Tartuffe, acte I scène 1 : analyse

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tartuffe scène d'expositionVoici un commentaire de l’acte 1 scène 1 de Tartuffe de Molière.

L’extrait va du début de l’acte I scène 1 jusqu’à la réplique de Dorine « Tout son fait, croyez-moi, n’est rien qu’hypocrisie. » Clique ici pour lire le texte de l’acte 1 scène 1 étudié ici.

Tartuffe, acte 1 scène 1, introduction

Le Tartuffe, ou l’Imposteur est une pièce en cinq actes de Molière qui a été représentée pour la première fois en 1664.

Dans cette œuvre, Molière s’attaque aux directeurs de conscience qui sont des faux-dévots et utilisent la religion pour manipuler les autres.

La Compagnie du Saint-Sacrement de l’Autel, groupe de dévots qui, à l’époque, juge sévèrement la vie à la cour de Louis XIV, estime que c’est à la religion que Molière s’attaque et parvient à faire censurer la pièce, qui ne sera jouée qu’en privé.

En 1665, Molière retravaille la pièce. Le Tartuffe n’est plus un objecteur de conscience mais un laïc, certains passages sont atténués et la pièce peut enfin être jouée en public. Cependant, l’archevêque de Paris menace d’excommunication tous ceux qui liraient ou entendraient la pièce.

C’est finalement le 5 février 1669 que cesse « l’Affaire Tartuffe » et que la pièce pourra être jouée en public. (Voir la fiche de lecture complète sur Le Tartuffe de Molière)

Questions possible sur l’acte I scène 1 de Tartuffe :

♦ Qu’est-ce qui fait le comique de la scène 1 de l’acte I de Tartuffe ?
♦ Dans quelle mesure cette scène d’exposition est-elle originale ?
♦ Comment l’intrigue se dévoile-t-elle dans cette scène ?
♦ Que peut-on déduire du portrait du Tartuffe ?
♦ Quelles sont les caractéristiques de cette scène d’exposition ?

Annonce du plan :

La scène 1 de l’acte I de Tartuffe est une scène d’exposition originale (I), qui joue d’emblée sur un comique de caractère (II) et qui permet à l’intrigue de se dévoiler (III).

I- Une scène d’exposition originale.

A- Début « In medias res » et fausse sortie

Dès la première réplique de la scène 1  – « Allons, Flipote, allons, que d’eux je me délivre » – le spectateur comprend que l’histoire a commencé avant le lever de rideau.

En effet, Mme Pernelle est furieuse et désigne avec mépris les autres personnages (« eux » ) dans un faux aparté.

Une chose inconnue du spectateur a provoqué la colère de Mme Pernelle et son désir de quitter les lieux. C’est donc un début « in medias res » (qui signifie en latin « au milieu des choses »).

En commençant ainsi la scène d’exposition, Molière capte l’attention du spectateur, qui voudra comprendre la raison de la colère du personnage.

Cette colère se déploie durant toute la scène. Mme Pernelle va s’attaquer à chaque personnage, soulignant ainsi son détachement du groupe : « C’est que je ne puis voir tout ce ménage ci ».

Ainsi, la scène 1 de l’acte I de Tartuffe s’ouvre sur ce qui semble être une sortie. Il s’agit en réalité d’une fausse sortie, puisque la vieille dame est rattrapée par Elmire : « Mais ma mère d’où vous vient que vous sortez si vite ? » ou encore « Vous marchez d’un tel pas qu’on a peine à vous suivre » .

La colère de Madame Pernelle et son désir de quitter les lieux permettent donc au dramaturge de rendre cette scène d’exposition très vivace.

Les répliques courtes des autres personnages qui tentent de discuter avec la vieille femme participent au rythme soutenu à la scène.

B- La multiplicité des personnages

Traditionnellement, une scène d’exposition se déroule entre deux personnages et permet de faire comprendre l’intrigue, le lieu et le temps de l’action.

Dans la scène d’exposition de Tartuffe, quasiment tous les personnages se trouvent sur scène, à l’exception des deux principaux : Orgon, le père de famille manipulé, et Tartuffe, qui a donné son nom à la pièce et qui n’apparaitra qu’au troisième acte.

La multiplicité des personnages permet une présentation dynamique de chacun.

En effet, le spectateur comprend, à travers les différents portraits dressés par Madame Pernelle, les relations entre les personnages et les raisons du conflit.

Les portraits ont donc une valeur informative. En réponse à chaque personnage, la vieille femme résume en une phrase son rôle ou son lien de parenté avec les autres. On comprend ainsi que :

♦ Elmire est sa belle-fille : « Laissez ma bru » ;
♦ Dorine est une domestique : « Vous êtes, mamie, une fille suivante » ;
♦ Damis est son petit-fils : « […] mon fils, c’est moi qui vous le dis, qui suis votre grand-mère » ;
♦ Mariane est sa petite-fille et la sœur de Damis : « Mon Dieu, sa sœur, vous faites la discrète » ;
♦ Cléante est le frère d’Elmire : « Pour vous, Monsieur son frère » ;
♦ Elmire n’est pas la mère de Damis et Mariane : « Et leur défunte mère en usait beaucoup mieux » .

Mais ce qui est particulièrement original, c’est que le personnage qui donne son nom à la pièce, Tartuffe, n’est pas sur scène.

Or son absence physique attire l’attention et crée un effet d’attente, car le spectateur comprend vite que cet homme est au centre du conflit. En effet,  c’est une critique à son encontre qui a rendu Madame Pernelle furieuse : « Et je ne puis souffrir sans me mettre en courroux / De le voir querellé » .

II- La comédie de caractère incarnée par un personnage : Mme Pernelle

Le rythme très rapide de la scène 1 de l’acte I de Tartuffe met en valeur l’emportement de Madame Pernelle sur qui repose le comique de la scène.

A- Un personnage vulgaire et emporté

Madame Pernelle apparait comme une vieille femme autoritaire et désagréable. Elle incarne le pendant féminin du personnage du barbon.

Sa façon de s’adresser aux autres est très agressive. On observe la présence de nombreux impératifs : « Allons« , « Laissez« , « ne venez pas plus loin« .

De plus, elle coupe systématiquement la parole aux autres personnages, les empêchant de s’exprimer. Elle reconnaît d’ailleurs elle même son agressivité : « Je vous parle un peu franc, mais c’est là mon humeur » .

Le vocabulaire qu’elle emploie nous donne des indices de sa condition sociale. En effet, elle incarne la bourgeoisie vulgaire et bien pensante.

Elle utilise des expressions populaires : « La cour du roi Pétaut », « doucette », « forte en gueule », « vous menez sous chape un train », « je ne mâche pas »; et s’exprime grâce à des proverbes : « Il n’est, comme on dit, pire eau que l’eau qui dort ».

Malgré ce discours vulgaire et agressif , elle s’érige en défenderesse des valeurs morales et sociales : « Oui je sors de chez vous fort mal édifiée […] On n’y respecte rien » .

Le comique de cette scène 1 réside en partie dans ce décalage entre l’attitude de dignité offensée de la vieille femme et son discours vulgaire et emporté.

B- Un personnage dogmatique

Madame Pernelle dresse un portrait de chaque personnage avec lequel elle a une interaction. Or chaque portrait est un blâme :

♦ Elle reproche à Elmire d’être dépensière et de donner un mauvais exemple à ses petits-enfants.

♦ Elle considère que Damis est un « méchant garnement » et elle l’accuse d’être « sot » .

♦ Mariane, sous des faux airs candides, serait en réalité une fille aux mœurs légères.

♦ Cléante est sommé d’arrêter d’intervenir dans la famille.

♦ Quant à Dorine, elle est vite ramenée à son rôle de servante.

Le ton de Mme Pernelle est péremptoire : les blâmes sont introduit par des phrases affirmatives et des verbes d’état suivis d’adjectifs dépréciatifs : « Vous êtes un sot », « Vous êtes dépensière », « Vous êtes […] un peu trop forte en gueule et impertinente », « Votre conduite est […] tout à fait mauvaise ».

Ce ton dogmatique est accentué par la présence de présents de vérité générale : « Vous vous mêlez », « Vous faites la discrète » , etc.

Madame Pernelle impose son point de vue et sa vision. On observe l’utilisation de verbes de sentiments, pour la plupart négatifs : « Je ne puis voir », « Je hais fort ».

Les jugements de la vieille femme à propos des siens, et notamment des ses petits-enfants, sont sans appel. Elle apparaît profondément acariâtre et antipathique.

Son absence d’objectivité est encore plus frappante lorsqu’elle évoque le personnage de Tartuffe avec vocabulaire mélioratif voire laudatif : « C’est un homme de bien » qui donne des « ordres pieux » .

La répétition du mot « contrôle » dans le vers : « Tout ce qu’il contrôle est fort bien contrôlé » souligne de façon comique la pauvreté du vocabulaire de Madame Pernelle, mais aussi son incapacité à être objective . Dorine qualifie d’ailleurs de fantaisie l’opinion de la vieille femme : « Il passe pour un saint dans votre fantaisie ».

Ainsi, le vieille femme, incapable de modération dans ses sentiments et ses jugements, est tournée en ridicule. Soit elle déteste, dans le cas précis sa propre famille, soit elle adore, ici en l’occurrence un étranger.

III- Le dévoilement de l’intrigue

A- L’opposition de deux clans

La dynamique de cette scène 1 de l’acte I de Tartuffe repose sur l’opposition entre deux clans.

D’une part, la vieille génération, jugeante et bien-pensante est représentée par Madame Pernelle. D’autre part, la jeune génération est incarnée par les autres personnages.

Cette opposition se lit dans l’emploi des pronoms tout au long de la scène.

Madame Pernelle est seule contre tous : « que d’eux je me délivre » . Le « je » qui est systématiquement utilisé s’oppose au « eux » ou au « vous » : « Et mon fils à l’aimer devrait tous vous induire » .

Dans l’autre clan, chacun utilise les pronoms « nous » ou « on » qui montrent la solidarité des opinions dans le reste de la famille : « Et que nous ne puissions en rien nous divertir », « On ne peut rien faire qu’on ne fasse des crimes ».

Madame Pernelle se retrouve finalement dépassée par la solidarité des autres personnages et voit ses répliques devenir de plus en plus courtes.

Le rapport de force tend donc à s’inverser, ce qui laisse présager du dénouement de la pièce.

B- Le portrait des absents : Tartuffe et Orgon

Au delà du comique de la situation provoqué par l’attitude de la vieille femme, on constate tout de suite que la figure de Tartuffe pose problème.

Vu par Madame Pernelle, Tartuffe est un homme pieux et digne qui porte la bonne parole : « C’est au chemin du ciel qu’il prétend vous conduire » .

Cependant, les personnages de Damis et surtout de Dorine donnent une tout autre vision du personnage.

Décrit comme un parasite intéressé par l’argent (« Qu’un gueux qui, quand il vint n’avait pas de souliers » ), qui prétend diriger la maison (« Car il contrôle tout, ce critique zélé » ),  Tartuffe est une source de conflit entre Damis et son père.

A l’évocation de Tartuffe, le jeune homme perd d’ailleurs son calme, ce qui se lit dans l’interjection : « Quoi ? » suivi d’une question rhétorique.

Dorine et Damis pointent du doigt la nature réelle du Tartuffe : c’est un hypocrite religieux (« cagot de critique » , « Tout son fait, croyez moi n’est rien qu’hypocrisie » ).

Ce portrait contradictoire du personnage de Tartuffe crée un effet d’attente et de suspens. Le spectateur ne peut manquer de s’interroger : qui est réellement Tartuffe ?

Orgon, le père de famille, est également absent de cette scène d’exposition.

Or son absence est significative puisqu’elle le caractérise en tant que personnage : c’est un père qui a démissionné en tant que maître de maison car Tartuffe lui a usurpé son rôle de chef (« usurper céans un pouvoir tyrannique » , il « s’impatronise » , il « fait le maître » ).

Au delà de l’ambiguïté de caractère du Tartuffe, c’est donc l’emprise qu’il a sur Orgon et l’incapacité de ce dernier à agir en tant que père de famille qui seront au centre de la pièce.

Tartuffe, acte 1 scène 1, conclusion :

La scène d’exposition du Tartuffe est dynamique et originale. Quasiment tous les personnages de la pièce sont présents à l’exception des deux principaux, ce qui crée un effet d’attente.

Cette première scène permet, à travers le comique de Madame Pernelle de présenter les personnages mais également de dévoiler l’intrigue. La famille est scindée en deux entre les pro-Tartuffe, qui se laissent berner, et les anti-Tartuffe qui le présentent comme un faux dévot. La capacité d’Orgon à assoir son autorité de chef de famille et à se libérer de l’emprise de l’hypocrite sera l’enjeu principal de la pièce.

Tu étudies l’acte I scène 1 de Tartuffe ? Regarde aussi :

Tartuffe, acte III scène 3 (analyse)
Tartuffe, acte 4 scène 5
Tartuffe : résumé
Les caractéristiques de la scène d’exposition (vidéo)

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Qui suis-je ?

Amélie Vioux

Je suis professeur particulier spécialisée dans la préparation du bac de français (2nde et 1re).

Sur mon site, tu trouveras des analyses, cours et conseils simples, directs, et facilement applicables pour augmenter tes notes en 2-3 semaines.

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Tu peux également retrouver mes conseils dans mon livre Réussis ton bac de français 2024 aux éditions Hachette.

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20 commentaires

  • Merci, en confinement,on se rend compte que faire un commentaire de texte quand on est pas collé pendant 4heure sur un siège avec rien d’autre à faire, ce n’est pas évident!

  • Bonsoir ! Je passe mon oral demain et j’avais une question à propos des relevés au théâtre: faut-il citer des lignes ? Des vers ?

    j’ai bien remarqué que vous aviez cité des vers, mais j’ai vraiment besoin d’une confirmation s’il vous plaît ! Le plus vite sera le mieux…
    Merci d’avance !

  • La fonction d’une scène d’exposition est de renseigner le spectateur sur tout ce qui lui sera utile pour la compréhension de la pièce, elle doit donc nous renseigner sur le cadre spatio-temporel, les personnages et l’enjeu de l’intrigue.

  • merci beaucoup !
    Avec la professeur de français que j’ai eu cette année c’était mal parti mais heureusement vous êtes là x)
    grâce à vous j’ai un peu d’espoir en plus pour ce bac oral de français ahah

  • Bonjour Amélie,

    Je trouve votre site extrèmement bien fait pour faire nos fiches d’oraux de français ! Merci encore pour ce temps passé pour nous !

    J’aurai juste une question concernant une ouverture possible ? Auriez-vous des idées de texte à mettre en relation avec cette scène d’exposition ? Une autre scène d’exposition ? Un autre extrait de Tartuffe ?

    Mercie, bien à vous

    • Le plus judicieux est d’ouvrir sur l’œuvre intégrale comme je le fais dans la dernière phrase de ma conclusion. Ce sont des ouvertures plus pertinentes et moins artificielles que d’ouvrir sur d’autres textes.

  • Bonjour je me permet de reposer ma question :
    Comment peut-on ici réintroduire les éléments des parties I et III en répondant à la problématique « qu’est ce qui fait le comique dans cette scène ? »
    bonne journée

  • Bonjour, merci pour ce commentaire composé d’abord ! J’aurais une question à vous poser, sur votre site il y a des fiches proposant plusieurs problématiques possibles d’un texte. Elles sont ici au début de la page, cependant je me demandais par exemple pour la première problématique « qu’est ce qui fait le comique dans cette scène » quel plan serai le mieux adapté? Le plan de ce commentaire pourrai-t-il convenir étant donné qu’une partie traite totalement du sujet?
    En fait comment pourrai-t-on réintroduire les éléments des deux autres parties afin de garder l’intégralité des axes tout en restant dans un plan correspondant à la problématique?
    Bonne journée!

  • Bonjour Amelie,

    je découvre votre site qui est tout simplement génial et vous encourage à continuer!!

    j’ai souvent du mal à repérer des figures de style dans la pièce théâtrale Tartuffe …

    j’ai donc lu tous vos articles concernant cette oeuvre et je remarque qu’il y en a très peu (bien que tous les commentaires composés soient supers!! 🙂

    j’ai un devoir à faire prochainement et me perds dans les figures de style : comment les repérer? astuce?

    merci bien et bonne continuation !!

  • Bonsoir,
    J’aimerais savoir si ce serait possible de faire une sur « comment réussir une représentation théâtrale ? « .
    Très cordialement.
    Mathilde

    • Dans cet article, j’étudie la scène d’exposition de Tartuffe. Si tu as besoin d’aide pour une autre scène, ce n’est pas ici que tu la trouveras. Je ne fais pas de lectures analytiques sur commande.

  • Bonjour, prof de français moi-même je recommande régulièrement votre site à mes élèves de lycée . A l’instant cependant je sursaute devant l’analyse de la scène d’exposition de Tartuffe dans laquelle sont évoqués des « objecteurs » de conscience en lieu et place des « directeurs » de conscience !!!
    Disons que c’est une coquille …
    Cordialement
    ILR

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