L’illusion comique, Corneille, acte 5 scène 5 : analyse

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l'illusion comique corneille acte 5 scène 6Voici l’analyse de l’acte 5 scène 5 de L’illusion comique de Corneille.

L’extrait commenté va de « on tire le rideau et on voit tous les comédiens qui partagent leur argent » jusqu’à « Et ne vous plaignez plus de sa bonne fortune » .

L’illusion comique, acte 5 scène 5, introduction

Corneille écrit à 29 ans l’Illusion comique après s’être essayé au genre comique et tragique.

L’illusion comique est ainsi une œuvre qui fait la synthèse de ces deux genres théâtraux (la tragédie et la comédie).

Corneille y met en scène l’illusion théâtrale à travers une intrigue complexe : Pridamant vient demander au magicien Alcandre des nouvelles de son fils Clindor qui a fui la sévérité de son père. Grâce à un tour de magie, Alcandre montre alors Clindor vivant des situations comiques puis tragiques. (Voir la fiche de lecture complète de L’illusion comique)

A la scène 5 de l’acte V, « on tire un rideau » et Pridamant comprend qu’il a assisté à une pièce de théâtre dont son fils Clindor, devenu comédien, est le héros.

Plan de l’analyse de l’acte 5 scène 5 de l’Illusion comique de Corneille :

Ce dénouement baroque inattendu (I) est l’occasion pour Corneille de faire l’éloge du théâtre (II).

Questions possibles à l’oral sur le dénouement de L’illusion comique :

♦ En quoi cette scène 5 de l’acte V est-elle baroque ?
♦ En quoi ce dénouement de L’illusion comique est-il un éloge du théâtre ?
♦ Quel est l’effet de la mise en abyme dans cette scène ?
♦ Quelle image du théâtre et des acteurs nous donne à voir Corneille dans cette scène ?

I – Un dénouement baroque

A – Un coup de théâtre pour le spectateur

Corneille présente un dénouement inattendu pour le spectateur.

La didascalie «On tire le rideau et on voit tous les comédiens qui partagent leur argent» met subitement fin à l’illusion théâtrale.

Le rideau, objet scénique fondamental, symbolise ici la séparation entre l’imaginaire et le réel.

Cette levée du rideau constitue un coup de théâtre : le spectateur se rend compte que pendant toute la pièce les personnages ont joué une pièce.

La surprise du spectateur est reprise en écho par Primadant comme en atteste la ponctuation expressive de sa tirade : «Que vois-je !» .

Avec ce retournement de situation, la machinerie théâtrale est mise à nu d’où le champ lexical du théâtre : «charme», «acteurs», «troupe Comique», «Poème récité», «la Scène», «pièce tragique», «scène publique», «métier», «scène», «feinte», «Théâtre François».

Pridamant devient spectateur comme le montre l’anaphore du verbe voir : «Que vois-je», «Voyez», «Je vois Clindor», «Je vois», «Je vois». (c’est normalement le spectateur qui voit la scène )

B – Une mise en abyme : le théâtre dans le théâtre

Le dénouement de L’illusion comique repose donc sur une mise en abyme : le spectateur assistait à une pièce de théâtre dans une pièce de théâtre.

Alcandre révèle le subterfuge :
«Son adultère amour, son trépas imprévu,
N’est que la triste fin d’une pièce tragique
Qu’il expose aujourd’hui sur la scène publique
».

Il dissipe l’illusion théâtrale en levant les masques  : « Ainsi, tous les acteurs d’une troupe Comique, / Leur poème récité, partagent leur pratique« .

L’originalité de cette pièce est donc qu’il y a deux dénouements : le dénouement de la tragédie de Clindor et le dénouement de l’Illusion comique auquel nous assistons dans cette scène 5 de l’acte V.

Transition : Ce procédé de théâtre dans le théâtre est typique du mouvement baroque.

C – Un monde baroque où tout est sujet à illusion

Dans ce dénouement de L’illusion comique, Corneille dévoile un monde baroque, instable, sujet à l’illusion.

La frontière entre l’illusion et la réalité est brouillée.

Ainsi, on note que tout se dédouble :

♦ Le statut de spectateur est dédoublé : le public est toujours spectateur mais Pridamant le devient également.
♦ Le metteur en scène est celui qui conduit les acteurs de l’Illusion comique mais aussi Alcandre.
♦ Les acteurs sont des personnages qui deviennent des personnes jouant une pièce.
Le rideau tiré au début de la scène 5 n’est qu’un double du rideau de théâtre qui se referme à la fin de la scène.

Ainsi, les rôles sont dédoublés et les identités incertaines comme le montre l’antithèse «Pour assembler ainsi les vivants et les morts» qui accentue la rapidité des changements.

Corneille suggère que le monde est un théâtre où chaque personne joue un rôle.

Les hommes, comme les personnages de théâtre, affectent des sentiments qui ne correspondent pas à leur intériorité :
« Le traître et le trahi, le mort et le vivant
Se trouvent à la fin amis comme devant.
 »

Corneille dresse ainsi une satire de la société française dans laquelle l’hypocrisie et la dissimulation sont devenus un art de vivre : »la Scène préside à leur inimitié« . Dans cette phrase, si on remplace le terme « Scène » par « société », on perçoit la satire de Corneille : la société française est un théâtre qui enferment les hommes dans des rôles hypocrites.

Mais cette scène 5 de l’acte 5 est avant tout un éloge du théâtre.

B – L’éloge du théâtre français

 A – Le théâtre, un noble métier


1 – Le métier d’acteur : un noble métier

Dans ce dénouement, Corneille présente le théâtre comme un métier.

Ce métier nécessite art et compétence et a donc un prix d’où le champ lexical de l’argent : «partagent leur argent», «compte-t-on de l’argent», «partagent leur pratique», «la nécessité», «Le gain», «richesse», «les rentes sont bonnes», «un métier», «bonne fortune».

Cette irruption de l’argent dans la pièce crée une rupture de ton.

L’expression «Les rentes sont bonnes» relève en effet d’un style bas voire populaire qui tranche avec le style de la dramaturgie versifiée. Corneille souligne que le théâtre est un art exercé par des personnes d’origines diverses.

Alcandre insiste aussi sur le dénuement de Clindor à travers le champ lexical de la pauvreté : «fuite», «Prévôt», «poursuite», «nécessité», «extrémité». Être acteur est un métier difficile.

2 – Le théâtre : un art à part entière

Si le théâtre est un métier, il n’en reste pas moins un art.

Corneille met ainsi en valeur la magie de l’illusion théâtrale par les parallélismes de construction et les antithèses :

♦ « L’un tue et l’autre meurt, l’autre vous fait pitié »
♦ « Le traître et le trahi, le mort et le vivant
Se trouvent à la fin amis comme devant »
/

Cette illusion théâtrale est le fruit de l’art comme le montre le chiasme qui enferme l’illusion théâtrale dans le cadre de la parole : Leurs vers font leur combat, leur mort suit leurs paroles,

Ce sont les mots qui créent la terreur et la pitié dans une illusion verbale.

Les antithèses «traître»/ «trahi» et «mort» et «vivant» montrent que le théâtre est magique car il contient des potentialités inouïes et peut créer tout et son contraire.

Cette dimension magique apparaît aussi dans les didascalies à travers le pronom impersonnel «on», comme si une part de la machinerie théâtrale restait cachée, invisible.

Pour Corneille, le théâtre est un art aussi noble que la poésie. Il utilise ainsi des symboles de la mythologie grecque généralement attribués à la poésie «C’est là que le Parnasse étale ses merveilles».

A travers Alcandre, Corneille définit même la tragédie, mettant en relief les deux composantes de la tragédie définies par Aristote dans la Poétique : la «terreur» («tue»/ «meurt») et la «pitié».

La désapprobation de Pridamant qui s’exclame «Mon fils comédien !» et «Est-ce là cette gloire et ce haut rang d’honneur» montre le mépris de la vieille société aristocratique à l’égard des acteurs.

Mais Corneille porte un discrédite Pridamant par le registre comique de sa première réplique «Que vois-je ! chez les morts compte-t-on de l’argent ?». Ce décalage ironique fait de Pridamant un vieux barbon de comédie qui s’insurge des aspirations de la jeunesse et de la société.

Dans sa dernière tirade, Alcandre devient l’avocat du théâtre. Le présent de vérité générale et l’utilisation de l’auxiliaire «être» souligne l’autorité de sa définition :

«Cessez de vous en plaindre : à présent le Théâtre
Est en un point si haut que chacun l’idolâtre
»

L’adverbe d’intensité «si» et des adjectifs hyperboliquessi difficile», «tout entier», «superbe étalage», «un point si haut», «spectacle si beau», «un métier si doux») donnent une dimension noble et aristocratique au métier de comédien.

Cet art trouve d’ailleurs aisément son public.

B – Le théâtre, un divertissement universel

L’éloge du théâtre par Corneille est accentué par le succès rencontré par le théâtre, un divertissement à la mode qui trouve les faveurs de toutes les classes sociales.

Le théâtre est lié au plaisir comme le montre le champ lexical du divertissement : «Ravissent», «l’amour», «divertissement le plus doux», «délices du peuple», «plaisir des grands», «passe-temps», «illustres soins», «spectacle si beau».

Aux yeux de Corneille, le théâtre réunit toutes les classes sociales comme en atteste l’antithèse : «Les délices du peuple et le plaisir des grands».

En rassemblant toutes les catégories sociales, le théâtre devient un microcosme de la société qui réunit «Paris» et «Provinces» . La présence de «notre grand Roi» contribue à anoblir le théâtre.

Ce divertissement est surtout à la mode, ce que veut valoriser Corneille.

Alcandre adopte en effet un recul ironique à l’égard de la génération de Pridamant qu’il estime révolue :  «votre temps». Pour Corneille, l’austérité de Pridamant n’est plus adaptée au goût de la société du 17ème siècle pour les jeux, la préciosité et la frivolité.

C – Un éloge des protecteurs du théâtre

A travers ce dénouement, Corneille fait également l’éloge des protecteurs du théâtre : le roi et son premier ministre.

«Ceux dont nous voyons la sagesse profonde» est une allusion à Richelieu, Premier ministre de Louis XIII, féru de théâtre et qui a versé à Corneille une pension de 1500 livres pour écrire des pièces dont il souhaitait inspirer les sujets.

Les termes mélioratifs «sagesse», «profonde», «illustre», «beau» font l’éloge du roi Louis XIII, protecteur des arts.

Le bref registre épiquefoudre de la guerre», «deux bouts de la terre», «lauriers») divinise le roi dans un esprit courtisan.

L’union dans un même vers de « Paris » et des « Provinces » révèle un Corneille politique qui fait l’éloge de la centralisation monarchique opérée par Louis XIII : « L’entretien de Paris, le sujet des Provinces« . Dans cette optique, on peut considérer que Pridamant représente les Grands nobles réticents à se soumettre à l’autorité du Roi.

Dénouement de L’illusion comique, conclusion

Dans ce dénouement singulier de L’illusion comique, Corneille invite le spectateur dans les coulisses du théâtre.

Ce procédé du théâtre dans le théâtre correspond tout à fait au mouvement baroque et à une philosophie condamnant l’instabilité inquiétante du monde.

Mais ce texte est avant tout un éloge du théâtre français. D’ailleurs, Pridamant se range aux arguments d’Alcandre : l’argumentation de ce dernier a été convaincante.

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Amélie Vioux

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