Mes forêts sont de longues traînées de temps, Hélène Dorion : analyse

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Voici une analyse linéaire du poème liminaire « Mes forêts sont de longues traînées de temps » du recueil Mes forêts d’Hélène Dorion.

Le poème étudié se situe p.7 dans l’édition Bruno Doucey.

Mes forêts sont de longues traînées de temps, introduction

Née en 1958 à Québec, l’écrivaine Hélène Dorion a un parcours riche en expériences littéraires : elle fut tour à tour critique, membre de la rédaction de revues, collaboratrice à des émissions culturelles et radiophoniques, enseignante en littérature, directrice des Éditions du Noroît pendant presque vingt ans.

Ses ouvrages en prose comme son œuvre poétique sont reconnus dans la littérature francophone et traduits à de multiples reprises.

Sa vision multidisciplinaire l’a conduite à associer l’écriture à la photographie ou à la musique.

Son recueil Mes forêts, publié à l’automne 2021 aux Éditions Bruno Doucey, se caractérise par une écriture en vers libres, sans ponctuation, où la nature côtoie l’intime. (Voir la fiche de lecture pour le bac de français sur Mes forêts d’Hélène Dorion)

Problématique

Que révèle la place du poème liminaire, à l’orée de la première partie « L’écorce incertaine » ?

Plan linéaire

Nous procèderons à une analyse de ce poème strophe par strophe.

Dans la première strophe, nous verrons que les forêts sont révélatrices d’un intérieur contradictoire.

Dans la deuxième strophe, nous verrons que les forêts sont le creuset d’une temporalité riche.

Nous étudierons la troisième strophe l’union des contraires.

Enfin, nous verrons que les forêts sont fécondes, dans les mots et en image.

I – Les forêts, révélatrices d’un intérieur contradictoire

1re strophe

Le poème étudié est structuré en 4 strophes, ponctuées par l’anaphore « Mes forêts », qui résonne d’emblée comme une incantation.

Le déterminant possessif « mes » ne signifie pas ici que les forêts sont perçues comme un objet de possession individuelle mais plutôt que se crée une relation intime entre la nature et la conscience du poète. La forêt est intériorisée : elle est paysage intérieur, intime.

En effet, grâce à la poésie d’Hélène Dorion, les forêts ne sont plus une donnée géographique, un paysage figé ou un simple thème d’écriture. Elles constituent la voie d’entrée à l’intime et la voix de l’Homme.

En saisir l’essence est donc primordial, d’où la répétition du verbe d’état « sont » : « Mes forêts sont« , « Elles sont des aiguilles« , etc.

La première strophe donne progressivement la vie aux forêts. Les métaphores « longues traînées de temps », « des aiguilles » sont révélatrices. D’une part, elles retranscrivent le temps qui passe, une durée indéfinie ; d’autre part, elles indiquent quelque chose de vif, presque désagréable.

Les 5 premiers vers suggèrent une sensation difficilement explicable : les éléments se mettent en mouvement, avec une violence telle que la comparaison conclut « comme une histoire d’orage ». Des verbes d’action caractérisent ces forêts qui s’animent au fil des vers : « percent », « déchirent », « tombent », « glissent », « se pose ».

Les 5 vers suivants sont au contraire plus doux : le Poète joue sur l’ambiguïté grammaticale « elles », pouvant désigner « mes forêts » comme « des aiguilles » ou « des étoiles ».

L’ « heure bleue » évoque les couleurs d’une aube ou d’un crépuscule, un hors temps où le passé et présent se rejoignent. En effet, l’expression « un rayon vif de souvenirs » rappelle à la fois un lever du soleil et des réminiscences.

L’absence de ponctuation fait du complément « l’humus de chaque vie », soit un COD du verbe « glissent » soit une apposition au « rayon vif de souvenirs ». Cette ambiguïté permet de mêler les sensations : la vue liée au rayon, le toucher et l’odorat liés à l’humus.

La proposition subordonnée qui clôt la première strophe relie l’élément d’un oiseau, « une aile », à l’âme humaine (« qui va au coeur » ).

La disposition du vers n’est pas anodine : l’espace entre « légère » et « une aile » semble symboliser un espace de légèreté.

II – Les forêts, creuset d’une temporalité riche

2ème strophe

Le Je Lyrique continue à cerner les forêts.

Le premier vers de ce mouvement propose de nouveau une tentative de définition, avec le verbe d’état « sont »: « mes forêts sont des greniers peuplés de fantômes« .

La métaphore du grenier suggère un espace intérieur et intime où vivent les souvenirs. La forêt invite donc à une exploration intérieure, à une plongée dans le passé.

Les êtres chers disparus sont eux aussi métaphoriquement désignés avec une certaine nostalgie : « peuplés de fantômes. »

Dans ce parcours intérieur, les arbres sont des repères structurants, essentiels, comme le suggère leur verticalité mise en relief par la métaphore avec les mâts des bateaux : « elles sont les mâts » .

Les forêts sont puissantes, au point qu’elles permettent à l’Homme de s’échapper par l’imagination et la Poésie. C’est ce que révèle l’oxymore « de voyages immobiles ». Cet oxymore rappelle qu’Hélène Dorion évoque bien ici un voyage intérieur, au coeur de l’intime.

Les forêts sont dépeintes comme « un jardin de vent », comme si elles pouvaient progressivement être domestiquées, grâce à la réunion des éléments.

En outre, ces forêts sont vivantes : elles produisent des « fruits » au sens propre comme au sens figuré.

Par le recours au verbe pronominal « se cognent », le lecteur comprend que des émotions, des souvenirs divers naissent dans ces forêts.

Les deux derniers vers révèlent le cycle de la vie, à l’instar des saisons : du présent, à « une saison déjà passée », à l’avenir (« qui s’en retourne vers demain »). Si le premier vers du poème suggérait un temps linéaire (« mes forêts sont de longues traînées de temps« ), le temps devient ici cyclique, le passé se réincarnant dans le futur.

III – Les forêts, une union des contraires féconde

3ème strophe

Dans un effet de decrescendo musical, les strophes s’amenuisent mais n’en sont pas moins fortes.

La poétesse souligne la force incontestable procurée par les forêts verticales, qu’elle nomme « mes espoirs debout ».

À ce propos, la lumière suscitée par l’expression « feu de brindilles » confirme l’idée de l’espoir tout en la nuançant : il s’agit d’un feu de brindilles, donc un feu fragile.

Les forêts participent à l’éclosion poétique : elles ont un pouvoir créateur, comme le suggère le rejet « et de mots » qui donne l’impression que les mots surgissent.

Les forêts condensent des éléments opposés (le « feu de brindilles » et « la pluie ») et un rapport au mouvement complexe (« font craquer », « le reflet figé »), entre bruit et silence.

IV – Les forêts, dans les mots et en image

4ème strophe

Le poème s’achève sur une strophe disposée différemment. Pour la première fois et dans une forme de consécration, l’anaphore « mes forêts » occupe seule un vers.

La dernière tentative de définition passe par une métaphore originale. « Mes forêts / sont des nuits très hautes » laisse une impression mystérieuse. Le poète est en proie à une force qui le dépasse.

La verticalité et la grandeur sont rendues par le choix de l’adjectif qualificatif et de l’adverbe intensif « très hautes ».

À plus grande échelle, la taille et la disposition même des strophes font penser à un arbre : les racines ancrées dans le bas de la page, le tronc s’élève au fil des mots, les branches, les feuilles s’étoffent pour arriver en haut. Le lecteur est, pour ainsi dire, invité à lire ce poème comme un arbre.

Mes forêts sont de longues traînées de temps, Hélène Dorion, conclusion

Ce premier poème est programmatique dans la mesure où ses premiers mots constituent le titre du recueil. Quatre autres poèmes commençant de la même façon ponctueront le recueil, , à l’instar des intermèdes entre les actes d’une pièce de théâtre.

Ce poème place le lecteur face à un univers intime fondamentalement ambivalent : il est fait de souvenirs et d’espoirs, de paix et de violence, de mouvement et d’immobilité, de bruit et de silence, de feu et de pluie.

D’emblée, Hélène Dorion semble faire des forêts le reflet d’un « je » lyrique lui aussi ambivalent, jusqu’à jouer avec la disposition des mots sur la page : le poème-arbre apparaît alors.

Le dernier poème du recueil, « Mes forêts sont de longues tiges d’histoire« , fait écho à ce premier poème et confirme que les forêts sont le socle de l’introspection : « Et quand je m’y promène / c’est pour prendre le large / vers moi-même« 

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Qui suis-je ?

Amélie Vioux

Professeure et autrice chez hachette, je suis spécialisée dans la préparation du bac de français (2nde et 1re).

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