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Voici une analyse du poème « Quand vous serez bien vieille » issu du recueil Sonnets pour Hélène de Ronsard.
« Quand vous serez bien vieille », introduction
Pierre de Ronsard, poète du XVIe siècle et chef de file du groupe de La Pléiade, est connu par-dessus tout pour sa poésie amoureuse, dont fait partie le recueil Sonnets pour Hélène auquel appartient ce poème.
Publié en 1578, alors que Ronsard est déjà célèbre, le poème « quand vous serez bien vieille » s’adresse à Hélène de Surgères.
Dans ce sonnet en alexandrins, le poète s’efforce de la séduire en lui dressant le tableau de la vieillesse solitaire qui l’attend si elle refuse ses avances.
Questions possibles à l’oral sur ce sonnet pour Hélène :
♦ En quoi la stratégie de séduction de Ronsard est-elle paradoxale ?
♦ Comment Ronsard mêle-t-il cour amoureuse et éloge de la poésie ?
♦ Que célèbre Ronsard dans ce poème ?
♦ Comment s’exprime le carpe diem dans ce sonnet pour Hélène ?
Annonce du plan
Nous verrons que dans ce sonnet « quand vous serez bien vieille », Ronsard adopte une stratégie de séduction paradoxale (I), puis nous aborderons la morale épicurienne qui ressort de ce texte (II). Pour terminer, nous soulignerons le pouvoir de célébration de la poésie que Ronsard met en avant dans ce poème (III).
I – Une stratégie de séduction paradoxale
A – Portrait d’une « belle indifférente »
La « belle indifférente », femme sublime qui dédaigne les avances du poète, est un topos (thème récurrent) de la poésie amoureuse et représente pour les poètes l’occasion de se plaindre de leur sort tout en louant la beauté de la femme aimée.
C’est ce que semble faire Ronsard ici, parlant de la beauté et du « fier dédain » d’Hélène.
Il dresse ainsi un portrait ambigu, mêlant des adjectifs mélioratifs (« belle », « louange immortelle ») au sentiment de regret (« Regrettant mon amour et votre fier dédain »).
B – « Quand vous serez bien vieille » : Une description cruelle de l’avenir
Etrangement, alors que ce sonnet est une tentative de séduction, Ronsard s’attarde bien plus sur la description de l’avenir d’Hélène et donc de sa vieillesse (comme le montrent les nombreux futurs : « serez », « direz », « aurez », « serai », « prendrai ») que sur sa beauté présente.
La quasi-totalité de ce sonnet pour Hélène est une projection vers l’avenir : Ronsard peint le tableau d’une Hélène en fin de vie.
On ne peut manquer de percevoir une cruauté volontaire de la part du poète : il la présente « vieille » au premier vers (avec l’adverbe intensif « bien ») puis « vieille accroupie » dans le premier tercet.
Cette gradation est accentuée par le tableau domestique que présente Ronsard : Hélène est occupée par des activités domestiques sans intérêt (« dévidant et filant »), solitaire (seule une servante semble l’accompagner) et presque dans le noir (« au soir, à la chandelle », « près du feu », « au foyer »).
C – Le narcissisme de Ronsard
Le poète, en revanche, s’accorde une place de choix dans ce sonnet.
Il n’est pas physiquement présent, puisque déjà mort dans le futur décrit (« sous la terre ») mais son « fantôme » est présent à chaque strophe, comme le révèle l’omniprésence des pronoms personnels à la première personne : « mes vers », « me », « mon nom », « je serai », « mon repos », « mon amour », « m’en croyez ».
Les deux autres personnes du poème, Hélène et sa servante, connaissent et admirent toutes deux le poète : Hélène s’extasie (« en vous émerveillant »), la vieille servante « se réveill[e] » en entendant le nom de Ronsard.
Ronsard prend également soin de ne pas se montrer dans son grand âge : dans cet avenir qu’il met en scène, il est déjà enterré et ne se décrit pas physiquement.
Rien de cruel dans ce tableau : il entoure son « repos » (il n’utilise pas le terme « mort ») de références mythologiques grecques avec les « ombres myrteux », la myrte étant associée à Aphrodite, déesse de l’amour.
Transition : En proposant à Hélène une vision cruelle de son avenir tout en célébrant son propre talent poétique, Ronsard lui fait la cour de manière ambiguë.
Son propos consiste avant tout à lui enjoindre d’accepter ses avances pour profiter de l’instant présent.
II – Une morale épicurienne
A – La fuite du temps
La fuite du temps est un thème récurrent de la poésie lyrique et amoureuse.
La projection dans l’avenir, avec une Hélène vieille et un Ronsard sous terre, accentue la rapidité du temps qui passe.
En revanche, les nombreux participes présents du sonnet soulignent la lenteur et la monotonie du quotidien d’Hélène (« dévidant et filant », « en vous émerveillant », « sommeillant », « réveillant », « bénissant », « regrettant »).
Cette allitération nasale en « an », assez étonnante car elle alourdit considérablement le rythme des vers, met en évidence l’ennuyeux quotidien d’Hélène (appuyé par la régularité métrique des vers du premier quatrain, coupés à l’hémistiche) et lui fait évoquer son passé avec nostalgie : « Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle ».
Avec le temps s’enfuit également la beauté : « belle » rime ainsi avec « chandelle », dont la flamme s’éteint une fois la cire fondue.
De même, le moment de la journée choisi (« au soir ») est symbolique : c’est la fin de la journée, mais aussi la fin de la vie d’Hélène, à qui il ne reste que les regrets (« regrettant mon amour »).
B – L’injonction du poète : vivre le moment présent
Alors que tout le sonnet « Quand vous serez bien vieille » est écrit au futur, les deux derniers vers sont à l’impératif (« vivez », « n’attendez », « cueillez »).
Cette rupture crée un effet de chute, de morale, avec les impératifs qui ont valeur d’injonction : il faut vivre le temps présent, c’est-à-dire accepter les avances de Ronsard.
Cette injonction (« n’attendez à demain », « cueillez (…) les roses de la vie ») fait écho au carpe diem (« cueille le jour ») du poème d’Horace, qui invite à profiter du temps présent. Cette devise est souvent associée au symbole de la rose, métaphore de la brièveté de la vie, car elle se fane très vite.
C – Une argumentation persuasive
Ce sonnet pour Hélène est une tentative de persuasion. Ronsard s’adresse directement à Hélène, comme l’indique le jeu des pronoms (je/vous).
L’argumentation tient en trois phases :
♦ Ronsard peint d’abord le tableau de la morne vieillesse d’Hélène (deux quatrains);
♦ Puis il établit un parallèle entre sa situation et celle de son interlocutrice (« Je serai sous la terre »/« Vous serez au foyer »).
♦ Puis vient la chute finale des deux derniers vers, soulignée par l’opposition entre l’avenir annoncé du premier vers (« quand vous serez vieille ») et le présent mis en évidence par la locution adverbiale « dès aujourd’hui » du dernier vers.
On peut ainsi lire ce sonnet comme une provocation argumentée : par ce portrait cruel, Ronsard chercher à faire réagir Hélène, à lui faire voir les avantages de la cour qu’il est en train de lui faire pour qu’elle ne regrette pas de l’avoir dédaigné.
Transition : Cette morale épicurienne de l’instant présent se met donc au service de la cour amoureuse de Ronsard à Hélène.
Mais ce sonnet, par sa projection dans le futur, rappelle également le pouvoir de célébration de la poésie, qui rend ses sujets immortels.
III – Le pouvoir de célébration de la poésie
A – Célébration de la beauté fugace
La rose n’est pas seulement le symbole de la vie : elle est aussi métaphore de la beauté, qui elle aussi se fane rapidement.
Ainsi, la beauté d’Hélène n’est évoquée que comme une chose passée, à l’imparfait : « Du temps que j’étais belle ».
L’adjectif « belle », qui rime avec « chandelle », autre objet éphémère, trouve un peu plus loin une autre rime : « immortelle ».
Ce jeu de rimes souligne l’objectif double de Ronsard :
♦ D’une part, il cherche à faire comprendre à Hélène le caractère fugace de sa beauté, qui finira par se flétrir (ce qui est une forme de provocation) ;
♦ D’autre part, il la célèbre et la rend ainsi « immortelle ».
B – Célébration du souvenir de la femme aimée
Le recueil est intitulé Sonnets pour Hélène : elle est à la fois destinataire et inspiratrice de ces poèmes.
Dans ce poème, bien que son nom n’apparaisse pas, elle est son interlocutrice, le « vous » du sonnet.
Ronsard lui rend hommage, et Hélène elle-même le reconnaît dans le poème : « Ronsard me célébrait ».
Le souvenir de cette célébration dure dans le temps : alors même que Ronsard est mort, Hélène se souvient de cette cour, et la servante se réveille et bénit le nom d’Hélène en entendant celui de Ronsard : il a ainsi assuré la célébrité de sa bien-aimée.
La poésie, contrairement aux corps physiques, résiste au temps et permet à ses sujets d’accéder à l’immortalité : c’est une faveur que Ronsard fait à Hélène.
C – Célébration du poète immortel
Ronsard met en scène un avenir où il n’est plus mais où tout le monde se souvient de lui, que ce soit les destinataires du sonnet (Hélène) ou leurs domestiques (la servante).
La seule évocation de son nom (« au bruit de mon nom ») suffit à tirer la servante de son sommeil et à se lancer dans les louanges de sa maîtresse (« Bénissant votre nom de louanges éternelles »).
Hélène elle-même, prenant la parole dans le poème, le fait en exprimant son admiration pour celui qui l’a tant aimée (« Ronsard me célébrait »).
Ce procédé permet à Ronsard de parler de lui-même à la troisième personne, signe d’orgueil et de conscience de son propre talent.
La poésie n’immortalise ainsi pas seulement son sujet mais aussi son auteur, comme l’illustre ce poème dans lequel la qualité de l’œuvre provoque l’admiration pour le poète.
Quand vous serez bien vieille, conclusion :
Ce sonnet se distingue d’autres poèmes amoureux par la stratégie paradoxale qu’adopte Ronsard : il peint un portrait négatif de sa belle tout en se mettant lui-même en valeur, pour la persuader de se laisser séduire.
Ainsi, la projection dans un futur où Hélène est vieille, ridée et pleine de regrets est destinée à la convaincre de profiter de l’instant présent… en sa compagnie, lui qui est si connu et talentueux.
Mais Ronsard rappelle également à son lecteur l’extraordinaire pouvoir de la poésie, qui rend immortels à la fois le sujet et l’auteur en les faisant passer à la postérité.
Ouverture possible : « Mignonne allons voir si la rose » où Ronsard détourne aussi le carpe diem dans le but de séduire Cassandre.
Tu étudies Ronsard ? Regarde aussi :
♦ Les fonctions de la poésie (vidéo)
♦ Stances à Marquise, Corneille (réécriture du poème de Ronsard)
♦ Remords posthume, Baudelaire (commentaire)
♦ « Comme on voit sur la branche » (sur la mort de Marie), Ronsard : analyse
♦ Je n’ai plus que les os, Ronsard : analyse
♦ « Mignonne, allons voir si la rose » (ode à Cassandre), Ronsard : analyse
♦ La ballade des pendus, Villon : lecture analytique
♦ « Je vis, je meurs » , Louise Labé : lecture analytique
♦ « Comme un chevreuil », Ronsard : lecture analytique
♦ Femme noire, Senghor : analyse
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Bonjour , je suis en 3eme est je passe mon brevet blanc de Français est-ce possible d’avoir ce genre de texte à analyser »demain dès l’aube »… car ma prof m’a dit que je tomberai sur un poème très connu.
Bonjour Amélie,
Comment feriez-vous le commentaire composé de ce sonnet en adoptant le plan suivant :
I- le sombre tableau de la vieillesse d’Hélène II- la douce évocation de la mort de Ronsard
III- l’amour déçu et le conseil épicurien du poète.
En attente de votre réponse, je vous souhaite une excellente journée.
Bien Cordialement,
Olivia
Bonjour,
J’ai un devoir a rendre et j’ai une question sur ce poème que je ne trouve pas sur ce site.
Quelle est la qualité Ronsard attribut-il à sa poésie?
Bonjour,
Je trouve ce site très utile,le contenu m’a beaucoup aidé pour mes devoirs.
Merci pour ce travail !
Bonjour,
Je dois faire une lecture linéaire sur ce poème mais je ne sais pas comment m’y prendre. Je maîtrise tout ce qui est théorie pour construire sa lecture linéaire mais je n’y arrive pas. Je ne sais pas comment commenter ce poème. Y-a-t-il une démarche de réflexion particulière à avoir ? L’argumentation du poème doit elle être faite à partir de son appréciation personnelle? Ou pas? Je ne sais pas si mes questions son suffisamment claires… Pouvez-vous m’aider s’il-vous-plaît?
Bonjour,
La lecture linéaire ne se fait pas à partir de ton appréciation personnelle : c’est une analyse rigoureuse du texte, ligne par ligne. C’est comme un commentaire, sauf que ton analyse va suivre le mouvement du texte que tu vas découper en deux, trois ou quatre parties.
Le professeur nous a demondé de comparer ce poème à celui de W.B.Yeast The Rose comment faire
Comment peut on lier ce plan avec une problématique axée sur la fuite du temps ? En effet je comprends tout à fait cet aspect du texte, pourtant ce plan ne me semble pas convenir à ce genre de problématique.
Il faut partir du sens des analyses pour reformuler les intitulés si besoin. Mon analyse te permet amplement de répondre à une question sur la fuite du temps.
En d’autres termes, Ronsard est un fieffé manipulateur qui utilise le pouvoir des mots pour obtenir, par la peur et le « chantage à l’immortalité », l’objet de sa convoitise.
Ce commentaire est très complet et très interessant. Merci beaucoup pour votre aide qui m’est très precieuse
Bonjour,
Je suis en train de ficher ce texte étant donné que j’ai mon oral blanc dans un mois, et j’aimerai vous poser deux petites questions :
1/ comment ficher un texte de bac de manière efficace ?
2/ dans le cas où, dans quelconque texte, je mets comme premier axe, la structure du texte en répondant à la problématique bien entendu, comment est-ce que je devrais m’y prendre ?
Merci !!
Bonjour. j’aimerai savoir les figuires de styles existantes dans ce sonnet
pour la problématique « comment s’ exprime le carpe diem dans ce poème » qu’est-ce qu’ on peut utilise comme plan?
Bonjour Amelie,
Je n’arrive pas à comprendre en quoi les poèmes « Stances »de Corneille et « Quand vous serez bien vieille… » de Ronsard sont une sorte de menace à l’encontre de la femme aimée.
Bonjour Elodie,
Dans ces poèmes, Corneille et Ronsard rappellent à la femme qu’elle va vieillir et perdre sa beauté. Ils l’enjoignent alors de profiter de sa jeunesse…en cédant à leurs avances. Les poètes font donc sentir une menace à la femme : la menace du temps qui passe et qui ravage les corps et les visages.
Merci beaucoup Amelie
bjr amelie je suis une eleve de second est mon prof de francais ma demendé de faie un commentaire composé sur le poeme de ronsard intitulé quand vous serai bien vieille est ce que je peux m’inspiré de votre exemple ??
Bonjour Raissane,
Tu peux t’inspirer de mon commentaire mais fais attention à ne pas faire du plagiat. Pour éviter cet écueil, je vous donne ici mes conseils pour vous aider des ressources que je vous propose sur mon site tout en rendant à votre professeur un travail original qui vous aide à progresser.
C’est recopié de kartable
Bravo amelie
Bonjour Lila,
Ta remarque m’a intriguée. Je suis allée voir le site en question et je suis très surprise de constater qu’ils ont repris mon analyse. Contrairement à ce que tu t’es imaginé, les commentaires du site Kartable sont récents, mon analyse de ce poème de Ronsard a été publiée bien avant, il y a plus d’un an et demi. D’ailleurs, si tu tapes ce commentaire sur un moteur de recherche, mon site apparaît bien plus haut dans les résultats de recherche car mon contenu, original, est publié depuis plus longtemps. Malgré tout, ta remarque m’a permis de prendre connaissance de ce plagiat, je contacterai le site en question pour obtenir des explications.
C’est « bénissant votre nom de louanges immortelles » et pas « éternelles » 🙂
très intéressant . j’ai habité a 500 /600 m du château de la possonnière ou est né
Ronsard . enfant je regardais souvent a travers les grilles de l’entrée . j’ignorais a cette
époque qui était Ronsard . on me disait , c’est le » château » de Ronsard .
Marc …. bac moins 4 ( CEP ) +
Bonsoir Amélie
Je n’arrive pas à comprendre en quoi ce poème rend immortelle Hélène?
Merci d’avance
Nahman
Le poème rend immortelle Hélène puisqu’un poème reste au fil des siècles. Même aujourd’hui, nous savons qui est Hélène, son nom est donc immortel.
Bonjour Amélie,
Un grand merci pour les bons conseils que vous proposez sur votre site !
Je suis passée hier à l’oral de français, et j’ai eu la même problématique que celle que vous avez proposé pour le sonnet pour Hélène ! Je m’en suis donc bien sortie !
Je suis ravie et reconnaissante de votre travail.
Merci et bonne continuation,
Laure
Très belle analyse, certes redondante à certains endroits (rien n’est parfait !), mais auriez-vous une quelconque idée d’ouverture ?
C’est une idée d’ouverture pour faire une opposition entre la fuite du temps et de l’amour dans ce poème et dans le Pont Mirabeau d’Apollinaire du recueil Alcools de 1913.
bonjours, auriez vous une idée d’ouverture mais avec un autre poème de Ronsard ?
Bonsoir Amélie, vous m’avez laisser un email l’autre jour pour m’indiquer les derniers jours d’inscription, mais je ne l’ai vu qu’aujourd’hui. Je m’excuse du retard.
Cependant merci beaucoup pour votre aide, vos astuces et vos cours m’ont beaucoup aidé, et je tiens à les garder.
Merci
très très clair, merci pour ce site de qualité !