Lettres d’une Péruvienne, lettre 29 : analyse linéaire

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Voici une analyse linéaire de la lettre 29 (édition de 1752) de Lettres d’une Péruvienne de Françoise de Graffigny (édition de 1752).

L’extrait étudié va du début de la lettre 29 à « auquel ils sacrifient leur repos et leur honneur ». 

Lettres d’une Péruvienne, lettre 29, Introduction

Françoise de Graffigny publie les Lettres d’une Péruvienne en 1747 après avoir tenté une carrière dans l’écriture théâtrale et fréquenté les salons où elle a rencontré Voltaire, Marivaux, Rousseau, d’Alembert et Diderot.

En 1752, Madame de Graffigny publie une nouvelle édition qui présente des modifications assez substantielles, notamment des corrections nombreuses et des ajouts de lettres. (Voir la fiche de lecture pour le bac de français sur Lettres d’une Péruvienne)

C’est le cas pour la lettre 29 qui, dans le prolongement de la lettre 28, s’inscrit dans la satire des mœurs parisiennes.

Problématique

Comment Françoise de Graffigny dénonce-t-elle, dans la lettre 29, une société française enfermée dans le paraître et corrompue dans ses valeurs ?

Plan linéaire

Nous verrons que Françoise de Graffigny observe la société française sous différents angles pour en dénoncer les travers.

Tout d’abord, l’autrice adopte un regard sociologique, en décrivant la frivolité des français. Puis, elle se fait moraliste et enfin satiriste, mêlant humour et ironie pour dénoncer la corruption de l’âme des Français.

I – Un regard sociologique sur la société française

De « Ce n’est pas sans véritable regret » à « perversité de leurs mœurs« 

Zilia commence sa lettre en pointant une opposition interne au caractère français qu’elle met en lumière par l’antithèse « admiration du génie des Français » / « mépris de l’usage qu’ils en font ».

Cette opposition génère une déception (« non sans un véritable regret » ).

Le champ lexical des sentiments (« regret », « admiration », « mépris », « je me plaisais », « nation charmante ») place Zilia dans une posture affective : elle n’est pas insensible au charme de la civilisation française, mais elle se pose aussi en analyste qui met en balance les qualités et les défauts comme le montre le parallélisme syntaxique « Je me plaisais … mais je ne puis… ».

Or, ce sont les défauts des Français qui prennent le dessus.

Françoise de Graffigny fait un retour malicieux vers le romanesque ( « Le tumulte (causé par le mariage de Céline) s’est enfin apaisé » pour mieux poursuivre son analyse de la société française.

Le parallélisme syntaxique et l’asyndète (absence de liaison par des connecteurs logiques) dans « j’ai pu faire des questions ; on m’a répondu » montre l’intégration de Zilia dans la société française et la clarté et la rapidité avec laquelle elle parvient à interpréter les signes produits par cette société.

La société française est frivole, superficielle, en proie aux superstitions comme le souligne le passage du champ lexical de la raison (« questions », répondu », « instruite », « savoir ») au champ lexical de la superstition (« bonne foi », « croyance », « dévoilent », « secrets »).

Le terme « perversité » par son étymologie montre un caractère malsain et diabolique de la société française. « Perversité » vient étymologiquement du latin perversus qui signifie « renversé, défectueux, vicieux ». La perversité mentionnée par Zilia dévoile une société dont les valeurs morales sont inversées.

II – Un regard de moraliste

De « Pour peu qu’on les interroge » à « qui composent leurs repas«  »)« 

Zilia, et Graffigny à travers elle, n’est pas seulement sociologue. Elle est aussi et surtout une moraliste dans le sillage des moralistes du 17ème siècle.

Le verbe « démêler », ironique, suggère une société complexe, fondée sur l’illusion et la tromperie.

L’allitération en (f) (« il ne faut ni finesse ni pénétration pour démêler que leur goût effréné pour le superflu ») suggère le caractère frivole d’une société qui ne fait que brasser du vent.

La critique se teinte d’une certaine gravité comme le montre le terme « corrompu » à connotation religieuse comme si la corruption morale de la société française demeurait une trace du péché originel.

L’énumération ternaire (« leur raison, leur cœur et leur esprit ») est imprégnée de rhétorique ecclésiastique, le rythme rappelant le dogme de la Trinité (le Père, le Fils et le Saint Esprit) comme si l’homme était, par la corruption parisienne, attaqué dans ce qu’il a de plus intime et de plus sacré.

Cette corruption se diffuse dans le quotidien de chaque Français et dans l’économie. Dans une formule stylistiquement proche d’un La Rochefoucauld, Graffigny montre que la société française ne répond pas aux besoins économiques les plus élémentaires : « Il a établi des richesses chimériques sur les ruines du nécessaire ».

L’antithèse « richesse » / « ruines< » souligne d’emblée les inégalités profondes d’une société qui n’assure plus la subsistance des plus pauvres.

L’adjectif « chimérique » qui fait référence à la Chimère de la mythologie grecque montre que caractère illusoire d’une richesse qui est concentrée entre quelques mains sans profiter à l’ensemble de la population.

Françoise de Graffigny prend ainsi part au débat économique qui opposait au milieu du XVIIIème siècle les mercantilistes et les physiocrates. Les mercantilistes, héritiers de Colbert au XVIIème siècle estiment que c’est la richesse de l’Etat qui organise lui-même le commerce intérieur et extérieur ; les physiocrates sont libéraux et estiment que la richesse d’un pays consiste en la richesse non de l’Etat mais de tous ses habitants. Ainsi, Graffigny prend parti pour les physiocrates, en considérant que la richesse mal répartie ne profite pas à tous.

Graffigny insiste sur la corruption morale des Français à travers une phrase construite en chiasme (structure ABBA) : « il a substitué une politesse superficielle aux bonnes mœurs et qu’il remplace le bon sens et la raison par le faux brillant de l’esprit ».

Le mot « bon » revient plusieurs fois sous différentes formes (« bonnes mœurs », « bon sens »), comme pour souligner que ce qui est véritablement bien et juste n’a pas de place dans la société parisienne. Celle-ci est enfermée dans le paraître et l’apparence. Ainsi, l’expression « faux brillant » rappelle que la société valorise le brillant superficiel plutôt que la vraie valeur.

La phrase « La vanité dominante des Français est celle de paraître opulents », par le présent de vérité générale résonne comme une maxime morale de La Rochefoucauld ou La Bruyère, deux moralistes du 17ème siècle qui se sont aussi attaqués au goût du faste dans la société française.

L’énumération « Le génie, les arts et peut-être les sciences » rappelle l’image rayonnante de la France dans le monde. Mais Graffigny crée une chute décevante en terminant la phrase par le mot « faste », qui réduit cette grandeur à une simple apparence extérieure.

La répétition du pronom indéfini « tout » mime l’excès des Français, toujours attirés par le luxe et les apparences : « tout se rapporte au faste, tout concourt à la ruine des fortunes« . La phrase longue et tortueuse mime le goût du faste des français.

Le champ lexical de l’ornement (« fragiles », « sans usage », « ornement », « parures », « éblouissantes ») ajoute une dimension ironique : à l’économie de subsistance fondée sur la production et l’échange de biens tangibles et nécessaires, se substitue une économie de biens superflus ou de pacotille qui illustre la superficialité de la civilisation française.

Graffigny dénonce non seulement la superficialité de la société française, mais aussi sa tendance impérialiste et colonisatrice. L’expression « à grands frais de toutes les parties du monde » suggère que les pays moins développés sont exploités pour leurs matières premières, que la France achète ensuite sous forme de produits exotiques et à la mode.

L’utilisation réitérée du pluriel (« ils tirent à grand frais de toutes les parties du monde les meubles fragiles » ) signale que la société se disperse dans une multiplicité d’objets futiles. Les parures, par le mot « couverts », deviennent presque des bijoux funéraires qui viennent ensevelir les Français superficiels.

III – Un regard satirique

« Peut-être mon cher Aza » à « leur repos et leur honneur« 

Zilia poursuit sa critique, qui prend une forme satirique. Par l’irréel du présent (« ne trouverais-je rien …si les Français avaient des trésors… »), elle met en relief l’absurdité de la richesse superflue des Français qui se fait au détriment de l’établissement d’un patrimoine solide, qui serait plus souhaitable (« après avoir établi leurs maisons sur une aisance honnête » ).

Le déterminant possessif « Nos lois » et l’apposition « les plus sages qui aient été données aux hommes » suggèrent la supériorité des lois incas. Pour Graffigny, une civilisation saine repose sur des réalités patrimoniales solides et non sur des valeurs ou objets superflus comme en France.

La pointe satirique est renforcée par le regard négatif porté sur les Français, considérés comme un peuple qui s’est détourné des vraies valeurs, comme le signale le champ lexical de la violence sacrificielle appliqué au peuple français : « dérèglement de l’imagination », « manquer à l’humanité », « crime », « idôlatres », « sacrifient ». L’argent est déifié par les Français, qui lui vouent un culte allant jusqu’au sacrifice de leur âme (« leur repos et leur honneur »).

Lettre 29, Conclusion

Françoise de Graffigny donne dans ce texte une vision très négative de la France. Elle porte un regard sociologique, économiste et moraliste lucide sur un peuple qui a abandonné les valeurs morales pour se complaire dans le goût du faste.

La lettre 29 des Lettres d’une Péruvienne n’est pas sans rappeler la lettre 24 des Lettres Persanes de Montesquieu, roman épistolaire de 1721 qui adopte le procédé du regard étranger, et qui dénonce avec ironie la superficialité des parisiens.

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Qui suis-je ?

Amélie Vioux

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