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Voici un résumé et une analyse de la pièce de théâtre Knock ou le triomphe de la médecine de Jules Romains.
Knock est une pièce courte à l’intrigue simple, et dont l’intérêt réside dans son ambivalence.
La pièce peut en effet être abordée comme une satire farcesque de la médecine qui s’inscrit dans la tradition moliéresque.
Mais l’œuvre dénonce également de manière plus grave le pouvoir de l’idéologie et de la manipulation de masse.
Cette pièce met en scène Knock, un médecin charlatan qui utilise la peur de la maladie pour organiser la société et diriger les individus.
Il déploie les pouvoirs de manipulation du langage et de la science pour soumettre des villageois à son idéal médical totalitaire.
La pièce, écrite et montée aux lendemains de la Première Guerre mondiale, témoigne des bouleversements que la société française a éprouvé face à la modernité.
Jules Romains dénonce ainsi l’ambivalence de la modernité, à la fois source de libération et d’aliénation.
Qui est Jules Romains ?
Issu de la petite bourgeoisie, Jules Romains mène de brillantes études de littérature, de philosophie et de médecine. Il commence à publier dès sa jeunesse des poèmes et des romans.
C’est au théâtre que Jules Romains connaît ses premiers grands succès. Knock ou le Triomphe de la médecine naît en 1923 de sa collaboration déterminante avec le comédien et metteur en scène Louis Jouvet, qui incarne le médecin à la scène puis devant la caméra (1951).
À la fin des années vingt, le répertoire théâtral de Jules Romains est un des joués.
Son engagement politique se fait en faveur du Front populaire et du pacifisme dans l’entre-deux-guerres. Contraint à l’exil, il revient en France après la Seconde guerre mondiale, et devient académicien.
Comment résumer Knock ou le triomphe de la médecine ?
Acte 1
Scène unique
La scène se passe sur une route de campagne. Dans une vieille automobile, Knock converse avec le Docteur Parpalaid et sa femme.
Le docteur Parpalaid conduit Knock à Saint-Maurice, village de montagne où il lui a vendu sa charge de médecin.
Knock apprend cependant que ce n’est pas une si bonne affaire que cela.
Knock est déçu, mais révèle qu’il a déjà su exercer la médecine avec succès et sans études. Il se réjouit en apprenant que la population du village mène une vie paisible. Il annonce qu’il s’enrichira grandement.
Acte II
La scène se passe dans l’ancien domicile de Parpalaid, où Knock est en train de s’installer.
Scène 1
Knock demande avec autorité au tambour de ville d’annoncer aux habitants du village qu’il leur offre une consultation gratuite tous les lundi matin.
Le tambour de ville bénéficie ensuite d’une séance gratuite. Knock lui diagnostique une maladie requérant d’importantes restrictions. Le tambour de ville sort inquiet.
Scène 2
Knock converse avec l’Instituteur Bernard.
Il demande à l’instituteur d’instruire les enfants au sujet de la dangerosité des microbes.
Kncok complimente avec excès l’instituteur, afin d’obtenir son soutien dans la lutte contre la maladie.
L’instituteur accepte, mais éprouve un malaise face aux exposés médicaux que Knock veut qu’il tienne.
Scène 3
Face au pharmacien Mousquet, Knock use des mêmes procédés : il suggère l’incompétence de Parpalaid, fait l’éloge de son confrère, et lui promet de s’enrichir grandement s’il accepte de collaborer dans la lutte de la médecine contre la maladie.
Le pharmacien accepte de l’aider avec une vive reconnaissance.
Scène 4
Une riche paysanne consulte Knock. Il la convainc qu’elle souffre depuis longtemps d’être tombée une fois d’une échelle.
Mais son auscultation et son diagnostic sont grotesques et mensongers.
La paysanne apprend avec inquiétude que sa guérison sera longue et coûteuse. Elle part inquiète et affaiblie.
Scène 5
Autre consultation : une aristocrate âgée retrace avec honte l’appauvrissement de sa puissante famille, qui l’a amenée à consulter gratuitement le médecin.
Ses permanents soucis d’argent suscitent chez elle une insomnie. Knock y voit le signe d’une grave maladie, qu’il prétend guérir par des soins quotidiens et onéreux. L’aristocrate part très inquiète.
Scène 6
« Deux gars » hilares veulent consulter en même temps, sous les rires des villageois. Knock accepte avec un agacement contenu.
Il brise leur hilarité par son auscultation douloureuse et ses remarques brutales. Il diagnostique une cirrhose avancée. Le « second gars » refuse alors d’être ausculté. Les deux gars ressortent terrifiés parmi «la foule soudain silencieuse comme un enterrement
».
Acte III
La scène se passe dans l’Hôtel de la Clef, converti en institut de soin.
Scène 1
Madame Rémy, qui gère le lieu, apprend de Scipion, son employé, que l’ancien médecin du village, Parpalaid, est sur le point d’arriver.
Cela inquiète la gérante, car elle n’a plus de chambres disponibles.
Scipion affirme ne pouvoir l’aider, car l’arrivée de Knock est imminente, et il lui faut relever l’état de santé des nombreux patients.
Scène 2
Le docteur Parpalaid est stupéfait du changement opéré au village : les malades y surabondent, et la bonne de l’hôtel ne le connaît même pas.
Scène 3
Le docteur Parpalaid reçoit de Madame Rémy des explications : des villageois puis des gens des alentours viennent consulter Knock, qui leur prescrit le repos, d’où la présence de « malades » à chaque lit disponible.
Face à Parpalaid qui y voit une situation étrange qui enrichit Knock, Madame Rémy objecte que les paysans sont favorables à la médecine moderne, et qu’en cherchant les soins, ils prouvent le soin qu’ils ont d’eux-mêmes.
La gérante loue le dévouement et le désintéressement de Knock.
Scène 4
Paraît le pharmacien Mousquet, qui vante auprès de Parpalaid son récent enrichissement lié aux intenses activités de Knock.
Le pharmacien traite l’ancien médecin du village avec condescendance, car il n’avait pas cherché à traiter les migraines de sa femme.
Scène 5
Knock les rejoint, et demande à son confrère s’il vient pour l’échéance qu’il doit lui remettre. Mousquet part s’occuper des malades.
Scène 6
Statistiques à l’appui, Knock démontre à Parpalaid que ses activités médicales n’ont fait que s’intensifier au cours des trois derniers mois, jusqu’à concerner tout le canton du village.
Le volume des malades stupéfait Parpalaid. Knock lui démontre qu’il connaît même leurs revenus.
Parpalaid laisse alors entendre que Knock donne plus d’importance à ses ambitions de médecin qu’à l’intérêt des « malades ». Cette inquiétude est confirmée par les tirades de Knock, pour qui une personne bien-portante est un malade qui s’ignore.
Parpalaid propose alors à Knock qu’ils échangent leur poste : Knock irait le remplacer à Lyon. Ce dernier accepte.
Scène 7
Mousquet s’attriste d’apprendre que Knock risque de partir, tant le village est dépendant de ses services. Le pharmacien insinue des menaces à l’adresse de Parpalaid.
Scène 8
Madame Rémy est scandalisée par le projet de Parpalaid, qu’elle veut voir partir. Le médecin, conscient qu’il n’est pas le bienvenu à Saint-Maurice, annonce qu’il repart et accuse Knock de charlatanisme.
Madame Rémy et Mousquet défendent alors l’intégrité et la compétence de Knock.
Ce dernier impose à Parpalaid de rester dormir en le faisant passer pour un malade.
Scène 9
Parpalaid confie à Knock qu’il l’admire pour sa capacité à jouer au médecin. Mais Knock semble sincère lorsqu’il prétend que son confrère est malade.
Il avoue même avoir développé la manie d’émettre des diagnostics, y compris sur lui-même.
Parpalaid tombe alors sous l’emprise de Knock, et prend au sérieux le vague diagnostic qu’il a établi.
La pièce s’achève alors que Knock part faire sa tournée, laissant Parpalaid affaissé.
Quels sont les thèmes importants dans Knock ?
Le triomphe d’un médecin manipulateur
Knock, le personnage éponyme de la pièce est un pseudo-médecin manipulateur qui cherche à effrayer les individus pour les soumettre à l’emprise de la médecine.
À cette fin, il déploie un véritable jeu théâtral, comme le révèlent les didascalies : « avec tous les signes d’une surprise navrée
» (II, 2) donnant lieu à de véritables scènes de théâtre dans le théâtre.
Le but de Knock est de susciter « l’effet de saisissement […] jusqu’aux entrailles
» (II, 2).
Ainsi, le charlatan s’adapte à ses interlocuteurs.
Il flatte tour à tour leurs prétentions intellectuelles (l’instituteur Bernard) et sociales (le pharmacien Mousquet, la dame en violet), ou leur crédulité (« les deux gars »).
Seul Parpalaid, médecin lui aussi, distingue la mise en scène : «C’est admirable, comme vous gardez votre sérieux. Tantôt, vous avez eu un air pour me dire ça…
» (III, 9). Il tombera néanmoins quand même sous l’emprise de Knock à la fin de la pièce.
Le culte de la médecine
Knock promeut la médecine comme un culte et ne prend en compte que « l’intérêt de la médecine
» (III, 6)
Pour lui, c’est même la médecine qui donne sens à la vie, à la manière d’une religion, comme en témoigne le champ lexical de la religion dans la scène 6 de l’acte III : «il y a deux cent cinquante chambres où quelqu’un confesse la médecine, deux cent cinquante lits où un corps étendu témoigne que la vie a un sens, et grâce à moi un sens médical.
»
À travers le triomphe de la médecine, Knock s’admire, le canton n’étant plus qu’ « une sorte de firmament dont je suis le créateur continuel.
» (III, 6)
Jules Romain montre ainsi que la science moderne peut avoir la prétention de remplacer les religions traditionnelles.
Elle maintient en effet les individus captifs d’un ensemble de croyances qui les dépassent et les soumettent. Le médecin remplace le prêtre, voire Dieu.
Les personnages éprouvent en effet une fascination craintive à l’égard du médecin, considéré comme le détenteur de savoirs vitaux : « Ne me trompez pas, docteur. Je veux savoir la vérité.
» (II, 4)
La volonté totalitaire de contrôler les corps et les esprits
Knock est animé d’une haine paradoxale pour les personnes bien-portantes : «Rien ne m’agace comme cet être ni chair ni poisson que vous appelez un homme bien portant.
» (III, 6)
C’est parce que chacun est potentiellement malade, et donc soupçonnable, que Knock justifie un contrôle absolu sur les corps et leurs moindres habitudes : « j’ai le droit de soupçonner le premier venu d’être porteur de germes.
» (II, 2)
Cette médecine inquisitrice et accusatoire agit comme un contrôle policier sur les individus.
Knock mobilise d’ailleurs régulièrement un vocabulaire militaire, et ce notamment lorsqu’il fait l’éloge de « la carte de la pénétration médicale
» (III, 6).
À terme, Knock contrôle jusqu’aux esprits, et transforme le village en un vaste hôpital entièrement consacré à la médecine, ou plutôt, à la maladie.
Knock est fasciné par le pouvoir et le contrôle. Il se détourne même finalement de l’argent : « Vous devinez que je ne tiens plus à l’argent dès l’instant que j’en gagne beaucoup
» (III, 6). Car c’est en définitive le contrôle absolu des individus qu’il cherche.
Une société d’individus manipulables
La transformation d’un paisible village en société totalitaire vouée à la médecine souligne le caractère manipulable des individus dès qu’ils sont confrontés à une personne qui sait les atteindre dans leurs fragilités et leurs egos.
Jules Romains démontre ainsi la crédulité des individus, qui se soumettent à une idéologie.
Seul Parpalaid dénonce avec lucidité « le charlatanisme » (III, 8) de Knock, et ironise : « les gens en ont assez d’être bien portants » et « veulent s’offrir le luxe d’être malades
» (III, 3).
Il en résulte un tableau tragique de la condition humaine, faible et manipulable.
L’aristocrate déchue, une des patientes de Knock, médite ainsi : « la condition humaine est une pauvre chose. Il est écrit que nous ne pouvons déloger un tourment qu’à condition d’en installer un autre à la place. Mais au moins trouve-t-on quelque répit à en changer.
» (II, 4)
Jules Romain jette un regard pessimiste sur la modernité : loin de libérer l’homme, elle risque de l’asservir par ses séductions dangereuses et mensongères.
Le danger de l’idéologie
Le médecin manipulateur triomphe dans la pièce mais semble lui-même victime de son idéologie.
Ainsi, Knock s’inflige lui-même « une vie de forçat
» (III, 4), et ne jouit visiblement pas de la richesse qu’il accumule.
Il semble au contraire l’esclave de sa soumission à la médecine : « ce que je veux, avant tout, c’est que les gens se soignent
(II, 2) ».
A la fin de la pièce, Knock avoue qu’il « évite de [se] regarder dans la glace
» (III, 9) car il ne peut « pas empêcher qu’un diagnostic s’ébauche
» en lui.
En définitive, l’idéologie qu’est la médecine moderne semble agir de manière autonome, et contrôler même ceux qui exercent la médecine.
Jules Romain dénonce les dangers d’une modernité qui peut finir par aliéner et piéger les humains.
Quelles sont les caractéristiques de l’écriture de Jules Romain ?
Le comique farcesque
Cette satire de la médecine s’inspire des comédies farcesques de Molière, comme Le Médecin malgré lui (1666) et Le Malade imaginaire (1673). De la farce, cette pièce reprend :
- La simplicité de l’intrigue. Divisée en trois actes brefs, elle repose sur la crédulité de villageois convaincus qu’ils sont malades par un charlatan habile.
- La simplicité des personnages secondaires, dont la psychologie se réduit à un seul trait. Ils agissent comme des pantins prévisibles et ridicules.
- Le jeu des pantomimes, jeu d’acteur fondé presque uniquement sur le corps et non sur la parole. C’est le cas avec Jean (I, 1) et les scènes d’auscultation, notamment celle des « deux gars » (II, 6).
- Le comique de mot fondé sur les jeux verbaux, comme l’homéotéleute fameuse «
Est-ce que ça vous chatouille ou est-ce que ça vous gratouille ?
» (II, 1). Le langage est également vidé de son sens par les néologismes médicaux que Knock utilise.
Le lyrisme emporté
Les répliques farcesques coexistent avec la langue plus raffinée que déploient Knock et son confrère Parpalaid.
Knock se distingue notamment par un lyrisme emporté qui culmine dans les tirades des dernières scènes (III, 6 et 9).
Il mobilise le vocabulaire de la religion, de la guerre et de la médecine, ce qui charge de gravité ses répliques manipulatrices.
Knock est tour à tour un charlatan ridicule et un orateur virtuose, ce qui souligne l’ambivalence et les contradictions du personnage.
L’hermétisme du langage technique
La langue de Knock se fait volontiers technique pour impressionner son auditoire.
Ainsi, le personnage mobilise des termes médicaux, mais ces derniers sont tour à tour véritables ou inventés : « quand vous êtes tombée de l’échelle, votre Türck et votre Clarke ont glissé en sens inverse
» (II, 4).
Knock joue à parler comme un médecin, improvise comme un comédien, « bâcle une ordonnance.
» (III, 5)
La pièce montre ainsi combien le prestige langagier de la science peut servir à impressionner pour manipuler. Les villageois ignorants, loin de démasquer le charlatan, sont fascinés et manipulés.
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Bonjour madame,
J’aurai aimé savoir si la pièce « Knock » avait été critiquée pour certaines raisons comme d’autres pièces de cette même époque.
Merci