Avant l’horizon, Mes forêts, Dorion : analyse

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Voici une analyse linéaire du poème « Avant l’horizon » issu du recueil Mes forêts d’Hélène Dorion.

Le poème se situe aux pages 103-105 de l’édition de poche chez Bruno Doucey.

Avant l’horizon, mes forêts, introduction

Née en 1958 à Québec, Hélène Dorion a été critique, collaboratrice à des émissions culturelles et radiophoniques, enseignante, directrice des Éditions du Noroît.

En 2006, elle a été élue membre de l’Académie des Lettres et nommée Chevalière de l’Ordre National du Québec en 2006.

Elle occupe une place de choix dans la littérature francophone grâce à ses ouvrages en prose, à sa poésie, à ses prix littéraires et aux multiples traductions de son œuvre.

Son recueil Mes forêts, publié à l’automne 2021 aux Éditions Bruno Doucey, se caractérise par une écriture en vers libres, sans ponctuation. (Voir la fiche de lecture de Mes forêts d’Hélène Dorion)

Le poème étudié appartient à la section « Le bruissement du temps » et s’insère entre deux poèmes intitulés « Avant l’aube » et « Avant la nuit ».

Problématique

En quoi ce poème dessine-t-il le destin destructeur de l’Homme tout en soulignant le pouvoir créateur de la poésie ?

Plan linéaire

Dans un premier temps, Hélène Dorion retrace l’évolution chronologique de l’Homme, et montre, dans un deuxième temps, le désir de toute-puissance de ce dernier.

Dans un troisième temps, la poésie apparaît comme la possibilité salvatrice d’un renouveau.

I – L’évolution chronologique de l’Homme

De « Avant l’horizon » à « l’art allait nous protéger de la haine »

Le titre du poème invite le lecteur à identifier deux temporalités : un passé rendu par l’adverbe « avant » et un avenir exprimé par le terme « horizon ».

A – L’éclosion d’une voix poétique

De « La terre a commencé » à « des voix se sont levées »

Le poème s’ouvre sur l’alliance entre la nature et la présence humaine : « La terre a commencé à recueillir nos histoires ».

La Nature personnifiée serait ainsi la confidente du sujet lyrique qui s’inclut dans la première personne du pluriel « notre ».

L’importance du vers est marquée par sa position en tête du poème, suivie d’un espace.

Le cadre naturel est d’abord développé par la réunion des éléments caractéristiques de l’univers poétique d’Hélène Dorion : les arbres, l’humus, le vent, les vagues, les pierres, le feu.

C’est précisément au sein de la nature que « des voix se sont levées ». Le déterminant indéfini « des » ne permet pas encore d’identifier ces voix.

Cette action permet d’explorer ce que la Nature a à offrir. Ainsi, les adverbes et locutions adverbiales « dans », « sous », « au creux de », « parmi » soulignent le degré d’intimité entre la Terre et l’Homme.

B – La naissance d’une famille

de « on a bu » à «nos intimités »

Cette strophe relate chronologiquement la naissance d’une famille.

Le passé composé utilisé signale au lecteur que la période est révolue.

Le sujet lyrique disparaît au profit d’un pronom impersonnel « on » ou d’une tournure passive (« les places ont été assignées »). La poétesse ne revient pas sur une histoire personnelle mais sur une histoire collective.

L’image nourricière de la mère est transmise par la tétée du nourrisson (« on a bu au sein de la mère » ); celle, rassurante du père repose sur la main donnée (« on a mis la main dans celle du père » ).

Le foyer semble construit au point de devenir « famille ». Mais cette famille véhicule une certaine rigidité comme le suggèrent le complément circonstanciel de lieu « autour de la table » et l’image des places assignées.

D’ailleurs, par sa typographie en italiques, le mot « famille » se détache et résonne au-delà du foyer individuel.

Il se définit par un double mouvement crescendo (« on l’a ouvert très grand / jusqu’à l’humanité ») et decrescendo (« puis on l’a refermé sur nos intimités »).

De ces trois vers naît une réflexion, d’une part, sur une forme d’universalisme qui consiste à considérer tous les peuples comme une famille ; d’autre part, sur une forme d’égocentrisme qui ferait de l’intime la seule raison d’être de la famille.

C – La fusion entre l’Homme et la Nature 

de « on a recouvert nos épaules » à « l’art allait nous protéger de la haine »

La poétesse continue de se fondre dans le pronom impersonnel « on » et remonte à la Préhistoire.

Elle rappelle les liens vitaux qui unissaient l’Homme et la Nature : cette dernière procurait des vêtements (« fourrures »), de la viande (« chair des bêtes »). Dans un système de cycle, la cendre obtenue des « carcasses » rendait la Terre encore plus féconde.

Les verbes d’action tels que « recouvert », « mangé », « brûlé », « nourri », « dessiné » retracent la symbiose entre l’Homme et la Nature. L’Homme puise ses ressources dans la nature.

Puis, l’Homo Sapiens, par son intelligence, a « inventé d’autres matières » à partir de la Nature. La référence aux peintures rupestres se devine dans les deux vers « Puis nos mains ont dessiné / quelques traits sur les murs d’une grotte ».

Le vers « L’art allait nous protéger de la haine » fait basculer la portée du poème. En effet, il se détache des strophes par les blancs au-dessus et en-dessous. Il porte en lui l’espoir que l’art est un rempart contre la haine, exprimé par l’imparfait qui restitue les espérances passées.

Mais l’échec de cet espoir est exprimé au vers suivant, avec l’épanadiplose du terme « haine » qui insiste sur la persistance de ce sentiment (=reprise du terme en fin et en début de proposition suivante) : « mais la haine a continué » .

II – L’Homme et son désir de toute-puissance

de « mais la haine a continué » à « tiennent l’outil dans la main »

Ce deuxième mouvement s’ouvre sur un constat d’échec : « mais la haine a continué »

A – La responsabilité immense de l’Homme

de « la porte du ciel » à « au plus offrant »

Le tercet semble faire référence implicitement à l’épisode biblique de la Tour de Babel, dans Le Livre de la Genèse.

En effet, en akkadien Bāb-Ilum signifie « la porte des dieux », ce qui fait écho à l’expression « la porte du ciel ». De plus, le « babil des peuples » renvoie au nom propre Babel, et à la multiplication des langues imposée par Dieu pour punir les hommes de leur orgueil.

C’est le point de départ de la déchéance de l’Homme : même sans référence historique précise, le poème déroule les actions violentes de l’Homme : l’obsession de la conquête des terres comme l’illustre le vers « on a piétiné la terre des uns », le recours à l’illégalité (« volé celle des autres », « arraché des enfants »), le prosélytisme (« on leur a inculqué nos croyances / on a balayé leurs rituels enseigné notre dieu »).

Sous forme de constat, le poète s’élève contre ces formes de violence qui ont réduit à néant la religion de la Nature.

La nature est définie par les deux derniers vers qui mettent en évidence l’importance du rapport au monde, grâce au champ lexical correspondant : « Lune », « Soleil », « saisons », « Terre ». Les espaces blancs entre les termes restituent l’éclatement et la disparition de ce rapport au monde ancestral.

La rupture est donc consommée : l’Homme se fait conquérant, voleur, prédicateur.

Il s’est même approprié le règne animal, le considérant comme sa propriété : « le coyote », « l’ours blanc », « les oiseaux », « les poissons ».

Par son orgueil, il s’est considéré comme le maître de la vie sur la Terre, comme l’indique la répétition de la première personne du pluriel qui restitue l’égocentrisme et la mégalomanie de l’Homme : « nous appartenaient », « notre ciel », « nos mers ».

La conclusion est sans appel et constitue un péché : « on a souillé notre maison / on l’a vendue au plus offrant ». L’esprit mercantile de l’Homme est restitué par l’emploi du verbe « vendre« . On a donc fait de la Nature non plus un foyer chaleureux permettant l’épanouissement mais un objet de transaction économique.

B – L’homme, aujourd’hui et hier

De « chacun s’en est allé » à « tiennent l’outil dans la main »

Désormais, l’individualisme prévaut dans l’expression « chacun s’en est allé ». La première personne du pluriel disparaît.

Le vocabulaire à connotation péjorative témoigne d’un comportement humain violent : « la terreur et le fiel », « le désir de vaincre d’assujettir », « venger les offenses », « se rapprocher du désastre ». L’allitération en « r » restitue la violence agressive de l’homme.

Le jeu sur les sonorités dans les vers « chaque pas laissait une trace / que jamais l’on ne pourrait effacer », avec un écho sonore entre les sons « a » et « é », laisse une impression amère, presque désespérée pour l’avenir.

Par un retour en arrière, la poétesse retrace l’évolution des Hommes, d’abord qualifiés de « corps informes ».

Au cœur de la Nature où la faune et flore vivent (« plantes grenouilles / insectes et animaux à quatre pattes »), les Hommes sont d’abord petits, inférieurs aux corps « debout dans la savane ».

Les cinq étapes suivantes énumèrent, par asyndète, l’évolution des Hommes : la marche, la maîtrise du feu, la parole, la technique. L’asyndète donne l’impression de voir défiler sous nos yeux ces différentes étapes de l’évolution humaine.

III – La puissance créatrice de la poésie

De « puis la main se met à écrire » à fin

En apportant douceur et espoir, cette dernière partie marque une nette inflexion dans le cours du poème et invoquant le pouvoir de la poésie.

A – L’horizon de la poésie

De « puis la main se met à écrire » à « d’autres récits ont commencé »

La synecdoque « la main » révèle le pouvoir créateur de l’Homme, capable de s’extraire d’un réel qu’il a lui-même détruit : elle « se met à écrire », « invente des forêts imaginaires ».

Le champ lexical de l’imagination souligne ce pouvoir créateur, capable de faire surgir la vie de l’imagination : « se met à écrire », « invente », « imaginaires », « des visages s’y promènent », « est apparu », « une histoire » .

L’Homme peut donc s’échapper d’une Nature qu’il a cru posséder pour créer une Nature rêvée.

C’est à ce moment du poème que l’horizon – terme présent dans le titre – est expressément nommé : « l’horizon est apparu ».

L’horizon, cette ligne où se confondent ciel-terre-mer, est constitué par la ligne horizontale du vers : à partir de ce vers, le poème prend une nouvelle inflexion.

Tout est possible, comme le suggère l’emploi du conditionnel (« le monde aurait une histoire »).

L’infiniment grand rejoint l’infiniment petit : grâce à cette réunion antithétique, une nouvelle histoire peut s’écrire.

En effet, le contre-rejet « et / d’autres récits ont commencé » laisse la voie libre. Ces deux vers seront d’ailleurs repris presque mot pour mot à l’ouverture du poème suivant « Avant la nuit », comme pour montrer la fécondité de ces nouveaux récits.

B – Les premières rencontres

De « sont venus le premier regard » à « que celui des maisons »

La poétesse poursuit avec la métaphore de la maison qui devient le lieu des premières rencontres.

L’adjectif « premier » répété a deux reprises indique un nouveau commencement, celui de l’histoire individuelle : « le premier regard / le premier pas » .

La rencontre amoureuse est sous-entendue dans le vers « sont venus le premier regard / le premier pas ».

Le cadre naturel bucolique est planté grâce aux termes « la plaine » « lac » et « bois ». La métaphore filée confirme l’idée d’une rencontre paisible : « la fenêtre de l’amour / qui referme celle de la peur ».

Puis, c’est la rencontre avec l’écriture poétique qui apparaît dans l’assemblage des lettres, des mots et des phrases et le champ lexical de l’écriture : « premières lettres », « premiers mots », « phrases », « dire » .

Elle se fonde dès lors sur un lyrisme plus large que le lyrisme amoureux. En effet, le complément circonstanciel de but et le comparatif « pour dire un monde plus vaste / que celui des maisons » souligne le pouvoir immense de la poésie, qui dépasse le simple Je.

C – Une quête sans fin

De « une parole échouant » à fin

Cette strophe a une disposition originale car elle semble matérialiser les premiers mots « une parole échouant ».

En effet, les mots s’échouent au gré des vers, des espaces et des quêtes de l’Homme.

Ainsi, le lecteur découvre les éléments « le feu », « l’or », « le bois », « l’eau », « le sel », – les deux derniers étant répétés à quatre reprises.

Leur disposition disparate, sans ordre rationnel, syntaxique, ou sonore piège le lecteur, en l’invitant à trouver un sens dans un espace où il n’y en a pas.

La dernière strophe du poème clôt le cycle de l’histoire. Personnifiée par les expressions « à moitié debout / à moitié à genoux », « l’histoire retourne / d’où elle vient ».

Avant l’horizon, Mes forêts, Dorion, conclusion

À l’instar du poème précédent « Avant l’aube » qui retraçait la création de l’Homme notamment à travers la mythologie, ce long poème retrace l’évolution de l’Homme : après une période de fusion avec la Nature, l’Homme s’est transformé en maître omnipotent avec le règne animal et végétal.

Sa part de responsabilité est identifiée.

Mais loin de conclure à une impossible communion, Hélène Dorion suggère que le pouvoir des mots transcende l’orgueil de l’Homme. Ils sont le lieu de premières rencontres fécondes, en respectant l’aléatoire de la vie.

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Amélie Vioux

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