La mort des amants, Baudelaire : commentaire type bac

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la mort des amants baudelaire

Les Amants verts, Chagall

Voici un commentaire littéraire du poème « la mort des amants » de Charles Baudelaire.

La mort des amants, introduction

« La mort des amants » ouvre la dernière section des Fleurs du Mal, « La Mort », dans laquelle Baudelaire présente la mort comme l’ultime force salvatrice permettant d’échapper au Spleen.

 Questions possibles à l’oral de français sur « La mort des amants » :

♦ Quelle(s) vision(s) de l’amour et de la mort nous offre ce poème ?
♦ Commentez la présence et le rôle de la mort dans ce texte.
♦ Quelle est la conception de l’amour dans « La mort des amants » ?
♦ Comment la mort des amants permet-elle d’atteindre l’idéal baudelairien ?

Annonce du plan :

Dans « La Mort des amants », la vision idéalisée et absolue de l’amour (I) se réalise pleinement dans une mort ambivalente présentée comme un accès possible à l’Idéal (II).

I – Une vision idéalisée et absolue de l’amour

 A – Un amour fusionnel

L’amour évoqué dans « La mort des amants » est un amour absolu, fusionnel.

Le poète évoque d’abord l’amant comme un double, un alter ego qui lui permet de former le couple parfait.

On trouve ainsi un large champ lexical du double : « nos deux cœurs », « deux vastes flambeaux » (v. 5-6), « doubles lumières », « nos deux esprits », « miroirs jumeaux » (v. 7-8).

Dans le second quatrain, la reprise anaphorique de « nos deux » insiste sur la dualité du couple.

Par ailleurs, la coupure régulière des décasyllabes à la césure en deux hémistiches égaux accentue la symétrie et l’harmonie du couple :
« Nos deux cœurs seront / deux vastes flambeaux » (5/5)
♦  « Dans nos deux esprits, / ces miroirs jumeaux » (5/5), etc.

De plus, la première personne du pluriel est dominante : « Nous aurons » (v. 1), « pour nous » (v. 4), « nos » (v. 6 et 8), « Nous échangerons » (v. 10).

On note aussi que le pluriel est omniprésent dans les quatrains : « des lits pleins d’odeurs légères », « Des divans profonds comme des tombeaux », « d’étranges fleurs sur des étagères », « Écloses », « des cieux plus beaux » (v. 1 à 4), « leurs chaleurs dernières », « Nos deux cœurs seront deux vastes flambeaux », « leurs doubles lumières », « nos deux esprits, ces miroirs jumeaux » (v. 5 à 8).

Cependant, dès le premier tercet, on passe progressivement du pluriel au singulier, du deux à l’un : « Un soir fait de rose et bleu mystique », « un éclair unique », « un long sanglot », « un Ange » (v. 9 à 12). Les amants jumeaux fusionnent à travers cet « éclair unique » (v. 10).

Les amants ne font plus qu’un et plongent ensemble dans le Néant. En effet, dans le second tercet, les amants ne sont plus désignés que par la métonymie : « Les miroirs ternis et les flammes mortes » (v. 14).

B – Un amour sensuel

L’amour des deux amants est d’abord un amour sensuel.

La sensualité se manifeste à travers la synesthésie chère à Baudelaire. On retrouve évoqués dans le poème quatre des sens principaux :

♦ L’odorat : « odeurs légères » (v. 1), « étranges fleurs » (v. 4)
La vue : « cieux » (v. 4), « réfléchiront leurs doubles lumières » (v. 7), « miroirs » (v. 8 et 14), « de rose et de bleu mystique », « un éclair unique »
(v. 9-10)
L’ouïe : « un long sanglot » (v. 11)
Le toucher : « lits », « divans profonds » (v. 1-2), « chaleurs » (v. 5), « flammes » (v. 14).

A ces sens correspondent les quatre éléments :

♦ La terre : « tombeaux », « fleurs » (v. 2-3)
L’air : « cieux » (v. 4), « éclair » (v. 10), « un Ange » (v. 12)
L’eau : « long sanglot » (v. 11)
Le feu : « chaleurs », « flambeaux » (v. 5-6), « flammes » (v. 14).

Cette sensualité s’exprime aussi à travers des termes aux connotations érotiques : « les divans profonds » et les « chaleurs » des amants.

Elle est également accentuée par les sonorités.

En effet, les allitérations en « s », en « f », en « l », en « m » ou en « r » suggèrent tantôt le frottement des étoffes et des corps, le ronronnement berçant, la volupté et la douceur des dernières étreintes, tantôt le crépitement des flammes : « d’étranges fleurs sur des étagères », « sous des cieux plus beaux » (v. 3-4), « Nos deux cœurs seront deux vastes flambeaux », « réfléchiront leurs doubles lumres » (v. 6-7), « Un soir fait de rose et de bleu mystique » (v. 9), « Les miroirs ternis et les flammes mortes ».

Cet amour est non seulement charnel mais aussi spirituel.

C – Un amour spirituel

L’amour évoqué dans « La mort des amants » est aussi spirituel : Baudelaire n’évoque pas tant une fusion des corps qu’une fusion de l’âme.

Il met ainsi en évidence les sentiments des amants (« nos deux coeurs » ) et leur communion spirituelle (« nos deux esprits » ).

Le vocabulaire religieux souligne cette union spirituelle des amants : « cieux« , « mystique » , « ange » .

Baudelaire présente ici la mort comme un passage vers un au-delà. Si le corps des amants disparaît, leurs âmes survivent comme en atteste l’Ange qui ouvre des portes et ranime les flammes.

C’est donc l’union spirituelle des amants qui rend leur amour éternel.

II – Une mort ambivalente

A – Le lien entre amour et mort

L’amour et la mort sont ici intrinsèquement liés.

Ce lien est marqué dans le titre même du poème (« La Mort des amants » ) et se poursuit dans le premier quatrain, où les lieux d’amour sont comparés à des lieux de mort : « Des divans profonds comme des tombeaux » (v. 2)

Même si la mort n’est que suggérée, son ombre menaçante plane au-dessus des amants : « tombeaux », « étranges fleurs » (v. 2-3), « usant », « chaleurs dernières » (v. 5), « sanglot », « adieux », « miroirs ternis », « flammes mortes » (v. 11). La mort n’apparaît véritablement qu’au dernier vers à travers le terme « mortes ».

La métaphore filée des amants qui se consument (« usant à l’envi leurs chaleurs dernières », « flammes mortes ») est soulignée par le champ lexical du feu et de la lumière : « chaleurs », « flambeaux », « lumières » (v. 5 à 7), « éclair » (v. 10), « flammes » (v. 14).

Mais au lieu de séparer les amants, la mort les réunit dans l’union parfaite de la fusion.

B – La mort comme renaissance

La mort tient une place singulière dans ce poème.

Elle n’est pas synonyme de fin mais de renouveau, puisque les amants renaissent de leurs cendres à la dernière strophe : « un Ange […] Viendra ranimer […] Les miroirs ternis et les flammes mortes » (v. 12 à 14).

Paradoxalement, c’est dans la mort que les amants s’épanouissent et peuvent accéder à l’Idéal : « d’étranges fleurs […] Écloses pour nous sous des cieux plus beaux » (v. 3-4). Le superlatif (« plus beaux » ) souligne cet état idéal situé ailleurs, au-delà de la vie.

Par ailleurs, l’apparition du lexique religieux traduit bien l’idée d’une résurrection : « cieux » (v. 4), « de rose et de bleu mystique » (v. 9), « un Ange » (v. 12).

En outre, les assonances en « on », « ou » et « an » ainsi que la régularité du rythme confèrent au poème un ton incantatoire qui accentue l’impression de passage dans l’au-delà : « divans profonds comme des tombeaux », « étranges » (v. 2-3), « pour nous sous » (v. 4), « seront deux vastes flambeaux », « réfléchiront leurs doubles lumières» (v. 6-7), « comme un long sanglot tout chargé d’adieux », « un Ange entrouvrant les portes » (v. 11-12).

C – La mort : accès possible à l’Idéal ?

La mort est ici placée sous le signe de l’espoir, ce qui est marqué par l’emploi du futur dans tout le poème : « Nous aurons » (v. 1), « seront », « réfléchiront » (v. 6-7), « Nous échangerons » (v. 10), « Viendra » (v. 13).

Ce futur a pour effet d’inscrire l’union des amants dans un hors-temps infini, une sorte d’éternité.

La mort est également associée à la douceur à travers les sonorités comme l’allitération en « s » et en « m » vues précédemment, et les couleurs douces du soir (« Un soir fait de rose et de bleu mystique », v. 9).

On retrouve cette douceur dans le rythme régulier et fluide, fluidité marquée par les enjambements entre les vers à chacune des strophes (v. 3 à 4, 6 à 8, 10 à 11, 12 à 13).

Enfin, la mort se présente sous les traits d’un Ange « fidèle et joyeux » (v. 13).

C’est donc une mort attendue et heureuse, qui permet d’accéder à un monde nouveau et sans doute meilleur, une mort libératrice qui seule semble permettre d’échapper au Spleen. On retrouve cette même représentation d’une mort attendue et libératrice dans le poème « Recueillement« .

La mort des amants, conclusion :

Dans cette section qui conclue son recueil des Fleurs du Mal, Baudelaire attribue une place singulière à la mort.

Liée ici à l’amour, la mort est synonyme d’espoir, de renouveau et permet aux amants d’accéder à un monde supérieur, idéal, où leur fusion est rendue possible..

L’amour et la mort, du côté de l’absolu, sont ici idéalisés par le poète, qui voit en la mort son ultime espoir d’échapper au Spleen et d’accéder à un ailleurs.

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Amélie Vioux

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