Damis veut faire connaître le projet de Tartuffe pour « prendre la vengeance / De son hypocrisie et de son insolence
». Il annonce qu’il va faire ses révélations à Orgon, qui paraît.
Scène 5
Damis révèle en effet à Orgon la « coupable flamme » de Tartuffe pour Elmire. La mère reproche à son fils de troubler la famille par ses révélations scandaleuses. Elle part.
Scène 6
Tartuffe reconnaît ces accusations en se désignant comme « Le plus grand scélérat qui jamais ait été.
»
Cependant, ses aveux sont si hyperboliques et violents, qu’ils suscitent paradoxalement la pitié d’Orgon.
Le père s’emporte en revanche violemment contre son fils, qu’il accuse de jalousie à l’encontre de Tartuffe.
Orgon décide alors de marier Tartuffe et Mariane le jour même, afin d’affirmer sa domination sur sa famille. Il déshérite également son fils Damis.
Scène 7
Tartuffe affirme qu’il souhaite quitter la maison d’Orgon, où trop de « fâcheux débats » l’accusent.
Orgon lui demande au contraire de rester, et même de fréquenter sa femme, tant il prend de plaisir à contredire sa famille. Il lui lègue également tous ses biens.
Le Tartuffe – Acte IV
Scène 1
Cléante cherche à raisonner Tartuffe. Il l’invite à pardonner Damis, à refuser un mariage source de discorde, et à rendre ses bien à Orgon.
Tartuffe lui oppose « les intérêts du ciel
», et sa volonté de consacrer les biens d’Orgon à de pieux usages.
Cléante l’invite à prouver son honnêteté et son humilité chrétienne en restituant à Damis son héritage et en quittant la maison d’Orgon, mais Tartuffe fuit la conversation.
Scène 2
Paraissent Elmire, Mariane et Dorine.
La suivante exhorte Cléante de les aider à faire annuler le projet de mariage qui plonge Mariane dans « une douleur mortelle ». Elle l’invite à raisonner Orgon, qui entre.
Scène 3
Malgré les supplications de Mariane, et les exhortations de tous, Orgon maintient le mariage. Il fustige son fils, dont Elmire reconnaît qu’il eut tort de confondre la défense de son honneur et la violence.
Elmire convainc cependant Orgon de se soumettre à un stratagème par lequel elle lui fera voir l’hypocrisie de Tartuffe.
Scène 4
Elmire demande à Orgon de se cacher et de ne pas paraître, malgré les propos qu’elle tiendra afin de démasquer Tartuffe. Orgon accepte.
Scène 5
Elmire séduit Tartuffe, jusqu’à le pousser à révéler son hypocrisie religieuse, son goût pour les plaisirs charnels, et son mépris pour Orgon : « C’est un homme, entre nous, à mener par le nez.
»
Elmire feint d’être surprise par son insistance, puis lui demande de vérifier à la porte s’il n’y a personne.
Scène 6
Orgon sort de sa cachette, s’insurge contre l’hypocrisie et l’impiété de Tartuffe.
Mais Elmire lui demande de se cacher à nouveau, afin qu’elle lui donne des preuves plus éclatantes de la bassesse de Tartuffe.
Scène 7
Orgon s’emporte contre l’hypocrisie de Tartuffe, à qui il ordonne de quitter sa maison.
Tartuffe lui répond cependant qu’il est désormais le possesseur de la maison, et en droit de les chasser, afin de « Venger le ciel qu’on blesse
».
Scène 8
Elmire ne comprend pas les menaces de Tartuffe.
Orgon lui avoue qu’il a légué ses biens à Tartuffe. Orgon part ensuite vérifier si sa cassette est toujours à sa place.
Le Tartuffe – Acte V
Scène 1
Orgon explique à Cléante que la cassette disparue contient des documents capitaux que Tartuffe lui proposa de cacher à sa place.
Orgon prend conscience des stratagèmes du faux dévot, et promet d’être désormais odieux à tous les « gens de bien ».
Mais Cléante l’invite à davantage de mesure, en étant plus méfiant sans pour autant devenir cruel.
Scène 2
Damis paraît, et témoigne à Orgon une affection réciproque. Afin de défendre son père, Damis promet de s’en prendre physiquement à Tartuffe.
Cependant Cléante le raisonne, en lui rappelant que seul le pouvoir royal est en droit d’exercer la violence.
Scène 3
Madame Pernelle paraît, et interroge son fils quant aux « terribles mystères » qui agitent sa maison.
Orgon lui révèle comment Tartuffe s’est approprié ses biens en instrumentalisant la religion.
Cependant Madame Pernelle ne le croit pas, tant elle est aveuglée par la confiance absolue qu’elle accorde aux dévots tels Tartuffe. Sa foi lui fait nier la réalité, et provoque la colère d’Orgon.
Scène 4
Entre Monsieur Loyal, ancien domestique de la maison devenu huissier. Tartuffe l’a envoyé pour exproprier Orgon et sa famille. Monsieur Loyal exprime son ordre d’expulsion avec une bienveillance exagérée.
Son hypocrisie suscite chez la famille une violence que Cléante parvient à réfréner.
Scène 5
Madame Pernelle croit enfin Orgon, que Dorine agace par son ironie.
Elmire veut faire connaître à tous la déloyauté de Tartuffe afin de déjouer son stratagème.
Scène 6
Valère surgit, et apprend que Tartuffe fit montrer la cassette d’Orgon aux autorités royales, et que son contenu criminel rend Orgon lui-même criminel. Valère propose alors à Orgon de fuir dans son carrosse.
Orgon accepte, en promettant à Valère qu’il saura un jour lui témoigner sa vive gratitude.
Scène 7
L’arrivée de Tartuffe empêche la fuite d’Orgon. Le dévot justifie son comportement en se présentant en défenseur zélé du Roi.
Mais lorsque Tartuffe demande à l’officier de justice d’arrêter Orgon, c’est lui-même qui se fait arrêter.
L’officier de justice apprend alors à Orgon que Tartuffe vient d’être reconnu comme étant « un fourbe renommé
». Il fait l’éloge d’« Un prince dont les yeux se font jour dans les cœurs
», à même de démasquer les hypocrites comme Tartuffe, et de rétribuer les méritants comme Orgon.
Cléante réfrène alors l’emportement d’Orgon qui se réjouit du malheur de Tartuffe. Cléante considère en effet l’épreuve que Tartuffe subit comme l’occasion de retourner à la vertu.
Orgon se calme en effet, et annonce joyeusement le mariage de Valère et de Mariane.
Tu peux lire ici un autre résumé détaillé de Tartuffe.
Quels sont les thèmes importants dans Tartuffe de Molière ?
La dénonciation de l’hypocrisie religieuse
À travers le personnage de Tartuffe, Molière dénonce l’hypocrisie, c’est à dire l’écart qui existe entre les propos et les actes.
On peut noter d’ailleurs qu’en 1664, la première version de la pièce s’intitulait Le Tartuffe ou l’Hypocrite.
Bien évidemment, c’est l’hypocrisie religieuse qui est pointée du doigt dans cette comédie.
Tartuffe incarne les faux dévots, c’est à dire ceux qui se cachent derrière un « excès de zèle
» (III, 3) pour œuvrer à leurs intérêts personnels, au détriment des autres.
À l’époque d’écriture, il était fréquent pour les membres de la Compagnie du Saint Sacrement de l’Autel de s’immiscer dans les riches familles pour imposer leur morale austère.
Or Molière dénonce ces directeurs de conscience. Ainsi, Tartuffe est un personnage qui prêche la morale austère mais tente de séduire Elmire, la femme d’Orgon.
Son discours confond le sacré et le profane comme à l’acte III scène 3 où il tente de faire céder Elmire. À travers cette scène, Molière parodie la rhétorique religieuse qui cherche à impressionner pour justifier toutes les malhonnêtetés.
La religion
Le Tartuffe de Molière dénonce l’hypocrisie religieuse, les faux dévots, c’est à dire ceux qui détournent la religion pour servir leurs intérêts personnels.
Néanmoins, il est difficile de ne pas voir dans cette pièce une critique de la religion également.
Au XVIIème siècle, le roi Louis XIV est un monarque absolu de droit divin qui souhaite préserver l’unité religieuse du royaume, surtout après les guerres de Religion du XVIème siècle.
Or plusieurs courants catholiques rigoristes fissurent cette unité. Molière dénonce certains de ces courants.
Ainsi, lorsque Tartuffe se réfugie derrière la pureté de ses intentions (aimer à travers Elmire « une parfaite créature de Dieu
« ) pour justifier ses actes (séduire Elmire), on peut y voir une critique de la casuistique des Jésuites, un ordre religieux très influent au 17ème siècle.
Dans la religion chrétienne, la casuistique est une étude de cas de conscience, c’est à dire une réflexion sur la façon dont un individu doit agir dans à une situation particulière.
Sous l’influence des Jésuites, cet exercice courant au 17ème siècle permettait souvent d’innocenter un coupable. Molière dénonce ce procédé trop conciliant qui rend l’exercice de la religion accommodant : « Mais on trouve avec lui [avec le Ciel] des accommodements »
dit Tartuffe.
Enfin, à travers Tartuffe, Molière dénonce également les dévots de la Compagnie du Saint Sacrement de l’autel, très influents entre 1630 et 1666, et qui s’introduisaient dans les riches familles bourgeoises pour imposer leur morale austère.
La crédulité
À travers la figure d’Orgon, la pièce dénonce également l’excès de passions, toujours mal perçu dans un XVIIème siècle cartésien qui prône la mesure et la maîtrise.
Orgon est en effet un personnage trop crédule. Sa passion est de trop croire les apparences et de chercher la contradiction plutôt que la vérité : « Faire enrager le monde est ma plus grande joie
» dit-il à l’acte III scène 7.
Madame Pernelle, la mère d’Orgon, est le pendant féminin de cet aveuglément obstiné. Autoritaire, dévote, acariâtre, c’est un personnage satirique qui s’oppose au bonheur de ses enfants. Dans l’acte V scène 3, elle continue à défendre Tartuffe alors même que celui-ci est démasqué.
L’éloge de sincérité
Si la pièce condamne l’hypocrisie, c’est pour mieux faire l’éloge de la sincérité et de la vérité.
C’est Cléante, le beau-frère d’Argan, qui incarne l’honnête homme guidé par la recherche de la mesure et de la vérité.
Cléante est également le porte-parole de Molière dans cette pièce.
Ce personnage raisonneur distingue le « vrai dévot » de l’hypocrite : « Hé quoi ! vous ne ferez nulle distinction / Entre l’hypocrisie et la dévotion ?
» (I, 5). Cela montre que la pièce ne condamne pas la religion en tant que telle. À travers ce porte-parole calme et modéré, Molière prône un christianisme sincère et bienveillant.
L’éloge du libertinage
On relève un subtil éloge du libertinage dans cette pièce, qui peut faire écho à la pièce Dom Juan censurée en 1665.
En effet, en prônant la sincérité, la famille d’Orgon invite ce dernier à reconnaître que la sensualité est un penchant naturel qui ne devrait pas être coupable. Molière justifie ainsi l’innocence d’une mondanité sans excès.
Tartuffe lui-même exprime son attirance naturelle pour les plaisirs sensuels : « Mon sein n’enferme pas un cœur qui soit de pierre.
» (III, 3)
Le stratagème
Le plus grand stratège de cette pièce est Tartuffe qui élabore un plan diabolique pour s’approprier les biens d’Orgon.
Mais la famille de Tartuffe va devoir elle aussi recourir à un stratagème collectif pour contrecarrer le projet de Tartuffe.
Pour démasquer le faux dévot, Elmire feint ainsi d’être libertine, démasquant le libertin qui se cache derrière le faux dévot.
Ces stratagèmes donnent lieu à de savoureuses scènes de comédie dans la comédie.
La défense du théâtre
Ces stratagèmes réciproques montrent qu’à travers cette pièce, Molière défend le théâtre, notamment contre les dévots qui accuse le théâtre d’impiété.
L’Église reproche traditionnellement au théâtre de détourner les âmes par des divertissements mondains.
Le Parlement de Paris avait d’ailleurs interdit la représentation des mystères religieux* (*drames religieux joués depuis le Moyen-âge) en 1548.
Or Molière veut montrer que le théâtre est un moyen de révéler des vérités, comme l’hypocrisie religieuse.
Par le détour du masque et du jeu, le théâtre démasque le mensonge et fait éclater la vérité.
Loin de corrompre les âmes, le théâtre permet de « Démêle[r] la vertu d’avec ses apparences
» (acte V, scène 1).
Quelles sont les caractéristiques de l’écriture de Molière dans Tartuffe ?
Une comédie traditionnelle
Le Tartuffe de Molière est une grande comédie traditionnelle dont l’intrigue repose sur un mariage forcé que les amants contrariés souhaitent éviter.
On retrouve dans cette pièce des procédés comiques liés à la farce populaire, comme la bastonnade dans l’acte II scène 2, et des procédés comiques liés à la comédie de mœurs comme les scènes de séduction à l’acte III scène 3 et à l’acte IV scène 5.
En comparaison avec les autres comédies de Molière, le pièce Le Tartuffe se distingue néanmoins par la réduction des procédés comiques.
Élever la comédie
Molière souhaitait en effet élever ses comédies, genre populaire, au rang de la tragédie, genre noble.
Le dramaturge parvint ainsi à doter sa comédie d’éléments nobles propres à la tragédie :
♦ Composition en cinq actes
♦ Versification en alexandrins rimés (Molière va jusqu’à pasticher Corneille à l’acte III scène 3 : « Ah ! pour être dévot, je n’en suis pas moins homme
»)
♦ Situation de péril aux deux derniers actes où la cassette compromettante entraîne Orgon dans un mécanisme tragique
♦ Mise en scène de Tartuffe, un personnage qui semble plus diabolique que comique
Cette comédie de Molière est donc profonde et audacieuse. La gravité du sujet et la virulence du Tartuffe en font l’une des grandes comédies de Molière.
La parodie du discours religieux
Les répliques de Tartuffe constituent une parodie de discours religieux, notamment lorsqu’il tente de séduire Elmire.
L’instrumentalisation du vocabulaire chrétien à des fins pécheresses suscitèrent de nombreuses critiques des contemporains de Molière.
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