Le Rouge et le Noir, chapitre 41, discours de Julien devant les jurés : lecture linéaire

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Le rouge et le noir partie II chapitre 41Voici une analyse linéaire du discours de Julien devant les jurés dans le chapitre 41 (partie II) du Rouge et le Noir de Stendhal.

Le passage étudié correspond au discours final de Julien lors de son procès (partie II, chapitre 41).

Le discours de Julien lors de son procès, introduction

Le Rouge et le Noir est un long roman d’apprentissage publié en 1830 par Stendhal, ancien officier de Napoléon.

Ce roman réaliste raconte l’ascension du jeune Julien Sorel, fils de charpentier de Franche-Comté, qui s’élève dans la haute société grâce à son intelligence ambitieuse, sa beauté juvénile, et son « âme frénétique ».

Cette « Chronique du XIXe » dresse un tableau social et politique d’une société déchirée entre monarchisme et libéralisme.

(Voir mon analyse du Rouge et le Noir – Fiche de lecture essentielle pour le bac de français)

Alors que s’organise le mariage entre Julien et la riche Mathilde de la Mole, fille d’un puissant marquis, Madame de Rênal fait connaître au père de Mathilde l’union qu’elle eut avec ce même Julien.

Ces révélations d’infidélité détruisent le projet du mariage entre Mathilde et Julien.

Ce dernier, par vengeance, tire sur son ancienne amante, qu’il ne parvient pas à assassiner.

Ce crime inattendu précipite la fin du roman, autour du procès de Julien.

L’extrait étudié ici en lecture linéaire se situe au chapitre 41 de la deuxième partie : « Le Jugement ».

Malgré ses soutiens influents, le jeune homme se condamne à mort avec un discours dénonciateur, qui accuse la société.

Problématique

Comment Julien Sorel, en prononçant ce discours devant les jurés, se condamne-t-il volontairement à une mort héroïque ?

Extrait étudié :

« Messieurs les jurés,
L’horreur du mépris, que je croyais pouvoir braver au moment de la mort, me fait prendre la parole. Messieurs, je n’ai point l’honneur d’appartenir à votre classe, vous voyez en moi un paysan qui s’est révolté contre la bassesse de sa fortune.
Je ne vous demande aucune grâce, continua Julien en affermissant sa voix. Je ne me fais point illusion, la mort m’attend : elle sera juste. J’ai pu attenter aux jours de la femme la plus digne de tous les respects, de tous les hommages. Mme de Rênal avait été pour moi comme une mère. Mon crime est atroce, et il fut prémédité. J’ai donc mérité la mort, messieurs les jurés. Mais quand je serais moins coupable, je vois des hommes qui, sans s’arrêter à ce que ma jeunesse peut mériter de pitié, voudront punir en moi et décourager à jamais cette classe de jeunes gens qui, nés dans une classe inférieure et en quelque sorte opprimés par la pauvreté, ont le bonheur de se procurer une bonne éducation, et l’audace de se mêler à ce que l’orgueil des gens riches appelle la société.
Voilà mon crime, messieurs, et il sera puni avec d’autant plus de sévérité, que dans le fait je ne suis point jugé par mes pairs. Je ne vois point sur les bancs des jurés quelque paysan enrichi, mais uniquement des bourgeois indignés… »
Pendant vingt minutes, Julien parla sur ce ton : il dit tout ce qu’il avait sur le cœur ; l’avocat général, qui aspirait aux faveurs de l’aristocratie, bondissait sur son siège ; mais malgré le tour un peu abstrait que Julien avait donné à la discussion, toutes les femmes fondaient en larmes. Mme Derville elle-même avait son mouchoir sur ses yeux. Avant de finir, Julien revint à la préméditation, à son repentir, au respect, à l’adoration filiale et sans bornes que, dans des temps plus heureux, il avait pour Mme de Rênal… Mme Derville jeta un cri et s’évanouit. »

Annonce du plan linéaire :

On peut découper cet extrait en quatre parties.

Dans la première partie, Julien se présente en jeune homme révolté par sa pauvreté (I). Puis il s’accuse (II) avant d’accuser la société dans une troisième partie (III). Enfin, dans la quatrième partie, le narrateur rend compte des vives émotions que le discours de Julien suscite (IV).

I – Julien se présente en jeune homme révolté par sa pauvreté

(De « Messieurs les jurés » à « la bassesse de sa fortune« )

Le discours que prononce Julien devant les jurés constitue sa plaidoirie, son discours de défense. C’est pourquoi il s’ouvre de manière solennelle avec l’adresse respectueuse « Messieurs les jurés ».

Cependant, dès la deuxième phrase, Julien justifie sa prise de parole par « l’horreur du mépris ».

Il apparaît alors comme un héros orgueilleux, qui refuse d’être jugé par des hommes qu’il méprise.

L’allitération en « r » exprime la répugnance du héros face à ses juges : « L’horreur du mépris, que je croyais pouvoir braver au moment de la mort, me fait prendre la parole« .

La répétition du mot « Messieurs » dans la deuxième phrase est une anaphore moqueuse, et non une marque de respect.

Le mépris de Julien Sorel transparaît dans la tournure ironique « l’honneur d’appartenir à votre classe » : les termes élogieux (« honneur », « votre classe ») sont en réalité un blâme.

L’allitération sifflante « vous voyez en moi un paysan qui s’est révolté contre la bassesse de sa fortune. » exprime la même colère de ce « paysan » révolté par la société.

II – Julien se condamne à mort en soulignant la préméditation de son crime

(De « Je ne vous demande » à « messieurs les jurés »)

Julien ne « demande aucune grâce » alors même qu’il risque la mort.

Le héros renverse ainsi la fonction de la plaidoirie, car il transforme sa défense en auto-condamnation suicidaire.

La fureur du héros a laissé place à une maîtrise de soi stoïcienne comme l’atteste le complément circonstanciel de manière « en affermissant sa voix. »

Cette détermination s’exprime via la parataxe lapidaire (juxtaposition de propositions sans mot de liaison) : « Je ne me fais point d’illusion, la mort m’attend : elle sera juste » qui souligne qu’il accepte son sort sans se plaindre.

Julien s’accuse également en composant un portrait idéalisant de Madame de Rênal, ce qui rend son crime encore moins excusable.

Le héros la désigne en effet avec un superlatif : « la femme la plus digne de tous les respects, de tous les hommages ». Il va jusqu’à l’élever au rang de mère par la comparaison « comme une mère ».

La brièveté de la phrase suivante se caractérise par la violence de ses adjectifs qualificatifs : « atroce », « prémédité » en italique dans le texte : « Mon crime est atroce, et il fut prémédité. » Loin de chercher des circonstances atténuantes, Julien aggrave son crime en révélant la préméditation.

Par l’allitération en « m » dans « J’ai donc mérité la mort, messieurs », le héros appelle de nouveau sa condamnation.

III – Julien dénonce l’injustice de la société

(De « Quand je serais » à « bourgeois indignés »)

 Mais Julien Sorel, après s’être accusé, accuse la société : « Je vois des hommes… ».

Le présent de l’indicatif (« Je vois« ) élève Julien au rang de juge.

L’accusé dénonce la cruauté des juges bourgeois, aveugles à ce que sa « jeunesse peut mériter de pitié ».

Julien se présente ainsi en martyr, condamné comme exemple.

A travers lui, les juges « voudront punir […] et décourager à jamais cette classe de jeunes gens […] nés dans un ordre inférieur, et […] opprimés par la pauvreté ». Julien considère donc qu’il est déjà condamné à mort du fait de son appartenance sociale.

Ce discours judiciaire est porteur d’une réflexion sociologique propre au roman réaliste. Stendhal se donne pour ambition de dire « La vérité, l’âpre vérité », car « Un roman, c’est un miroir qu’on promène le long d’un chemin », et qui doit dépeindre la réalité.

On constate cette visée au vocabulaire sociologique employé : « classe », « ordre inférieur », « opprimés », « la société ».

Le héros dénonce la violence (« Le Rouge ») et la noirceur (« le Noir ») d’une société monarchique qui étouffe les ambitions d’une jeunesse révolutionnaire et romantique.

Au paragraphe suivant, l’accusation de Julien à l’encontre de la société se poursuit avec le présentatif « Voilà mon crime » et la tournure superlative « sera puni avec d’autant plus de sévérité ».

Pour le héros, ce procès est injuste tout comme la société est injuste. Il est puni plus sévèrement car jugé par des hommes appartenant à une classe sociale supérieure.

L’antithèse qui oppose « paysan enrichi » et « bourgeois indignés » cherche à montrer que ce procès perpétue l’oppression sociale.

IV – Un discours qui provoque de vives réactions

(De « Pendant vingt minutes » à « jeta un cri et s’évanouit« )

Dans ce dernier paragraphe, le narrateur prend le relais de son personnage, et semble être favorable à ce discours pathétique : « il dit tout ce qu’il avait sur le cœur ».

L’avocat général (c’est à dire l’avocat de l’État, qui accuse Julien) est caricaturé en pantin comique (il « bondissait sur son siège« ) mue par une basse ambition :  « qui aspirait aux faveurs de l’aristocratie ».

Le comportement de l’avocat général s’oppose aux pleurs compatissants des femmes, bouleversées par cette plaidoirie pathétique : « toutes les femmes fondaient en larmes ». Notons l’allitération en « f » et la rime imparfaite « femmes/larmes » qui donnent l’impression d’entendre les pleurs.

Ces pleurs soulignent les qualités rhétoriques de Julien. Par le seul pouvoir de la parole, Julien Sorel clame sa révolte et émeut son public.

Enfin, Julien s’accuse une dernière fois, en une longue énumération conclusive : « Julien revint à la préméditation, à son repentir, au respect… ».

L’extrait s’achève avec une ellipse suivit d’une phrase brève et brutale : «… Madame Derville jeta un cri et s’évanouit. » Il y a ainsi une gradation dans les effets de ce discours : pleurs, cri, évanouissement. Julien, comme un acteur tragique, bouleverse le public.

Madame Derville fut témoin des amours de Julien et de Madame de Rênal, au début du roman. Évoquer ce personnage est une manière de former une boucle tragique dans l’œuvre, des amours heureux à la condamnation à mort.

Le discours de julien lors de son procès, partie II, chapitre 41, conclusion 

Julien Sorel se condamne à une mort héroïque en prononçant ce discours dénonciateur lors de son procès. Il s’accuse d’un crime abominable, autant qu’il dénonce l’injustice de la société.

Ce discours souligne la complexité de ce héros, à la fois criminel et victime de ses passions et de la société.

Pour aller plus loin :

Tu étudies Le Rouge et le Noir ? Regarde aussi :

Le Rouge et le Noir, incipit [lecture linéaire]
Le Rouge et le Noir, chapitre 4 (portrait de Julien) [lecture linéaire]
Le Rouge et le noir, chapitre 6, rencontre avec Mme de Rênal [lecture linéaire]
Le Rouge et le Noir, chapitre 9 (la conquête de la main) [lecture linéaire]
Le rouge et le noir, excipit (chapitre 45) [lecture linéaire]
Le Rouge et le Noir : résumé

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Qui suis-je ?

Amélie Vioux

Je suis professeur particulier spécialisée dans la préparation du bac de français (2nde et 1re).

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9 commentaires

  • Bonjour, Amélie,

    Je souhaite utiliser cette analyse pour le bac de français. J’ai essayé de le lire comme si je passais l’épreuve, mais seules les trois premières parties « entrent » dans les 10 minutes préconisées pour la présentation.

    Ma question est donc la suivante : cela ne fait-il rien que toutes les parties de ce texte soient dépourvues de sous-partie ?

    Merci d’avance !!

    • Bonjour Havana,
      Lors d’une lecture linéaire, des sous-parties ne sont pas attendues. On vous demande simplement d’analyser le texte en suivant un découpage de l’extrait en 2, 3 ou 4 mouvements.

      • Bonjour Amélie, si je comprend bien cela signifie que chaque parti correspond a un mouvement du texte, comment dois-je alors les énoncées ? « le mouvement suivant est julien dénonçant l’injustice de la société »

  • Pour ceux qui n’ont pas de prolongation: rapprocher Julien Sorel à Georges Duroy , héros de Bel Ami de Maupassant ou à un autre héros épique de la littérature française.

    • Bonsoir merci beaucoup pour l’ouverture, je dois dire que je suis assez peu inspiré pour le rouge et le noir . mais le rapprochement est-il sur l’ambiance, sur l’écriture, sur la thématique ou sur le mouvement littéraire ?
      Quoi qu’il en soit merci et bonne soirée.

  • Bonjour

    Auriez vous des explications sur le chapitre 19 du livre 2 et notamment sur la parenthèse de Stendhal dans laquelle il dit que Mathilde est un personnage fictif et que le roman est un miroir.
    Merci d’avance

  • Bonjour Madame,
    J’ai pour demain un oral blanc organisé en classe et dois étudier un texte. Je suis complètement perdue.
    Pourriez-vous m’aider pour faire un commentaire linéaire ?
    C’est un texte du Rouge et le Noir, chap13, livre II, de « Et moi, je vais séduire sa fille ! » à « mon compatriote Granvelle par exemple »
    Je vous remercie d’avance

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