Il fait un temps de bourrasques, Mes forêts, Hélène Dorion : analyse

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Voici une analyse linéaire du poème « Il fait un temps de bourrasques et de cicatrices » issu du recueil Mes forêts d’Hélène Dorion, publié en 2021.

Le poème analysé ici se situe aux pages 62-63 de l’édition Bruno Doucey.

Il fait un temps de bourrasques et de cicatrices, Hélène Dorion, introduction

Hélène Dorion a occupé divers postes : critique, membre de la rédaction de revues, collaboratrice à des émissions culturelles et radiophoniques, enseignante en littérature, directrice des Éditions du Noroît.

Née en 1958 à Québec, elle a été élue à l’Académie des Lettres et nommée Chevalière de l’Ordre Nationale du Québec en 2006. Elle est pleinement reconnue dans la littérature francophone grâce à ses ouvrages en prose, à sa poésie, à ses prix littéraires et aux multiples traductions de son œuvre.

En 2021, elle publie aux Éditions Bruno Doucey son recueil Mes forêts, qui se caractérise par une écriture en vers libres, sans ponctuation.

Le poème étudié s’inscrit dans la séquence « L’onde du chaos » et propose une météorologie personnelle, scandée par l’expression « il fait un temps de ».

Problématique

En quoi ce poème a-t-il une dimension engagée ?

Plan linéaire

Dans un premier temps, du début du poème à « et de lavande » nous verrons qu’Hélène Dorion décrit un monde en proie au cataclysme.

Dans un deuxième temps, de « il fait un temps de verre éclaté » à « maison noire des mots« , la poétesse évoque le rôle de l’Homme et de la poésie face à ce chaos.

Dans un troisième temps, nous analyserons la mise en garde funeste à la fin du poème.

I – Un monde en proie au cataclysme

De « Il fait un temps de bourrasques » à « « et de lavande »

Les deux premiers vers donnent le ton : « Il fait un temps de bourrasques et de cicatrices / un temps de séisme et de chute ». Dans un mouvement de crescendo, le temps météorologique, mis en relief par la répétition de « un temps » est associé à des termes connotant la violence et la souffrance.

L’allitération en « s » et l’assonance en « i » dans ces deux premiers vers font entendre le souffle du vent : « Il fait un temps de bourrasques et de cicatrices / un temps de séisme et de chute »

Les termes « bourrasques » et « cicatrices » puis « séisme » et « chute » sont reliés dans un zeugme, figure de style consistant à coordonner des éléments qui ne sont pas sur le même plan sémantique. Ce zeugme permet de créer immédiatement un parallèle entre le temps météorologique (bourrasques, séisme) et les blessures de l’homme (cicatrices, chute).

Ces blessures peuvent être intérieures, mais elles peuvent aussi indiquer les stigmates de la Nature, créées par la main de l’Homme.

Malgré cette violence initiale, le lecteur se trouve face à des repères qui pourraient être rassurants à première vue, comme l’indique le champ lexical de la Nature : « vagues », « rive », « oiseaux », « terre », « jardins », « rose », « lavande ».

Mais il ne s’agit pas d’un Eden. Cette strophe dépeint une nature inquiétante, comme l’illustre la comparaison « les promesses tombent / comme des vagues » qui fait état d’un vertige.

Par la suite, le groupe nominal négatif « sur aucune rive » confirme l’image d’une Nature en train de disparaître.

L’inquiétude, voire l’angoisse, prédomine au point que « les oiseaux demandent refuge / à la terre ravagée ». La faune comme la flore sont en proie à la désolation.

L’emploi du déterminant possessif « nos » dans le vers « nos jardins éteints » invite le lecteur à prendre conscience de cette Nature en perdition. A ce stade, les cataclysmes ne sont pas encore identifiés.

II – Le rôle de l’Homme et de la poésie

De « il fait un temps de verre éclaté » à « maison noire des mots »

La violence de l’Homme devient explicite avec le vers « il fait un temps de verre éclaté ».

La structure même de la strophe, avec deux espaces blancs (vers 2 et 3), témoigne de l’éclatement de la société.

De plus, le « verre éclaté » peut aussi se lire comme le vers poétique (le vers éclaté) soulignant l‘illyrisme du monde moderne.

Les « écrans morts » semblent désigner les écrans des nouvelles technologies ; le « nord perdu » confirme l’idée d’une perte totale de sens et de repères.

Les sonorités explosives en « t » et « k » associées à la vibration appuyée de l’allitération en « r » restituent phonétiquement cette impression de chaos et de violence : »Il fait un temps de verre éclaté / d’écrans morts de nord perdu / un temps de pourquoi de comment« 

Les interrogations restent sans ponctuation et sans réponse comme l’indique le vers « un temps de pourquoi » « de comment ».

Le vers « Tout un siècle à défaire le paysage » est significatif, par sa position détachée et son assonance en « è ». Sans être nommé, l’Homme a implicitement sa part de responsabilité à travers le verbe « défaire ». Ce vers invite alors au réveil des consciences.

La poétesse s’affirme par l’emploi du pronom de la première personne « mon chant soulève la poussière /de spectacles muets », comme un écho aux chants d’Orphée capables d’envoûter la Nature.

Mais la comparaison « comme un trou béant » et le complément circonstanciel « dans la maison noire des mots » viennent nuancer le pouvoir de la voix lyrique. En effet, les mots peuvent apparaître insuffisants face aux actes humains.

III – Une mise en garde funeste

De « il fait un temps jamais assez » à la fin

La perte de sens et d’ordre atteint son paroxysme dans cette strophe déstructurée.

En effet, les phrases ne se finissent pas : « il fait un temps jamais assez / un temps plus encore et encore/plus encore / plus ».

Le paradoxe souligné (« jamais assez » « plus encore ») semble révéler les contradictions de l’Homme, qui ne se satisfait pas de ce que la Nature offre.

D’ailleurs, ajoutés les uns après les autres, les adverbes perdent leur sens : synonyme de « davantage » ou indicateur de la négation, le sens de l’adverbe « plus » est mouvant.

En outre, les espaces béants creusent les vers comme pour les vider de leur sens.

La prophétie finale (« on ne pourra pas toujours / tout refaire ») est au futur à valeur de certitude.

Par sa tournure négative, elle semble mettre en garde contre une urgence et contre un sentiment d’orgueil : l’humanité n’a plus le temps de repousser les décisions justes et n’est pas supérieure à l’ordre naturel.

Une fois de plus, la poétesse fait un constat de destruction du paysage et invite à une prise de conscience, que développent les derniers vers.

Ainsi, derrière le jeu sur les sonorités dans l’expression « ce temps de bile et d’éboulis », se dessinent les linéaments de la colère et de la destruction.

« les forêts tremblent / sous nos pas / la nuit approche » agit comme une prémonition inquiétante, presque pessimiste, mise en relief par l’allitération en « r ».

Il fait un temps de bourrasques et de cicatrices, Hélène Dorion, conclusion

Sans se présenter comme tel, ce poème a une portée pleinement engagée.

En effet, il dresse le constat d’une nature désordonnée : le règne animal et végétal sont bouleversés.

Progressivement, la responsabilité de l’Homme est soulevée implicitement : sa part de violence, de surconsommation laissent des interrogations sans réponse.

Dans ce chaos, seule la voie poétique est capable de se lever et d’agir sur ce monde devenu inquiétant. Ce poème met donc en garde l’Homme et l’invite à une prise de conscience.

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Qui suis-je ?

Amélie Vioux

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