La Peau de chagrin, Balzac, Réponse du vieillard après la signature du pacte

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Voici une analyse linéaire d’un extrait de la première partie de La Peau de chagrin de Balzac, « Le Talisman », dans lequel l’antiquaire répond à Raphaël, une fois que ce dernier a signé le pacte avec la peau.

L’extrait analysé va de « Non, non, jeune étourdi. » à « où il la mit presque machinalement ».

La signature du pacte maudit, réponse de l’antiquaire, introduction

La Peau de Chagrin, publié pour la première fois en 1831, occupe une place particulière dans l’œuvre réaliste de Balzac, plus connu pour ses Études de Mœurs.

Ce roman réaliste et fantastique constitue le premier tome des Études philosophiques. (Voir la fiche de lecture de La Peau de chagrin de Balzac)

Entré dans un magasin d’antiquités, Raphaël de Valentin découvre, grâce à un vieux marchand, une Peau de chagrin magique et en traduit l’inscription en sanskrit.

Le pacte proposé est machiavélique : à chaque vœu exaucé, sa vie s’en verra diminuée.

Après l’acceptation de ce pacte et les premiers souhaits de Raphaël, le vieillard adresse sa réponse.

Extrait étudié

Non, non, jeune étourdi. Vous avez signé le pacte : tout est dit. Maintenant vos volontés seront scrupuleusement satisfaites, mais aux dépens de votre vie. Le cercle de vos jours, figuré par cette peau, se resserrera suivant la force et le nombre de vos souhaits, depuis le plus léger jusqu’au plus exorbitant. Le brachmane auquel je dois ce talisman m’a jadis expliqué qu’il s’opérerait un mystérieux accord entre les destinées et les souhaits du possesseur. Votre premier désir est vulgaire, je pourrais le réaliser ; mais j’en laisse le soin aux événements de votre nouvelle existence. Après tout, vous vouliez mourir ? hé ! bien, votre suicide n’est que retardé.
L’inconnu, surpris et presque irrité de se voir toujours plaisanté par ce singulier vieillard dont l’intention demi-philanthropique lui parut clairement démontrée dans cette dernière raillerie, s’écria : — Je verrai bien, monsieur, si ma fortune changera pendant le temps que je vais mettre à franchir la largeur du quai. Mais, si vous ne vous moquez pas d’un malheureux, je désire, pour me venger d’un si fatal service, que vous tombiez amoureux d’une danseuse ! Vous comprendrez alors le bonheur d’une débauche, et peut-être deviendrez-vous prodigue de tous les biens que vous avez si philosophiquement ménagés.
Il sortit sans entendre un grand soupir que poussa le vieillard, traversa les salles et descendit les escaliers de cette maison, suivi par le gros garçon joufflu qui voulut vainement l’éclairer : il courait avec la prestesse d’un voleur pris en flagrant délit. Aveuglé par une sorte de délire, il ne s’aperçut même pas de l’incroyable ductilité de la Peau de chagrin, qui, devenue souple comme un gant, se roula sous ses doigts frénétiques et put entrer dans la poche de son habit où il la mit presque machinalement.

Problématique

En quoi cet extrait dévoile-t-il la personnalité complexe du personnage principal ?

Annonce de plan linéaire

Dans un premier temps, le destin de Raphaël de Valentin est scellé par le vieillard, qui instaure un rapport de force en sa faveur.

Dans un deuxième temps, Raphaël se défend avec insolence.

Enfin, dans un troisième temps, la course aveugle du jeune homme vers ses désirs constitue la première étape vers sa mort.

I – Un destin scellé

De « Non, non, jeune étourdi » à « votre suicide n’est que retardé. »

L’extrait s’ouvre sur une apostrophe péjorative, « jeune étourdi », adressée à Raphaël.

La réponse de l’antiquaire est loin d’être amicale : « Vous avez signé le pacte ». Le passé composé indique une action révolue et immuable.

Les formules utilisées sont des réminiscences religieuses (« tout est dit » semble renvoyer à « ita missa est » ; « vos volontés seront scrupuleusement satisfaites » renvoie au Notre Père): le vieillard indique par là que tout est scellé par une forme de loi divine.

Le destin de Raphaël est illustré par la métaphore du « cercle de vos jours ». La forme circulaire est la forme tragique par excellence, elle représente ici l’impossibilité pour Raphaël d’échapper à un destin scellé.

Le vieillard précise la nature du pacte : la surface de la Peau de chagrin diminue en fonction du degré du désir. L’expression au superlatif « depuis le léger jusqu’au plus exorbitant » confirme que chaque souhait sera comptabilisé, quelle que soit sa teneur.

Le futur à valeur de certitude donne une dimension prophétique à ces paroles : « se resserrera » .

Puis le vieillard retrace le récit de l’histoire de la Peau de chagrin : « le bramine auquel je dois ce talisman ». Il détient donc la clef du pouvoir du talisman grâce à un prêtre indien.

Tout est mis en place pour renforcer l’aura mystérieuse de la peau : la référence à une contrée éloignée géographiquement (« bramine« ) et temporellement (« jadis« ) . Le champ lexical du conte et de l’irrationnel entoure cet objet digne des Milles et une nuits : « talisman », « mystérieux accord », « destinées », « souhaits » .

Le vieillard fait allusion au premier désir de Raphaël qui consistait à avoir un dîner splendide. L’attribut « vulgaire » souligne le côté provocateur du vieillard : il montre par là que Raphaël n’a pas encore pris la mesure du mystère de la peau.

Le rôle du vieillard s’arrête ici dans la mesure où, comme il l’indique, une « nouvelle existence » commence pour Raphaël.

Sa prise de parole s’achève d’ailleurs sur un ton railleur : « Après tout, vous vouliez mourir ? hé ! bien, votre suicide n’est que retardé. » Ses multiples mises en garde n’auront servi à rien. Il confirme le destin funeste de Raphaël.

II – La raillerie de Raphaël

De « L’inconnu, surpris et presque irrité » à «si philosophiquement ménagés »

Le rapport de force entre Raphaël et le vieillard se poursuit : le champ lexical de la moquerie est présent (« toujours plaisanté », « singulier vieillard », « intention demi-philanthropique », « dernière raillerie », « moquez »). Ces éléments montrent que Raphaël se sent humilié de recevoir une leçon de vie de la part d’un vieillard.

Un mystère entoure également l’antiquaire à travers le choix d’adjectifs soulignant l’ambiguïté du vieillard : « singulier vieillard« , « intention demi-philanthropique » .

Raphaël répond alors par une boutade visant à tourner en dérision l’avertissement du vieillard : « Je verrai bien, monsieur, si ma fortune changera pendant le temps que je vais mettre à franchir la largeur du quai ». Le verbe « s’écria » au passé simple souligne sa verve et sa jeunesse.

Raphaël semble ne pas prendre la mesure de son acquisition : il souhaite « se venger d’un si fatal service » et lance une imprécation sur les amours du vieillard, faisant naître une image digne de comédie, celle d’un vieux barbon amoureux d’une jeune femme. Cette provocation tend à l’insolence.

Avec impertinence, Raphaël inverse le rapport avec le vieillard en lui faisant la morale, comme le souligne les verbes « comprendre » et « devenir » au futur : « Vous comprendrez alors…« .

Il se moque de l’antiquaire en sous-entendant sa pingrerie : « peut-être deviendrez-vous prodigue de tous les biens que vous avez si philosophiquement ménagés. » L’antithèse « prodigue » / « bien ménagés » souhaite dévoiler la prétendue mesquinerie du vieillard.

L’adverbe « philosophiquement », amplifié par l’adverbe intensif « si » est ironique : Raphaël suggère que le vieillard est avare par vice et non par sagesse.

Le rapport de force reste le même : la sagesse mesurée est du côté du vieillard et la verve inconsciente du côté de Raphaël.

III – La course aveugle de Raphaël

De « Il sortit sans entendre » à « où il la mit presque machinalement »

À ce moment, Raphaël est caractérisé par son emportement déraisonnable : le complément circonstanciel de manière « sans entendre un grand soupir que poussa le vieillard » confirme que la décision prise est risquée.

La succession des verbes d’action au passé simple (« il sortit », « traversa les salles », « descendit les escaliers ») souligne son empressement à quitter le magasin d’antiquités.

La métaphore « il courait avec la prestesse d’un voleur pris en flagrant délit » va dans ce sens, tout en ajoutant une connotation immorale.

Raphaël de Valentin apparaît déjà isolé et pressé de courir à sa vie de débauche : le garçon antiquaire « voulut vainement l’éclairer ». Le sens du verbe « éclairer » est particulièrement intéressant car il peut être pris au sens propre (ajouter de la lumière) et figuré (éduquer). En effet, malgré les multiples mises en garde, Raphaël fait le choix de ne pas en tenir compte et de rester dans l’obscurité.

La mise en apposition « aveuglé par une sorte de délire » rappelle l’hybris grecque qui conduit l’homme à vouloir dépasser sa condition humaine.

Le narrateur distille l’indice d’une folie naissante (il sera mention des « doigts frénétiques » de Raphaël plus loin), qui ne fera qu’amplifier au fil du roman.

Pressé, inconscient, orgueilleux, Raphaël n’est déjà plus conscient de la réalité, comme le suggère la négation totale « il ne s’aperçut même pas » .

« L’incroyable ductilité de la Peau de chagrin » souligne la souplesse du talisman tout en renvoyant à l’étymologie latine de ducere, à savoir la capacité à guider, voire à asservir.

La comparaison « devenue souple comme un gant » représente l’alliance indéfectible entre la Peau qui épouse parfaitement la main de Raphaël.

La dernière phrase fait de la Peau le sujet grammatical des verbes « se roula » et « put entrer » : il semblerait qu’elle s’anime, qu’elle soit douée d’une vie qui lui est propre.

Elle agit de son propre chef pour devenir invisible, cachée dans la poche de Raphaël, « où il la mit presque machinalement ». L’adverbe « machinalement » laisse poindre le danger : Raphaël, devenu jouet de la peau de chagrin, va perdre la maîtrise de sa vie.

Le pacte scellé, la réponse du vieillard, analyse

Raphaël de Valentin apparait comme un personnage complexe.

Le vieillard lui rappelle le pouvoir et l’histoire du talisman. De nature magique, quasi religieuse, il symbolisera désormais la vie de son propriétaire qui diminue au gré de ses désirs.

Le rapport de force entre les deux personnages est réel : constatant qu’il n’est pas entendu, le vieillard raille Raphaël qui riposte de façon insolente.

La course effrénée du jeune homme pour sortir symbolise déjà celle qui le conduira vers la réalisation de ses désirs, et par là, de sa propre mort.

Le lecteur observe dès cet extrait les premières conséquences de la leçon de sagesse du vieillard sur l’énergie vitale : Raphaël, qui a préféré le VOULOIR et le POUVOIR sur le SAVOIR, est entraîné dans un destin funeste.

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Amélie Vioux

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